DEUXIÈME TABLE RONDE - LA PRÉVENTION DES RISQUES DE TSUNAMI DANS LE MONDE ET L'IMPLICATION DE LA FRANCE : ÉTAT DES LIEUX

M. François SCHINDELE , Expert au Bureau au Commissariat à l'énergie atomique

M. Jan SOPAHELUWAKAN , président du groupe intergouvernemental de coordination du système d'alerte aux tsunamis de l'océan Indien (GIC/SATOI)

M. Jean-Pierre MAC VEIGH , directeur délégué pour l'Outre-mer, Météo-France

Mme Lorna INNISS , présidente du groupe intergouvernemental de coordination du système d'alerte aux tsunamis dans les Caraïbes et les mers adjacentes (GIC/Caraïbes)

M. Steve TAIT , directeur scientifique des observatoires volcanologiques et sismologiques de l'Institut de Physique du Globe de Paris, représentant la France

M. Stefano TINTI , président du groupe intergouvernemental de coordination du système d'alerte aux tsunamis de l'Atlantique Nord-Est et de la Méditerranée (GIC/ SATANEM)

Mme Frédérique MARTINI , chef du bureau des risques météorologiques, au service des risques naturels et hydrauliques, représentant le point de contact national français pour le GIC/SATANEM

M. Roland COURTEAU

Nous avions prévu une pause raccourcie, qui en fait s'est avérée être une pause rallongée. On va prendre un peu plus de retard, mais peut-être pour ne pas en prendre plus, moi je voudrais vous inviter, si possible, à ne pas dépasser le temps imparti. Je pense que c'était 15 minutes chacun. Ce serait bien si vous pouviez vraiment rester chacun à 15 minutes, faute de quoi vous allez devoir déjeuner à une heure qui se rapprochera du soir.

Bon, écoutez, nous allons poursuivre maintenant par cette deuxième table ronde, « La prévention des risques de tsunami dans le monde et l'implication de la France », avec un état des lieux. Alors d'emblée je vais donner la parole à François Schindelé, du CEA, qui représente la France au GIC/Pacifique. Monsieur Schindelé.

A. M. FRANÇOIS SCHINDELE, EXPERT ALEA TSUNAMI AU COMMISSARIAT À L'ÉNERGIE ATOMIQUE

Merci, je vais essayer d'être assez rapide dans cette présentation. Je vais donc présenter d'une part le système globalement au niveau de la COI, donc le GIC/SATP, et puis les apports de la France dans la région.

Un rappel (cela a été mentionné ce matin) : le groupe existe depuis 1965. Il se réunit en général tous les deux ans, parfois chaque année et demi. Une réunion a été organisée à Tahiti en 1995. Actuellement il comprend 30 États membres. La plupart des grands États de la région en font partie ; en revanche, certains États insulaires de Micronésie et surtout du Pacifique Sud-Ouest ne font pas encore partie du groupe et il serait important qu'ils puissent nous joindre pour justement profiter de tout ce système qui est mis en place. Le CEA est le représentant de la France, comme il a été précisé, et le point focal dans la région. Dans la région, il existe trois centres régionaux : le Pacific Tsunami Warning Center (PTWC), le centre mis en place par JMA, Japan Meteorological Agency, et Alaska Tsunami Warning Center (ATWC). Chacun a sa zone de responsabilité. Au départ c'était le Pacifique tout seul. Mais depuis 2005, 2 centres sont responsables de l'alerte au niveau de l'océan Indien : le Pacific Tsunami Warning Center et celui du JMA. Et depuis 2006, le Pacific Tsunami Warning Center est responsable pour les Caraïbes et le Centre d'Alaska est responsable pour les côtes nord, nord-est du Canada et d'Amérique. De plus il existe ce qu'on peut appeler un centre de backup , entre ces différents centres, par exemple le PTWC et l'ATWC peuvent assurer seuls l'alerte en cas de problème dans un de ces 2 centres.

La dernière réunion a eu lieu récemment, en février 2009, aux Samoa, et voici les principaux résultats (c'est un résumé) : des nouvelles stations de mesure du niveau de la mer ont été installées, deux nouveaux centres d'alerte nationaux ont été créés, des résultats importants résultant de l'exercice tsunami 2008 ont été transmis.

Ce sont les fameux exercices d'alerte et d'évacuation. Le premier date de 2006 ; celui de 2008 s'est effectué en temps réel, tous les messages ont été envoyés comme si c'était un tsunami réel, celui-ci a donc mis 24 heures pour traverser le Pacifique. C'était une demande des États membres, car finalement, réduire le temps par rapport à la réalité comme cela avait été réalisé en 2006, est très difficile à faire. Nous avions joué un facteur 3, il y a eu des perturbations dans pas mal de pays et des remarques liées à des incompréhensions sur le phénomène. Le prochain exercice de ce type sera organisé en 2010 car nous pensons qu'il est important de les organiser fréquemment : a priori nous devrions le faire dans le Pacifique tous les deux ans.

