D. QUELLE COHÉRENCE AVEC LES LIGNES DIRECTRICES POUR L'EMPLOI ?

L'Union européenne a fait du nombre des travailleurs pauvres (la pauvreté laborieuse) l'un de ses quinze indicateurs de cohésion sociale. L'intérêt de l'Union européenne pour la question des travailleurs pauvres s'est également traduit par l'adoption de recommandations dans les lignes directrices pour l'emploi , dont la teneur précise mérite d'être exposée 39 ( * ) .

Comme pour toutes les questions sociales abordées dans le processus européen, la cohésion sociale n'y est pas tant considérée en soi que comme une question relevant d'enjeux économiques et financiers, ceux qui s'attachent à l'existence de « trappes à pauvreté ».

L'existence de travailleurs pauvres est en effet vue comme une triple menace :

- pour l'inclusion sociale puisqu'elle réduit les incitations à travailler, le travail étant vu comme un levier d'intégration sociale ;

- pour la croissance économique en ce qu'elle réduit la participation au marché du travail et, de plus, manifeste l'existence d'emplois de faible productivité ;

- pour la soutenabilité des systèmes de protection sociale qui pâtissent de l'atténuation de la dynamique de croissance résultant de l'emploi trop faiblement productif de la force de travail et doivent supporter le poids des personnes exclues ou pauvres.

C'est ainsi que les lignes directives pour l'emploi 2003-2005 précisent que « les États membres réformeront les incitations financières afin de rendre l'emploi attrayant et d'encourager les hommes et les femmes à rechercher, occuper et conserver un emploi ».

Il leur est demandé d'« élaborer des politiques appropriées permettant de réduire le nombre des travailleurs pauvres ».

Les États membres sont également invités à supprimer les facteurs « dissuasifs » à la reprise d'emploi qui résultent d'une interaction pouvant exister entre l'imposition des revenus et les prestations sociales « afin d'éliminer les pièges du chômage, de la pauvreté et de l'inactivité et d'encourager la participation au monde professionnel des femmes, des travailleurs peu qualifiés, des travailleurs âgés, des personnes souffrant d'un handicap et des personnes extrêmement marginalisées ».

On s'accordera pour reconnaître que, si elles sont mentionnées dans les lignes directrices, les suggestions relatives aux moyens de réduire le phénomène des travailleurs pauvres ne sont guère... directives.

A priori, elles laissent ouvert le champ des politiques concevables. Cependant, la mention des effets du système fiscal sur la pauvreté (mentionnée dans sa généralité plutôt que dans sa forme spécifique de pauvreté au travail), plutôt que celle du niveau des bas salaires semble représenter un appel à désarmer les désincitations institutionnelles au travail dans la droite ligne des politiques de « Make work pay ». « Ainsi, les politiques mises en oeuvre devront viser, pour l'horizon 2010, une réduction significative des taux marginaux d'imposition effectifs, s'ils sont élevés, et, le cas échéant de la charge fiscale pesant sur les bas salaires, en tenant compte des caractéristiques propres à chaque pays » .

Tout ceci devra être réalisé « en préservant un niveau adéquat de protection sociale ».

* 39 Les textes communautaires sont le fruit d'une élaboration complexe qui, dans le cadre du Conseil européen, emprunte assez largement aux règles de la diplomatie. Aussi, chaque mot compte-t-il et c'est pourquoi, en dépit de la faible effectivité qui est parfois la leur, il faut les citer in extenso et ne pas reculer devant l'effort laborieux - et souvent difficile - d'en faire ressortir les nuances. En effet, celles-ci traduisent souvent les termes des oppositions de point de vue entre pays.

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