III. PERSPECTIVES

A. RÉAFFIRMER LE BIEN-FONDÉ DES POLITIQUES PUBLIQUES

Ce tour d'Europe montre que si la crise du secteur du lait est générale, il y a une certaine unanimité pour défendre le jeu du marché et la liberté contractuelle. Beaucoup de pays considèrent que la crise est un passage avant un rebond. Pour quelques-uns, l'épreuve est aussi une sorte de mode de sélection des plus compétitifs. Néanmoins, il est certain que l'amplitude des variations de prix est excessive et parfois dévastatrice et que les éleveurs ont besoin de davantage de stabilité.

1. Le maintien des instruments de régulation

Malgré les réticences exprimées par la Commission européenne et quelques États membres, le Conseil a toujours maintenu les instruments d'intervention sur le beurre et la poudre de lait dans les règlements communautaires. Le mécanisme actionné par la Commission est à double détente : une intervention automatique et à prix fixé dans la limite d'un plafond, et une intervention supposée plus aléatoire au delà du plafond, puisque « la Commission peut suspendre les achats à l'intervention ; les achats peuvent être effectués par voie d'adjudication sur la base de spécifications à déterminer par la Commission » (article 8 du Règlement (CE) n° 1234/2007).

Force est de constater que dans l'épreuve provoquée par la baisse du prix du lait, la Commission a pleinement joué son rôle, procédant à des achats répétés, réguliers et à des prix adaptés à la gravité du moment. Le principe même de l'adjudication (au moins offrant) pouvait laisser envisager une concurrence à la baisse. Cela n'a pas été le cas. Le prix d'intervention appliqué a été de 99 % du prix réglementaire. La Commission a également actionné certains leviers pour accroître les débouchés, tels que les restitutions aux exportations et les programmes d'assistance alimentaire.

Ce mécanisme est l'ultime outil de régulation du marché. Selon le directeur général de la DG Agri, il n'est pas question pour la Commission de revenir aux « montagnes de beurre » de la PAC administrée. Pourquoi rappeler cet épisode de l'histoire tant le contexte a changé ? L'intervention de l'époque servait à absorber des excédents d'une production passablement irresponsable (avec près d'un million de tonnes de beurre stocké en 1983-1985). Il n'y a plus de montagnes de beurre. Il n'y en aura plus. La Commission a même annoncé - par provocation ? - que « en 2014, l'UE devrait être sur le point de devenir un importateur net de beurre.» (rapport de la Commission du Conseil sur les perspectives de marché dans le secteur du lait 12.12.2007 - COM (2007) 800 final p.10).

Jadis, ces interventions étaient conçues comme un stockage d'excédents. Le concept peut et doit être renouvelé.

Après l'intervention au prix réglementaire, en mars 2009, la Commission a procédé à six adjudications entre mars et mai 2009, pour un total de 80 000 tonnes, soit 30 000 tonnes au prix d'intervention et 50 000 tonnes achetées par adjudication. 20 % soit 16 654 tonnes ont été retenues pour la France.

Les trois années écoulées ont montré que la principale caractéristique du marché est l'extrême volatilité des prix. Une sécheresse en Nouvelle-Zélande, une crise sanitaire en Chine, sans compter l'effet amplificateur des éventuelles spéculations sur les marchés agricoles peuvent bouleverser un marché.

Dans ce nouveau contexte, l'intervention ne doit donc plus être considérée comme un moyen de retirer des excédents, mais comme un moyen de lisser des prix. Il n'y a plus, il n'y aura plus d'excédent structurel, le marché assure au moins cet avantage. Mais il y a et il y aura toujours une grande volatilité des prix.

Aux stades atteints, cette volatilité est meurtrière. Meurtrière pour les éleveurs qui ont besoin d'un minimum de stabilité et de visibilité. Comment s'engager dans une production quelconque, dans un investissement, si le prix du produit peut varier du simple au double en un an ? Meurtrière aussi pour le citoyen consommateur. Car, in fine, c'est la sécurité alimentaire des Européens qui est en jeu.

Dans une PAC raisonnée, l'intervention peut prendre ce rôle économique et social. Une extension des périodes d'intervention et une majoration significative des plafonds d'intervention (30 000 tonnes de beurre - 109 000 tonnes de poudre aujourd'hui) permettrait d'assurer ce rôle régulateur et donnerait un signal sécurisant à une profession déstabilisée et meurtrie.

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