Rapport d'information n° 17 (2009-2010) de M. Denis BADRÉ , fait au nom de la commission des affaires européennes et de la commission des finances, déposé le 7 octobre 2009

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N° 17

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 octobre 2009

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) et de la commission des finances (2) sur l' évaluation de l' activité des agences européennes ,

Par M. Denis BADRÉ,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Hubert Haenel , président ; MM.  Denis Badré, Michel Billout, Jean Bizet, Jacques Blanc, Jean François-Poncet, Aymeri de Montesquiou, Roland Ries, Simon Sutour, vice-présidents ; Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Hermange, secrétaires ; MM. Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, Pierre Bernard-Reymond, Didier Boulaud, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Gérard César, Christian Cointat, Philippe Darniche, Mme Annie David, MM. Robert del Picchia, Pierre Fauchon, Bernard Frimat, Yann Gaillard, Charles Gautier, Mme Fabienne Keller, MM. Serge Lagauche, Jean-René Lecerf, Mmes Colette Mélot, Monique Papon, MM. Jean-Claude Peyronnet, Hugues Portelli, Yves Pozzo di Borgo, Josselin de Rohan, Mme Catherine Tasca et M. Richard Yung.

(2) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Mesdames, Messieurs,

À plusieurs reprises déjà, notamment lors de l'examen de l'avant-projet de budget des Communautés européennes pour 2008, votre rapporteur avait appelé l'attention sur la progression importante des moyens alloués aux agences européennes. Il avait considéré cette évolution préoccupante dans la mesure où l'usage de ces ressources toujours croissantes ne semble faire l'objet d'aucun contrôle véritable.

Cette analyse a été confirmée par la publication d'un rapport spécial (1 ( * )) de la Cour des comptes européenne consacré à l'évaluation de l'activité des agences et à ses lacunes. Ces conclusions ont incité le Conseil des ministres de l'Union européenne à demander à la Commission européenne des informations plus détaillées sur les agences et leurs moyens et à se montrer plus exigeant sur les résultats qu'elles obtiennent.

Les débats sur les agences ne sont pas nouveaux et portent principalement sur leur place dans le paysage institutionnel de l'Union européenne.

Ainsi, en 2005, la Commission européenne avait proposé un accord interinstitutionnel de manière à établir un cadre juridique commun contribuant à clarifier et à uniformiser les fonctions et les méthodes de travail des agences (2 ( * )) . Toutefois, le Conseil n'a pas donné suite à cette proposition, estimant que le recours à un accord interinstitutionnel en la matière était dépourvu de base juridique. À l'époque, la délégation pour l'Union européenne du Sénat avait d'ailleurs préconisé de recourir, plutôt qu'à un accord interinstitutionnel, à des lignes directrices de la Commission pour encadrer le recours aux agences (3 ( * )) .

Les problèmes demeurent néanmoins, en particulier ceux liés à l'absence de cadre juridique préétabli et aux difficultés de positionnement institutionnel des agences, vis-à-vis de la Commission notamment.

C'est pourquoi la Commission, le 11 mars 2008, a présenté une communication, intitulée Agences européennes - Orientations pour l'avenir (4 ( * )) , dans laquelle elle « estime que le moment est venu de rouvrir le débat sur le rôle des agences et sur leur place dans le système de gouvernance de l'UE ».

Le texte de la Commission poursuit essentiellement un objectif institutionnel, c'est-à-dire « adopter une approche commune en matière de gouvernance des agences de régulation ». Cette approche commune devrait porter sur les tâches dévolues aux agences, leur structure et leur fonctionnement, leurs responsabilités et leurs relations avec les autres institutions, les modalités de leur établissement et de leur dissolution et leur stratégie de communication.

Cette préoccupation institutionnelle est légitime, mais votre rapporteur considère que la réflexion entamée à cette occasion doit aller plus loin et que « l'approche commune » souhaitée doit aussi aborder la question des moyens des agences en termes d'efficacité et d'efficience. L'amélioration de la gestion de ces moyens est nécessaire. Elle passe par des réformes qui rendent possible, le cas échéant, une adaptation du format des agences.

Le présent rapport, fait au nom de la commission des finances et de la commission des affaires européennes du Sénat, se veut une contribution à la réflexion sur ces réformes.

Pour donner une plus grande portée à ses observations, votre rapporteur a conclu au dépôt d'une proposition de résolution européenne (5 ( * )) .

I. L'« AGENCIARISATION » DE L'EUROPE

Le développement, important et rapide, des agences en Europe évoque un phénomène d'« agenciarisation » , également observable dans de nombreux États membres, dont la France. Ce phénomène traduit une banalisation du recours aux agences comme mode de fonctionnement institutionnel de l'Union européenne, auxquelles sont allouées des ressources en croissance très sensible.

A. LA PLACE GRANDISSANTE DES AGENCES DANS LE PAYSAGE INSTITUTIONNEL DE L'UNION EUROPÉENNE

Dans sa communication du 11 mars 2008 sur les agences européennes, la Commission européenne note que, « depuis quelques années, le recours aux agences pour la mise en oeuvre de tâches fondamentales fait partie intégrante du mode de fonctionnement de l'Union européenne. Ces agences appartiennent désormais au paysage institutionnel de l'Union ».

1. La multiplication d'agences aux statuts hétérogènes

a) L'absence de cohérence d'ensemble

Les agences européennes ne relèvent pas d'un statut juridique unique . Le terme « agence » lui-même n'apparaît pas nécessairement dans l'intitulé de ces organismes. On peut parler aussi de « fondation », d'« office », de « centre », d'« observatoire », d'« autorité », de « collège », sans que le choix de tel ou tel terme ait une quelconque conséquence sur leur statut.

Il existe deux principales catégories d'agences. Il convient en effet de distinguer les agences de régulation et les agences exécutives.

Les agences de régulation (6 ( * )) , dites également agences décentralisées car leurs sièges sont répartis sur le territoire de l'Union européenne, sont des organismes de droit public européen, distincts des institutions communautaires et dotés d'une personnalité juridique propre. Elles sont créées par un acte communautaire de droit dérivé, généralement un règlement sectoriel, sans limitation de durée (7 ( * )) . Il n'existe pas de dispositions générales régissant la création et le fonctionnement des agences de régulation.

Les agences exécutives , quant à elles, sont des organismes institués par la Commission européenne sur la base du règlement (CE) n° 58/2003 du Conseil du 19 décembre 2002 portant statut des agences exécutives chargées de certaines tâches relatives à la gestion de programmes communautaires, dans le but d'exécuter tout ou partie de programmes communautaires pour le compte de la Commission, sous le contrôle et la responsabilité de celle-ci. Leur base juridique unique et la responsabilité claire de la Commission à leur égard font que les agences exécutives bénéficient d'un positionnement institutionnel bien défini. Ces agences sont également dotées de la personnalité juridique. Leur existence a une durée déterminée. Leur siège est établi à Bruxelles, à l'exception de l'agence exécutive consacrée à la santé et aux consommateurs, dont le siège est à Luxembourg. On peut citer les agences exécutives pour la compétitivité et l'innovation, pour l'éducation, l'audiovisuel et la culture, pour le programme de santé publique, pour les réseaux transeuropéens de transport ou encore pour la recherche.

Les deux catégories d'agences présentent d'importantes différences. Leurs rôles ne sont pas les mêmes, du point de vue des tâches qui leur sont confiées, de leur indépendance et de leur mode de gestion.

Le tableau ci-dessous présente les principales distinctions entre agences de régulation et agences exécutives :

Agences de régulation

Agences exécutives

Création

Par le Conseil

Par la Commission, après une procédure de « comitologie » (comité de réglementation)

Contrôle

Généralement sous le contrôle des États-membres ( via les conseils d'administration)

Sous le contrôle de la Commission

Objectif

Champ de compétence autonome très varié (information, régulation, prestation de services, ...)

Exécuter un programme communautaire dont la Commission est responsable

Budget

Budget propre (fonctionnement + crédits opérationnels)

Budget propre (fonctionnement), mais exécutant des crédits opérationnels de la Commission directement dans le budget de la celle-ci, et en tant qu'ordonnateur délégué

Source : Commission européenne

Il existe par ailleurs des entreprises communes , créées par une décision du Conseil pour la mise en oeuvre de projets de recherche, qui disposent de la personnalité morale. Elles sont financées à la fois par le budget communautaire, en particulier sur les crédits du 7 e Programme cadre de recherche et de développement, et par des financeurs publics nationaux et internationaux ainsi que par des entreprises privées. Parmi ces entreprises communes, on peut citer l'Entreprise commune européenne pour ITER, l'Initiative conjointe de médecines innovantes, l'Agence européenne des piles à combustible et à l'hydrogène ou encore ARTEMIS (développement de technologies informatiques) et ENIAC (technologies de la nanoélectronique). Leur siège est généralement à Bruxelles, à l'exception de l'Entreprise commune ITER qui se trouve à Barcelone.

Il convient, enfin, de mentionner l'existence de l'Institut européen d'innovation et de technologie (IET), situé à Budapest.

b) La forte augmentation du nombre d'agences

Il existe actuellement 26 agences de régulation (8 ( * )) , dont trois relèvent du 3 e pilier. Afin d'obtenir une vue d'ensemble du phénomène d'« agenciarisation », il convient d'ajouter à ce nombre les trois agences relevant du 2 e pilier, les six agences exécutives, les sept entreprises communes, et l'IET, soit un total de 43 organismes , qui illustrent le démembrement de l'administration communautaire .

Surtout, la multiplication du nombre d'agences a pris une ampleur sans précédent au cours des dernières années.

Les agences ont été instituées par vagues successives.

Deux d'entre elles ont été créées en 1975, dans le domaine social : le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle et la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail.

Si aucune agence n'a été instituée dans les années 1980, la décennie suivante marque le début du processus d'« agenciarisation ». Dix agences, dont une relevant du 3 e pilier, l'Office européen de police, dit EUROPOL, ont été créées au cours des années 1990. Parmi celles-ci, six ont été instituées au cours des seules années 1993 et 1994 (9 ( * )) .

Quatorze nouvelles agences ont été créées depuis le début des années 2000. La seule année 2004 a vu la création de cinq nouvelles agences 10 ( * ) . On notera que l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes, dont le siège est à Vienne, a été créé en 1997, mais transformé en Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne dix ans plus tard.

En outre, l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie a été créée en 2008 et l'Agence du marché des communications électroniques devrait l'être cette année.

Par ailleurs, les six agences exécutives ont été mises en place à partir de 2004.

Enfin, on remarquera que le mandat de l'Agence européenne pour la reconstruction, dont le siège est à Thessalonique et qui avait été instituée en 2000 pour mettre en oeuvre l'assistance communautaire en faveur du Monténégro, de la Serbie et de l'ancienne République yougoslave de Macédoine, s'est achevé le 31 décembre 2008. Elle est désormais en phase de liquidation.

2. Les causes de ce phénomène

• L' accroissement progressif des compétences de l'Union européenne a aussi favorisé celui des agences.

Les agences de régulation relèvent généralement du 1 er pilier, et leur nombre a crû parallèlement au développement du marché intérieur, en particulier dans les années 1990, qui a fait naître un besoin de compétences de nature technique ou scientifique.

Certaines de ces agences relèvent toutefois d'autres piliers. Ainsi, l'Institut d'études de sécurité, le Centre satellitaire de l'Union européenne et l'Agence européenne de défense appartiennent au 2 e pilier, tandis que l'Office européen de police, l'Organe européen pour le renforcement de la coopération judiciaire et le Collège européen de police relèvent du 3 e pilier. Les agences du 1 er pilier sont des organismes communautaires, alors que celles des 2 e et 3 e piliers sont des organismes de l'Union européenne.

• Les élargissements successifs de l'Union européenne ont, eux aussi, eu des effets inflationnistes sur le nombre d'agences, chaque État membre revendiquant son agence . On rappellera que la France soutenait même deux villes candidates, Nantes et Marseille, pour recevoir le siège de l'Agence européenne de sécurité maritime, finalement dévolu à Lisbonne.

L'attribution du siège de l'Agence de régulation des opérateurs de l'énergie, qui vient d'être instituée, fait actuellement l'objet d'âpres négociations. La Slovaquie a présenté la candidature de Bratislava, la Slovénie celle de Ljubljana et la Roumanie celle de Bucarest, étant entendu que le siège de cette nouvelle agence doit revenir à un nouvel État membre. Toutefois, le Parlement européen serait favorable à l'installation de cette agence à Bruxelles, au motif, notamment, que son siège doit se situer dans un endroit facilement accessible.

De fait, tant les responsables de l'Agence européenne de sécurité maritime que ceux de l'Office communautaire des variétés végétales, que votre rapporteur a rencontrés respectivement à Lisbonne et à Angers, ont souligné les difficultés pratiques entraînées par la localisation de ces agences, en particulier l'importance des coûts induits par l'organisation de réunions dans des villes parfois difficilement accessibles en raison de leur mauvaise desserte par les transports depuis les capitales des différents États membres.

Actuellement, 17 États membres accueillent une ou plusieurs agences de régulation. La France est le siège de l'Office communautaire des variétés végétales, à Angers, et de l'Agence ferroviaire européenne, à Lille et Valenciennes. Notre pays accueille également l'Institut d'études de sécurité, agence relevant du 2 e pilier, dont le siège se trouve à Paris.

Il est indéniable que l'installation d'une agence dans un État membre est souvent bénéfique pour l'emploi local, les nationaux étant généralement très bien représentés parmi les personnels des agences, jusqu'à 40 % dans certains cas.

• La volonté de dépassionner un antagonisme d'ordre politique, voire idéologique peut conduire à instituer une agence qui « technicise » le débat. Tel est le cas, par exemple, de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, dont la mission, dans un contexte marqué par de fortes oppositions entre États membres sur les politiques à mettre en oeuvre à l'égard de la toxicomanie, consiste à fournir des données objectives et incontestables sur la base d'indicateurs permettant de comparer le bien-fondé des différentes politiques menées. Il avait été considéré qu'une agence constituerait un meilleur gage d'indépendance scientifique que les services de la Commission, soumis à des pressions de diverses natures qui auraient pu faire peser un soupçon sur l'impartialité de leurs travaux.

• La création de certaines agences a parfois des causes a priori conjoncturelles, telles que la survenue de crises majeures , par exemple celle dite de « la vache folle » ou le naufrage du pétrolier Erika, qui ont fait apparaître des carences réglementaires et, par conséquent, un besoin de sécurité en matière sanitaire ou écologique. Ces crises peuvent aussi se traduire par l'accroissement des compétences d'une agence existante. Ainsi, après le naufrage du pétrolier Prestige, l'Agence européenne de sécurité maritime s'est vue confier, en 2004, des responsabilités supplémentaires dans le domaine de la dépollution :

- elle doit être dotée des moyens appropriés pour soutenir les dispositifs de lutte contre la pollution mis en place par les États membres. Dans le cas d'une pollution accidentelle, elle devra assister l'État membre affecté sous l'autorité duquel les opérations de dépollution seront conduites ;

- son conseil d'administration est compétent pour définir, en accord avec la Commission, un programme d'action relatif à la préparation des activités de l'agence en matière de lutte contre la pollution.

