C. LA LIMITATION DES DÉGRÈVEMENTS ET EXONÉRATIONS

1. Une prise en charge par l'Etat en constante progression

On distingue traditionnellement les dégrèvements et les exonérations, qui permettent tous deux au contribuable d'alléger en totalité ou partiellement le montant de son imposition, mais qui se différencient nettement du point de vue de la collectivité territoriale concernée : les premiers ne modifient pas l'assiette fiscale totale, sur laquelle est calculé l'impôt, les secondes viennent la diminuer.

Pour les collectivités territoriales et pour l'Etat, la différence réside dans la compensation que le second verse aux premières. Dans le cas d'une exonération, l'Etat compense à la collectivité le manque à gagner l'année de la mesure, en calculant le produit que l'assiette supprimée aurait dû rapporter compte tenu du taux voté par la collectivité. Les années suivantes, l'Etat verse en général le même montant, sans tenir compte du nouveau taux voté par la collectivité, ni de l'évolution physique de la base. Il applique parfois un taux de progression (par exemple l'inflation), mais les compensations d'exonération peuvent aussi servir de variables d'ajustement à la baisse. Elles n'ont donc plus de lien avec l'impôt et se transforment en général, par la suite, en simples dotations.

Dans le cas d'un dégrèvement, la part de l'assiette reste théoriquement au sein de l'assiette totale de l'impôt. Le produit correspondant à l'assiette dégrevée reste calculé en appliquant le taux voté annuellement par la collectivité, mais c'est l'Etat, et non le contribuable, qui le verse à celle-ci.

Le taux de prise en charge par l'Etat des taxes directes locales a atteint 26 % en 2008 : plus de la moitié de la taxe professionnelle et près d'un tiers de la taxe d'habitation sont ainsi payés par l'Etat et non par les contribuables locaux. Symétriquement, les compensations d'exonérations et de dégrèvements représentent près de 20 % de « l'effort financier de l'Etat en faveur des collectivités territoriales » .

La progression des dégrèvements et des compensations d'exonérations se traduit de manière générale par un affaiblissement de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales . C'est évident pour les compensations d'exonérations, puisqu'elles n'évoluent pas en fonction des taux votés par les collectivités. En outre, elles ont été progressivement transformées en dotations. La réforme de 2004 a ainsi intégré plus de 12 milliards d'euros de compensations d'exonérations au sein de la DGF, dont les compensations de perte de produit due à la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle, à la suppression de la part régionale des droits de mutation à titre onéreux et à la réforme de la taxe d'habitation. Ces compensations d'exonération sont incluses dans l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités et y servent en outre de variable d'ajustement. Certaines d'entre elles subissent ainsi une diminution importante depuis quelques années.

(en millions d'euros)

2006

2007

LFI 2008

LFI 2009

Compensations d'exonérations

Taxe foncière sur les propriétés bâties

377

388

401

377

Taxe foncière sur les propriétés non bâties

492

490

440

384

Taxe d'habitation

1 189

1 207

1 218

1 243

Taxe professionnelle

2 066

1 964

1 561

1 313

Total

4 125

4 049

3 630

3 326

Dégrèvements

Taxes foncières

574

583

640

650

Taxe d'habitation

2 967

3 028

3 220

3 320

Taxe professionnelle

8 715

9 356

11 700

12 700

dont : plafonnement à la valeur ajoutée

6 468

5 975

8 391

8 870

dégrèvement investissements nouveaux

746

1 442

1 300

1 760

Total

12 256

12 967

15 560

16 670

Source : jaune budgétaire « Effort financier de l'Etat en faveur des collectivités territoriales »,
annexé au projet de loi de finances pour 2009

Par ailleurs, les dégrèvements ne garantissent plus que les collectivités locales continuent à obtenir le produit correspondant aux taux qu'elles votent. Ainsi, lors de la réforme de la taxe professionnelle, introduite par la loi de finances pour 2006, le plafonnement à la valeur ajoutée a été accompagné de la mise en place d'un « ticket modérateur » à la charge des collectivités : lorsqu'elles augmentent leur taux d'imposition par rapport à un taux de référence, elles remboursent à l'Etat une partie du dégrèvement que celui-ci prend en charge. Ce mécanisme complexe a été adopté en raison des risques de dérive inhérents au système lui-même : au-delà d'un certain point, ce ne sont plus les entreprises qui payent la taxe professionnelle mais l'Etat, ce qui aurait pu conduire à des augmentations inconsidérées des taux. Mais finalement, les modalités du plafonnement à la valeur ajoutée obèrent largement la capacité des collectivités à augmenter le taux de la taxe professionnelle . Cette participation au coût du dégrèvement lié à la valeur ajoutée s'est élevé à 765 millions d'euros en 2008 pour l'ensemble des collectivités et groupements et a été particulièrement sensible pour certains EPCI et pour les départements et régions : elle représente ainsi 10,3 % du produit de TP des régions et 3,8 % de celui des départements.

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