A été adopté au niveau stratégique un plan à moyen et long terme avec de nouvelles structures des groupes de travail et un nouveau guide opérationnel qui est en place et qui est disponible d'ailleurs sur le site de la COI. Je souhaite rappeler que la plupart des documents mis en place par les différents GIC sont disponibles sur le site de l'UNESCO/COI.

Les deux centres qu'on peut considérer maintenant comme opérationnels sont le Centre en Indonésie depuis 2008 et le Centre en Australie. Ce sont deux centres qui contribuent, comme on le voit sur cette carte, autant au niveau de l'océan Indien qu'au niveau de l'océan Pacifique. Ce sont deux centres très importants : l'Indonésie, évidemment parce que c'est une source - si je puis dire - de gros séismes et de tsunamis très importants au niveau de l'océan Indien, donc avoir un centre local sur place permet d'avoir toute une surveillance, une détection et des informations très rapides. Et l'Australie, qui se situe justement, entre l'océan Indien et le Pacifique Sud-Ouest, ce qui lui permet donc de bien surveiller cette région. L'Australie a également contribué à des réseaux de surveillance complémentaires au niveau marégraphie et au niveau sismique.

Les six nouveaux tsunamimètres que j'évoquais sont positionnés dans le Sud-Ouest Pacifique, quatre installés par les États-Unis et deux par l'Australie. Ils viennent compléter l'ensemble du réseau concernant le Pacifique. On voit à nouveau sur cette carte des stations qui ont été mises en place dans les Caraïbes, dans l'océan Atlantique et également dans l'océan Indien. Tel est donc le réseau actuel de surveillance au niveau des tsunamimètres ; il y a en plus quelques tsunamimètres japonais qui ne sont pas sur cette carte, des stations par câble qui complètent le réseau et envoient des données au centre d'alerte.

Passons maintenant à la stratégie d'atténuation des effets : vous avez déjà vu ce schéma, je pense, depuis bien longtemps, depuis les premiers exposés sur le sujet faits en 2005. On distingue trois composantes principales : le système d'alerte, l'aspect prévention et l'évaluation de l'aléa, à partir desquelles ont été redéfinis trois groupes de travail techniques.

Pour le premier, les États-Unis assurent la présidence. Les priorités définies pour les deux prochaines années sont l'alerte en champ proche, donc des événements proches, locaux, qui est la grande problématique du système, ainsi que l'envoi de cette alerte à des zones plus reculées, par exemple en Polynésie à des îles très retirées (Comment diffuser l'information jusqu'à la zone qui peut être affectée par un tsunami ?).

L'aspect prévention est piloté par la Nouvelle-Zélande. Les priorités sont l'éducation au niveau du public (entre autres les enfants), la planification aussi, en tenant compte des zones potentiellement menacées, et l'intervention en cas de crise avant l'arrivée du tsunami et lors de son arrivée. Ce sont les trois priorités qui ont été mises en avant.

Pour le dernier groupe, l'évaluation de l'aléa, la présidence revient à la France. Là, les considérations sont assez globales : l'identification de l'aléa au niveau local et régional et l'identification des risques sont les deux priorités données à ce groupe.

Des groupes régionaux ont été mis en place, dès les sessions précédentes, qui ont été confirmés lors de cette réunion : en mer de Chine méridionale, dans le Pacifique Sud-Ouest, le Pacifique Sud-Est (les pays de la côte pacifique d'Amérique du Sud et centrale). Le rôle de la France dans le Pacifique sud sur cette carte est évident : la Polynésie française, au milieu du Pacifique sud, possède un centre polynésien de prévention des tsunamis en place depuis presque une trentaine d'années ; quant à la position de Wallis-et-Futuna, de la Nouvelle-Calédonie et des îles Loyauté, on voit que la France permet de surveiller toute cette zone du sud-ouest du Pacifique, et même pour les événements qui viendraient du sud-est du Pacifique, la Polynésie française est sur le trajet du tsunami.

Donc tout ce que la France met en place permet de confirmer si le tsunami est toujours important ou si à l'inverse les vagues à grande distance sont négligeables. Depuis les années 60, a été mis en place le Centre polynésien de prévention des tsunamis. Je ne vais pas entrer dans les détails de toutes les stations, mais récemment ont été mises en place des liaisons Internet par VPN (Virtual Private Network - réseau privé virtuel) entre 3 stations distantes (la Polynésie est étendue sur une surface équivalente à celle de l'Europe, donc certaines stations sont distantes de plus de 1 500 km de Tahiti) qui nous permettent de calculer rapidement tous les différents paramètres du séisme. Le système TREMORS, que vous avez déjà vu, permet d'alerter le sismologue d'astreinte, à domicile ou bien lors des heures de bureau au laboratoire de Pamataï : ce sismologue vérifie les caractéristiques du séisme et transmet les différents messages d'alerte ou d'information à la direction de la protection civile de Tahiti qui, elle, déclenche une évacuation en cas de nécessité. Je rappelle qu'en Polynésie les seuils d'alertes pour certaines zones sont différents globalement de ceux du Pacifique du fait de zones très vulnérables, comme les îles Marquises (parmi tous les tsunamis qui se déclenchent dans le Pacifique, presque tous y sont observés et peuvent inonder certaines baies et certains ports).

