2. Garantir l'égalité entre les hommes et les femmes

Les règles d'inspiration musulmane dont peuvent bénéficier les Français d'origine mahoraise et de confession musulmane ayant le statut personnel ont déjà été en partie réformées pour assurer un meilleur respect des principes fondamentaux de notre République et des principes européens. De nouvelles modifications doivent cependant être apportées à ce statut pour garantir aux personnes qui en relèvent les mêmes droits qu'aux personnes ayant le statut civil de droit commun. Il s'agit d'une réforme indispensable pour assurer l'égalité entre les hommes et les femmes.

? Supprimer les fonctions juridictionnelles et notariales des cadis

Si les Mahorais critiquent la justice cadiale, et notamment sa lenteur, beaucoup y restent attachés car elle constitue un élément de leur culture. En outre, les cadis, porteurs de la tradition et parlant couramment les langues locales, peuvent être de bons conciliateurs.

Toutefois, leurs activités juridictionnelles, même résiduelles, et notariales, sources d'atteintes aux principes constitutionnels d'égalité et de laïcité, facteurs de complexité et d'insécurité juridique, ne peuvent être maintenues dans le cadre d'un département.

Les cadis, en raison de leur méconnaissance du français, pour un grand nombre d'entre eux, et de leur attachement à la loi coranique, continuent à rendre des décisions qui ignorent les modifications apportées au statut personnel depuis 2000.

En outre, la justice cadiale ne satisfait aucunement les exigences du procès équitable définies par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Elle applique notamment un principe d'inégalité testimoniale entre les hommes et les femmes.

Votre commission estime que les habitants des collectivités d'outre-mer doivent bénéficier du même niveau de protection de leurs droits fondamentaux que l'ensemble des Français.

Elle considère par conséquent que la départementalisation devra s'accompagner de la suppression des fonctions juridictionnelles et notariales des cadis . Cette suppression permettra l'abolition des dispositions du statut personnel relatives à l'inégalité testimoniale et à l'inégalité successorale entre les hommes et les femmes.

Il appartiendra au conseil général, dont relèvent les cadis, d'envisager les dispositifs permettant de les employer à d'autres fonctions ou de maintenir, par exemple, leur rôle de médiation. En tout état de cause, ils ne devront plus être en mesure de rendre des décisions ayant une valeur juridique.

? Porter à 18 ans l'âge légal du mariage des femmes ayant le statut personnel

A l'initiative du Sénat, l'article 1 er de la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs a élevé l'âge légal au mariage des femmes de quinze à dix-huit ans. Ainsi, l'article 144 du code civil dispose que « l'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus ».

L'âge du mariage des femmes était auparavant fixé à quinze ans révolus. Cet archaïsme apparaissait contraire au principe constitutionnel d'égalité devant la loi, et aux engagements internationaux de la France.

En effet, la convention des Nations unies du 18 décembre 1979 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, entrée en vigueur dans notre droit le 3 septembre 1981, stipule, dans son article 16, que les États parties « prennent toutes les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux et, en particulier, pour assurer, sur la base de l'égalité entre l'homme et la femme, le même droit de contracter mariage ».

En outre, l'élévation de l'âge au mariage des femmes constitue l'un des moyens de lutter contre les mariages forcés, l'article 145 du code civil permettant le cas échéant au procureur de la République du lieu du mariage d'accorder des dispenses d'âge « pour des motifs graves », tels que la grossesse de la future épouse.

Toutefois, l'élévation de l'âge légal du mariage des femmes ne s'applique à Mayotte qu'aux femmes ayant le statut civil de droit commun. Les femmes relevant du statut civil de droit local restent soumises à l'article 16 de l'ordonnance n° 2000-219 du 8 mars 2000 relative à l'état civil à Mayotte. Cette disposition modifie en effet l'article 26 de la délibération du 17 mai 1961 de l'assemblée territoriale des Comores relative à l'état civil comorien qui dispose par conséquent que « L'homme avant dix-huit ans révolus, la femme avant quinze ans révolus ne peuvent contracter mariage. Néanmoins, le procureur de la République du lieu de célébration du mariage peut accorder des dispenses d'âge pour des motifs graves.

« La célébration du mariage est faite par le cadi, en présence des futurs époux, du tuteur matrimonial (Wali), de deux témoins et de l'officier de l'état civil de la commune de résidence de l'un des futurs époux . »

La réforme opérée par l'ordonnance du 8 mars 2000 constituait une première avancée, en alignant le droit local sur le droit commun alors en vigueur. En effet, comme le relevait notre ancien collègue José Balarello en 2001, des fillettes de neuf ans pouvaient auparavant être mariées 32 ( * ) .

Votre commission considère que les motifs qui ont conduit le législateur à modifier en 2006 l'article 144 du code civil doivent aujourd'hui l'amener à fixer à dix-huit ans révolus l'âge légal du mariage des femmes ayant le statut civil de droit local . Les femmes relevant du statut civil de droit local doivent en effet bénéficier des mêmes droits que les femmes ayant le statut civil de droit commun.

En outre, certaines règles de forme, telles que la publication (art. 63 et 64 du code civil) devraient être étendues au mariage de droit local.

? Interdire toute nouvelle union polygame

Plusieurs interlocuteurs rencontrés à Mayotte ont évoqué un déclin de la polygamie pour des raisons économiques - chaque épouse devant avoir sa propre maison - et parce que les femmes l'acceptent de moins en moins.

Votre commission considère que cette pratique encore admise pour les personnes relevant du statut civil de droit local et ayant atteint l'âge de 18 ans avant le 1 er janvier 2005, n'est pas compatible avec le respect des principes républicains.

Elle estime que toute nouvelle union polygame doit être interdite dès l'accession au statut départemental . Sans porter atteinte aux situations acquises, cette réforme permettra de rapprocher encore le statut civil de droit local du respect des principes fondamentaux de notre République.

Afin de garantir le respect de cette réforme, il pourrait être envisagé de pénaliser la polygamie, conformément au régime de droit commun, en rendant applicable à Mayotte les articles 433-20 et 433-21 du code pénal 33 ( * ) .

En conséquence, l'article 725-5 du même code, qui rend ces articles applicables seulement aux personnes ayant le statut civil de droit commun, devrait être modifié. Par ailleurs, l'article 433-21 du code pénal devrait être modifié afin de permettre la sanction d'un cadi qui célèbrerait un mariage traditionnel avant un mariage officiel. En effet, cet article vise les ministres du culte, catégorie à laquelle n'appartiennent pas les cadis.

* 32 Rapport sur le projet de loi relatif à Mayotte, n° 361, 200-2001, p. 36.

* 33 L'article 433-20 du code pénal dispose que « Le fait, pour une personne engagée dans les liens du mariage, d'en contracter un autre avant la dissolution du précédent, est puni d'un an d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende.

« Est puni des mêmes peines l'officier public ayant célébré ce mariage en connaissant l'existence du précédent. »

Aux termes de l'article 433-21 du même code, « Tout ministre d'un culte qui procédera, de manière habituelle, aux cérémonies religieuses de mariage sans que ne lui ait été justifié l'acte de mariage préalablement reçu par les officiers de l'état civil sera puni de six mois d'emprisonnement et de 7500 euros d'amende. »

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page