N° 451

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 juillet 2008

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la Délégation pour l'Union européenne (1) sur la politique européenne de voisinage (rapport d'étape),

Par M. Jacques BLANC,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : M. Hubert Haenel, président ; MM. Denis Badré, Jean Bizet, Jacques Blanc, Jean François-Poncet, Bernard Frimat, Simon Sutour, vice-présidents ; MM. Robert Bret, Aymeri de Montesquiou, secrétaires ; MM.  Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, Pierre Bernard-Reymond, Didier Boulaud, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Louis de Broissia, Gérard César, Christian Cointat, Robert del Picchia, Marcel Deneux, Pierre Fauchon, André Ferrand, Yann Gaillard, Paul Girod, Mme Marie-Thérèse Hermange, M. Charles Josselin, Mme Fabienne Keller, MM. Serge Lagauche, Gérard Le Cam, Louis Le Pensec, Mmes Colette Mélot, Monique Papon, MM. Yves Pozzo di Borgo, Roland Ries, Josselin de Rohan, Mme Catherine Tasca, M. Alex Türk.

INTRODUCTION

La politique de voisinage de l'Union européenne est devenue depuis sa création en 2002 une composante primordiale des relations extérieures de l'Union européenne. Elle est suivie par la commissaire aux relations extérieures Benita Ferrero-Waldner. Complexe, elle s'adresse à des pays très hétérogènes qui n'ont souvent pour seul point commun que d'être des « voisins » de l'Union européenne à vingt-sept.

Signe de son importance, elle est mentionnée dans le Traité de Lisbonne (Titre I, article 8 du nouveau Traité sur l'Union européenne) :

« 1. L'Union développe avec les pays de son voisinage des relations privilégiées, en vue d'établir un espace de prospérité et de bon voisinage, fondé sur les valeurs de l'Union et caractérisé par des relations étroites et pacifiques reposant sur la coopération .

2. Aux fins du paragraphe 1, l'Union peut conclure des accords spécifiques avec les pays concernés. Ces accords peuvent comporter des droits et obligations réciproques ainsi que la possibilité de conduire des actions en commun. Leur mise en oeuvre fait l'objet d'une concertation périodique ».

Paradoxalement, alors que cette politique de voisinage a fait l'objet de développements récents et qu'elle tend à prendre de plus en plus d'importance parmi les priorités de la Commission européenne et des présidences successives du Conseil de l'Union européenne, elle n'est que très rarement évoquée, pour ne pas dire méconnue en France, ce qui n'est pas le cas chez certains États membres de l'Union européenne, par exemple l'Allemagne. Seuls quelques rares chercheurs français travaillent sur ce thème et contribuent à la faire connaître auprès d'un public plus large.

Votre rapporteur estime pourtant que la politique de voisinage mérite qu'on lui accorde une attention particulière à plus d'un titre. D'une part, la réussite de la politique de voisinage conditionnera en partie la stabilité et la sécurité de l'Europe. En cherchant à démocratiser et à pacifier les marges de l'Union européenne, la politique de voisinage est bien un facteur clé de sa sécurité. D'autre part, de nombreuses et intéressantes initiatives ont récemment fleuri dans le cadre de cette politique. La politique de voisinage doit ainsi s'adapter aujourd'hui à une triple dimension régionale inédite et incontournable : une dimension méditerranéenne, une dimension « Mer noire » et une dimension « Mer baltique ». Toutes ces initiatives appellent une réflexion sur la cohérence de la politique de voisinage. Enfin, celle-ci est un test pour la capacité de l'Union européenne à jouer un rôle en tant qu'acteur international. Elle est en effet un enjeu de politique extérieure pour l'Union européenne, notamment au regard des rapports entre l'Europe et la Russie.

Au-delà de ces enjeux, le sommet du 13 juillet 2008 sur l'Union pour la Méditerranée justifie pleinement notre démarche. En effet, ce sommet constitue un moment charnière pour l'avenir de la politique européenne de voisinage.