• Le recours aux agences pour gérer des crises tient à la plus grande souplesse , en matière budgétaire et en capacité de recrutement de personnels souvent très spécialisés, qu'offrent ces structures par rapport aux services de la Commission, tenus au respect de procédures plus lourdes. Une agence est généralement plus réactive et permet aussi de donner une plus grande visibilité à l'action de l'Union européenne. Par exemple, l'Agence européenne de sécurité maritime a mis en place une flotte de 16 navires, répartis le long des côtes européennes, qui peuvent être mobilisés très rapidement au bénéfice des États membres qui en font la demande, en cas de pollution maritime.

3. Des missions très variées aux contours parfois flous

La multiplication, en dehors de toute cohérence d'ensemble, des agences européennes permet d' externaliser certaines tâches de la Commission , au risque, parfois, de s'apparenter à un phénomène de démembrement de l'administration communautaire, préjudiciable à l'exercice des responsabilités .

D'une manière générale, l'existence même des agences illustre le paradoxe qui caractérise le mode de gouvernance de l'Union européenne . Les agences, en effet, s'inscrivent dans une logique institutionnelle libérale, d'inspiration anglo-saxonne, marquée par la faiblesse des administrations centrales. Or, l'Union européenne dispose d'une administration centrale forte - la Commission - et aussi d'agences soucieuses d'accroître leur autonomie.

a) La multitude des tâches confiées aux agences

Si les tâches confiées aux agences peuvent être de nature technique, scientifique ou de gestion, leurs mandats sont très diversifiés.

Il est possible de présenter leurs missions de la façon suivante, la même agence pouvant assumer plusieurs missions de façon concomitante :

- adopter des décisions individuelles produisant des effets juridiques contraignants à l'égard des tiers : Office communautaire des variétés végétales, Office de l'harmonisation dans le marché intérieur, Agence européenne pour la sécurité aérienne, Agence européenne des produits chimiques... ;

- fournir une assistance directe à la Commission et, le cas échéant, aux États membres, sous forme d'avis techniques ou scientifiques, et de rapports d'inspection : Agence européenne pour la sécurité maritime, Agence européenne pour la sécurité des aliments, Agence ferroviaire européenne, Agence européenne des médicaments... ;

- effectuer des activités opérationnelles : Agence ferroviaire européenne, Agence communautaire de contrôle des pêches, Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (FRONTEX), Organe européen pour le renforcement de la coopération judiciaire (EUROJUST), Office européen de police (EUROPOL), Collège européen de police... ;

- collecter, analyser, transmettre, mettre en réseau une information objective, fiable et facilement accessible : Centre européen pour le développement de la formation professionnelle, Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail, Agence européenne pour l'environnement, Fondation européenne pour la formation, Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l'information, Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, Agence européenne des droits fondamentaux, Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes...

En principe, les agences ne peuvent pas prendre de mesures réglementaires de portée générale. Elles ne disposent pas non plus d'un véritable pouvoir discrétionnaire.

Missions des agences : exemple de l'Agence européenne pour la sécurité maritime, de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies et de l'Office communautaire des variétés végétales

L'EMSA

L'Agence européenne pour la sécurité maritime (EMSA), qui a été instituée par le règlement n° 1406/2002 du 27 juin 2002, a pour objectif d'assurer un niveau élevé, uniforme et efficace de sécurité maritime, de sûreté maritime, de prévention de la pollution et de lutte contre la pollution causée par les navires dans la Communauté. Elle fournit aux États membres et à la Commission l'assistance technique et scientifique nécessaire, ainsi que des conseils spécialisés de haut niveau, afin de les aider à appliquer correctement la législation communautaire dans le domaine de la sécurité maritime, de la prévention de la pollution et de la lutte contre la pollution causée par les navires, à contrôler sa mise en oeuvre et à évaluer l'efficacité des mesures déjà en vigueur.

Les tâches confiées à l'EMSA sont nombreuses :

- assister la Commission dans l'élaboration et la mise à jour de la législation communautaire dans le domaine de la sécurité maritime et de la prévention de la pollution causée par les navires, au regard de l'évolution de la législation internationale dans ce domaine, y compris l'analyse des projets de recherche ;

- assister la Commission dans la mise en oeuvre efficace de la législation communautaire sur la sécurité maritime, en particulier : contrôler le fonctionnement global du régime communautaire de contrôle par l'État du port, y compris par des visites dans les États membres ; fournir à la Commission son aide technique dans le cadre des travaux des organismes techniques du mémorandum d'entente de Paris sur le contrôle des navires par l'État du port ; seconder la Commission dans la réalisation de toute tâche attribuée à cette dernière par la législation communautaire, actuelle et à venir, relative à la sécurité maritime et à la prévention de la pollution causée par les navires, notamment la législation relative aux sociétés de classification, à la sécurité des navires de passagers, ainsi que celle concernant la sécurité des équipages des navires ;

- collaborer avec les États membres pour leur fournir une assistance technique relative à la mise en oeuvre de la législation communautaire ;

- fournir à la Commission et aux États membres des informations objectives, fiables et comparables et des données sur la sécurité maritime grâce à la collecte, l'enregistrement et l'évaluation de données techniques dans les domaines de la sécurité maritime, du trafic maritime, de la pollution marine, grâce à l'exploitation systématique des bases de données existantes, voire au développement de bases de données supplémentaires ;

- assister la Commission dans la publication semestrielle des informations relatives aux navires dont l'accès a été refusé dans les ports de la Communauté, et également les États membres dans l'amélioration de l'identification et de la poursuite des navires responsables de déversements illicites ;

- effectuer des tâches liées à la surveillance de la navigation et du trafic maritime, afin de faciliter la coopération entre les États membres et la Commission dans ce domaine ;

- concevoir, en coopération avec la Commission et les États membres, une méthodologie commune pour enquêter sur les accidents maritimes et procéder à l'analyse des rapports d'enquête existants sur les accidents ;

- organiser des actions de formation dans les domaines relevant des compétences de l'État du port et de l'État du pavillon.

Afin de remplir les tâches qui lui sont confiées, l'EMSA peut effectuer des visites dans les États membres. À la fin de chaque visite, elle rédige un rapport et le transmet à la Commission et à l'État membre concerné.

À la demande de la Commission et avec l'accord des États membres concernés, l'EMSA peut décider d'établir les centres régionaux nécessaires à l'exécution des tâches liées à la surveillance de la navigation et du trafic maritime et, en particulier, pour assurer des conditions de trafic optimales dans les zones sensibles.

L'OEDT

L'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), qui a été institué par le règlement n° 302/93 du 8 février 1993 ayant fait l'objet d'une refonte en 2006 (règlement n° 1920/2006), a pour objectif de fournir à la Communauté et à ses États membres des informations factuelles, objectives, fiables et comparables au niveau européen sur les drogues et les toxicomanies et leurs conséquences. Les informations traitées ou produites, de nature statistique, documentaire et technique, ont pour but de contribuer à donner à la Communauté et aux États membres une vue globale de la situation des drogues et des toxicomanies, lorsque, dans leurs domaines de compétence respectifs, ils prennent des mesures ou définissent des actions. L'Observatoire ne peut prendre aucune mesure dépassant le domaine de l'information et de son traitement. Il ne recueille pas de données permettant l'identification des personnes ou de petits groupes de personnes. Il s'abstient de toute activité de transmission d'informations relative à des cas concrets et nominatifs.

Ses tâches sont les suivantes :

- collecte et analyse des données existantes ;

- amélioration de la méthodologie de comparaison des données ;

- diffusion des données ;

- coopération avec des organismes et organisations européens et internationaux et avec des pays tiers.

Par ailleurs, l'OEDT dispose du réseau européen d'information sur les drogues et toxicomanies (Reitox). Ce réseau est composé d'un point focal par État membre et d'un point focal pour la Commission. Les points focaux nationaux constituent l'interface entre les États participants et l'Observatoire. Ils contribuent à l'élaboration d'indicateurs et de données clefs, y compris de lignes directrices pour leur mise en oeuvre, en vue d'obtenir des informations fiables et comparables à l'échelle de l'Union.

L'OCVV

L'Office communautaire des variétés végétales (OCVV) a été créé par le règlement n° 2100/94 du 27 juillet 1994 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales. Il s'agit de mettre en place une forme unique et exclusive de protection communautaire de la propriété industrielle pour les variétés végétales, gérée par l'Office.

L'OCVV se prononce sur les demandes de protection communautaire des obtentions végétales sur la base d'un examen formel et d'un examen technique de la variété candidate. La protection communautaire d'une obtention végétale est octroyée pour une durée de 25 à 30 ans selon l'espèce et est valable dans les 27 États membres de l'Union européenne.

L'Office est dirigé par un président, assisté d'un vice-président. Le conseil d'administration est composé d'un représentant de chaque État membre et d'un représentant de la Commission européenne.

Les décisions de l'OCVV sont susceptibles de recours devant la chambre de recours. Les décisions de cette dernière peuvent elles-mêmes faire l'objet d'un recours devant le Tribunal de première instance puis devant la CJCE.

b) Des compétences qui peuvent se recouper, voire entrer en concurrence

La création de nouvelles agences intervenant dans des domaines parfois relativement proches conduit à s'interroger sur l' existence d'éventuels recoupements de compétences .

À titre d'illustration, il est possible de se demander si le champ de compétences de certaines agences est toujours bien délimité, par exemple entre l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail et la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail, entre le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle et la Fondation européenne pour la formation, entre le Collège européen de police et l'Office européen de police (EUROPOL)...

On peut aussi légitimement douter de l'intérêt de la création d'un Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes, alors qu'existe déjà par ailleurs une Agence européenne des droits fondamentaux, dont il aurait peut-être simplement fallu étendre les compétences à cette problématique.

On le voit, il existe sans doute des marges de manoeuvre pour réfléchir au rapprochement, voire à la fusion de certaines agences.

Il peut même arriver que le chevauchement de compétences entre agences amène celles-ci à prendre des décisions contradictoires . Par exemple, l'Agence européenne de sécurité maritime et l'Agence communautaire de contrôle des pêches ont mis en place des systèmes de suivi des navires qui présentent des différences telles qu'ils peuvent paraître concurrents.

Certaines agences, relevant d'administrations qui n'ont pas nécessairement l'habitude de communiquer entre elles, peuvent développer une logique propre. Ce phénomène illustre également les défauts de l'absence de logique « interdirectionnelle » à la Commission.

c) La question des responsabilités respectives

Dans sa communication du 11 mars 2008, la Commission indique que l'existence des agences se traduit par « un défi, un équilibre devant être trouvé entre [la] dimension technique des agences et la nécessité de veiller à ce que l'ensemble des organismes publics assument pleinement leurs responsabilités ».

Les agences ont, souvent, pour vocation de préparer sur le plan technique les décisions de la Commission. L'agence est-elle vraiment indépendante dès lors que la Commission siège à son conseil d'administration ? A contrario , quelle est la véritable marge de manoeuvre de la Commission au moment de décider ?

Plus fondamentalement, dans son rapport d'information précité sur les agences, qu'elle avait précisément sous-titré « l'expert et le politique », notre collègue Marie-Thérèse Hermange écrivait : « La création d'agences indépendantes et disposant, par hypothèse, de toute l'expertise nécessaire à une bonne appréhension des problèmes dans un secteur déterminé contient à l'évidence en germe le risque d'un déplacement du curseur du pouvoir de décision du politique vers le scientifique ».

La tentation est grande en effet, pour la Commission, de s'en remettre systématiquement aux avis des agences, dont l'indépendance, voire l'autonomisation sera dès lors grandissante. Le politique s'en trouverait alors déresponsabilisé.

De fait, les agences vont bien souvent au-delà de la préparation des décisions de la Commission. Le directeur pour la coopération et la coordination de la politique de la pêche de la Commission européenne faisait ainsi remarquer que l'Agence européenne de contrôle des pêches « ne dépend pas de la Commission. Elle est autonome dans la prise de décision et dans la gestion, y compris la gestion financière. Le rôle de la Commission est de définir le cadre politique et le mandat de l'Agence en accord avec les États membres et de lui accorder les facilités financières et le personnel nécessaires pour qu'elle puisse agir ». Observant que « la Commission européenne et les États membres ont transféré des responsabilités à l'Agence », le directeur estimait que « le temps est venu de réviser son mandat », pour l'élargir (11 ( * )) .

Cet accroissement des compétences des agences est indéniablement facilité par l'ambiguïté affectant l'exercice par la Commission européenne de sa tutelle de principe sur ces organismes.

La Commission n'a pas un véritable pouvoir de tutelle sur les agences. Ainsi n'a-t-elle pas le pouvoir de réformer leurs décisions. Les directeurs ne sont pas responsables devant la Commission, mais seulement devant le conseil d'administration et l'autorité de décharge.

B. UNE PLUS-VALUE INÉGALE DES AGENCES EUROPÉENNES PAR RAPPORT À L'ÉCHELON NATIONAL

La relation des agences européennes avec les États membres et leurs administrations est caractérisée par sa diversité, qui apparaît à l'image de l'hétérogénéité des agences européennes elles-mêmes.

1. Des activités exclusivement communautaires

Dans certains cas, la plus-value est évidente et résulte de l'absence ou du faible développement, au niveau des États membres, de tout ou partie de des missions de l'agence européenne. Certaines agences mènent en effet des actions spécifiques dont on ne retrouve pas d'équivalents dans les politiques mises en oeuvre au niveau national.

La plus-value des agences européennes est par exemple avérée dans les cas où les agences se consacrent à la production de normes , à l' harmonisation des réglementations nationales ou, encore, à l' obtention de droits . Pour cette dernière activité, la protection de marques ou d'espèces végétales à l'échelle de l'Union européenne, telle qu'elle est assurée par l'Office pour l'harmonisation du marché intérieur (OHMI) et l'Office communautaire des variétés végétales (OCVV), ne peut ainsi être garantie par les seuls États membres. S'agissant d'harmonisation, l'Agence européenne pour la sécurité maritime (EMSA) facilite l'interprétation de la réglementation technique internationale et assure, par exemple, la mise en oeuvre convergente de la convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille.

2. Les actions complémentaires

Le plus souvent, les missions des agences européennes sont complémentaires de l'action des États membres.

D'une part, il s'agit de tâches de coordination ou d'échanges de bonnes pratiques , qui, par leur nature même, sont plus faciles à conduire à un niveau supranational. Le travail « en réseau » mis en place par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ou par l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) (12 ( * )) , appuyé sur des « points focaux » nationaux, constitue des exemples significatifs de ce type de tâches.