D'autres données sismologiques sont récupérées des différents réseaux internationaux et nous permettent maintenant d'estimer précisément des paramètres très importants du tremblement de terre, dont le moment sismique, et surtout ce qu'on appelle le mécanisme au foyer. L'objectif est de pouvoir faire une simulation numérique du tsunami en tenant compte des réelles caractéristiques de l'événement, la profondeur de l'épicentre, la source et le type de séisme.

Concernant la marégraphie, nous recevons maintenant des données d'une quarantaine de stations via le système mondial de communications, et certaines via internet. On a choisi évidemment les zones les plus exposées de la Polynésie française pour surveiller les tsunamis en provenance de l'Amérique du Sud, les eaux des Tonga-Kermadec et certaines stations situées au nord pour détecter ceux qui pourraient provenir des Aléoutiennes. A cela, se sont ajoutées récemment deux stations en 2008-2009 (ce qui a déjà été présenté ce matin par le SHOM), et d'ici à 2009-2010, peut-être 2011, trois/quatre nouvelles stations devraient être installées aux îles du Vent, Sous-le-Vent et une certainement remplacée à Rikitea. En Polynésie, au niveau marégraphique, quand toutes les stations seront installées, le réseau sera optimum (il permet de détecter au plus vite l'arrivée du tsunami, de vérifier ses caractéristiques, s'il vient du nord, du sud ou de l'ouest).

Le réseau de sirènes est un projet qui date aussi de plusieurs années et qui a déjà été évoqué ce matin par la Délégation générale à l'Outre-mer. Donc en Polynésie 130 sirènes sont actuellement installées et grâce à un programme récent, depuis 2009, en Nouvelle-Calédonie, il est prévu d'en installer 35 dans les différents sites positionnés sur cette carte (13 sont déjà installées à ce jour). Wallis-et-Futuna sont également déjà équipés, même si le nombre exact de sirènes installées à ce jour ne m'est pas connu. Le système peut être déclenché à partir de la Polynésie, de Tahiti pour toute la Polynésie, à partir de Nouméa pour la Nouvelle-Calédonie, et devrait permettre un déclenchement par l'un ou par l'autre au cas où il y ait des difficultés dans une des deux régions.

Les mesures du niveau de la mer, c'est-à-dire marégraphiques - il en a déjà été question ce matin : la plupart des marégraphes ont été achetés ou le financement est disponible. Il en était prévu 9 le long des différentes îles, la Grande Terre, les Loyauté, Wallis-et-Futuna, et 6 dans d'autres pays. Il s'agit à présent de finaliser ce programme en fonction du coût d'installation et de maintenance de ces différentes stations.

Pour terminer, quel est le rôle de la France dans ce fameux groupe ? D'une part, nous sommes responsables d'un groupe de travail sur l'évaluation de l'aléa et du risque. Le Centre polynésien de prévention des tsunamis a un rôle très important car il envoie ses alertes au Pacific Tsunami Warning Center, partage tous les résultats des différents calculs de paramètres des séismes par les méthodes que nous avons justement mises au point en Polynésie. Nous participons évidemment activement au groupe de travail régional sur le Pacifique Sud-Ouest. L'implantation et la maintenance des nouveaux marégraphes sont vraiment les priorités de cette année et des prochaines années. Par ailleurs, des pays demandent un retour d'expérience du réseau de sirènes : il y aurait quelques soucis sur l'alimentation de ces sirènes sur le long terme. La sécurité civile à Tahiti et à Nouméa regardent ce problème de près et a demandé à l'installateur de vérifier les caractéristiques.

Dernier point : le plan de secours spécialisé qui va être mis en place en Nouvelle-Calédonie est en cours et devrait être terminé d'ici la fin de l'année. Certaines études complémentaires ont été menées, comme l'a évoqué la Délégation générale à l'Outre-mer, à propos de l'évaluation de l'aléa en Nouvelle-Calédonie ; un article est en cours et devrait être publié d'ici quelques mois.

Je vous remercie.

M. Roland COURTEAU

Merci, Monsieur Schindelé.

Est-ce que vous avez des questions à poser ? Non ? Nous passons à l'intervenant suivant. Je voudrais donner la parole à Monsieur Jan Sopaheluwakan, qui est président du groupe intergouvernemental de coordination du système d'alerte aux tsunamis de l'océan Indien, le fameux GIC/SATOI, qui est prêt.

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