C. ENCOURAGER LES INITIATIVES INNOVANTES

Convenant de la situation préoccupante des jeunes, M. Martin Hirsch a indiqué qu'il était indispensable d'identifier ceux qui sortent sans qualification du système scolaire , afin qu'ils puissent être pris en charge par les missions locales ou orientés vers des formations ou des écoles de la deuxième chance. Il a indiqué qu'une étude serait engagée sur les sorties précoces des dispositifs d'apprentissage et s'est dit favorable au développement des écoles de la deuxième chance 163 ( * ) .

La mission se déclare également très favorable à ces dispositifs de rattrapage, particulièrement utiles à ceux qui ne se sont jamais adaptés à l'enseignement classique.

1. Les dispositifs permettant de maintenir les jeunes dans le système scolaire

De nombreux enfants de familles défavorisées quittent le système scolaire sans qualification, ce qui risque de les conduire dans des situations de précarité dont il sera difficile de sortir. C'est la raison pour laquelle des dispositifs spécifiques sont à étudier afin d'inciter à la poursuite d'études.

a) Les écoles de la seconde chance

Les écoles de la 2e chance (E2C) accueillent des jeunes orientés par leur mission locales qui ont quitté le système scolaire sans diplôme ni qualification. Etant en alternance, ils ont le statut de stagiaires rémunérés de la formation professionnelle et perçoivent environ 540 euros par mois. Les stages s'effectuent dans des domaines variés, ce qui permet d'affiner l'orientation professionnelle. Si les règles sont strictes s'agissant des horaires et des absences, le suivi individuel de chaque élève et l'accompagnement global, à la fois éducatif, professionnel et social, permettent de ne pas les mettre en situation d'échec.

Le réseau E2C France compte aujourd'hui 35 écoles en fonctionnement, qui ont accueilli 2 700 jeunes en 2006, pour un coût médian de 9 000 euros par élève, hors indemnisation des stagiaires. Le taux de sorties positives vers l'emploi ou la qualification est de 63 %. Le budget total de fonctionnement des E2C est de 25 millions d'euros en 2007, et se situerait, dans l'hypothèse de 10 000 jeunes entrants à l'horizon 2020/2020, aux alentours de 90 à 100 millions d'euros.

La mission considère que ces écoles sont une excellente initiative et qu'elles réunissent les critères du succès : la formation en alternance assure souvent des débouchés pour les élèves, la scolarité en petits effectifs favorise la réussite et la collaboration avec les missions locales garantit leur ancrage territorial. Si ce dispositif parvient à court terme à donner une qualification à 10 000 élèves, ce sera une réelle avancée.

C'est la raison pour laquelle la mission se félicite de l'annonce par le président de la République, lors de sa présentation du plan pour les banlieues le 8 février dernier, du développement des E2C, avec l'objectif de parvenir à un chiffre de 15 000 à 20 000 jeunes à l'horizon 2012, avec une école par région et un développement en priorité dans les quartiers les plus difficiles. Elle sera attentive à l'accroissement promis des ressources des E2C et à l'avenir de la proposition d'étendre la possibilité pour les entreprises de les financer au moyen de la part de la taxe d'apprentissage destinée habituellement à financer les formations correspondant aux BEP, CAP et baccalauréat.

Toutefois, ces écoles seront insuffisantes pour résorber le nombre de sorties sans qualification du système scolaire. C'est la raison pour laquelle des méthodes alternatives doivent être définies.

b) Le dispositif « Défense deuxième chance »

Les centres « défense deuxième chance », géré par l'établissement public d'insertion de la défense (EPIDe), accueillent des jeunes isolés ou marginalisés du fait d'un triple échec familial, scolaire et professionnel, auxquels sont proposés des services pédagogiques selon trois grands axes :

- une formation comportementale et civique leur permettant de se socialiser. Au coeur du dispositif, elle est prodiguée en grande majorité par d'anciens militaires ;

- une maîtrise des savoirs fondamentaux : lecture, écriture, calcul et informatique, assurée par des équipes d'enseignants ;

- et une formation professionnelle débouchant sur des métiers où l'offre d'emploi est importante, en partenariat avec l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), l'agence nationale pour l'emploi (ANPE) et les entreprises.

Le général Valentin, auditionné par la mission, a rappelé que « ce programme pédagogique, qui débouche sur des diplômes, est proposé sur la base du volontariat dans un cadre d'internat et selon des périodes de formation de six mois renouvelables à des jeunes âgés de 18 à 21 ans révolus, et dispensé au sein de 22 centres accueillant au total 2 000 stagiaires 164 ( * ) ».

En dépit du nombre important d'abandons, 40 % des jeunes, incapables de se soumettre à une discipline et d'acquérir des repères, arrêtant la formation au bout de deux mois, le général Valentin s'est félicité que les trois quarts de ceux poursuivant le cursus se voient proposer à leur sortie un emploi durable de type contrat à durée déterminée ou contrat de formation en alternance.

