2. Les mutations d'Al-Qaïda

Al-Qaïda frappe par sa capacité à évoluer et à s'adapter aux circonstances, ce qui explique sa résilience après 2001. Son organisation est décentralisée, sa stratégie opportuniste. Elle consiste à profiter des failles dans les systèmes de sécurité occidentaux ou dans des pays où l'Etat est faible, voire inexistant, d'y installer ses camps d'entrainement et d'organiser à partir d'un havre protégé ses opérations à travers le monde. Elle utilise Internet, ce qui lui permet d'entretenir une impression d'activité supérieure à la réalité et lui procure un rayonnement international.

Elle recrute dans le groupe hétérogène que les spécialistes du renseignement appellent la « communauté du ressentiment ». Dans la plupart des cas il n'y a pas recrutement. Les convertis s'enrôlent d'eux-mêmes soit individuellement, soit par petits groupes, sous la bannière de l'organisation pour acquérir plus de visibilité. Comme le dit un journaliste saoudien, grand connaisseur de Ben Laden, Jamal Khashogi, Al-Qaïda est avant tout un « état d'esprit ». Cet état d'esprit peut être entretenu de multiples façons, aussi bien par une éducation exclusivement religieuse, par des émissions de télévision, par Internet, ainsi que par des prêches enflammés dans les mosquées qui exaltent l'identité islamique. Dans ce contexte de forte allergie à l'Occident et à ses valeurs, la simple présence de touristes en terre musulmane peut provoquer le passage à l'acte.

L'une des spécificités les plus effrayantes d'Al-Qaïda tient au fait qu'elle tend à se positionner sur un registre virtuel afin de devenir une « référence », un « label » et d'entretenir le mythe du conflit de civilisations entre l'Occident, perçu comme chrétien, et le monde musulman, conçu comme essentiellement sunnite. Observons que les chiites sont perçus comme des hérétiques et ravalés au même rang que les juifs et les chrétiens, au travers d'attentats de masse contre les lieux de pèlerinage chiites.

La diffusion du label d'Al-Qaïda tient aussi bien à la volonté de militants extrémistes de se référer à Ben Laden, dans le but d'afficher une force supérieure à celle qu'ils ont, qu'à la volonté de certains Etats d'obtenir des concours pour lutter contre des rébellions locales et justifier leurs propres actions de répression en se prétendant confrontés à Al-Qaïda.

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