D'autre part, la complémentarité peut résulter de la mise en commun de ressources des États membres . Cette mutualisation de moyens, dont l'évolution pourrait être de confier progressivement l'activité à l'agence européenne, peut être illustrée par différentes actions de l'EMSA.

Celle-ci joue par exemple un rôle essentiel dans la mise en oeuvre, par le contrôle de l'État du port, des normes internationales relatives à la prévention de la pollution et aux conditions de vie et de travail à bord des navires. De même, elle dispose d'un centre européen d'identification et de suivi par satellite des navires. Une telle complémentarité se retrouve aussi en matière de suivi du trafic maritime, assuré à la fois à l'échelon national - par le système « trafic 2000 » de la direction des affaires maritimes en France - et à l'échelon communautaire - par le système safe sea net de l'EMSA. En l'espèce, ces deux dispositifs semblent s'articuler harmonieusement, même s'ils font l'objet d'un rapprochement en cours, qui évoque la possibilité d'un doublon.

Un tel risque est cependant bien réel dans certains cas.

3. D'éventuels doublons ?

Parce que les agences européennes agissent dans des domaines dans lesquels les administrations des États membres conservent d'importantes compétences, les phénomènes de doublons semblent difficilement évitables . Un cas a notamment pu être relevé par votre rapporteur et, même si sa durée a été courte, sa simple existence suffit à montrer la nature de la difficulté. Il concerne les risques pour la santé des biberons et bouteilles contenant du bisphénol A, produit chimique utilisé dans la fabrication de certains plastiques. Avant de se concerter et de trouver un mode opératoire satisfaisant, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ont ainsi, dans un premier temps, conduit chacune de son côté des études sur les dangers de ce produit.

L'existence éventuelle de doublons dépend aussi des moyens alloués aux politiques publiques par chaque État membre . Pour la même activité, certains États membres peuvent ne consacrer que peu de moyens, tandis que d'autres, à l'inverse, vont bénéficier d'une tradition plus ancienne et pouvoir, le cas échéant, s'appuyer sur une administration aux moyens conséquents.

Plus généralement, l'existence d'agences européennes dont le champ de compétences couvre l'ensemble des 27 États membres pose la question de l'adaptation de leurs moyens aux ressources administratives, hétérogènes de fait, de chacun d'entre eux.

De ce point de vue, la création et la mise en oeuvre des missions des agences devraient être examinées au regard du principe de subsidiarité . A ce sujet, la coexistence d'agences européennes et de réseaux d'agences nationales brouille la mise en oeuvre de ce principe. En effet, l'enchevêtrement des relations entre la Commission, les agences européennes, les administrations des États membres et les agences nationales rend particulièrement délicate l'appréciation du respect du principe de subsidiarité .

4. Une implication variable des États membres dans la gouvernance des agences européennes

Le degré d'implication des États membres peut se traduire par leur participation aux conseils d'administration des agences européennes.

D'une part, l'implication effective des représentants nationaux est plus ou moins vérifiée. A la faveur d'une spécialisation plus accentuée dans une politique, certains États membres s'investissent davantage dans l'agence correspondante. Ainsi, la France, dont la politique de sécurité maritime est très développée, a joué un rôle important dans l'EMSA, notamment au stade de sa création, et continue d'être particulièrement active dans son conseil d'administration.

D'autre part, les règles de composition des conseils d'administration elles-mêmes encouragent ou limitent la participation des États membres. Ceux-ci ne sont pas en effet appelés à occuper la même place dans les organes de direction de chacune des agences européennes. Ainsi, alors que la majorité des agences prévoit la représentation de chaque État membre dans leur conseil d'administration, aucun État membre ne siège à celui de l'EFSA. Le conseil d'administration de celle-ci comporte quatorze personnalités qualifiées et un représentant de la Commission européenne.

C. LES MOYENS DES AGENCES RESTENT-ILS MAÎTRISÉS ?

La multiplication du nombre d'agences couvrant un champ de compétences de plus en plus vaste s'est logiquement traduite par une augmentation considérable des moyens qui leur sont alloués, tant en termes de crédits budgétaires qu'en matière de ressources humaines.

Cette évolution a pris une ampleur telle, au cours des dernières années, qu'elle conduit à se demander si elle demeure maîtrisée.

1. Une programmation budgétaire généreuse et parfois imprécise

a) D'importantes subventions aux agences

Les agences sont financées par une subvention du budget communautaire et/ou des ressources propres telles que des redevances . C'est notamment le cas des agences de régulation. Quant aux agences exécutives, elles reçoivent une subvention de la Commission pour assurer leur fonctionnement, prélevée sur la dotation des programmes dont elles assurent tout ou partie de la gestion, mais exécutent comme ordonnateur délégué de la Commission les crédits du programme qu'elles gèrent.

Le budget total de l'ensemble des agences européennes s'élève à plus de 2 milliards d'euros en 2009 , soit une augmentation supérieure à 17 % par rapport à 2008. Les agences de régulation représentent plus de la moitié de ce montant, le budget des agences exécutives s'établissant à plus de 135 millions d'euros et celui des entreprises communes et de l'Institut européen d'innovation et de technologie (IET) à près de 800 millions.

La même année, la subvention du budget communautaire à ces diverses agences s'établit à environ 1,3 milliard d'euros , soit près des deux tiers de leur budget total. Le montant de cette subvention a augmenté globalement de 13 % par rapport à l'année précédente, mais de façon contrastée : les subventions accordées aux agences de régulation ont diminué de 3,2 %, tandis que celles des agences exécutives et celles des entreprises communes ont progressé, respectivement, de 25,8 % et de 27,7 %.

En ce qui concerne les seules agences de régulation , la subvention provenant du budget communautaire s'établit en 2009 à 564 millions d'euros , soit sensiblement moins de la moitié de leur budget total (13 ( * )) .

Le tableau ci-après présente l'évolution du budget total des agences de régulation et de la subvention qu'elles ont reçue du budget communautaire, entre 2004 et 2009 :

Source : Direction du Budget, Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique

L'hétérogénéité des agences est également constatée en matière budgétaire .

Leur budget total peut en effet varier dans des proportions importantes . L'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur a un budget de 320 millions d'euros et celui de l'Agence européenne des médicaments s'établit à 186 millions, tandis que l'Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes ne dispose que de moins de 7 millions d'euros. L'Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l'information, de même que le Collège européen de police, ont un budget qui ne dépasse pas 8 millions d'euros.

La plupart des agences de régulation perçoivent une subvention du budget communautaire qui représente une part plus (87 % pour l'Agence européenne pour l'environnement) ou moins (28 % pour l'Agence européenne pour la sécurité aérienne) importante de leur budget total. En effet, certaines agences sont entièrement financées par cette subvention, telles que la Fondation européenne pour la formation, le Centre européen des drogues et toxicomanies ou l'Organisme européen pour le renforcement de la coopération judiciaire (EUROJUST), tandis que d'autres sont complètement auto-financées : l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur, le Centre de traduction pour les organes de l'Union européenne et l'Office communautaire pour les variétés végétales.

Le montant de la subvention communautaire est très variable . Il s'établit ainsi à 70,7 millions d'euros pour l'Agence européenne pour la sécurité alimentaire, mais à moins de 6 millions pour l'Agence communautaire de contrôle des pêches.

b) L'existence d'excédents de trésorerie

Les modalités du calibrage des subventions versées aux agences suscitent des interrogations. Le Conseil s'en émeut d'ailleurs régulièrement. Dans ses conclusions d'octobre 2008 sur le rapport spécial de la Cour des comptes européenne consacré aux agences, le Conseil notait ainsi que « les subventions doivent être fondées sur des données précises et justifiées de manière objective en ce qui concerne, d'une part, l'exécution du budget et les résultats des exercices précédents et, d'autre part, des prévisions rigoureuses présentées dans les programmes de travail ».

Du fait d'une insuffisante planification du paiement des subventions aux agences, la plupart d'entre elles présentent un solde de trésorerie qui peut atteindre 10 % de leurs recettes totales . Par exemple, l'Agence européenne des produits chimiques présentait en 2007 un excédent de trésorerie de près de 2 millions d'euros, l'Agence européenne pour la sécurité aérienne de 2,3 millions, l'Agence européenne pour la sécurité maritime de 3,4 millions, l'Agence ferroviaire européenne de 4,4 millions, l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (FRONTEX) de 7,5 millions.

Dans ces conditions, l'autorité budgétaire éprouve de grandes difficultés à établir le montant des subventions provenant du budget communautaire.

Pour la première fois lors de la préparation du budget communautaire pour 2009, la Commission européenne, dans un souci de transparence, a pris en compte cette situation et prévu que le solde de l'exercice 2008 serait reporté sur 2009 , sous la forme d'une recette affectée venant en diminution de la dotation budgétaire demandée par les agences. La Commission a indiqué que le surplus de trésorerie des agences serait dorénavant déduit chaque année de la subvention de ces dernières.

Votre rapporteur souligne que le règlement financier applicable prévoit déjà une telle opération : la mise en oeuvre effective de cette règle représente cependant un progrès.

c) De nouvelles modalités de calcul des subventions

En plus de la déduction des excédents, la Commission a proposé un nouveau mode de calcul de l'évolution de la subvention communautaire. Approuvée par le Conseil, cette méthodologie repose sur un classement par catégorie, corrigé de l'excédent enregistré pour chaque agence au titre de l'exercice budgétaire précédent :

- les agences « en vitesse de croisière », telles que le Centre européen pour le développement et la formation professionnelle, l'Agence européenne pour l'environnement ou la Fondation européenne pour la formation, bénéficient d'une progression de leurs crédits de 2 % ;

- les agences « en phase d'extension », comme l'Agence européenne des médicaments, l'Agence européenne pour la sécurité aérienne, l'Agence européenne pour la sécurité maritime, l'Agence ferroviaire européenne ou l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, voient leur budget progresser de 5 % ;

- les agences « en phase de démarrage » (14 ( * )) , telles que l'Agence européenne des produits chimiques, l'Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes, l'Agence communautaire de contrôle des pêches, l'Agence des droits fondamentaux, le Collège européen de police ou encore l'Agence européenne de coopération des régulateurs d'énergie, connaissent un budget en augmentation de 12 %.

2. L'envolée des effectifs

Si les moyens budgétaires des agences européennes sont importants, ceux dont elles bénéficient en ressources humaines le paraissent plus encore. L'impression que les moyens dont disposent les agences ne sont plus guère maîtrisés concerne surtout leurs effectifs , qui ont connu en quelques années une progression extrêmement importante .

En effet, tandis que la subvention aux agences s'élève environ à 1 % du budget de l'Union, le personnel des agences représente, quant à lui, à peu près 15 % de l'ensemble des emplois communautaires .

Il convient également de constater une augmentation parallèle des effectifs des agences et de ceux des services de la Commission , même si cette comparaison comporte des limites, en particulier parce que les tâches des agences sont souvent nouvelles ou précédemment accomplies au niveau des États membres. Contrairement aux institutions communautaires, dont une part substantielle des effectifs est composée d'interprètes, les agences en sont quasiment dépourvues.

Dans sa communication du 11 mars 2008, la Commission note que, « grâce à leur action [celle des agences] , la Commission a été en mesure de concentrer ses efforts sur des tâches essentielles », ce qui peut laisser penser que celle-ci a modifié ses modalités de fonctionnement en accordant une plus grande importance à la supervision , y compris celle des agences.

Selon cette même communication, le recours croissant aux agences permet à la Commission de « concentrer son action sur des tâches essentielles, ce qui lui permet de déléguer certaines fonctions opérationnelles à des organismes extérieurs ».

Pourtant, le Parlement européen, dans son rapport précité, notait à ce propos sa surprise « que la future création de l'équivalent de 947 nouveaux postes dans les deux agences [exécutives] de recherche [...] ne se traduira, sur la même période, que par la libération de 117 postes dans les services de la Commission ».

Rappelons qu'entre 2004 et 2008, les effectifs de la Commission ont progressé de 16,8 %, pour atteindre plus de 25 000 emplois, au titre du seul tableau des effectifs.

L'ensemble des effectifs des diverses agences européennes s'établit à environ 6 460 emplois en 2009, dont 1 640 emplois de contractuels, ainsi répartis :

- 4 840 pour les agences de régulation ;

- 1 350 dans les agences exécutives ;

- 270 pour les entreprises communes.

La forte progression de ces effectifs est d'autant plus frappante qu'elle s'est produite en quelques années seulement.

Le tableau ci-après précise, pour la période 2005 à 2009, le taux de progression annuel des effectifs des agences européennes :

Source : Direction du Budget, Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique

Entre 2004 et 2009 , les agences européennes ont vu le nombre de leurs personnels croître de plus de 160 % . Le nombre d'emplois dans les agences de régulation est passé de 2 250 en 2004 à 4 840 en 2009, soit plus qu'un doublement en cinq ans. Quant aux effectifs des agences exécutives, ils ont été multipliés par plus de douze sur la même période, passant de 109 en 2004 à 1 350 en 2009.

Pour autant, les effectifs des différentes agences sont, eux aussi, extrêmement variables. L'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur dispose de 640 emplois, l'Agence européenne des médicaments de 500 et l'Agence européenne pour la sécurité aérienne de 480, mais l'Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes n'en a qu'une vingtaine. Certaines agences ont vu leurs effectifs fortement croître en quelques années. C'est le cas de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, dont le personnel a plus que doublé. C'est également le cas des différentes agences intervenant en matière de sécurité (aérienne, maritime, des aliments...), qui ont connu une importante montée en puissance.

Le recours croissant aux contractuels , qui permet aux agences de s'affranchir des dispositions du statut des fonctionnaires communautaires qui leur est en principe applicable 15 ( * ) , constitue une autre évolution importante. En la matière, on ne dispose pas de séries longues, mais le nombre des contractuels dans les agences de régulation et les agences exécutives a progressé de 21,8 % entre 2008 et 2009. Les contractuels constituent l'essentiel des effectifs des agences exécutives (plus de 70 %).

En termes de gestion des ressources humaines, les agences permettent ainsi un développement considérable des effectifs, en dehors de la réglementation de droit commun, et sans aucune transparence .

Le Parlement européen, dans son premier rapport sur l'avant-projet de budget 2009, en juin 2008, constatait à ce propos « avec préoccupation que la tendance de la Commission à l'externalisation [... a] conduit à une situation faisant qu'un nombre croissant d'agents employés par l'UE ne figure pas dans les organigrammes des institutions, tels qu'adoptés par l'autorité budgétaire, et que leur salaire n'est pas imputé à la rubrique 5 du cadre financier pluriannuel ». De même, le Parlement européen « craint que la création d'agences exécutives et d'organismes ad hoc divers n'entraîne une augmentation opaque du nombre de fonctionnaires et d'agents contractuels, notamment si les effectifs de la direction générale concernée de la Commission ne sont pas réduits ou redéployés en conséquence ».