La mission est favorable à ce système innovant et rappelle que M. François Trucy, dans son rapport d'information n°290 (2007-2008) sur la défense et l'insertion des jeunes, fait au nom de la commission des finances du Sénat, a reconnu l'intérêt et l'efficacité du dispositif « Défense deuxième chance ».

Afin de renforcer leur efficacité, la mission préconise un développement des implantations de l'EPIDe dans les secteurs où l'emploi est dynamique.

En effet, leurs relations avec les entreprises sont reconnues et aboutissent à des partenariats fructueux. Dans la mesure où ils fonctionnent sur le principe de l'internat, ils ont en outre tout intérêt à attirer les élèves dans des zones dans lesquelles ils trouveront un emploi à la sortie.

Par ailleurs, il est important, au vu du coût de ces écoles, que l'EPIDe se concentre sur les élèves les plus en difficulté , afin qu'il ne se substitue pas à d'autres dispositifs moins coûteux qui fonctionnent pour certains jeunes assez proches du marché du travail (notamment le CIVIS).

c) Des incitations financières au maintien dans le système scolaire après 16 ans

Le Royaume-Uni a expérimenté un dispositif de soutien financier en direction des familles modestes ayant des enfants de 16 à 19 ans encore scolarisés : une allocation d'environ 150 euros par mois leur est proposée pour les aider à financer la poursuite des études de leurs enfants. Selon le rapport de M. Martin Hirsch d'avril 2005 sur la réduction de la pauvreté, la comparaison des zones pilotes avec les zones n'ayant pas bénéficié du dispositif a révélé que le soutien financier accroît significativement la poursuite des études des enfants d'origine modeste .

M. Jean-Baptiste de Foucauld a également fait cette proposition, dont l'évaluation n'a pas encore été faite.

La mission n'a pas pu évaluer le coût de cette mesure qui lui paraît utile, dès lors qu'elle s'articule convenablement avec les autres dispositifs et qu'elle correspond à un engagement pertinent de l'étudiant.

Elle préconise donc que le coût d'un dispositif de soutien financier du maintien dans les études soit évalué afin que l'État puisse éventuellement s'engager dans cette voie.

d) Le débat sur le contrat d'autonomie

Selon M. Jean-Baptiste de Foucauld, la société reste très fermée à ses jeunes . Il a préconisé, à cet égard, de s'inspirer du rapport de la commission nationale pour l'autonomie des jeunes (2002), qui avait proposé « la création d'un véritable service public de l'orientation, la possibilité d'un report des bourses non utilisées, la garantie d'une expérience professionnelle pour tous les jeunes et l'instauration d'un contrat d'allocation d'autonomie » 165 ( * ) . Si les trois premières propositions recueillent l'adhésion de la mission, celle-ci est en revanche plus circonspecte sur la dernière, en l'absence d'une étude sur les possibilités de mise en oeuvre de manière à responsabiliser les bénéficiaires, sur les modalités de son financement et sur sa neutralité par rapport à l'efficacité des autres dispositifs proposés. Mme Marie-Laure Meyer s'est par exemple opposée à la mise en place du contrat d'autonomie, considérant « que les dispositifs existants devaient être privilégiés pour produire les résultats attendus alors que ce contrat ne favorise ni l'alternance ni l'apprentissage ». Elle a ainsi proposé que l'Etat finance davantage des outils comme le contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS), le programme trajet d'accès à l'emploi (TRACE), ou les écoles de la seconde chance166 ( * ).

La mission est également prudente sur cette question tant il lui semble que la responsabilisation des élèves est un élément moteur de leur implication dans les études.

* 163 Audition du 28 mai 2008 de M. Martin Hirsch, Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

* 164 La loi n° 2008-493 du 26 mai 2008 ratifiant l'ordonnance n° 2005-883 du 2 août 2005 relative à la mise en place au sein des institutions de la défense d'un dispositif d'accompagnement à l'insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté et l'ordonnance n° 2007-465 du 29 mars 2007 relative au personnel militaire modifiant et complétant la partie législative du code de la défense et le code civil, et portant diverses dispositions relatives à la défense a donné une base législative à ce dispositif et l'a modifié sur des points précis (par exemple l'ouverture du dispositif à des jeunes ayant 22 ans révolus).

* 165 Audition du 26 février 2008 de M. Jean-Baptiste de Foucauld, président de Solidarités nouvelles face au chômage.

* 166 Audition du 29 avril 2008 de Mme Marie-Laure Meyer, conseillère régionale d'Ile-de-France, membre de la commission formation professionnelle et apprentissage de l'Association des régions de France (ARF).

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