B. UN ACCÈS À L'EMPLOI DIFFICILE POUR LES POPULATIONS ÉLOIGNÉES DU MARCHÉ DU TRAVAIL

Cumulant souvent une multitude de handicaps, tant professionnels que personnels, les publics durablement exclus du marché du travail éprouvent d'autant plus de difficultés à se réinsérer économiquement que leur profil est très largement stigmatisant auprès des employeurs potentiels et qu'ils ne disposent pas d'instances de médiation organisées auprès de ces derniers et des acteurs socioéconomiques.

1. Un environnement inadapté à la recherche d'emploi

Dans un contexte de taux de chômage relativement élevé comme le connaît notre pays, qui induit une forte concurrence entre demandeurs d'emploi, l'environnement immédiat de ces derniers constitue une donnée importante pour déterminer leur capacité à retrouver et exercer une activité professionnelle. Posséder un logement fixe et confortable, bénéficier d'une vie de famille stable, avoir accès à des conditions matérielles d'existence correctes constituent de ce point de vue un atout pour les personnes socialement insérées par rapport aux publics marginalisés.

M. Patrick Dugois a ainsi insisté sur les « sur les handicaps » que doivent gérer les personnes recherchant un emploi alors qu'elles connaissent une situation de précarité . Rappelant que 30 % des SDF travaillaient, il a souligné combien « pour eux, vivre dans la rue et être présentable le matin pour se rendre au travail constitue une vraie performance. (...) lorsque vous êtes en situation de détresse, vous ne vous trouvez pas dans les dispositions de signer un contrat. Vous tentez de survivre. Les SDF ne connaissent pas l'avenir. Un SDF ne sait jamais s'il pourra se rendre à un rendez-vous fixé le lendemain. Il lui est impossible de se projeter dans le temps. Il vit dans l'heure qui suit ».

2. Des discriminations profondément stigmatisantes

En plus des handicaps objectifs que doivent affronter les publics les plus précaires en vue de s'insérer ou de se réinsérer professionnellement, se surajoute la difficulté liée à la mauvaise image que peuvent avoir d'eux leurs employeurs potentiels. Parce qu'ils sont souvent désocialisés et n'ont plus conscience des codes tacites que requiert toute relation professionnelle, parce qu'ils appartiennent à des minorités ou catégories sociales stigmatisées (jeunes, femmes, étrangers, handicapés, personnes âgées...), ces publics sont en effet préférentiellement l'objet des discriminations de la part du marché du travail et du monde de l'entreprise.

Dans son rapport pour 2007, la Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde) relève ainsi que plus de 50 % des réclamations qu'elle a enregistrées concernent l'emploi , la discrimination sur l'origine restant la plus invoquée (27 % des cas), tandis que progresse le critère handicap (de 19 à 22 %).

M. Jean-François Trogrlic, directeur du bureau de l'OIT en France, a insisté sur cette donnée immatérielle qui est peut-être insuffisamment prise en compte dans l'analyse des trajectoires d'emploi des travailleurs précaires. « Nous avons du mal à séparer la pauvreté de l'exclusion. Les faits montrent, en effet, que plus les personnes sont fragiles, plus elles sont susceptibles de basculer dans la précarité. Par conséquent, il convient, dans les pays développés, de lutter notamment contre les discriminations, celles-ci formant un des vecteurs majeurs de l'exclusion et donc de la pauvreté » .

Lors de son audition, M. Jacques Attali s'est dit partisan « d'agir pour faire culpabiliser les entreprises qui se rendent coupables de discrimination ». Non par des instruments de discrimination positive, c'est-à-dire en instaurant des quotas, mais en obligeant « les entreprises à indiquer le nombre de femmes, de personnes handicapées ou issues de minorités visibles recrutées et les banques à signaler le nombre de crédits accordés à des femmes, des seniors et des jeunes des cités ».

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