EXAMEN DU RAPPORT DE LA MISSION

Au cours de sa séance du mercredi 2 juillet 2008 sous la présidence de M. Christian Demuynck, président, la mission commune d'information sur les politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion a procédé à l'examen du rapport de M. Bernard Seillier, rapporteur.

A l'issue de l'exposé de M. Bernard Seillier, rapporteur, un large débat s'est engagé.

M. Charles Revet a d'abord souligné la nécessité de simplifier au maximum les dispositifs et la gouvernance des politiques d'insertion.

Il a ensuite insisté sur le caractère préoccupant des situations d'endettement de certains ménages, aggravées par la multiplication non contrôlée des crédits à la consommation. Evoquant les systèmes de crédits plus encadrés de certains pays européens, il a indiqué qu'il présenterait un amendement allant dans le sens d'une plus grande responsabilisation des organismes de crédit dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie. Il a estimé que ceux-ci devaient être sanctionnés lorsqu'ils ne respectent pas les règles de prudence tenant compte de la situation financière des ménages emprunteurs.

Rappelant les interventions décevantes des représentants du ministère de l'éducation nationale auditionnés par la mission, M. Charles Revet a estimé que la situation que l'on connaît où 150.000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme est inacceptable et que la rigidité du cadre éducatif ne permettait pas aux jeunes de s'épanouir à l'école, celle-ci devant s'appuyer davantage sur les motivations des élèves.

M. Paul Blanc s'est dit favorable à une généralisation du revenu de solidarité active (RSA) dans les délais annoncés par le Président de la République et le Haut-commissaire aux solidarités active, estimant qu'il y a une attente forte qu'on ne peut décevoir après l'échec du RMI. Il a souhaité que la proposition du rapport recommandant d'attendre au minimum deux ans avant de légiférer soit supprimée.

Enfin, rejoignant la position du rapporteur, il s'est dit attaché à la promotion des instruments de validation des acquis de l'expérience et au soutien à la création d'entreprise.

Mme Annie David s'est dite globalement en accord avec les orientations du rapport.

S'agissant des indicateurs de la pauvreté et de l'exclusion sociale, elle s'est inquiétée que la référence aux revenus médians ne dissimule le creusement des inégalités de niveaux de vie entre les plus riches et les plus pauvres.

Après avoir partagé le constat du rapporteur de l'échec du système éducatif, s'agissant des élèves sortant sans diplôme ni qualification, Mme Annie David s'est opposée à l'idée qu'une mission sociale soit imposée à l'école, laquelle ne peut pas se substituer à la société. Citant les travaux de Thomas Piketty sur l'impact positif de la baisse des effectifs dans les classes, elle a par ailleurs estimé que la solution ne résidait pas dans la suppression des postes, mais bien dans une augmentation des moyens attribués à l'école.

Elle s'est en outre inquiétée de la précarisation croissante de la situation des femmes exerçant une activité à temps partiel subi et des salariés faiblement rémunérés. Elle s'est également prononcée en faveur d'une meilleure couverture des soins par la CMU-c, s'inquiétant notamment des refus de soins aux patients qui en sont bénéficiaires. Elle a craint que de la restructuration de l'hôpital public ne résulte une dégradation des soins pour les personnes les plus démunies.

Partageant l'ensemble des constats du rapport, elle s'est dite néanmoins réservée sur certaines de ses propositions.

M. Alain Gournac s'est félicité, pour sa part, que le rapport affirme clairement que l'école ne joue pas son rôle dans la réduction de la pauvreté et dans la prévention de l'exclusion sociale. Il a estimé que l'éducation nationale avait trop longtemps ignoré sa mission sociale, notant en outre que les maires qui ont vocation à être prévenus en cas de déscolarisation d'un enfant ne le sont que trop rarement. Il s'est ensuite déclaré très favorable aux écoles de la deuxième chance, et a affirmé que la réduction du nombre d'élèves par classe n'était pas le seul facteur de l'amélioration des résultats scolaires, qui est liée à des causes plus complexes. Il a enfin émis le souhait que des suites concrètes soient données à ce rapport, regrettant par ailleurs qu'il n'existe pas, à ce jour, de mesure scientifique de la pauvreté.

Puis il a insisté sur le rôle essentiel de l'accompagnement pour lutter contre le non recours aux droits fondamentaux.

Il a souscrit aux propos de M. Charles Revet sur la responsabilité des sociétés de crédit dans les situations de surendettement des ménages, qui sont parfois à l'origine d'un basculement dans la pauvreté et l'exclusion.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle a approuvé la démarche cohérente retenue par le rapporteur, privilégiant une approche globale et transversale des politiques de lutte contre la pauvreté.

S'agissant de la formation des demandeurs d'emploi, dont elle a rappelé qu'elle s'inscrivait dans le cadre de parcours personnalisés, elle a préconisé le passage d'une formation axée sur le savoir-faire et le savoir-être à une formation véritablement professionnalisante.

