C. CONSIDÉRATIONS ÉCONOMIQUES SUR L'OBJECTIF DE RÉDUCTION DE DETTE PUBLIQUE

Les ordres de grandeur précédemment exposés pourraient différer si une tension sur le coût de la dette se produisait . Elle rendrait plus « rentable » la réduction de la dette. Mais, comme elle n'épargnerait pas les agents privés, elle compliquerait aussi les conditions d'un ajustement budgétaire économiquement indolore.

En outre, les effets du désendettement public sont susceptibles d'appréciations nettement contrastées selon les enchaînements macroéconomiques qu'on lui associe .

Le bilan coûts-avantages de la stratégie de désendettement public ne dépend évidemment pas que du contexte monétaire et financier. Des variables économiques conditionnent ses prolongements.

Si le secteur privé prend le relais de l'endettement public, les risques sur la croissance à court terme sont conjurés.

Reste posée la question de la justification économique d'une politique programmant le renoncement, au moins partiel, des administrations publiques à l'appel public à l'épargne.

La question de l'impact à court terme des politiques de désendettement public peut être traitée séparément de celle de la justification plus structurelle d'un plus faible niveau de dette publique.

1. Éviter d'aggraver le ralentissement économique

S'agissant de l' effet économique de court terme d'une réduction de la dette publique , on a maintes fois indiqué qu'en dépit des théories qui veulent en démontrer l'innocuité, les exemples concrets de réussite sont en ce domaine peu nombreux et peu probants.

Ainsi, dans les études les plus systématiques consacrées à la vérification empirique de ces théories, on ne relève, sur 496 observations, que 86 épisodes de consolidation budgétaire pour 37 réussites seulement.

En outre, les épisodes où après une consolidation budgétaire la dette publique a durablement reculé semblent avoir été accompagnés de circonstances économiques comportant des facteurs favorables indépendants de l'ajustement budgétaire et non reproductibles.

Ainsi, les théories où la diminution de la dette publique produit ipso facto une amélioration de la demande des agents privés (théorème d'équivalence de Ricardo-Barro), du fait d'une réduction de l'épargne constituée par eux dans la perspective des futurs prélèvements nécessaires à la baisse de l'endettement public ne semblent que très occasionnellement validés empiriquement.

Dans les faits, la réépargne publique à quoi il faut assimiler la réduction de la dette publique entraîne toujours une contraction du revenu des agents sans que la perspective d'une éventuelle réduction des prélèvements obligatoires destinés à financer la dette ne produise, en soi, une baisse de leur épargne suffisante pour compenser les effets de la contraction de leur revenu sur leur demande et, finalement, sur la croissance économique 66 ( * ) .

On ne peut imaginer qu'une façon d'échapper à cette perspective : qu'intervienne une réduction exogène de l'épargne nette des agents privés . Un tel enchaînement ne pourrait intervenir que si se produisait une modification des préférences des agents.

Mais, outre qu'un tel changement devrait être assez immédiat pour contrecarrer l'effet récessif de la contraction budgétaire, du moins dans une perspective de court-moyen terme, ses conditions sont difficilement maîtrisables.

Il faudrait, en effet :


• soit que les agents acceptent de s'endetter à la place de l'Etat ;


• soit qu'un autre partage de la valeur ajoutée se mette en place offrant un équilibre de l'offre et de la demande plus dynamique que le précédent.

La première condition apparaît pour le moins peu réaliste dans le contexte de crise probablement durable de l'endettement privé.

La seconde condition est au coeur des enjeux de la refondation du système financier international puisqu'elle suppose que les entreprises acceptent de distribuer des salaires supérieurs, concédant ainsi, transitoirement au moins, une baisse du taux de profit . Encore faut-il s'assurer que cette autre configuration ne produise pas d'effets défavorables sur la croissance économique à moyen terme, ce qui serait le cas si elle devait s'accompagner d'une baisse du taux d'investissement.

D' autres arguments, plus concrets, sont fournis à l'appui d'une réduction du niveau de la dette publique , sans entraîner davantage une adhésion systématique :


• son impact favorable en termes d' assouplissement des conditions de financement (baisses des taux d'intérêt) ;


• l'atténuation d'un effet d'éviction qu'engendreraient les emprunteurs souverains à l'encontre des agents privés

Comme votre délégation l'avait rappelé dans son rapport consacré au moyen terme, ces points de vue semblent manquer un peu de réalisme ou, du moins, de nuances :

- la sensibilité des conditions financières aux variations de la dette publique n'a nullement le sens automatique décrit par la théorie ; l'augmentation de la dette publique peut être sans effet sur les conditions financières, voire même (v. infra ) s'accompagner de conditions financières à la fois plus accommodantes et plus stables ;

- par ailleurs, le contexte économique actuel ne semble pas caractérisé par une quelconque insuffisance d'épargne . A ce propos, votre délégation observait que : « l'augmentation des dettes publiques n'a pas tari la très (trop) forte progression des dettes privées observée ces dernières années ; en particulier, elle n'a pas entraîné de tensions sur les taux d'intérêt. Au contraire, quand de telles tensions sont intervenues sur les marchés, une réorientation de l'épargne vers les titres publics est intervenue avec pour effet une détente des conditions de financement de l'endettement public . » ;

- enfin, à ce propos, comment ne pas souligner le rôle joué par les titres de la dette publique dans la stabilisation des conditions de financement des économies au cours de la crise actuelle ?

* 66 Il va de soi que le risque de contraction de la demande n'est pas exclusif d'un risque de contraction de l'offre, l'investissement des entreprises et la mobilisation du facteur travail étant en interrelation étroite avec le niveau de la production.

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