b) La soutenabilité de la croissance ignorée par la supervision institutionnelle en Europe

L'histoire de l'application de la procédure de déficit excessif montre les difficultés que pose la conception même d'une surveillance financière centrée sur la seule position budgétaire des États et ignorante des conditions de soutenabilité de la croissance économique.

(1) La procédure de déficit excessif en 2009

Toutes les procédures engagées et désormais closes l'ont été dans le respect des critères successivement appliqués dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance.

Pour les procédures ouvertes au début de 2009, on ne peut formellement faire la même remarque puisqu'il existe désormais des marges d'appréciation (limitées, il est vrai - voir plus loin -).

Elles résultent ainsi davantage d'un choix réalisé par la Commission de maintenir l'application des règles du pacte de stabilité et d'exclure les pays concernés du « bénéfice » de la clause de circonstances exceptionnelles .

Ces choix sont contestables dans leur principe et particulièrement condamnables dans leurs conséquences.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE DE DÉFICIT EXCESSIF

Procédures pendantes au titre de l'article 104 du Traité

Pays

Date du rapport de la Commission (Art.104§3)

Date de la décision du Conseil (Art.104§6)

Échéance prévue pour la correction

France

18 février 2009

Lettonie

18 février 2009

Malte

18 février 2009

Irlande

18 février 2009

Grèce

18 février 2009

Espagne

18 février 2009

Royaume-Uni

11 juin 2008

8 juillet 2008

Année financière 2009/2010

Hongrie

12 mai 2004

Procédures closes

Pays

Date du rapport de la Commission (Art.104§3)

Décision du Conseil (Art.104§12) d'abrogation de la procédure
de déficit excessif

Pologne

12/05/2004

08/07/2008

Portugal

22/06/2005

03/06/2008

Italie

07/06/2005

03/06/2008

République tchèque

12/05/2004

03/06/2008

Slovaquie

12/05/2004

03/06/2008

Chypre

12/05/2004

11/06/2006

Malte

12/05/2004

16/05/2007

Royaume-Uni

21/09/2005

12/09/2007

Grèce

19/05/2004

16/05/2007

Pays-Bas

28/04/2004

07/06/2005

Allemagne

19/11/2002

16/05/2007

France

02/04/2003

30/01/2007

Portugal

24/09/2002

11/05/2004

Ces décisions ne laissent en effet de surprendre car non seulement elles témoignent d'une indifférence au contexte financier global des économies de la zone euro dont on connaît l'état extrêmement dégradé, mais encore elles doivent être vues comme reflétant une appréciation, pour le moins discutable, des situations financières des États européens eux-mêmes, au terme de laquelle seuls les pays concernés manqueraient au respect des règles de fond du PSC.

Or, dans les circonstances actuelles, le rôle de prêteur en dernier ressort des États n'est plus à démontrer et la Commission européenne elle-même entend le promouvoir.

Dans ces conditions, une application vraiment rigoureuse du pacte de stabilité et de croissance devrait prendre en compte les transferts d'engagements vers les administrations publiques, y compris d'ailleurs les Banques centrales.

Dans le passé, les crises financières privées ont souvent rimé avec l'augmentation des engagements publics (mis au bilan des administrations publiques ou non).

En moyenne, selon une étude de Goldmann Sachs, dans l'histoire, les crises bancaires ont coûté 13 points de PIB.

Les projections de dette publique en Europe fondées sur les seules variations résultant du sauvetage des banques, font état d'augmentations de la dette publique comprises entre 6 points de PIB et 30 points de PIB selon les scenarii. A supposer que 3 % des actifs des banques européennes se révèlent « non performants », les engagements publics nécessaires pour sauver les banques feraient passer en Europe la dette publique de 65 à 100 points de PIB.

PROJECTIONS DE DETTE PUBLIQUE DANS LA ZONE EURO
SELON DIFFÉRENTS SCÉNARIOS DE PERTES SUR ACTIFS BANCAIRES

(en % du PIB)

Observé

Tendance

Risque avec 1 % d'actifs non performants en plus

Risque avec 3 % d'actifs non performants en plus

Source : Goldman Sachs Economics Research

Il est invraisemblable que seuls les pays concernés par la procédure de déficit excessif subissent le contrecoup de ces scénarios sur leur position financière.

L'ampleur des prêts accordés en devises étrangères dans les pays de l'Est européen par des banques occidentales (européennes souvent) montre que les risques évoqués ne sont pas théoriques (d'autant qu'ils sont aggravés par des perturbations monétaires d'une ampleur inédite).

PROPORTION DES PRÊTS EN DEVISES ÉTRANGÈRES
DANS CERTAINS PAYS DE L'EST EUROPÉEN (EN % DU PIB DES PAYS)

Source : Goldman Sachs Economics Research

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle depuis décembre 2008, l'Union européenne a décidé à deux reprises - dernièrement en mars 2009 - de doubler le fonds européen d'aide d'urgence à l'Europe de l'est, pour atteindre 50 milliards d'euros.

A l'heure où les finances publiques de certains pays connaissent des perspectives de crise et où certains autres pays européens vont probablement supporter le poids des ajustements nécessaires, il est gravement inadéquat de stigmatiser quelques pays, dont le revenu national va être appelé à la rescousse à leur détriment, finalement à celui de l'ensemble européen.

Lorsqu'elle applique le PSC, la Commission peut être assimilée à une agence de notation. Ses décisions sont ainsi de nature à aggraver les tensions sur les conditions de financement des dettes publiques et lorsqu'elles discriminent les pays à conforter les marchés dans l'application de conditions financières différenciés aux États.

ÉCARTS DE COÛTS DE FINANCEMENT PUBLIC EN EUROPE
(BASE : OBLIGATIONS DU TRÉSOR ALLEMAND)

(en points de base)

Source : Datastream

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