De surcroît, une part importante des effectifs des petites agences est consacrée à leur administration . Le ratio entre le personnel opérationnel et celui affecté à des fonctions support n'est pas un indicateur actuellement disponible, quoique régulièrement réclamé par le Conseil. Certes, la répartition des agences sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne ne facilite pas la mise en commun des moyens administratifs, mais cette piste mériterait d'être explorée en vue de rechercher une plus grande rationalisation des coûts.

En effet, nombre d'agences étant trop petites pour déterminer et développer les solutions de gestion les mieux adaptées à leurs besoins, la mutualisation des moyens permettrait de réaliser des économies d'échelle , en particulier au niveau des fonctions support telles que l'assistance dans la procédure budgétaire et en matière d'appel d'offres ou de conseil juridique.

En outre, la plupart des petites agences n'atteignent pas la masse critique nécessaire pour respecter diverses exigences réglementaires. La mutualisation des moyens permettrait aussi d'améliorer la qualité des services administratifs rendus. Elle pourrait prendre la forme d'un centre de services partagés fournissant divers services administratifs aux agences.

II. UN SYSTÈME D'ÉVALUATION DES AGENCES PEU OPÉRATIONNEL

L'évaluation de l'activité des agences et la mesure de leurs résultats sont rendues délicates par la diversité des situations individuelles. De surcroît, les informations budgétaires, qui constituent en principe un outil précieux pour le contrôle parlementaire de l'emploi des deniers publics, ont été jusqu'à très récemment plutôt lacunaires en ce qui concerne les agences. Si les agences font l'objet de diverses évaluations, force est de constater que celles-ci demeurent généralement sans suite.

A. UNE TRANSPARENCE BUDGÉTAIRE RELATIVE ET TRÈS RÉCENTE

Jusqu'à très récemment, les données budgétaires concernant les agences étaient très parcellaires, voire quasi inexistantes .

Une forte pression, exercée par le Conseil lors du trilogue budgétaire de juillet 2007, a été nécessaire pour que la Commission établisse des documents budgétaires plus détaillés. Outre une synthèse des différentes évaluations d'agences réalisées jusqu'alors, elle a publié, à l'occasion de l'avant-projet de budget des Communautés européennes pour 2008, un document de travail, disponible uniquement en anglais, consacré aux organismes communautaires disposant de la personnalité juridique. Ce document a été sensiblement enrichi lors de l'avant-projet de budget pour 2009. Il comporte désormais des informations, à la fois générales et par agence, sur les actes constitutifs des agences, sur leurs missions et sur leurs moyens, tant budgétaires qu'en personnels.

Ces données sont toutefois fournies à titre informatif. Les documents budgétaires proprement dits ne permettent pas de distinguer les crédits alloués aux agences, qui figurent dans le budget de la Commission européenne. Le principe de transparence, comme la recherche d'une meilleure visibilité de l'action communautaire, devraient conduire à isoler le budget des différentes agences. L'identification de leurs moyens et de leurs résultats en serait grandement facilitée.

L'avant-projet de budget pour 2010 constitue un progrès supplémentaire de ce point de vue, puisque la Commission, dans son analyse des dépenses par rubrique du cadre financier pluriannuel, a présenté une annexe consacrée aux moyens affectés aux agences décentralisées, aux agences exécutives, aux entreprises communes et à l'Institut européen d'innovation et de technologie.

Une vision consolidée de la situation budgétaire des agences n'est donc disponible que depuis une date très récente.

B. LES MODALITÉS DE L'ÉVALUATION : UN SYSTÈME QUI « TOURNE À VIDE » ?

Les agences font d'ores et déjà l'objet de différentes procédures d'évaluations , internes et externes. Toutefois, les carences tenant à l'appréciation de leurs résultats, soulevées par la Cour des comptes européenne dans son rapport précité de 2008, ont mis en évidence les limites des modalités d'évaluations existantes.

1. Les différents types d'évaluations

Aux termes du règlement financier du 25 juin 2002 applicable au budget général des Communautés européennes, la Commission européenne doit conduire des évaluations ex ante , accompagnées d'études d'impact, avant qu'une agence ne soit instituée ou qu'une modification de son mandat ne se traduise par des conséquences financières significatives.

Une fois l'agence créée, celle-ci est soumise à des exigences d'évaluation, sans toutefois qu'il existe une règle générale.

Les actes constitutifs d'une quinzaine d'agences, sur les vingt-six existantes, requièrent la réalisation d'évaluations. Celles-ci sont généralement effectuées sous la responsabilité du conseil d'administration de l'agence, mais la Commission peut aussi s'en charger. La plupart de ces évaluations doivent être effectuées tous les cinq ans - c'est le cas, par exemple, de l'Agence européenne de sécurité maritime -, même si leur fréquence peut varier entre trois et six ans. Dans certains cas, les actes constitutifs exigent seulement qu'une évaluation soit réalisée au cours des cinq premières années de fonctionnement de l'agence.

Certains actes constitutifs prévoient explicitement les points qui doivent faire l'objet d'une évaluation. Il s'agit généralement de l'efficacité, des résultats et de l'impact de l'agence. Parfois, il peut être demandé que le rapport d'évaluation suggère des modifications du statut de l'agence, en fonction des conclusions de l'évaluation.

Par ailleurs, aux termes du règlement du 19 novembre 2002 portant règlement financier cadre des agences, les programmes et activités des agences qui occasionnent des dépenses importantes doivent également faire l'objet d'évaluations régulières ex ante et ex post .

Concrètement, toutes les agences créées avant 2003, à l'exception de l'Agence européenne pour l'évaluation du médicament (16 ( * )) , ont fait l'objet d'au moins une évaluation ex post . En revanche, les agences plus récentes, considérées comme se trouvant en phase de démarrage, n'ont pas encore fait l'objet d'une évaluation. Environ une trentaine d'évaluations ex post consacrées au fonctionnement d'une quinzaine d'agences ont été réalisées jusqu'à présent. Ces évaluations ont été entreprises, dans la moitié des cas, par la Commission européenne, et, dans l'autre moitié, par l'agence elle-même. Presque toutes les évaluations ont été réalisées par un prestataire extérieur.

Enfin, en 2008, la Commission a commandé à des prestataires extérieurs la réalisation d'une évaluation d'ensemble des agences de régulation, dite méta-évaluation, qui s'appuie sur des évaluations déjà effectuées, afin de présenter une analyse transversale de leurs résultats.

Les dispositifs actuels d'évaluation portent, pour l'essentiel, sur des questions touchant le coeur des activités des agences. Ils n'abordent pas leur positionnement institutionnel , par exemple la coordination entre agences, et, par conséquent, ignorent la perspective d'ensemble qui permettrait de répondre aux questions sur la valeur ajoutée d'une agence et sur le bien-fondé de son existence.

2. Les défaillances de la mesure des résultats des agences

Le rapport spécial de la Cour des comptes européenne consacré aux résultats des agences européennes rendu public en juillet 2008 (17 ( * )) , illustre les dysfonctionnements affectant la mesure de leurs résultats.

L'audit réalisé par la Cour des comptes européenne, qui a porté sur 14 agences de régulation (18 ( * )) , visait à examiner si les agences procèdent à une planification suffisante de leurs activités, si elles ont mis en place des instruments solides de suivi de ces activités, et si elles rendent bien compte de leurs travaux et de l'évaluation de leurs résultats. Il ne s'agit donc pas de porter une appréciation sur les résultats spécifiques de chacune des agences.

La Cour pose notamment la question de l'utilisation des évaluations entreprises et des suites qui leur sont données. Les principales conclusions de la Cour sont relativement critiques et dessinent des marges de progression pour la gestion des agences.

Résumé du rapport spécial de la Cour des comptes européenne

Agences de l'Union : obtenir des résultats

Au terme de l'enquête de la Cour, il est apparu que les agences ne procédaient pas à des évaluations ex ante de leurs programmes. Elles n'élaboraient pas non plus de document de programmation pluriannuelle conçu en vue de leur permettre de fixer des objectifs de résultats et d'impact à moyen terme assortis d'indicateurs de performance.

Toutes les agences procédaient bien à une programmation annuelle de leurs activités, mais les programmes donnaient peu d'indications précises sur les ressources à mobiliser au titre des différentes actions et sur les résultats attendus.

Les instruments de suivi demeuraient assez sommaires dans la plupart des agences. Les informations relatives à l'utilisation des moyens affectés aux tâches entreprises étaient souvent dispersées. Il y aurait lieu de valoriser au profit de l'ensemble des agences les meilleurs systèmes de suivi mis en place dans certaines d'entre elles. Le rôle de la Commission pourrait être réévalué à cet égard.

Faute de cadres de programmation assez structurés, la plupart des agences ne disposaient pas encore des indicateurs de performance exigés par la réglementation financière. Par ailleurs, la mise en place d'un budget et d'une gestion par activités inciterait les agences à mieux expliciter les buts qu'elles se proposent d'atteindre.

S'agissant de l'obligation de rendre compte, toutes les agences déposaient bien les rapports destinés à leurs autorités de tutelle et de décharge. Ces rapports étaient le plus souvent descriptifs et détaillés. Ils étaient, en revanche, peu explicites à propos des résultats, au-delà de l'indication d'un volume d'activité.

Toutes les agences fournissaient les évaluations externes exigées par leurs règlements de base. Ces évaluations étaient globalement positives. Lorsqu'ils abordaient la question de l'efficacité des agences, les évaluateurs externes se disaient gênés par l'imprécision des objectifs poursuivis et par le défaut d'instruments de mesure des résultats.

La mise en place de véritables systèmes de fixation d'objectifs et d'appréciation des résultats par les agences elles-mêmes serait de nature à renforcer la qualité des rapports annuels d'activités et des évaluations externes périodiques permettant ainsi à l'autorité de décharge de s'acquitter de sa tâche en connaissance de cause.

Le Conseil, en octobre 2008, a noté « avec préoccupation » les constatations de la Cour et invité les agences concernées à remédier à cette situation.

Le Conseil a notamment souhaité que les dépenses administratives des agences n'augmentent plus . Il a également demandé aux agences d'améliorer le compte rendu de leurs activités et l' évaluation de leurs résultats , mais aussi de faire le point sur la mise en oeuvre des mesures recommandées .

Enfin, il a insisté sur la plus grande responsabilité dont doivent faire preuve à la fois les États membres , appelés à prendre une part active dans le contrôle des organes directeurs des agences, et la Commission , qui, tout en respectant l'autonomie des agences, devrait exercer une surveillance et un contrôle plus efficaces sur elles.

3. La question de la portée des évaluations

a) Le problème de la responsabilisation des agences

Les résultats des différentes évaluations réalisées sont communiqués au conseil d'administration des agences . Leur conseil d'administration est, le plus souvent, composé d'un représentant de chaque État membre et de représentants de la Commission. Certaines agences présentent toutefois des particularités. Ainsi le conseil d'administration de l'Autorité européenne de sécurité des aliments est-il composé essentiellement de personnalités qualifiées, et non de représentants des États membres.

L'implication des États membres au sein des conseils d'administration est inégale , soit en raison du moindre intérêt qu'ils portent à la problématique concernée - les États dépourvus de côte maritime qui siègent au conseil d'administration de l'Agence européenne pour la sécurité maritime par exemple - soit parce que leurs représentants changent trop souvent pour pouvoir acquérir de l'influence, comme à l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies.

En outre, les fonctionnaires issus des ministères techniques des États membres, qui siègent au conseil d'administration des agences, ne connaissent pas nécessairement de façon approfondie la réglementation financière et institutionnelle communautaire applicable. Dès lors, les directeurs des agences concentrent généralement beaucoup de pouvoirs, sans que le conseil d'administration puisse jouer un rôle effectif de contrepouvoir.

Les rapports d'activité présentés par les directeurs sont plus souvent descriptifs que centrés sur les résultats obtenus par rapport aux objectifs fixés. Les conseils d'administration ont été globalement peu préoccupés par la mise en place d'une culture des résultats. Le conseil d'administration des agences débat du programme de travail et des orientations stratégiques, mais n'accorde généralement que peu d'intérêt aux questions de leur bonne gouvernance et de leur bonne gestion financière.

Par ailleurs, la Cour des comptes européenne, dans son rapport spécial sur les agences, rappelle que lorsque la méta-évaluation des agences a été publiée, en septembre 2008, par la Commission, à partir des évaluations externes disponibles à l'époque, « les conseils d'administration des agences n'ont pas demandé l'examen systématique des recommandations d'ensemble formulées à cette occasion en dépit de leur pertinence ». Pas plus les représentants des États membres que ceux de la Commission n'ont pris d'initiative en ce sens.

D'une façon générale, la conduite d'évaluations ne constitue pas, à elle seule, le gage d'une meilleure gestion des agences. Il apparaît en effet que ces évaluations ne sont pas nécessairement suivies d'effets, faute d'être réellement prises en compte. Le système d'évaluation des agences semble actuellement, en partie, « tourner à vide ».

Parfois même, les rapports des agences ne sont pas publiés, du fait de négligences au niveau de la Commission. A titre d'exemple, l'Agence européenne de sécurité maritime établit des rapports d'inspection des établissements d'enseignement maritime, afin d'évaluer la formation dispensée. Ces rapports sont transmis à la Commission, chargée d'effectuer ensuite la procédure contradictoire nécessaire. Une telle procédure n'étant pas engagée, la publication de ces rapports n'a pas lieu.

b) Les limites de la procédure de décharge

Le Parlement européen , sur la base de la recommandation du Conseil et de la déclaration d'assurance fournie par la Cour des comptes, est appelé, au début de l'année n, à donner décharge à la Commission pour l'exécution de son budget de l'année n-2, cette procédure clôturant l'exercice budgétaire. Cette décision, au-delà de son aspect comptable, comporte également une dimension politique évidente, puisque le Parlement européen, en votant la décharge, approuve la façon dont le budget communautaire est exécuté.

Pour les agences auto-financées, tel l'Office communautaire des variétés végétales, la décharge est donnée par le conseil d'administration lui-même.

Les directeurs d'agences peuvent être auditionnés par les commissions compétentes du Parlement européen, ainsi que par sa commission du contrôle budgétaire à l'occasion de la procédure de décharge.

Par exemple, à l'occasion de la procédure de décharge 2007, le Parlement européen a donné la décharge à la Commission, et donc aux agences, alors même que le Conseil, dans sa recommandation, soulevait un certain nombre de critiques relatives à la gestion des agences .

