CONCLUSION

Pour relancer la politique publique visant les zones humides , quelques axes opérationnels peuvent être proposés.

Du point de vue réglementaire , la priorité doit être donnée à une réécriture réaliste des règles de délimitation des zones humides .

En effet, dans ce domaine, la méthode inductive semble la plus appropriée ; l'empirisme doit prévaloir, même s'il n'est pas conforme au schéma idéal conçu par des scientifiques.

Pour appréhender correctement la réalité, l'arrêté précité du 24 juin 2008 doit être repensé, d'autant plus que la perspective de son application à des superficies importantes du territoire paraît peu réaliste, du fait de sa complexité et de la nécessité de mobiliser des compétences très pointues.

Le cumul des critères pédologiques et botaniques pour délimiter les zones humides n'apporte pas de réponse propre à faciliter l'exercice de la police de l'eau par les préfets ; il conduit notamment à paralyser l'exécution de travaux d'entretien d'émissaires aménagés de longue date et accroît l'opacité des procédures, du fait de l'absence d'une définition claire du drainage et de l'assèchement.

On relève d'ailleurs que le critère « morphologie des sols » ne figure pas explicitement dans les dispositions législatives (art. L.211-1 du Code de l'environnement), mais qu'il résulte des textes réglementaires (Art. R. 211-108 du code de l'environnement et arrêté précité de 2008). On est donc ainsi passé d'une approche expérimentale (terrains habituellement inondés ou gorgés d'eau) à un système de nature dogmatique dans lequel les gestionnaires de territoires ne peuvent se retrouver.

Pour mettre un terme à ces errements, votre Délégation suggère une réécriture de l'arrêté précité fondée sur le pragmatisme.

La mise en application de la loi sur l'eau de 2006 doit être accélérée. Peut-être faudrait-il mettre à la disposition des collectivités locales des moyens supplémentaires pour hâter la réalisation des SAGE qui permettent d'établir des règles concertées d'utilisation de l'eau d'un réseau hydrographique et conditionnent donc l'évolution des zones humides qui en dépendent. En effet, présentement, à l'intérieur du périmètre du SDAGE, la création d'une CLE (commission locale de l'eau) et la réalisation d'un SAGE sont laissés à l'initiative des collectivités locales. Les ressources des agences de l'eau pourraient être mobilisées à cet effet.

Quant au dispositif d' aide dédiée aux zones humides, qui n'existe pas pour l'heure, on pourrait utilement s'inspirer de l'ICHN, en créant une « indemnité spéciale zone humide », ainsi que l'avait suggéré dès 2006 notre excellent collègue Philippe Leroy. Une telle indemnité permettrait d'instaurer un régime pérenne de soutien aux gestionnaires de ces zones et faciliterait la lisibilité de la volonté politique en ce domaine. Une attention particulière devrait être portée à ce sujet dans le cadre de la future réforme de la PAC.

Pour des motifs financiers énoncés précédemment, les acquisitions foncières doivent rester limitées, ciblées principalement en périphérie des métropoles urbaines où la pression foncière est particulièrement forte. De plus, l'acquisition ne garantit pas nécessairement la bonne gestion et la protection à long terme : les exemples de domaines préemptés par des collectivités pour un motif de protection de l'environnement et transformés ultérieurement en boulevard ou en esplanade ne manquent pas.

En outre, par cohérence avec les principes qui ont inspiré la décentralisation, la préférence pour un outil géré par les collectivités locales devrait prévaloir ; bon nombre d'entre elles disposant déjà d'un établissement public foncier (EPF) local pour mener à bien leur politique d'aménagement. En temps que de besoin, les compétences de ces EPF pourraient être élargies.

Enfin, pour les motifs d'efficacité de la dépense publique précédemment indiqués, il serait opportun de mieux prendre en considération les actions de préservation des structures privées . La Commission européenne ne s'y est pas trompé en apportant son soutien à une initiative originale lancée par ELO 10 ( * ) dans l'espace communautaire ; il s'agit de « Wildlife Estate Initiative » (cf. Annexe 9).

* 10 ELO : European Landowners Organisation.

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