b) Une baisse du taux d'épargne hypothétique

La baisse du taux d'épargne requise de la part des ménages a-t-elle des chances de se produire ?

En premier lieu , on observera que, d'une part, le taux d'épargne des ménages français a déjà connu, par le passé, de fortes et durables inflexions (de 21,2 % en 1975 à 11,2 % en 1987), suggérant qu'une telle évolution est possible. D'autre part, dans la période récente, une diminution sensible du taux d'épargne a pu être constatée au sein de la plupart des grands pays de l'OCDE, mouvement dont la France est un des rares pays à s'être tenu à l'écart (cf. graphe suivant, retraçant le taux d'épargne net 22 ( * ) des ménages). Enfin, en application du théorème d'équivalence ricardien 23 ( * ) , l'assainissement programmé des finances publiques pourrait être de nature à encourager les ménages à diminuer la part de leur revenu destiné à l'épargne.

Aujourd'hui, avec un taux d'épargne net de 12,3 % en 2008, la France se situe devant l'Allemagne (10,9 %) et loin devant l'Espagne (3,1 % en 2006), les Etats-Unis (1,8 %) et le Royaume-Uni (épargne nette légèrement négative en 2005). Une composante importante de l'explication de ces écarts tient aux dynamiques contrastées de l'endettement des ménages.

En second lieu , bien que l' endettement des ménages français atteigne aujourd'hui son record en dépassant 70 % de leurs revenus 24 ( * ) , ce taux demeure, ici encore, nettement inférieur à celui observé dans de nombreux autres pays industrialisés . Par exemple, l'endettement des ménages atteint ou dépasse 140 % en Espagne, en Grande Bretagne ou aux Etats-Unis.

Cependant, les inquiétudes sur l'emploi et des anticipations pessimistes quant à l'évolution des déficits publics pourraient aujourd'hui inciter les ménages à épargner davantage, sous la forme d'une épargne de précaution , la baisse de l'immobilier et des actifs boursiers engendreraient des effets de richesse négatifs tandis que la poursuite du resserrement du crédit constitue, au moins à court terme, une hypothèse crédible .

Dans une perspective de moyen terme, l'équilibre de l'épargne pourrait être influencé par une élévation structurelle des taux d'intérêt. Celle-ci pourrait provenir d'une réestimation des risques financiers et monétaires, ainsi que d'une volonté accrue de réduire l'endettement des agents économiques. Enfin, les perspectives du risque inflationniste doivent être prises en compte. Pour l'avenir, l'augmentation tendancielle de la demande mondiale d'énergie et de matières premières, dans le contexte d'une offre de plus en plus contrainte par des limites naturelles, est susceptible de tirer les cours à la hausse. On a vu que, dans cette hypothèse, les banques centrales se trouvaient encouragées à adopter des politiques de taux d'intérêts moins accommodantes afin de juguler les risques d'effets de « second tour » qu'entraîne l'inflation importée.

Pour l'ensemble de ces raisons, le « scénario de crise » élaboré par l'OFCE n'envisage pas de diminution de l'épargne des ménages, mais table sur un taux d'épargne globalement constant de 2009 à 2013 , après la hausse initiale induite par la crise en cours, ce qui constitue, au demeurant, une hypothèse modérément pessimiste. Le graphe ci-après montre les conséquences d'une stagnation de l'épargne sur l'évolution de la consommation, qui se rapproche alors de celle du revenu (à comparer avec graphe supra , intitulé « L'effort des ménages requis dans le scénario central »).

En envisageant, parallèlement, une stabilité de l'investissement ( infra ), les conséquences sur la croissance et la trajectoire de la dette publique ne sont pas négligeables.

* 22 Épargne nette de la consommation de capital fixe (amortissement) des ménages.

* 23 Selon ce théorème, une augmentation de la dette publique ne manque pas de se traduire par une augmentation ultérieure des impôts, destinée au remboursement. Dès lors, les agents économiques ont d'abord tendance à épargner davantage en prévision de futures hausses d'impôts. Inversement, une baisse du déficit public entraîne celle du taux d'épargne. Votre délégation a régulièrement exposé les raisons de son scepticisme quant à cet enchaînement théorique.

* 24 71,8 % au 1 er trimestre 2008 (donnée INSEE).

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