Certes, la Cour des comptes européenne émet un avis sans réserve sur la fiabilité des comptes ainsi que sur la légalité et la régularité des opérations sous-jacentes « pour presque toutes les agences contrôlées », selon les recommandations du Conseil. Celui-ci a toutefois rappelé « les insuffisances de nouveau constatées par la Cour dans un grand nombre d'agences, principalement en ce qui concerne la programmation opérationnelle et budgétaire, l'exécution du budget, qui dans certains cas n'est pas conforme au règlement financier, la procédure de recrutement et les difficultés rencontrées dans l'application des procédures de passation de marchés ». De même, il « déplore le manque de réalisme persistant des demandes de fonds, qui se traduit par des taux de reports et d'annulations élevés », bien qu'il ait accueilli « avec satisfaction la nouvelle approche de la Commission, qui consiste à prendre en considération les crédits inutilisés lors de l'établissement de l'avant-projet de budget 2009 », qualifiée de « grand progrès ».

Mais le Conseil, par ailleurs, « regrette profondément les graves problèmes que la Cour a constatés au sujet du Collège européen de police ». En effet, cette agence a donné lieu à la formulation par la Cour des comptes européenne de réserves concernant tant la fiabilité des comptes que la légalité et la régularité des opérations sous-jacentes. Parmi les reproches adressés au Collège européen de police, on peut relever : l'absence de contrôle interne et l'inefficacité du contrôle budgétaire, l'absence d'un véritable système de comptabilisation des engagements, des irrégularités dans l'exécution du budget, un taux élevé de reports et d'annulations de crédits, un système de passation des marchés non conforme aux dispositions du règlement financier et même « des fonds publics [...] utilisés pour financer des dépenses privées de certains agents du Collège ».

Pourtant, le Parlement européen n'a tiré aucune conséquence de ces critiques, parfois sévères, puisqu'il a donné décharge aux agences.

Lors de son audition commune par votre commission des affaires européennes et votre commission des finances, le 1 er octobre 2009, M. Alain Lamassoure, président de la commission des budgets du Parlement européen, a d'ailleurs indiqué que « la problématique des agences européennes a été insuffisamment approfondie par la commission des budgets du Parlement européen » (19 ( * )) .

C. DES AVANCÉES RÉCENTES

Le caractère récurrent des critiques mettant en évidence les insuffisances de la portée des évaluations des agences a conduit la Commission et le Conseil à présenter un certain nombre de propositions traduisant une volonté de progresser vers une meilleure gestion des agences.

1. L'évaluation horizontale conduite par la Commission

Le projet d'accord interinstitutionnel proposé en 2005 par la Commission européenne n'a pas été accepté par le Conseil. Dans sa communication du 11 mars 2008, la Commission indique qu'elle retire sa proposition d'accord interinstitutionnel et qu'elle entend réexaminer les mécanismes internes régissant ses relations avec les agences.

Surtout, elle déclare qu'elle procédera à une évaluation approfondie des agences de régulation afin d'« alimenter le débat en cours sur l'avenir du système d'agences communautaires ». Ses résultats seront présentés « d'ici 2009-2010 » au Parlement européen et au Conseil.

Tant que cette évaluation ne sera pas terminée, la Commission indique « n'envisager la création d'aucune nouvelle agence de régulation ». La Commission prend bien le soin de préciser que « les propositions faisant déjà l'objet de discussions interinstitutionnelles se poursuivront comme prévu ». Il s'agit en l'espèce de l'Agence européenne de coopération des régulateurs de l'énergie et de l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques. La création d'autres agences est également envisagée dans le domaine de la justice et des affaires intérieures, en particulier une agence chargée de la gestion opérationnelle des systèmes d'information SIS II (Schengen seconde génération), VIS (visas) et EURODAC (empreintes digitales) (20 ( * )) et un bureau d'appui européen en matière d'asile.

Le Conseil ECOFIN du 17 juillet 2008, à l'initiative de la présidence française, a adopté des conclusions portant, notamment, sur l'évaluation des agences.

Le Conseil salue l'intention de la Commission de procéder à une évaluation approfondie des agences de régulation. Il estime que cette évaluation « devrait permettre de comparer les résultats de manière horizontale, si possible sur la base d'indicateurs communs ».

Surtout, le Conseil cherche à fixer les orientations que doit suivre cette évaluation, en précisant les points sur lesquels elle doit porter et les objectifs qu'elle doit poursuivre. Il s'agit donc pour lui de donner une dimension plus ambitieuse à l'évaluation prévue par la Commission . En effet, selon le Conseil, « cette évaluation devrait fournir à l'autorité budgétaire les instruments et les moyens adéquats pour évaluer, dans le cadre de l'attribution de la contribution communautaire au cours de la procédure budgétaire annuelle, la comparabilité des objectifs de performance, les dépenses administratives et opérationnelles, l'évolution du personnel (types et pourcentage de postes vacants) et l'incidence de la taille des agences ».

Il est évident que, pour le Conseil, cette évaluation ne saurait constituer un exercice théorique supplémentaire. Elle doit :

1°) permettre d'obtenir des résultats concrets en termes budgétaires ;

2°) aboutir à une décision de nature politique qui permette de trancher la question de la gouvernance des agences.

Les travaux en vue de cette évaluation horizontale sont menés au sein d'un groupe de référence, dont la première réunion a eu lieu le 9 février dernier. Ils devraient constituer la base des propositions de la Commission au sein du groupe de travail interinstitutionnel consacré aux agences européennes.

2. Le groupe de travail interinstitutionnel

Dans sa communication du 11 mars 2008, dont l'esprit général est marqué par sa volonté de « reprendre le contrôle » des agences, la Commission considère qu'« il convient d'établir des règles cohérentes en matière d'évaluation des activités des agences ».

Pour atteindre cet objectif, elle propose la mise en place d'un groupe de travail interinstitutionnel sur les agences de régulation , réunissant, à ses côtés, le Parlement européen et le Conseil. Le Conseil est représenté au groupe de travail par la présidence en exercice et les deux présidences suivantes, assistées par le Secrétariat général du Conseil.

Ce groupe de travail interinstitutionnel doit discuter d'une approche commune applicable aux agences de régulation.

Dans une déclaration commune du 21 novembre 2008, le Parlement européen, le Conseil et la Commission ont approuvé la création de ce groupe de travail.

Le Conseil entend d'abord contribuer à l' exercice d'évaluation des agences engagé par la Commission. L'évaluation doit porter, notamment, sur la cohérence entre les objectifs et les activités des agences et leurs liens avec les politiques de l'Union européenn e, sur la transparence de leur action , sur les relations entre les agences et la Commission et sur les relations entre les agences européennes et les agences nationales , ainsi que sur la gestion des ressources budgétaires des agences .

L'évaluation approfondie des agences de régulation doit en effet permettre de fournir à l'autorité budgétaire les instruments et les moyens pour évaluer la comparabilité des objectifs de performance, les dépenses administratives et d'interventions, l'évolution du personnel et l'incidence de la taille des agences.

Dans un second temps, il s'agit d'examiner la possibilité d'une approche commune juridiquement non contraignante , en particulier sur les questions suivantes :

- le rôle et la place des agences dans le paysage institutionnel de l'Union européenne ;

- leur mode de création et de dissolution ;

- leur financement et les procédures de gestion budgétaire s'appliquant à elles ;

- leur structure ;

- leur fonctionnement ;

- le contrôle exercé sur elles.

Le groupe de travail a tenu sa première réunion le 10 mars 2009, en présence de Mme Margot Wallström, vice-présidente de la Commission. Les travaux se sont ensuite poursuivis au niveau technique, en particulier avec l'établissement d'une méthodologie pour les réunions à venir.

CONCLUSION

Au terme de son travail d'enquête, votre rapporteur s'inquiète des dérives qui accompagnent le phénomène d' agenciarisation de l'Europe. L'autonomie marquée des agences, leur responsabilité toute relative, leur plus-value inégale par rapport à l'échelon national, l'augmentation incontrôlée de leurs moyens financiers et de leurs effectifs, et, enfin, l'inefficacité des évaluations dont elles font l'objet : autant d'éléments qui plaident pour un regard toujours plus vigilant sur les agences européennes. Le temps est venu d'aller plus loin que le débat nécessaire sur leur rôle et leur place dans l'Union européenne pour poser, de manière plus générale, la question des ressources, du suivi ainsi que du contrôle politique de ces organes.

Votre rapporteur se félicite des avancées enregistrées récemment , qu'il s'agisse de la mise en place du groupe de travail interinstitutionnel ou des positions adoptées ces derniers mois par le Conseil de l'Union européenne. Le 10 juillet 2009, celui-ci a ainsi examiné le projet de budget 2010, en rejetant toute création nouvelle d'emplois dans les agences , à l'exception des nouvelles structures créées en 2010 et de Frontex. Il a également adopté le même jour une déclaration sur la politique immobilière des institutions et organes de l'UE ( 21 ( * ) ), qui fait suite à un accord portant sur des lignes directrices en matière immobilière. Dans cette déclaration, le Conseil indique qu'il est « essentiel que les dépenses immobilières fassent l'objet d'une bonne gestion financière (...) et invite les institutions à mettre en commun leurs locaux chaque fois que possible afin de limiter au minimum nécessaire leurs dépenses immobilières ». Il rappelle, en dernier lieu, que « ses observations s'appliquent également à la situation particulière des agences exécutives et, le cas échéant, aux agences décentralisées ».

Au-delà de la politique immobilière et s'agissant de la problématique générale des agences de régulation, votre rapporteur insiste sur la nécessité de définir des lignes directrices et préconise de rechercher systématiquement à mutualiser leurs moyens , en particulier leurs fonctions support. Outre ces deux aspects primordiaux, les principes suivants pourraient encadrer la création, le pilotage et le suivi des agences :

- l'établissement de critères objectifs et préalablement définis pour déterminer le choix de leurs sièges ;

- la stricte application des principes de discipline budgétaire et de bonne gestion financière ;

- la prise en compte des résultats de l'exécution lors de la procédure budgétaire de l'exercice suivant afin d' adapter, éventuellement en les réduisant, les moyens budgétaires et en personnel ;

- la signature de contrats d'objectifs et de moyens assortis d' indicateurs de performance permettant de mesurer les moyens mobilisés, les travaux exécutés et les résultats obtenus ;

- l'utilisation systématique d' instruments de contrôle de gestion et la présentation de leurs activités, de leurs comptes et de leurs rapports de gestion selon des indicateurs communs permettant des comparaisons entre agences ;

- la formulation de plans d'action visant à donner une suite aux conclusions des évaluations ;

- une plus grande implication des États membres dans le fonctionnement et le contrôle des agences, en particulier via leurs représentants au sein des conseils d'administration ;

- un examen systématique de la plus-value de leurs missions par rapport à l'action des États membres, au regard du principe de subsidiarité ;

- une analyse des éventuels recoupements de compétences entre agences, dans la perspective d'un rapprochement , voire d'une fusion de certaines d'entre elles.

Votre rapporteur indique que l'ensemble de ces recommandations trouvent leur traduction dans la proposition de résolution dont il est à l'origine ( 22 ( * ) ). En cas d'adoption par le Sénat, la reprise de ces préconisations par le Gouvernement devrait permettre de faire valoir, au sein du groupe de travail interinstitutionnel, une position française exigeante pour ce qui concerne la place, les missions et les moyens des agences de régulation. La semaine sénatoriale de contrôle pourrait, le cas échéant , être utilisée pour examiner les suites données à la résolution du Sénat .

EXAMEN EN COMMISSION

Réunies le mercredi 7 octobre 2009, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances et de M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes, les commissions des finances et des affaires européennes ont entendu une communication de M. Denis Badré sur les agences européennes.

M. Jean Arthuis , président de la commission des finances, a rappelé que ce contrôle budgétaire a été conduit par M. Denis Badré conjointement au nom de la commission des finances et de la commission des affaires européennes.

M. Hubert Haenel , président de la commission des affaires européennes, a souligné la nécessité pour les parlements nationaux de s'emparer de la question des agences européennes, car celles-ci sont insuffisamment soumises au contrôle démocratique, notamment en matière budgétaire.

M. Denis Badré a insisté sur la multiplication des agences européennes et le coût considérable qu'elles induisent pour les finances de l'Union européenne (UE). Cette tendance pose la question de la place des agences dans les institutions communautaires et de leur pertinence au regard du principe de subsidiarité. Depuis quelques années, une discussion s'est ouverte au sein des institutions communautaires à ce sujet. En mars 2008, la Commission européenne a présenté une communication intitulée « Agences européennes - Orientations pour l'avenir », dans laquelle elle estime nécessaire d'ouvrir un débat sur le rôle et la place des agences dans l'UE. Par ailleurs, un rapport spécial de la Cour des comptes européenne, rendu public en juillet 2008, a mis en évidence la forte progression des moyens alloués aux agences et les lacunes dans l'évaluation de leurs activités.

M. Denis Badré a rappelé les auditions et les déplacements qu'il a effectués dans le cadre de son contrôle. A Bruxelles, il a rencontré le conseiller budgétaire de la Représentation permanente française, un membre du cabinet de la commissaire européenne en charge du budget, ainsi que dix fonctionnaires de différents services de la Commission européenne. A Lisbonne, il s'est rendu aux sièges de deux agences européennes, l'Observatoire européen des drogues et toxicomanies et l'Agence européenne de sécurité maritime. Un autre déplacement l'a conduit à Angers, où se trouve l'Office communautaire des variétés végétales, qui présente la particularité d'être une agence autofinancée. Enfin, il a auditionné, à Paris, des responsables de la direction du Budget en charge des finances de l'UE, de la direction des Affaires maritimes et de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (MILDT). Il a, enfin, rencontré la directrice de l'Agence européenne pour la sécurité des aliments, dont le siège se trouve à Parme.

Il a ensuite distingué trois catégories d'agences européennes :

- les agences de régulation, appelées également agences décentralisées car leurs sièges sont répartis sur le territoire de l'UE. Ces organismes, créés sans limitation de durée, sont ceux qui suscitent les plus grandes interrogations ;

- les agences exécutives, mises en place pour une durée déterminée par la Commission européenne dans le but d'exécuter un programme communautaire pour le compte de celle-ci, sous son contrôle et sa responsabilité. A la différence des agences de régulation, leur siège est généralement établi à Bruxelles ;

- les entreprises communes chargées de la mise en oeuvre de projets de recherche et l'Institut européen d'innovation et de technologie (IET).

Au total, M. Denis Badré a dénombré l'existence, à ce jour, de 43 agences européennes, dont 26 agences de régulation. Il a observé que leur multiplication s'accélère depuis les années 1990, sous l'effet de plusieurs facteurs, parfois conjugués :

- l'accroissement progressif des compétences de l'UE ;

- les élargissements successifs, chaque nouvel État membre revendiquant la présence d'une agence sur son territoire ;

- la survenue de crises majeures qui ont fait apparaître un besoin spécifique d'expertise et de sécurité à l'échelle européenne, en matière sanitaire ou écologique par exemple ;

- la recherche, enfin, d'une plus grande réactivité et d'une plus grande souplesse de gestion.

