II. L'ÉCHEC DES POLITIQUES CENTRALISÉES

A. L'ÉCOLE PRIMAIRE REPLACÉE AU CENTRE DU DÉBAT

Le constat établi dans la première partie est sans équivoque : les inégalités scolaires se constituent surtout à l'école primaire et sont quasiment irrémédiables ensuite 140 ( * ) .

15 % des élèves seraient ainsi en difficulté à la fin de l'école primaire, les enquêtes internationales montrant que certains pays, tels la Suède ou la Pays-Bas parviennent à faire baisser cette proportion à moins de 5 % 141 ( * ) .

C'est la raison pour laquelle le ministre de l'éducation nationale a souhaité recentrer l'école sur sa mission de transmission et d'acquisition des savoirs de base.

La mission estime que la définition d'un socle commun de connaissances et de compétences, l'évaluation dès le CE1 et la mise en place de dispositifs d'aide individualisée sont autant de mesures directement favorables aux enfants défavorisés .

Il semble aujourd'hui que les améliorations qui restent à apporter sont relatives à la pédagogie scolaire, inadaptée aux élèves issus de milieux populaires, dont la culture relève davantage « de formes sociales orales à faible degré d'objectivation du savoir » 142 ( * ) , peu mises en valeur à l'école.

Une réflexion doit en outre porter sur la scolarisation précoce des enfants des classes populaires.

Enfin, si la question des moyens doit être soulevée dans l'éducation nationale, c'est bien dans l'enseignement primaire. Les recherches de M. Thomas Piketty ont en effet montré « qu'une réduction de la taille des classes à 17 élèves en CP et CE1 (au lieu de 22 actuellement) permettrait de réduire de près de 45 % l'inégalité en mathématiques à l'entrée en CE2 entre écoles ZEP et hors ZEP. En appliquant la méthode aux collèges et aux lycées, on obtient des effets statistiquement significatifs, mais sensiblement moins importants » 143 ( * ) .

B. DES ZONES D'ÉDUCATION PRIORITAIRES AUX RÉSEAUX « AMBITION RÉUSSITE »

1. L'éducation prioritaire

La naissance de la politique d'éducation prioritaire il y a plus de vingt-cinq ans, est liée à la prise de conscience que l'enseignement obligatoire pour tous ne suffisait pas à assurer l'égalité des chances. L'échec scolaire des enfants issus de milieux défavorisés et leur présence massive ont conduit les autorités politiques à mettre en place une forme de discrimination positive qui consiste à concentrer des moyens supplémentaires, humains et financiers, dans des territoires où les inégalités socio-économiques sont les plus accusées.

La direction des affaires financières du ministère de l'éducation nationale a évalué les dépenses annuelles en faveur de la politique d'éducation prioritaire à 927 millions d'euros , répartis entre les crédits d'encadrement et le coût des mesures indemnitaires.

LES DÉPENSES EN FAVEUR DE L'ÉDUCATION PRIORITAIRE

Objet de la mesure

Coût en emplois temps plein

Coût en millions d'euros

PREMIER DEGRÉ

Enseignants

Surcoût d'encadrement

367 estimés

Mesures indemnitaires

59 constatés

Crédits pédagogiques

9 constatés

Sous-total 1 er degré

435

SECOND DEGRÉ

Personnels enseignants et d'éducation

4 500 enseignants (214 M€) et 1 750 personnels d'éducation (39 M€)

253

Personnels ATOSS (notamment santé et sociaux)

39

Personnels enseignant et ATOSS

97

Crédits pédagogiques

7

Fonds sociaux

4

Sous total 2nd degré

399

1 er et 2 nd degré

Avantage spécifique d'ancienneté (enseignants et ATOSS)

-

93

Total du surcoût

927

Source : Rapport des inspections générales de l'éducation nationale et de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, La contribution de l'éducation prioritaire à l'égalité des chances des élèves , rapport n° 2006-076, octobre 2006.

Ces sommes sont soit directement fléchées (régimes indemnitaires) et donc liées à la carte de l'éducation prioritaire, soit liées aux procédures de répartition des moyens aux académies et relayées par les décisions rectorales (taux d'encadrement, crédits pédagogiques et fonds sociaux) 144 ( * ) .

Dans la pratique, ces dépenses sont consacrées au paiement des personnels d'enseignement et d'éducation (67 % de la dépense) à l'augmentation du nombre d'heures devant élèves (qui entraîne une différence de l'ordre de 2,2 à 2,5 élèves par classes entre les établissements en ZEP et les autres) et, pour une très faible part, au renforcement des crédits pédagogiques et en fonds sociaux 145 ( * ) qui représentent 16 et 8,5 euros par élève).

S'agissant de l'engagement financier des collectivités territoriales, la Cour des comptes, dans son étude sur « le contrôle de gestion de l'éducation prioritaire » précise qu'elles s'impliquent financièrement dans des politiques éducatives de manière significative, mais que leurs actions en ZEP restent d'ampleur modeste.

* 140 Des enquêtes régionales effectuées au début des années 2000 ont confirmé les résultats nationaux. Thierry Troncin, chercheur à l'Iredu, a mené une enquête dans 156 écoles de l'académie de Dijon et montré que les deux premières années de scolarisation élémentaire constituent un obstacle infranchissable pour un nombre important d'élèves, dont la plupart sont d'origine sociale défavorisée (représentant la moitié de la population des redoublants mais seulement un tiers de l'échantillon), puisqu'ils sont 15 % à être en retard en CE2.

* 141 Haut Conseil de l'éducation, L'école primaire , 2007.

* 142 Idem.

* 143 Le rapport précité des inspections générales préconise à cet égard qu'une priorité forte soit donnée au premier degré, parce que c'est là que se creusent les écarts les plus importants, c'est aussi à ce stade que les remèdes sont les plus efficaces ».

* 144 Le rapport des inspections générales précité indique que si les indicateurs sociaux et territoriaux sont largement utilisés pour la répartition des emplois d'enseignants, ainsi que pour la répartition des crédits pédagogiques et des fonds sociaux, l'éducation prioritaire, stricto sensu, n'est un critère d'attribution budgétaire que pour les indemnités obligatoirement versées et pour des emplois de vie scolaire. Les décisions de répartition des moyens ne rendent donc pas obligatoirement compte de la réalité de l'affectation finale de ces moyens, c'est donc par le constat a posteriori des dépenses faites que le surcoût de l'éducation prioritaire peut être estimé.

* 145 Les crédits sociaux sont répartis en fonction des difficultés socio-économiques, mais pas strictement en fonction du classement en éducation prioritaire. Il reste qu'ils se retrouvaient le plus généralement dans les ZEP. Il semble toutefois que la tendance soit à la baisse des fonds sociaux dans l'éducation prioritaire.

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