Concernant l'insertion par l'activité économique (IAE), elle a fait remarquer que l'agrément délivré par l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) aux publics en recherche d'emploi était fondé sur des critères professionnels, alors que ceux qui en sont les plus éloignés présentaient des problématiques périphériques à l'emploi. Elle a également préconisé de caler les conventionnements des structures d'IAE sur l'année civile.

Enfin, elle a regretté que le rapport n'évoque pas les clauses d'insertion dans les marchés publics, et a recommandé, dans le cadre des contrats aidés, d'assouplir les contraintes administratives et de faire référence, pour chaque personne, à un projet professionnel cohérent.

Souscrivant à ces propos sur l'approche transversale du rapport, M. Jean Desessard a exprimé quelques points de désaccord concernant le RSA, craignant qu'il soit considéré par les entreprises comme une subvention publique en faveur du travail à temps partiel. Il a affirmé sa préférence pour un revenu d'existence universel versé à tous, y compris aux jeunes de moins de 25 ans, qui ne sont actuellement pas éligibles au RMI. Saluant les progrès que représenterait la création d'une allocation d'autonomie, il a néanmoins estimé nécessaire que la question des jeunes soit abordée de façon plus globale.

Par ailleurs, il a souligné le caractère relatif des indicateurs et jugé qu'il était important de connaître leurs limites. Le rapport entre le niveau de vie des 10 % les plus riches et celui de 10 % les plus pauvres, qui s'élève à 3,15 ne reflète pas, selon lui, l'ampleur des inégalités.

Il a ensuite rappelé l'importance des discriminations scolaires. Il a salué à cet égard l'analyse des causes de ces inégalités dans le rapport, qui met notamment en relief l'impact du milieu culturel. S'agissant de l'orientation vers les secteurs professionnels et de la valorisation du travail manuel, il a néanmoins regretté que le rapport n'ait pas été plus précis.

Se disant en désaccord avec le rapporteur sur les orientations prises par le Gouvernement dans la définition de l'offre raisonnable d'emploi, il a stigmatisé un système d'économie libéral basé sur la concurrence et laissant de côté les personnes insuffisamment productives.

Compte tenu de ces observations, il a précisé qu'il s'abstiendrait lors du vote sur le rapport.

Mme Brigitte Bout a insisté sur l'importance de l'accompagnement dans l'emploi, à travers des instruments tels que le parrainage. Après avoir estimé qu'un véritable accompagnement existait déjà dans l'enseignement professionnel, citant notamment l'existence de parrainages dans le secteur du BTP, elle s'est dite en accord avec les passages du rapport consacrés à la dignité de la personne qui ne peut souvent être retrouvée que dans le cadre d'un accompagnement. Enfin, elle s'est inquiétée de la réduction du niveau de vie des retraités touchés par la baisse progressive de leur revenu qui résulte de la réforme des retraites et de la dégradation du rapport entre retraités et actifs.

En réponse à MM. Charles Revet et Alain Gournac, M. Bernard Seillier, rapporteur, est convenu de la nécessité d'une vigilance accrue s'agissant du surendettement des ménages et de l'octroi des crédits à la consommation.

Sur la question scolaire, il a insisté sur le rôle et la formation des conseillers d'orientation ainsi que sur la réintroduction de l'apprentissage manuel à l'école. S'agissant de la mission sociale de l'école, il a proposé que la formule « mission de promotion sociale » soit retenue, estimant qu'elle correspondait mieux à l'esprit du rapport.

En réponse à M. Paul Blanc, il a estimé qu'il convenait de prendre le temps nécessaire pour aborder la réforme du système de solidarité nationale dans la perspective, plus large, d'une politique de redistribution des revenus, approche dont il a regretté qu'elle soit tombée en désuétude. Il a souhaité que les résultats de l'expérimentation soient évalués avant toute généralisation du RSA.

Convenant des problèmes soulevés par la généralisation du RSA, M. Paul Blanc a souligné les dangers du report de la généralisation du dispositif à une date ultérieure, qui pourrait être entendu comme une remise en cause de la réforme prévue.

Ayant rappelé son adhésion au principe même du RSA, M. Bernard Seillier, rapporteur, a souligné la nécessité de se laisser le temps de tirer les enseignements des expérimentations conduites actuellement dans une trentaine de départements volontaires. Il a fait valoir que la position exprimée par l'Assemblée des départements de France, dont il doit être tenu compte, allait dans ce sens.

M. Paul Blanc a estimé en effet raisonnable de légiférer sur le fondement des premiers résultats des expérimentations.

Sur la suggestion de M. Christian Demuynck, Président, la mission a finalement retenu la formulation précisant qu'il convenait de « créer les conditions du succès du RSA généralisé en se laissant le temps de l'expérimentation et de l'évaluation ».

Enfin, la mission a approuvé le titre du rapport proposé par M. Bernard Seillier, rapporteur - « Lutter contre la pauvreté et l'exclusion : une responsabilité à partager » - et en a adopté les conclusions , le groupe communiste républicain et citoyen s'abstenant ainsi que M. Jean Desessard, rattaché administrativement au groupe socialiste.

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