Il a souligné l'hétérogénéité de ces agences, qu'il s'agisse de leur taille, de leurs missions, de leur mode de financement, de leur positionnement institutionnel, de leur autonomie vis-à-vis de la Commission européenne ou de leurs relations avec les États membres. Il a relevé que la plus-value des agences européennes par rapport à l'échelon national est inégale : si certaines d'entre elles conduisent des missions spécifiques, absentes dans les États membres, leurs activités se contentent d'être, le plus souvent, complémentaires par rapport à celles des administrations nationales. Mais elles peuvent parfois gérer des activités conduites parallèlement à l'échelon national. Difficilement évitables, ces phénomènes de doublons existent également entre agences européennes elles-mêmes, en raison de recoupements de compétences.

Sur un plan budgétaire, l'augmentation considérable des moyens alloués aux agences européennes ne semble pas maîtrisée. En 2009, leurs budgets s'élèvent au total à près de 2 milliards d'euros, soit une croissance de 17 % par rapport à 2008. Au sein de cette somme, il convient de distinguer :

- les subventions provenant du budget communautaire, qui s'établissent à environ 1,28 milliard d'euros, dont 537 millions pour les seules agences de régulation ;

- les financements permis par des ressources propres, telles que des redevances.

La croissance rapide des agences européennes s'avère encore plus marquée en termes d'effectifs. Entre 2004 et 2009, leurs emplois ont crû de plus de 160 % pour atteindre le nombre de 6.500, soit près de 15 % du personnel de l'ensemble des institutions de l'UE. Une proportion importante de ces effectifs concernant des fonctions support, une plus grande mutualisation des moyens des agences européennes devrait être recherchée.

En matière de contrôle et d'évaluation des résultats obtenus par les agences européennes, M. Denis Badré a estimé que les dispositifs mis en place jusqu'à présent sont insuffisants, en particulier pour ce qui concerne les suites données aux conclusions des multiples rapports réalisés. Il a noté que le rapport spécial de la Cour des comptes européenne partage ce diagnostic. Les conseils d'administration des agences ne paraissent pas toujours tenir compte de ces critiques. Par ailleurs, alors que des cas de mauvaise gestion sont identifiés, le Parlement européen donne chaque année décharge à la Commission pour l'exécution du budget communautaire. Les agences, dont les crédits sont inscrits dans ce budget, pourraient, au moins, faire l'objet d'observations de la part du Parlement européen.

Toutefois, M. Denis Badré est convenu que la Commission européenne et le Conseil de l'UE semblent progressivement prendre conscience de la nécessité de rationaliser les moyens et le fonctionnement des agences.

D'une part, la Commission a annoncé, dans sa communication du 11 mars 2008, qu'elle procéderait à une évaluation approfondie des agences de régulation. Les résultats de celles-ci devraient être présentés d'ici la fin de l'année 2009 ou en 2010.

D'autre part, un groupe de travail interinstitutionnel sur les agences de régulation a été mis en place. Réunissant le Conseil de l'UE, le Parlement européen et la Commission européenne, il doit conduire à l'élaboration d'une approche commune applicable aux agences de régulation. C'est dans ce cadre que les principales décisions sur les agences devront être négociées. A cet égard, M. Denis Badré a plaidé pour que le gouvernement français reprenne les positions adoptées par le Sénat sur la place, le rôle et les missions des agences européennes.

M. Jean Arthuis , président de la commission des finances, a estimé que ce travail sur le phénomène d'agenciarisation de l'UE ouvre un immense chantier, nécessitant une coordination entre les rapporteurs de la commission des finances. Il a rappelé que l'audition par la commission, le 1 er octobre 2009, de M. Alain Lamassoure, président de la commission des budgets du Parlement européen, avait déjà permis d'identifier des marges de progression dans le domaine des agences européennes. Il s'est ensuite interrogé sur les critères retenus lors de la création d'une agence, en distinguant deux types de motifs : l'utilité avérée de l'organisme d'un côté, et la volonté de satisfaire la demande particulière d'un État membre de l'autre. Enfin, il a évoqué la question du pilotage politique des agences européennes.

M. Denis Badré a souligné la compétence et la légitimité technique des responsables des agences européennes. Il a cependant regretté leur autonomie particulièrement forte : certains responsables paraissent, en effet, définir largement leur champ d'activités, sans estimer devoir en rendre compte aux autorités de tutelle. L'absence de contrôle politique est particulièrement avérée dans le cas de l'articulation entre le niveau communautaire et le niveau national. Illustrant son propos de ses auditions du directeur des affaires maritimes et du président de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie, M. Denis Badré a ainsi relevé que la participation de services nationaux spécialisés aux conseils d'administration d'une agence européenne donnée, liée à leur propre domaine d'expertise - en l'occurrence l'Agence européenne de sécurité maritime et l'Observatoire européen des drogues et toxicomanies - ne permet pas d'assurer un pilotage politique effectif.

M. Hubert Haenel , président de la commission des affaires européennes, s'est inquiété de la prolifération des agences européennes, tant du point de vue du contrôle démocratique que de celui de leur coût financier pour le budget de l'UE. Il a ensuite fait observer que le traité de Lisbonne apportera des améliorations notables en matière de contrôle des agences puisqu'il rendra possible une association des parlements nationaux au Parlement européen. Il a établi un parallèle avec la faiblesse du contrôle démocratique sur les multiples structures placées auprès de la Commission européenne : les décisions, au nombre de 2.000 par an et souvent essentielles, prises par les 300 comités existants peuvent être parfois éminemment contestables, à l'image des affaires récentes concernant les profils nutritionnels et le vin rosé obtenu par coupage.

En outre, M. Hubert Haenel , président de la commission des affaires européennes, a demandé que les parlementaires se saisissent des nouvelles opportunités offertes par le Règlement du Sénat. Au début de l'année 2010, la semaine sénatoriale de contrôle pourrait ainsi être utilisée pour obtenir du gouvernement qu'il indique les suites qu'il entend donner à la proposition de résolution du Sénat sur les agences européennes.

M. Jean Arthuis , président de la commission des finances, a souhaité que le rapport de M. Denis Badré fasse ressortir, pour le budget de chaque agence européenne, la part respective de la contribution communautaire et du produit des redevances perçues.

M. Denis Badré a mis l'accent sur l'hétérogénéité du mode de financement des agences européennes : la part respective de la subvention du budget communautaire et de leurs ressources propres est en effet très variable selon les cas. Il a également observé que les informations budgétaires relatives aux agences restent encore lacunaires, en dépit du constat de récents progrès.

M. Jean-Claude Frécon s'est étonné de l'ampleur des moyens consacrés aux agences européennes, ainsi que de la complexité de leur organisation. Il a fait valoir l'existence de doublons, notamment vis-à-vis des structures mises en place par le Conseil de l'Europe, par exemple la Pharmacopée européenne. Cet organisme lui apparaît en effet redondant par rapport à l'agence européenne du médicament. Il s'est ensuite interrogé sur la qualité d'expert accordée aux membres des comités placés auprès de la Commission européenne, faisant observer que de vrais spécialistes de la viniculture n'auraient jamais proposé le coupage des vins rouges et blancs pour obtenir du vin rosé. Enfin, il a estimé que la Commission européenne doit faire preuve d'une plus grande rigueur dans le domaine du recrutement du personnel des agences européennes.

Mme Nicole Bricq a relevé des similitudes entre le travail élaboré par M. Denis Badré et le contrôle qu'elle a conduit, en 2007, sur la sécurité sanitaire. La prolifération des agences, leur hétérogénéité et les risques de doublons sont ainsi des caractéristiques qu'elle avait déjà identifiées. Prenant l'exemple de la Direction générale santé et protection du consommateur de la Commission européenne, elle a ensuite souligné que l'autonomie des agences européennes dépend de la puissance de leur direction de tutelle au sein de la Commission. Enfin, évoquant les dispositions issues de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), elle a souhaité, d'une part, que des plafonds d'emplois soient prévus pour les agences européennes, à l'image de ceux imposés en France aux opérateurs de l'État par la loi de finances, et, d'autre part, que des contrats d'objectifs et de moyens soient conclus entre la Commission européenne et les agences européennes, à l'instar de ceux imposés aux opérateurs par leur ministère de tutelle.

M. Richard Yung s'est étonné que des experts nationaux siègent dans les conseils d'administration des agences européennes alors qu'ils travaillent dans des structures nationales qui, le cas échéant, peuvent se trouver en situation de concurrence avec ces agences. Il a illustré sa remarque en évoquant la composition du conseil d'administration de l'agence chargée de la protection des marques, dont le siège est à Alicante. Il a par ailleurs déploré, d'une part, la faible implication du ministère des affaires étrangères dans le contrôle des agences européennes et, d'autre part, le fait que le choix des sièges de celles-ci résulte le plus souvent de marchandages complexes entre les États membres. Il s'est interrogé, en outre, sur les formes que prend la coordination entre les agences européennes, ainsi que sur la possibilité, pour celles-ci, de rétrocéder leurs recettes lorsqu'elles sont supérieures aux dépenses.

M. Simon Sutour s'est inquiété de la faiblesse des contrepoids démocratiques dans l'UE, à commencer par celui que devrait en principe exercer le Parlement européen lui-même. Il a rappelé que le rôle des experts consiste d'abord à éclairer les responsables politiques, mais pas à prendre par eux-mêmes les décisions publiques. Il a donc plaidé pour un plus grand contrôle sur les activités des agences européennes. Ce contrôle ne saurait en effet se limiter à celui exercé par les seules directions générales de la Commission européenne.

M. Pierre Fauchon a indiqué que les résultats de l'enquête conduite par M. Denis Badré sont de nature à le rassurer : le bilan des agences européennes n'apparaît pas totalement négatif et des améliorations sont en cours en matière d'évaluation. Il a cependant jugé nécessaire d'aller plus loin dans le contrôle démocratique auquel les agences doivent être soumises. Il s'est, en outre, interrogé sur l'opportunité d'auditionner un commissaire européen à ce sujet.

M. Jean Arthuis , président de la commission des finances, s'est interrogé sur les différences entre les agences de régulation et les agences exécutives.

En réponse à l'ensemble de ces questions, M. Denis Badré a apporté les précisions suivantes :

- à la différence des agences exécutives, dont la durée de vie est limitée et qui restent sous un contrôle permanent de la Commission européenne, les agences de régulation présentent à la fois un caractère durable et une autonomie marquée. Ce sont elles qui font l'objet d'un véritable débat, du point de vue de leur budget, de leur évaluation, ainsi que du respect du principe de subsidiarité ;

- l'articulation entre l'UE et le Conseil de l'Europe reste clairement insuffisante. Or, elle serait particulièrement pertinente en matière de protection des droits fondamentaux, ainsi que pour la politique de voisinage à l'égard des pays d'Europe orientale ;

- la mutualisation de certaines ressources au sein de services communs aux agences européennes pourrait porter sur les moyens généraux, tels que les ressources humaines ou la traduction. Cette mise en commun de fonctions supports semble surtout nécessaire pour les agences de petite dimension ;

- s'agissant de l'application du principe de subsidiarité, M. Denis Badré a estimé nécessaire de confier des compétences plus claires à l'UE et aux États membres ;

- il est, en outre, convenu de la faiblesse, dans certains cas, du contrôle démocratique au sein de l'UE, ce qui pose la question du renforcement des relations entre les parlements nationaux et le Parlement européen. A cet égard, il a relevé le rôle bénéfique de la conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) et préconisé d'améliorer encore le dialogue interparlementaire.

M. Denis Badré a ensuite présenté la proposition de résolution qu'il souhaite déposer au terme de son travail. Il a précisé qu'elle vise les seules agences de régulation.

Il a indiqué que la proposition de résolution demande l'encadrement des agences européennes par des lignes directrices ; l'établissement de critères pour déterminer le choix du siège des agences ; l'application des principes de discipline budgétaire et de bonne gestion financière ; la prise en compte des résultats de l'exécution du budget précédent lors de la procédure budgétaire de l'exercice suivant ; la mutualisation des moyens alloués au titre des fonctions support ; l'établissement d'un contrat d'objectifs et de moyens ; la mise en place d'instruments de contrôle de gestion ; la présentation de leurs activités, de leurs comptes et de leurs rapports de gestion selon des indicateurs communs permettant des comparaisons entre agences ; l'adoption de plans d'action visant à donner une suite aux conclusions des évaluations ; une meilleure implication des États membres dans le fonctionnement et le contrôle de ces agences via leurs représentants au sein des conseils d'administration des agences.

De plus, la proposition de résolution considère que l'évaluation horizontale entreprise par la Commission européenne doit procéder à un examen, d'une part, de la plus-value des agences par rapport à l'action des États membres, au regard du principe de subsidiarité, et, d'autre part, des éventuels recoupements de compétences entre agences, dans la perspective d'un rapprochement de certaines d'entre elles.

Enfin, elle invite le gouvernement à reprendre l'ensemble de ces préoccupations au sein du groupe de travail interinstitutionnel mis en place sur les agences de régulation.

M. Jean Arthuis , président de la commission des finances, a précisé que la procédure d'adoption de la proposition de résolution nécessite un dépôt du texte par la commission des affaires européennes puis un examen dans un délai d'un mois par la commission saisie au fond, en l'occurrence la commission des finances. Il a ajouté qu'en cas d'absence de dépôt par celle-ci d'un rapport dans le délai imparti, le texte sera considéré comme adopté par elle, ce qui permettra ensuite à la proposition de devenir une résolution européenne du Sénat.

A l'issue de ce débat, la commission des finances et la commission des affaires européennes ont donné acte, à l'unanimité, à M. Denis Badré de sa communication, et en ont autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

La commission des affaires européennes a ensuite conclu, à l'unanimité, au dépôt de la proposition de résolution présentée par M. Denis Badré .

