II. UN OBJECTIF SUSPENDU À UNE REPRISE ÉCONOMIQUE HYPOTHÉTIQUE

Le projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques décrit une trajectoire dont la cohérence avec son contexte économique doit être envisagée .

Le cadrage économique de la programmation pour la période 2010-2012 repose sur l'hypothèse d'une croissance économique spontanée qu'on peut juger particulièrement forte :


• elle serait supérieure au rythme de croissance potentielle de l'économie française, même si on accepte l'hypothèse favorable posée en ce domaine ;


• surtout, elle se déroulerait malgré la consolidation budgétaire programmée .

La programmation des finances publiques est ainsi tributaire de conditions économiques dont il est difficile de mesurer la probabilité. Relevons toutefois que celle-ci est évidemment susceptible d'être affectée par les prolongements de la crise économique actuelle .

En outre, elle traduit une vision où une politique budgétaire de contraction des dépenses publiques et du déficit ne pose problème, ni pour la croissance effective, ni pour la croissance potentielle :


• l'élévation de la croissance potentielle dépendrait de conditions structurelles et non des politiques macroéconomiques. Celle-ci représente pour elles une contrainte subie plus qu'une cible à atteindre.


• les contractions budgétaires n'affecteraient pas la croissance observée.

A. UNE PROGRAMMATION REMISE EN CAUSE PAR LES INCIDENCES DE LA CRISE ÉCONOMIQUE EN COURS

Le « scénario de crise » imaginé par votre délégation présente des enchaînements assez proches de ceux désormais envisagés en prolongeant, en outre, la réflexion jusqu'à 2013.

La crise financière pourrait aboutir à une croissance moins favorable que celle qui est escomptée pour 2008 et, surtout, pour 2009 57 ( * ) , dont les conditions de réalisation apparaissent déjà très tendues (voir le chapitre I du présent rapport et le document de travail des Études économiques n° 2, d'octobre 2008, intitulé « La croissance du PIB : une mesure à déchiffrer »).

Il n'est pas exclu que la croissance économique connaisse un creux marqué en 2009 et ne se redresse que progressivement au-delà. Dans une telle perspective, l'évolution spontanée des déficits publics serait modifiée. En outre, un contexte économique moins favorable que celui décrit dans la programmation à l'horizon 2012, imposerait une réflexion sur le sens à imprimer à la politique budgétaire.

1. La révision de croissance de la Commission européenne

Dans ses récentes prévisions pour les années 2008 à 2010, la Commission européenne imagine pour la France une croissance beaucoup moins forte que dans la programmation ainsi que ses incidences sur la position budgétaire.

COMPARAISON ENTRE LES PRÉVISIONS DE CROISSANCE ET DE SITUATION BUDGÉTAIRE
DE LA COMMISSION ET DE LA PROGRAMMATION FRANÇAISE (2007-2010)

(en points de PIB)

A - Programmation

B - Commission

Écart A-B

2007

2008

2009

2010

2007

2008

2009

2010

2007

2008

2009

2010

Croissance

2,2

1,0

1,0

2,5

2,2

0,9

0

0,8

0

+ 0,1

+ 1,0

+ 1,7

Déficit public

- 2,7

- 2,7

- 2,7

- 2,0

- 2,7

- 3,0

- 3,5

- 3,8

0

- 0,3

- 0,8

- 1,8

Variation du déficit structurel

NS

- 0,5

- 0,6

- 0,6

NS

+ 0,1

- 0,3

0

NS

+ 0,6

+ 0,3

+ 0,6

Dette publique

63,9

65,3

66,0

65,3

63,9

65,4

67,7

69,9

0

- 0,1

- 1,7

- 4,6

Le scénario macroéconomique de la Commission retrace une crise économique plus forte et plus durable que celle imaginée jusqu'à présent par le Gouvernement. La croissance serait nulle en moyenne en 2009 et repartirait en 2010 mais progressivement.

Encore cette prévision est-elle tributaire d'une politique budgétaire plus active et contracyclique que dans la programmation gouvernementale . Le solde public se dégraderait pour atteindre - 3,8 points de PIB en 2010. L'impulsion budgétaire soutiendrait la croissance à hauteur de 0,5 point de PIB en 2009 et 0,3 point de PIB en 2010. Autrement dit, la croissance spontanée, c'est-à-dire celle qui serait atteinte dans l'hypothèse d'un strict maintien du solde un niveau de départ, ne serait que de 0,5 % en 2010 alors qu'en 2009, une décroissance interviendrait (- 0,5 %).

Il faut relever que le soutien budgétaire de l'activité économique résulterait pour la Commission du seul jeu des stabilisateurs automatiques. La politique budgétaire discrétionnaire serait à peu près neutre au cours de la période. Le solde structurel ne serait amélioré que de 0,2 point de PIB entre 2008 et 2010.

Cette stabilité du solde structurel contraste avec l'amélioration programmée par le Gouvernement qui atteint 1,7 point de PIB. Les prévisions de la Commission indiquent implicitement que si la politique budgétaire décrite par la programmation devait être mise en oeuvre, la croissance économique suivrait en France approximativement le cheminement suivant : + 0,3 % en 2008, - 0,3 % en 2009 et + 0,2 % en 2010, soit un rythme nettement plus faible que celui décrit dans la programmation.

On peut à ce propos rappeler que les orientations budgétaires retenues dans le projet de loi de programmation s'inspirent étroitement des obligations imposées aux Etats par le pacte de stabilité et de croissance.

Ce diagnostic de la Commission européenne , qui est, pourtant, l'un des gardiens les plus vigilants de la « discipline budgétaire » en Europe, comporte ainsi une condamnation implicite de ses règles, sauf à imaginer que la Commission préfère l'ajustement des finances publiques à la croissance économique .

* 57 Ce rapport a été rédigé avant que n'intervienne la révision de croissance du gouvernement, le 6 novembre, et celle de la trajectoire des comptes publics à l'horizon 2010.

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