Votre rapporteur vous soumet ici un rapport d'étape, qui sera complété par un rapport définitif au cours du second semestre, afin de tenir compte des évolutions survenues depuis le sommet du 13 juillet 2008 .

I. UNE POLITIQUE COMPLEXE MAIS EFFICACE QUI SUSCITE DES RÉACTIONS AMBIGUËS

A. UNE POLITIQUE COMPLEXE QUI TROUVE SES ORIGINES DANS LE DERNIER ÉLARGISSEMENT DE L'UNION EUROPENNE

1. Une politique née de l'élargissement, qui s'adresse à des pays très hétérogènes

a) Les pays auxquels s'adresse la politique de voisinage sont très divers

Créée en 2003, la politique européenne de voisinage s'adresse aux pays voisins de l'Union européenne à 27, à savoir les nouveaux États indépendants, anciennement inclus dans l'Union soviétique, et les pays du pourtour méditerranéen, membres du processus de Barcelone. A ce jour, elle concerne seize pays : l'Algérie, l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Biélorussie, l'Égypte, la Géorgie, Israël, la Jordanie, le Liban, la Libye, la Moldavie, le Maroc, l'Autorité palestinienne, la Syrie, la Tunisie et l'Ukraine. A l'origine, la politique de voisinage était destinée aux seuls voisins de l'Est. C'est la France qui a demandé d'y inclure les partenaires méditerranéens du processus de Barcelone lors du Conseil européen de Copenhague de décembre 2002. Les pays du Caucase ont été inclus en 2004.

Il importe de préciser que la politique de voisinage ne s'adresse pas aux États impliqués dans le processus d'élargissement. Elle est distincte de celui-ci, et ne préjuge en rien des relations futures entre l'Union européenne et les pays voisins. Autrement dit, elle n'est pas une antichambre à l'adhésion.

La Russie fait, quant à elle, l'objet d'un partenariat stratégique spécifique avec l'Union européenne, et n'est pas associée à la politique de voisinage. Elle refuse en effet d'être assimilée aux autres voisins de l'Union. Parmi les pays auxquels s'adresse la politique de voisinage, l'Algérie ne s'est pas déclarée intéressée pour le moment. De même, la Libye et la Syrie ne sont pas encore engagées dans un processus formel de négociations, du fait des relations difficiles qu'elles entretenaient avec l'Union jusqu'à récemment. Enfin, la Biélorussie ne pourra bénéficier des avantages offerts par la politique de voisinage que lorsque ses autorités auront démontré sans ambiguïté leur volonté de respecter les valeurs démocratiques et l'État de droit.

b) Les origines et les objectifs de la Politique européenne de voisinage

A l'origine, la politique de voisinage a été conçue pour répondre à une prise de conscience issue du dernier élargissement. Avec l'entrée de huit pays d'Europe centrale et orientale, puis de la Bulgarie et de la Roumanie, les frontières de l'Union se sont en effet déplacées vers des zones d'instabilité potentielle. La politique de voisinage répond à cette préoccupation. Elle vise à sécuriser les frontières extérieures de l'Union européenne en créant un « cercle d'amis » partageant ses objectifs de paix, de stabilité et de prospérité.

Plus précisément, la politique de voisinage vise deux objectifs principaux. D'une part, éviter l'émergence de nouvelles lignes de division entre l'Union élargie et ses voisins. D'autre part, renforcer la prospérité, la stabilité et la sécurité de tous. Elle se concentre ainsi sur la promotion de la démocratie et des libertés, tout en allant au-delà des relations déjà établies avec chaque pays voisin. Toutefois, l'établissement de ces relations privilégiées est conditionné par l'intérêt mutuel à respecter des valeurs communes, à savoir la démocratie, l'État de droit, les droits de l'homme, la bonne gouvernance, les principes d'une économie de marché et le développement durable.

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