C. DES MOYENS FINANCIERS PUBLICS INDÉTERMINÉS

Il est malaisé de dresser un bilan financier précis des crédits publics affectés aux zones humides.

De fait, en dépit des interventions de caractère global des agences de bassin, à quelques exceptions près, les zones humides sont « noyées » dans la PAC qui n'a pas été conçue pour mettre en oeuvre une politique volontariste de protection de l'environnement, mais pour assurer la sécurité alimentaire de l'Union européenne.

En effet, l'essentiel du budget des zones humides a été géré par le ministère de l'agriculture dans le cadre de la programmation du développement rural 2000-2006.

Dans cet ensemble, on relève une seule action agri-environnementale spécifique sous la rubrique « 18.06 » : gestion des milieux remarquables, notamment milieux humides (tourbières, prairies humides, marais, etc.).

Nombre de contrats

Surface engagée

Montant de l'annuité agroenvironnementale

CTE (total)

49.368

2.357.654 ha

environ 300 M€

CTE en zone Natura 2000 ( estimation )

7.848

266.084 ha (11,2 %)

-

CTE avec action 18.06*

1.512

32.764 ha (1,4 %)

4,6 M€ (1,5 %)

CAD (total)

22.380

903.983 ha

110 M€

CAD en zone Natura 2000

3.550 (16 %)

95.272 ha (10,5 %)

-

CAD avec action 18.06*

5.524 (24,6 %)

82.715 ha (9 %)

17,3 M€ (15,7 %)

*action agroenvironnementale 18.06 : gestion des milieux remarquables, notamment milieux humides (tourbières, prairies humides, marais, etc.)

Source : Ministère chargé de l'Agriculture

Dans la programmation du développement rural adoptée par l'Union européenne pour la période 2007-2013, les mesures agro-environnementales territorialisées (MAET) paraissent mieux adaptées aux problèmes spécifiques des zones humides.

Cependant, intégré dans le système de la PAC, le dispositif n'a pas pour objectif prioritaire de dynamiser la politique des zones humides.

D'ailleurs, on observe que le MEEDDAT ne semble pas porter un intérêt soutenu à ces dispositifs, notamment quant à leur efficacité du point de vue écologique.

En outre, dans un audit effectué au ministère de l'Agriculture sur la mise en oeuvre des MAE à mi-parcours (2005) du PDRN précédent, on relève peu d'informations précises sur le suivi écologique des parcelles et des exploitations engagées, et aucun renseignement explicite sur les zones humides. En revanche l'accent est mis sur les effets négatifs des ruptures engendrées par le changement des outils, générateur d'instabilité et de complexité.

En effet depuis 1991, les dispositifs suivants se sont succédé :

- opérations locales agri-environnementales (OLAE) de 1991 à 1998 ;

-  contrats territoriaux d'exploitation (CTE) de 2000 à 2003 ;

- contrats d'agriculture durable (CAD) de 2004 à 2006 ;

- engagements agri-environnementaux depuis 2007.

Dans la nouvelle évaluation des mesures agri-environnementales actuellement en cours, les actions visant les zones humides pourraient ne pas être plus lisibles.

Une exception notable doit être évoquée ici : il s'agit de l'application - à titre expérimental - de l' indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) dans le marais poitevin .

L'ICHN (appelée en son temps prime à l'herbe) a initialement été instituée pour pallier la déprise dans les zones de montagne, consécutive à l'exode rural. Le système a été ultérieurement étendu à d'autres types de territoires, parmi lesquels les zones à handicaps spécifiques et les zones défavorisées simples (règlement [CE] n° 1257/1999 du Conseil du 17 mai 1999).

Pour la période 2000-2002, 58 communes du marais poitevin étaient classées en zone défavorisée simple. De ce fait les exploitations agricoles répondant aux critères réglementaires (siège et 80 % de la SAU situés dans les communes classées) ont pu recevoir l'ICHN, au tarif de 49€/ha, pour les surfaces fourragères et les céréales autoconsommées.

Simultanément, les mêmes agriculteurs ont pu souscrire des contrats territoriaux d'exploitation (CTE) pour le maintien et la gestion extensive des prairies permanentes, selon les 3 niveaux d'engagement proposés, à savoir :

- niveau 1 : 152,45 €/ha/an ;

- niveau 2 pour les prairies anciennes à forte valeur biologique : 228,67 €/ha/an ;

- niveau 3 pour des milieux spécifiques : 304,90 €/ha/an et une mesure de reconversion de terres arables : 374,87€/ha/an.

Le périmètre d'application de l'ICHN a été étendu à tout le marais poitevin et à partir de 2003, le PDRN a autorisé une majoration de cette indemnité pour les prairies permanentes, landes et parcours du marais poitevin, fixée à 60 €/ha/an pour les marais desséchés et à 121 €/ha/an pour les marais mouillés.

Simultanément, dans l'ensemble du marais poitevin les CAD (contrats d'agriculture durable) ont intégré les enjeux de « biodiversité remarquable » et de « qualité de l'eau ».

Pendant l'ensemble de la période 2000-2006, l'ICHN a été cumulable avec les mesures agro-environnementales. La majeure partie des contrats signés par des agriculteurs concernent le maintien et la gestion extensive de prairies permanentes.


Procédant en 2005 à une évaluation de l'efficacité de ces dispositifs, les services d'inspection des ministères concernés, en collaboration avec le Conseil général du Génie rural, ont observé que le taux de pénétration global de l'ICHN s'établissait à 40 % au plus et que le taux de pénétration des aides spécifiques marais était de 33 % au plus, 22.000 ha de prairies étant exclus du bénéfice de l'ICHN.

Depuis 2007, le régime de l'ICHN est applicable dans les mêmes conditions que pendant la période précédente, dans le cadre d'un projet territorial défini par l'Etat, en concertation avec les professionnels (chambres d'agriculture) et le syndicat mixte du parc interrégional du marais poitevin. Ce projet comporte en outre une mesure prairie humide (MPH) de 150€/ha/an qui vise de façon élective les zones humides, ainsi que deux mesures assorties de niveaux de contrainte plus élevés pour des montants respectifs de 226 €/ha/an et 279 €/ha/an.

Ce système est complété par une mesure de création/entretien de couverts herbacés dans un but de reconversion ultérieure des terres arables.

Le cumul de la majoration de l'ICHN spécifique avec les MAE (hors mesure prairie humide) autorisé en 2007, a été supprimé depuis 2008.

En dépit des moyens mobilisés jusqu'en 2006, l'exemple du marais poitevin met en évidence les difficultés d'une reconversion des exploitations agricoles vers un modèle de production extensif économiquement et écologiquement viable .

Il apparaît urgent de dresser un bilan précis du nouveau système appliqué depuis 2007, notamment pour pallier les risques du contentieux communautaire ; la Commission de l'Union européenne a suspendu la procédure engagée contre la France, dans l'attente des résultats du nouveau dispositif mis en oeuvre.

Conclusion partielle

Globalement, la faible lisibilité des moyens publics destinés aux zones humides dans le cadre national et communautaire conduit à s'interroger sur les moyens et les méthodes mis en oeuvre.

Des procédures complexes, instables , voire inadaptées nuisent à l'efficacité des crédits affectés à cette politique qui ne saurait se limiter à la préservation des « grandes zones humides » emblématiques, mais doit viser les zones humides « ordinaires ».

En créant un « groupe national en faveur des zones humides » en avril dernier, le Gouvernement a lui-même reconnu la nécessité de reconsidérer les actions visant ces espaces .

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