III. L'UTILITÉ DES CLASSEMENTS : D'UN MAL  PEUT-IL SURGIR UN  BIEN ?

Pour intéressants qu'ils soient, les classements ont un impact disproportionné par rapport à leur portée réelle .

Ceci justifie de réfléchir à un mode d'évaluation plus juste, mais qui constituerait un outil d'information au service des citoyens , en complément des modes d'évaluation stratégique existant actuellement, qui ne sont lisibles que par les spécialistes.

A. L'IMPACT EXCESSIF D'UN INSTRUMENT IMPARFAIT

1. L'influence des indicateurs sur les acteurs

L'impact des classements universitaires sur les comportements des acteurs est démontré par plusieurs études, réalisées principalement à l'étranger.

Cet impact est perceptible, en France, au travers de l'objectif, fixé par le Président de la République, d'avoir deux établissements français classés dans les 20 premiers mondiaux et 10 parmi les 100 premiers.

a) Qui sont les consommateurs de classements ?

Les classements s'adressent en effet à un public divers, directement ou indirectement visé :

- De façon directe, nombre de classements s'adressent aux étudiants, futurs étudiants et à leur famille, afin de les aider à effectuer leurs choix d'orientation.

- Les classements peuvent également être pris en compte par les entreprises embauchant de jeunes diplômés.

- Les informations qu'ils divulguent sont aussi d'intérêt pour l'État , ainsi que pour les autres bailleurs de fonds, dans une optique d'optimisation de l'allocation des ressources ;

- Les universités elles-mêmes s'en servent pour évaluer leurs partenaires potentiels dans le cadre d'accords d'échanges ou de doubles cursus, de plus en plus fréquents. Les comparaisons internationales joueront un rôle croissant à l'avenir en contribuant à la structuration de réseaux internationaux.

Les universités se servent aussi des classements pour attirer les meilleurs étudiants et les meilleurs chercheurs. Ainsi, tandis que les classements sont abondamment critiqués, les universités les utilisent néanmoins dans leur politique commerciale.

- Enfin, les agences chargées de l'évaluation des établissements d'enseignement supérieur manifestent un intérêt mesuré pour les classements, dont elles soulignent bien évidemment les limites. Elles ne peuvent toutefois pas les ignorer complètement. On perçoit cette ambiguïté à la lecture de rapports du Comité national d'évaluation (CNE, dont les attributions sont aujourd'hui reprises par l'AERES).

LES CLASSEMENTS INTERNATIONAUX D'UNIVERSITÉS
VUS PAR LE COMITÉ NATIONAL D'ÉVALUATION (CNE)

Le CNE n'adhère pas aux pratiques de « ranking ». Il en admet néanmoins l'influence, voire leur reconnaît une certaine utilité :

« Si, pour des raisons méthodologiques, le CNE n'adhère pas aux classifications d'établissements ou aux pratiques de « ranking », on peut néanmoins rappeler que Paris 1 apparaît comme la seconde université française derrière Paris 6 dans le dernier classement du Times international. » 65 ( * )

« Le CNE n'a pas pour habitude de procéder à des classements d'universités, ce n'est pas son objectif. Pour autant, il ne peut se désintéresser de récents classements (Shanghai et Times). D'une part, ils sont largement commentés dans la presse et, d'autre part, l'UPMC les utilise dans ses supports de communication. » 66 ( * )

« L'idée de classement ne semble pas compatible avec la diversité des établissements, ni rendre compte de la multiplicité des indicateurs et critères de référence nécessaires à l'évaluation. Cependant, l'idée d'établir des comparaisons des performances, ou même des classements, à partir d'une approche univoque n'est pas rejetée. L'intérêt de « points de référence », de procédures explicites ou de critères « génériques », idéalement européens, standardisés, est admis, permettant ainsi aux établissements de relativiser leurs pratiques et leurs résultats. Il s'agit du benchmarking . » 67 ( * )

Source : CNE

L'ensemble des acteurs s'accordent à penser que les classements, quoique critiquables, sont inévitables.

C'est pourquoi les classements exercent également une fonction d'incitation. Ils ne font pas que rendre compte de la réalité. Ils la modifient aussi , en fixant des priorités, qui sont fonction des indicateurs choisis.

* 65 « L'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et l'IAE de Paris » (Rapport d'évaluation du CNE, juillet 2005).

* 66 « L'Université Paris 6 Pierre et Marie Curie » (Rapport d'évaluation du CNE, janvier 2006).

* 67 Compte rendu du colloque organisé par le CNE : « De Berlin à Bergen, nouveaux enjeux de l'évaluation » (2004) in « Nouveaux espaces pour l'Université », rapport du CNE au Président de la République (2000-2004).

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