CONCLUSION - LE SECTEUR DE LA MICROÉLECTRONIQUE : UN CAS D'ÉCOLE DE LA PROBLÉMATIQUE GLOBALISATION -INNOVATION- DÉSINDUSTRIALISATION

L'industrie de la microélectronique est soumise à une concurrence mondiale. Quelle que soit la nationalité de l'entreprise, sa stratégie d'implantation est globale et déterminée par la proximité avec les marchés porteurs et l'attractivité des territoires. L'impact de la globalisation sur les Etats dépendra donc de leur capacité à influencer la naissance de nouveaux marchés et à augmenter l'attractivité de leur territoire.

A défaut d'une politique industrielle forte au niveau communautaire et en raison d'une attractivité faible liée à la fois au poids de sa fiscalité et à des règles de concurrence pénalisantes pour les investissements sur son territoire, l'Europe apparaît fragilisée par la globalisation.

Par ailleurs, l'innovation joue un rôle déterminant pour assurer la compétitivité des entreprises. Dans le secteur des semiconducteurs, non seulement les technologies évoluent très rapidement, mais la gamme des produits est renouvelée en permanence. Des sommes considérables sont donc consacrées à la recherche et développement afin d'encourager l'innovation.

L'Europe dispose d'atouts importants en matière d'innovation tels qu'une population qualifiée, des centres de recherche reconnus internationalement et des instruments compétitifs d'incitation financière à l'innovation. Face à la globalisation, elle s'efforce donc de se positionner sur les secteurs à forte valeur ajoutée (conception des produits) et tend à renoncer à la production. Ainsi, dans le secteur de l'électronique grand public, il n'existe pratiquement plus de capacité de production dans l'Europe des 15 : les téléviseurs, les ordinateurs, les lecteurs de DVD, les téléphones portables sont désormais fabriqués dans les nouveaux Etats membres, voire en Asie.

Cette tendance à la désindustrialisation de l'Europe va t-elle s'étendre au secteur de la microélectronique ? L'Europe va t-elle renoncer à produire les composants et se spécialiser dans la conception des circuits ? Votre rapporteur estime qu'une telle orientation conduirait à terme à la disparition de la microélectronique européenne et à la perte de compétitivité globale de pans entiers de l'économie.

Le développement des applications liées au « More than Moore » constitue une opportunité pour l'Europe, mais seulement à deux conditions.

D'une part, il faudra que sa spécialisation industrielle corresponde à l'essor des nouveaux marchés liés aux applications. L'exemple des diodes luminescentes organiques illustre cette problématique. Ces dernières ont vocation à se développer dans deux secteurs : les écrans et l'éclairage. Or, l'industrie européenne a « perdu la bataille des écrans » qui sont tous conçus et fabriqués par des entreprises asiatiques. En ce qui concerne l'éclairage, Philips est un acteur majeur mais la concurrence chinoise est forte. Les diodes luminescentes organiques ne constitueront donc un marché porteur pour l'Europe que si un tissu de PME innovantes se développe dans le domaine de l'éclairage.

D'autre part, si les applications liées au « More than Moore » peuvent permettre la reconversion des sites de production européens, ces restructurations seront coûteuses et nécessiteront l'intervention des Etats.

En outre, l'Europe doit conserver un volume minimum de production sur son territoire afin de garder la maîtrise de la technologie et de rester compétitive en matière d'innovation, même si elle n'a pas vocation à concurrencer les fondeurs taiwanais.

En effet, dans le segment « More Moore » du secteur des semiconducteurs , « la recherche suit la production » : concrètement, ce sont les préoccupations des industriels qui déterminent les nouveaux thèmes de recherche. Il serait donc à craindre que la délocalisation de la production entraîne celle des centres de recherche.

L'Europe doit donc poursuivre sa stratégie de développement de la compétitivité par l'innovation : l'objectif que se sont fixés les Etats européens à Lisbonne en visant une part consacrée à la recherche représentant 3 % du PIB reste plus que jamais d'actualité.

Néanmoins, cette politique doit s'accompagner d'une stratégie volontaire visant à lutter contre la désindustrialisation en Europe. Ainsi, le soutien public à l'innovation doit être mieux ciblé afin d'inciter la spécialisation technologique de l'Europe dans des marchés porteurs. La question des aides à l'investissement doit également être posée dans la mesure où tous les grands pays concurrents y recourent.

Par conséquent, l'Europe et la France ne peuvent pas se passer d'une politique industrielle volontariste établissant quelques priorités sectorielles qu'elles s'engagent à privilégier par des crédits récurrents à moyen terme.

Au terme de cette étude, il apparaît également que les applications liées aux progrès de la microélectronique sont à double tranchant.

Ce secteur devrait jouer un rôle crucial pour surmonter les défis sociétaux du XXIème siècle tels que la maîtrise des dépenses de santé et des coûts liés au vieillissement de la population, le renforcement de l'efficacité énergétique, la gestion du trafic routier et la sécurité des biens et des personnes.

Simultanément, la diffusion massive de la microélectronique dans nos objets quotidiens, la capacité de ces derniers à communiquer entre eux ainsi que le développement de technologies de traçage invisibles posent de réels problèmes en matière de protection des données à caractère privée.

En outre, non seulement l'industrie des semiconducteurs est très consommatrice en ressources naturelles, mais ses applications représentent une part non négligeable de la consommation d'électricité globale.

L'essor de la microélectronique doit donc être concilié avec le respect des données privées et de l'environnement.

La loi du 6 janvier 1978 modifiée le 6 août 2004 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés a créé la commission nationale de l'informatique et des libertés. Celle-ci doit rester au coeur du dispositif de contrôle du respect des données privées par les technologies utilisant la microélectronique, même si la protection des libertés publiques doit être prise en compte dès le développement des produits pour être efficace.

Enfin, l'essor d'une « électronique verte » doit être vivement encouragé dans une stratégie globale de développement durable.

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