ANNEXES

Annexe n° 1 : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

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À Bruxelles

Commission européenne : M. Jens Nymand-Christensen, Directeur au Secrétariat général, M. Mario Tenreiro, Chef d'unité au Secrétariat général, M. Antonello Maschio, Secrétariat général, Mme Ralitza Petkoua, Secrétariat général, Mme Elisabeth Werner, Chef d'unité à la DG Budget, M. Svend Jakobsen, Chef d'unité à la DG Budget, M. Ja Gerritsen, DG Budget, Mme Anne Montagnon, DG Budget, Mme Olivia Reymond, DG Budget, M. Jacques Salmon, DG Budget, et Jean-Marc Feugier, DG Admin

Cabinet de la Commissaire européenne en charge de la programmation financière et du budget : M. Denis Genton, conseiller

Représentation permanente de la France : M. Stéphane Saurel, conseiller en charge des questions budgétaires

À Lisbonne

Observatoire européen des drogues et toxicomanies : M. Wolfgang Götz, Directeur, M. Dante Storti, Directeur administratif, Mme Cécile Martel, chargée des relations avec les États membres, et Mme Monika Blum, chargée du suivi des travaux du conseil d'administration

Agence européenne pour la sécurité maritime : M. James Wood, Directeur adjoint, M. Antoine Cuvillier, M. Leendert Bal et M. Alain Hoffman, Chefs de service

Ambassade de France : S. Exc. M. Denis Delbourg, Ambassadeur, Mme Catherine Feuillet, Première conseillère, M. Samuel Richard, Deuxième secrétaire, et M. Luis Pais Antunes, député portugais

À Angers

Office communautaire des variétés végétales : M. Bart Kiewiet, Président, M. Martin Ekvad, Chef du service juridique, et Mme Roseline Fagel, chargée de l'audit et de l'évaluation

À Paris

Mme Chantal Chambellan-Le-Levier, Chef de bureau, et Mme Marie-Béatrice Dhoury-Rousseau, attachée principale, Direction du budget, ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État

M. Damien Cazé, Directeur des affaires maritimes au ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer

M. Francis Vallat, Président de l'Institut français de la mer et Vice-Président du conseil d'administration de l'Agence européenne pour la sécurité maritime

M. Etienne Apaire, Président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), et Mme Laura d'Arrigo, Conseillère diplomatique

Mme Catherine Geslain-Lanéelle, Directrice exécutive de l'Autorité européenne de sécurité des aliments

Annexe n° 2 - Liste des agences de régulation par rubrique

***

- Rubrique 1a - Compétitivité pour la croissance et l'emploi

Dénomination de l'agence

Siège

Année de création

Agence européenne des médicaments (EMEA)

Londres

1993

Agence européenne des produits chimiques (ECHA)

Helsinki

2006

Institut pour l'égalité entre les hommes et les femmes

Vilnius

2006

Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound)

Dublin

1975

Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA)

Bilbao

1994

Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA)

Cologne

2002

Agence européenne pour la sécurité maritime (EMSA)

Lisbonne

2002

Agence ferroviaire européenne (AFE)

Lille-Valenciennes

2004

Autorité de surveillance du GNSS européen (GSA)

Bruxelles

2004

Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l'information (ENISA)

Héraklion

2004

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI)

Alicante

1993

Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop)

Thessalonique

1975

- Rubrique 2 - Conservation et gestion des ressources naturelles

Dénomination de l'agence

Siège

Année de création

Agence européenne pour l'environnement (AEE)

Copenhague

1990

Agence communautaire de contrôle des pêches (ACCP)

Vigo

2005

Office communautaire des variétés végétales (OCVV)

Angers

1994

- Rubrique 3a - Liberté, sécurité et justice

Dénomination de l'agence

Siège

Année de création

Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (Frontex)

Varsovie

2004

Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne (FRA)

Vienne

2007

Office européen de police (Europol)

La Haye

1995

Collège européen de police (CEPOL)

Bramshill

2005

Eurojust

La Haye

2002

Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT)

Lisbonne

1993

- Rubrique 3b - Citoyenneté

Dénomination de l'agence

Siège

Année de création

Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC)

Stockholm

2004

Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA)

Parme

2002

- Rubrique 4 - L'UE acteur mondial

Dénomination de l'agence

Siège

Année de création

Fondation européenne pour la formation (ETF)

Turin

1990

- Rubrique 5 - Administration

Dénomination de l'agence

Siège

Année de création

Centre de traduction des organes de l'Union européenne

Luxembourg

1994

N.B. : L'Agence européenne pour la reconstruction est en phase de liquidation.

Annexe n° 3 - Évolution des budgets des agences depuis 2004 (en millions d'euros)

***

2004

2005

2006

2007

2008

2009 (provisoire)

Agences décentralisées

année de création

budget total

subvention

en % du budget

budget total

subvention

en % du budget

budget total

subvention

en % du budget

budget total

subvention

en % du budget

budget total

subvention

en % du budget

budget total

subvention

en % du budget

Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail

1975

18,2

18,2

100,0%

18,9

18,6

98,4%

19,5

19

97,4%

20,3

19,6

96,6%

20,6

20

97,1%

20,3

19,5

96,1%

Centre européen pour le développement de la formation permanente

1975

16,3

15,7

96,3%

16,3

16,1

98,8%

17,2

16,4

95,4%

16,7

16,7

100,0%

17,1

17,1

100,0%

17,1

15,9

93,0%

Fondation européenne pour la formation

1990

28,5

15,1

53,0%

23,0

18,5

80,4%

19,5

16,5

84,4%

19,7

19,7

100,0%

18,0

18

100,0%

14,8

14,8

100,0%

Agence pour l'environnement

1990

32,2

30

93,2%

32,5

26,9

82,8%

36,6

27,7

75,7%

42,5

35,1

82,6%

37,0

31,7

85,7%

39,6

34,6

87,4%

Office pour l'harmonisation du marché intérieur (marques)

1993

130,7

0

0,0%

137,7

0

0,0%

142,1

0

0,0%

157,7

0

0,0%

318,4

0

0,0%

320,0

0

0,0%

Centre européen de lutte contre les drogues et toxicomanies

1993

12,5

11,7

93,6%

12,8

12

93,8%

13,1

12,1

92,3%

14,4

13,5

93,8%

14,9

13,4

89,9%

14,2

14,2

100,0%

Agence européenne des médicaments

1993

115,0

24,5

21,3%

106,6

28,9

27,1%

141,1

34

24,1%

163,1

46,7

28,6%

173,3

38

21,9%

186,3

37

19,9%

Centre de traduction pour les organes de l'Union européenne

1994

23,5

0

0,0%

30,8

0

0,0%

33,0

0

0,0%

39,0

0

0,0%

42,5

0

0,0%

47,1

0

0,0%

Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail

1994

10,8

10,5

97,0%

13,2

13,2

100,0%

13,5

11,2

83,0%

12,0

12

100,0%

14,9

14,4

96,6%

14,9

13,8

92,6%

Office communautaire pour les variétés végétales

1995

8,7

0

0,0%

8,2

0

0,0%

7,5

0

0,0%

7,9

0

0,0%

13,2

0

0,0%

13,3

0

0,0%

Agence européenne pour la reconstruction

2000

376,1

232

61,7%

321,9

321,9

100,0%

270,2

270,2

100,0%

25,0

24,6

98,4%

nd

nd

nd

nd

nd

nd

Agence européenne pour la sécurité aérienne

2002

121,2

11,1

9,2%

30,4

17,4

57,2%

46,8

22

47,0%

84,8

27,1

32,0%

104,2

30

28,8%

102,5

29,2

28,5%

Agence européenne pour la sécurité maritime

2002

12,8

12,8

100,0%

35,3

35,3

100,0%

50,4

49,8

98,8%

46,9

46,9

100,0%

50,2

44,3

88,2%

48,3

43,3

89,6%

Organisme européen pour le renforcement de la coopération judiciaire

2002

9,3

9,3

100,0%

12,1

11,9

98,3%

13,2

13,2

100,0%

18,4

18,4

100,0%

20,0

20

100,0%

22,5

22,5

100,0%

Agence européenne pour la sécurité alimentaire

2002

29,1

29,1

100,0%

36,7

36,7

100,0%

46,6

46,6

100,0%

51,7

51,7

100,0%

63,5

63,5

100,0%

73,0

70,7

96,8%

Agence européenne ferroviaire

2004

nd

0,6

nd

13,7

13,7

100,0%

14,5

14,5

100,0%

17,0

17

100,0%

18,0

18

100,0%

21,0

16,1

76,7%

Agence européenne de sécurité des réseaux d'information

2004

nd

0,6

nd

6,8

6,8

100,0%

6,8

6,8

100,0%

8,3

8,3

100,0%

8,2

8,2

100,0%

7,8

7,8

100,0%

2004

2005

2006

2007

2008

2009 (prov.)

Agences décentralisées

année de création

budget total

subvention

en % du budget

budget total

subvention

en % du budget

budget total

subvention

en % du budget

budget total

subvention

en % du budget

budget total

subvention

en % du budget

budget total

subvention

en % du budget

Autorité de supervision Galileo

2005

nd

nd

nd

1,7

1,7

100,0%

5,0

5

100,0%

7,6

7,6

100,0%

10,6

10,6

100,0%

10,3

8,3

80,6%

Agence pour le contrôle des pêches

2005

nd

nd

nd

1

4,9

4,2

4,2

100,0%

8,1

7,3

90,1%

8,1

5,7

70,4%

Agence pour la coopération opérationnelle des frontières extérieures

2005

nd

nd

nd

6,1

6,1

100,0%

9,7

9,7

100,0%

42,5

41

96,5%

83,3

68

81,6%

78,0

68

87,2%

Collège européen de police

2005

nd

nd

nd

3,0

3

100,0%

4,5

4,5

100,0%

6,5

6,5

100,0%

8,7

8,7

100,0%

7,8

7,8

100,0%

Centre européen pour la prévention et le contrôle des maladies

2005

nd

nd

nd

4,7

4,7

100,0%

15,3

15,3

100,0%

28,6

28,6

100,0%

40,2

39,1

97,3%

50,0

48,1

96,2%

Agence des produits chimiques et de leur législation

2007

nd

nd

nd

11,7

11,7

100,0%

15,3

15,3

100,0%

16,0

15,3

95,6%

74,0

62,6

84,6%

66,4

63

94,9%

Institut pour l'égalité des genres

2007

nd

nd

nd

nd

nd

nd

nd

nd

nd

0,4

0,4

100,0%

6,4

6,4

100,0%

6,8

6,8

100,0%

Agence de l'Union européenne pour les droits fondamentaux ex-agence contre les phénomènes racistes et xénophobes

2007

6,5

5,9

90,3%

8,2

100,0%

8,8

100,0%

14,0

14

100,0%

15,0

15

100,0%

17,0

17

100,0%

Total agences de régulation

951,5

427,1

44,9%

884,1

614,3

69,5%

941,4

623,5

66,2%

865,2

474,9

54,9%

1180,3

554,3

47,0%

1207

564,1

46,7%


Source : Direction du Budget, Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique

Annexe n° 4 - Comptes rendus d'auditions et de déplacements

***

I. DÉPLACEMENT À LISBONNE (6 AVRIL 2009)

A. OBSERVATOIRE EUROPÉEN DES DROGUES ET TOXICOMANIES

Personnes rencontrées : M. Wolfgang Götz, Directeur, M. Dante Storti, Directeur administratif, Mme Cécile Martel, chargée des relations avec les États membres, et Mme Monika Blum, chargée du suivi des travaux du conseil d'administration

L'Observatoire européen des drogues et toxicomanies (OEDT) a été créé en 1993. Il a commencé à fonctionner en novembre 1994. Son budget s'établit à 14,63 millions d'euros en 2009, l'essentiel provenant d'une subvention du budget communautaire. Il bénéficie de 82 emplois.

L'OEDT a été institué dans un contexte de forte augmentation de la consommation de drogue en Europe, les mesures prises au niveau national pour lutter contre ce phénomène ne faisant l'objet d'aucune coordination au niveau européen. Ses missions sont nouvelles et aucune institution ne les exerçait auparavant.

Il est chargé de fournir aux institutions communautaires et aux États membres des informations factuelles et objectives sur l'état de la consommation et du trafic de drogues en Europe, ainsi que sur les politiques de lutte contre ce phénomène. La refonte du règlement institutif en 2006 a permis d'étendre ses compétences à la collecte et à la diffusion de bonnes pratiques ainsi qu'à l'étude des « drogues » licites. Ses missions sont centrées sur des problématiques d'information et de prévention, mais ne visent pas la répression. L'OEDT collecte les informations au niveau national, puis les analyse sous un angle européen, de manière à fournir à l'Union européenne et aux États membres des termes de comparaison.

L'OEDT entretient des relations avec les États membres au travers de 25 à 30 groupes de travail thématiques. Par ailleurs, la Norvège siège également à son conseil d'administration et la Turquie devrait bientôt y entrer. La Suisse a marqué de l'intérêt pour ses travaux. L'agence échange des informations avec la Russie et étudie la possibilité de le faire avec l'Ukraine.

Elle entretient des relations avec d'autres agences européennes, en particulier avec Europol, pour l'analyse des risques des nouvelles substances addictives par exemple, et avec l'Agence européenne des médicaments, dont le siège se trouve à Londres.

Par ailleurs, à l'occasion de chaque présidence semestrielle de l'Union européenne, l'OEDT réunit ses correspondants nationaux. Il participe également aux réunions du groupe de travail du Conseil sur les drogues, qui définit les orientations politiques en la matière.

Le conseil d'administration de l'OEDT se réunit à Lisbonne deux fois par an. Il est composé d'un représentant par État membre. Une partie de ses membres travaillent ensemble depuis plusieurs années. Ils y exercent une influence forte. D'autres, en revanche, changent trop fréquemment pour vraiment s'impliquer dans les activités et le contrôle de l'agence. Le conseil d'administration discute principalement du programme de travail de l'agence. Les débats reflètent les priorités des différents États membres, qui peuvent être variées. En ce qui concerne les ressources de l'agence, la Commission européenne propose un projet de budget qui ne reproduit pas nécessairement les discussions qui se déroulent au sein du conseil d'administration, ce qui complique parfois la négociation budgétaire.

La France est représentée au conseil d'administration de l'OEDT par le président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT). Elle participe activement à la définition de ses orientations politiques, mais peu à sa gestion. La stabilité des points focaux nationaux de l'OEDT est très variable, pour des raisons administratives propres à chaque État membre. Parmi ces raisons, la principale réside dans la priorité relative accordée à la lutte contre la drogue.

L'éloignement de Bruxelles comporte des avantages et des inconvénients. Il entraîne des coûts supplémentaires, mais les États membres expriment généralement leur souhait d'accueillir le siège d'au moins une agence européenne. Les agences emploient souvent une part importante de ressortissants de l'État du siège. Ainsi, l'OEDT emploie 30 % de Portugais, mais cette proportion peut monter à 40 % dans certaines agences.

L'OEDT va déménager et rejoindre le même bâtiment que l'Agence européenne de sécurité maritime, ce qui permettra de réaliser certaines économies d'échelle puisque les deux agences pourront partager le même restaurant d'entreprise et les mêmes salles de réunion.

Le Parlement européen exprime régulièrement le voeu de voir fusionner certains services des agences européennes, mais chaque agence a sa logique propre.

D'une manière générale, l'initiative de créer une nouvelle agence européenne revient à la Commission. Mais il y a souvent un « effet d'entraînement ». Par exemple, un Institut pour l'égalité entre les hommes et les femmes, dont le siège est à Vilnius, a été créé en 2006, alors que la création d'une nouvelle division au sein de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne aurait peut-être été suffisante. Les agences existantes peuvent elles-mêmes souffrir de la création de nouvelles agences. L'existence d'un cadre institutionnel général fait défaut, mais la Commission n'avait pas été suivie par le Conseil lorsqu'elle avait proposé un accord interinstitutionnel sur les agences en 2005.

Le financement des agences recouvre des situations très variables, allant du financement par le budget communautaire intégral à l'autofinancement complet. Les agences entièrement auto-financées doivent néanmoins respecter la réglementation communautaire en matière de gestion du personnel et de rémunération. En revanche, la décharge leur est accordée par le conseil d'administration, alors qu'elle l'est par le Parlement européen dans le cas des agences bénéficiant d'une subvention du budget communautaire.

Le budget des agences est inclus dans celui de la Commission. Pourtant, les agences souhaiteraient qu'il en aille autrement, dans un souci de transparence et pour assurer une plus grande visibilité budgétaire. Cela permettrait de mieux identifier leurs moyens et leurs résultats.

Certaines activités de la Commission peuvent entrer en concurrence avec le champ de compétences des agences.

Il paraît nécessaire de parvenir à un encadrement institutionnel des agences. Toutefois, il est difficile de comparer les agences entre elles. En outre, elles relèvent d'une logique libérale de type anglo-saxon, caractérisée par une administration centrale faible aux moyens limités, alors qu'en Europe, la Commission reste forte.

La Commission a présenté une communication en mars 2008 sur les orientations institutionnelles des agences, après l'échec de son projet d'accord interinstitutionnel. L'esprit de cette communication est de réaffirmer le contrôle de la Commission sur les agences. Certaines des dispositions de son projet de 2005 poursuivaient le même objectif, mais il avait été rejeté. Pour autant, dans sa communication, la Commission ne prend pas clairement position en faveur d'un modèle institutionnel bien identifié.

En ce qui concerne l'évaluation des agences, leurs responsables peuvent être auditionnés par le Parlement européen, au cours de la procédure de décharge. L'évaluation transversale des agences, engagée par la Commission, va aborder la question des risques de doublons entre agences. Il est indispensable que cet exercice d'évaluation aboutisse à une décision de nature politique permettant de clarifier la question de la gouvernance des agences.

B. AGENCE EUROPÉENNE DE SÉCURITÉ MARITIME

Personnes rencontrées : M. James Wood, Directeur adjoint, M. Antoine Cuvillier, M. Leendert Bal et M. Alain Hoffman, Chefs de service

L'Agence européenne de sécurité maritime (EMSA) a été créée en 2002.

Il s'agit d'une agence technique, mais qui ne fonctionne pas en réseau comme l'OEDT. Ses compétences se sont beaucoup étendues depuis sa création, souvent après une catastrophe maritime. Elle exerce des tâches nouvelles, en matière d'inspection, de formation, de lutte contre la pollution, de surveillance maritime, qui n'étaient pas assurées auparavant ni par la Commission européenne ni par l'ensemble des États membres, certains d'entre eux en effet ne disposant pas des ressources nécessaires. C'est là que réside sa véritable valeur ajoutée.

Elle conseille la Commission et met en lumière les lacunes de la réglementation, afin de la faire évoluer. Elle procède à des vérifications pour les États membres, par exemple en matière de formation des gens de mer, qui est aujourd'hui une compétence communautaire, auparavant exercée au niveau national. De surcroît, elle met en place des formations, contrôle les sociétés de classification, vérifie dans les États membres la bonne application des dispositions sur la récupération des déchets des navires, est compétente pour lutter contre la pollution maritime. Les États membres peuvent ainsi solliciter l'intervention de navires de dépollution de l'EMSA.

Cette dernière compétence lui a été attribuée après l'accident du Prestige, l'Europe ne disposant pas jusqu'alors de capacités suffisantes pour remédier aux conséquences d'un grave accident en mer.

Les effectifs de l'EMSA s'établissent à 192 emplois en 2009 et devraient augmenter en 2010 pour atteindre 200 personnes. Ces moyens nouveaux sont affectés aux activités opérationnelles de l'agence et non à son fonctionnement administratif. Il s'agit essentiellement de contractuels et d'experts nationaux détachés. Il est parfois difficile de trouver du personnel qualifié dans ce domaine car certains États membres ne veulent pas se défaire de leurs compétences. Les personnels de l'EMSA appartiennent à 23 nationalités.

Son budget s'établit à 48,34 millions d'euros en 2009, qui proviennent quasi exclusivement d'une subvention du budget communautaire. La part des ressources propres est très limitée, mais devrait être appelée à progresser à l'avenir. L'excédent de trésorerie s'établit à 400 000 euros et a tendance à diminuer.

Le conseil d'administration de l'EMSA se réunit trois fois par an. Il réunit généralement les directeurs des affaires maritimes des États membres, dont celui de la France.

L'EMSA est placée sous la tutelle de la direction générale Transports de la Commission. Ses relations avec sa tutelle sont paisibles et empreintes de confiance, ce qui n'est pas le cas pour toutes les agences. Elle entretient également des contacts avec d'autres directions générales, comme celles chargées de l'environnement, des entreprises, de la recherche... La Commission avait cherché à formaliser ses relations avec les agences en présentant son projet d'accord interinstitutionnel, mais le Conseil l'a rejeté. Il convient de veiller à préserver l'autonomie des agences.

La localisation de l'EMSA à Lisbonne est un problème, car la capitale portugaise est excentrée par rapport à Bruxelles, où se déroule l'essentiel de l'activité communautaire. En outre, elle n'est pas facilement accessible aux transports. Cette difficulté existe pour d'autres agences. Il conviendrait d'adopter une approche plus rationnelle du choix du siège des agences.

La Cour des comptes européenne, avec son rapport spécial sur les agences de régulation, a voulu faire passer un message politique consistant à développer la transparence des procédures budgétaires des agences, par exemple grâce à la budgétisation par activité ou à l'introduction des indicateurs de performance. L'EMSA a été désignée comme agence pilote pour mettre en place une comptabilité analytique permettant de suivre l'exécution du budget en temps réel. Ce système devrait ensuite être étendu aux autres agences.

L'EMSA est soumise à de nombreuses évaluations, internes et externes, annuelles et pluriannuelles. Elle a fait l'objet d'une évaluation par un cabinet extérieur après cinq années de fonctionnement, ainsi que d'une évaluation récente au titre de l'évaluation horizontale des agences de régulation conduite par la Commission.

II. AUDITION À PARIS DE MME CATHERINE GESLAIN-LANÉELLE, DIRECTRICE EXÉCUTIVE DE L'AUTORITÉ EUROPÉENNE DE SÉCURITÉ DES ALIMENTS (26 JUIN 2009)

L'audition de la directrice exécutive de l'EFSA 23 ( * ) , dont le siège est établi à Parme, s'est tenue au Sénat.

A. Objectifs de l'EFSA

L'EFSA a été créée en 2002, suite à différentes crises sanitaires, avec l'idée que la législation doit se fonder sur une évaluation scientifique des risques appuyée sur des données objectives. Cette agence a donc pour mission de rendre des avis sur les risques relatifs à la sécurité des aliments destinés à l'alimentation humaine et animale. Ces avis sont destinés à la Commission européenne, mais aussi au Parlement européen, au Conseil et aux États membres. 95 % des demandes proviennent aujourd'hui de la Commission. Le champ de l'EFSA est très large puisqu'il concerne tout ce qui a un impact direct ou indirect sur l'alimentation humaine et animale : la santé animale tout comme le bien-être animal, l'usage des pesticides, la protection des plantes, la nutrition et, de manière croissante, les OGM. Les travaux de l'EFSA permettent notamment d'adopter ou de réviser la législation européenne sur la sécurité alimentaire humaine ou animale. Il convient de séparer l'activité de gestion des risques de celle liée à la formulation d'avis scientifiques. Mme Catherine Geslain-Lanéelle a rappelé qu'avant 2002, ces deux activités n'étaient pas séparées et qu'il existait plusieurs conseils thématiques auprès de la Commission.

La communication sur les risques alimentaires constitue un des objectifs fondateurs de l'agence. Celle-ci publie donc des communiqués sur les risques existants ou émergents dans le domaine de l'alimentation.

B. Moyens et activités

Le budget de l'agence provient exclusivement de la subvention communautaire. Il s'élève à 73 millions d'euros en 2009 et 80 millions sont prévus à l'horizon 2013, le budget annuel de l'EFSA devant ensuite se stabiliser à ce niveau. De manière à permettre l'autofinancement de l'EFSA, une redevance pourrait être mise en place. En effet, 40 % des activités scientifiques ont trait à des autorisations (OGM, pesticides, compléments alimentaires...). Or, au niveau national, les avis des agences sont, en règle générale, facturés aux entreprises. De même, dans l'UE, plusieurs agences s'autofinancent déjà. L'agence européenne du médicament dispose ainsi de 80 % de ressources propres. A court terme, l'EFSA pourrait viser au moins 10 % de ressources propres, soit un ordre de grandeur de 10 millions sur 80 millions.

De plus, l'EFSA pourrait financer de plus en plus d'activités d'expertise au niveau national, sachant qu'aujourd'hui 54 % des experts de l'agence sont issus des structures nationales. Dans les États membres, des « points focaux » de l'EFSA jouent le rôle d'observatoires. Bien que créés dans chaque État membre, ils ne sont que six ou sept à fonctionner réellement : la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni principalement, mais aussi les Pays-Bas, la Suède, le Danemark et la Finlande. Ils devront permettre de donner un nouvel élan à l'EFSA, puisqu'il s'agira de programmer des activités coordonnées sur 4 ou 5 ans, et non plus simplement un an.

En matière d'effectifs, l'EFSA est composée de 400 agents, contre 170 il y a quatre ans. 60 % d'entre eux sont des scientifiques, 22 % sont consacrés à des tâches de communication et 18 % à l'administration. Le personnel devrait être porté à 500 agents dans les 3 ans. Ce seuil devrait marquer la fin du cycle de croissance de l'agence.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle a plaidé pour une plus grande mutualisation de certaines activités. Elle a donné les exemples de l'EPSO, qui gère la paye au niveau central, ou, encore, de l'informatique, gérée par un service dédié créé par la Commission. En plus de ses agents, l'EFSA repose également sur un réseau de 1500 experts scientifiques (UE et hors UE). Ils ne sont pas rémunérés mais bénéficient toutefois de compensations. Mme Catherine Geslain-Lanéelle a relevé que l'agence travaille en réseau avec 300 centres de recherche et 30 agences nationales. Celles-ci regroupent des structures des États membres mais aussi de Norvège, de Suisse et d'Islande.

Un phénomène de montée en charge de l'EFSA peut être observé : pour 50 avis rendus chaque année avant 2002, l'EFSA en rend aujourd'hui 1300. De plus, 7000 allégations santé sont à vérifier chaque année. L'agence est donc soumise à des demandes de plus en plus nombreuses.

Les conditions dans lesquelles sont créées les agences européennes posent problème. Celles-ci rencontrent souvent les mêmes difficultés mais doivent pourtant se débrouiller par elles-mêmes et travailler seules la plupart du temps, au moins au stade de leur création. Or, la Commission européenne devrait, surtout lors de la mise en place d'une nouvelle structure, assister, accompagner et conseiller. Le lieu d'implantation devrait quant à lui être conditionné par certains critères objectifs tels que la présence d'un aéroport international, l'existence d'une école européenne etc. Le choix d'installer le siège de l'EFSA à Parme fait ainsi suite à une demande de l'Italie, mais l'absence d'aéroport international se fait ressentir, Milan étant à 2h30 par la route. Mme Catherine Geslain-Lanéelle a fait valoir que l'installation de l'EFSA à Parme a conduit, plusieurs années après la mise en place de l'agence, à la création d'une école européenne.

C. La gouvernance et l'évaluation de l'EFSA

En matière de gouvernance, chaque agence européenne a ses particularités. Le conseil d'administration de l'EFSA est ainsi composé de 15 personnes (14 personnalités qualifiées nommées par le Conseil sur proposition de la Commission, ainsi qu'un représentant de la Commission). Parce qu'il n'existe pas de représentation des États membres ni du Conseil, la direction de l'EFSA est donc vraiment « européenne » et ne s'inscrit pas dans une logique intergouvernementale. Le Conseil d'administration assure l'indépendance de l'EFSA et se réunit cinq fois par an dans différentes villes européennes. Il existe également des comités scientifiques, ou « panels ». Un conseil scientifique coordonne l'ensemble de ces panels.

Le conseil d'administration joue un rôle central en matière d'évaluation : il vote le budget, programme le travail, contrôle le bon fonctionnement de l'EFSA et, enfin, a le pouvoir de remercier le directeur exécutif, lui-même élu par le conseil d'administration au sein d'une liste proposée par la Commission. Le service d'audit interne de la Commission contrôle l'EFSA une fois par an. En matière de déclarations d'intérêt, l'EFSA atteint les 100 % de déclarations conformes aujourd'hui, contre 70 % auparavant, ce qui est notable. Des audits externes sont réalisés par la Cour des comptes européenne. Trois ont ainsi eu lieu en 2008. D'après Mme Catherine Geslain-Lanéelle, les audits doivent aller plus loin que la conformité au règlement, et s'intéresser à la plus-value des activités conduites par les agences.

En 2008, la Cour des comptes européenne a réalisé un audit sur la gouvernance de huit agences, dont l'EFSA. Ce travail a conduit à réaliser des études de performances et à une réflexion sur le monitoring. En 2010, le rapport général d'évaluation de l'ensemble des agences doit être publié et devrait contenir de précieuses recommandations en la matière.

D. Les risques de doublons et le système de coordination des agences européennes

Les phénomènes de doublons peuvent exister, mais il convient de les éviter autant que possible. Mme Catherine Geslain-Lanéelle a ainsi donné l'exemple de travaux sur les effets du bisphénol A, utilisé dans la fabrication de plastique et notamment de biberons. Alors que l'EFSA conduisait une étude à ce sujet en 2007, l'AFSSA a été sollicitée, de son côté par le Gouvernement français. La communication entre ces deux agences a permis d'éviter que chacun poursuive parallèlement ses recherches.

Au niveau communautaire, il n'existerait pas de doublon entre agences européennes. Ainsi, en dépit d'une proximité sur certains dossiers avec l'agence européenne du médicament, l'EFSA n'apparaît pas redondante vis-à-vis de celle-ci selon Mme Catherine Geslain-Lanéelle.

Le dialogue entre les agences européennes s'intègre depuis trois ans dans une structure institutionnelle, sous la forme d'une coordination, animée de manière tournante par un responsable de l'une d'entre elles. Cette coordination ne se réduit pas à un simple club de directeurs, même s'il s'agit d'organiser notamment une rencontre des responsables d'agences trois ou quatre fois par an. En effet, des réseaux thématiques (finances, recrutement, juridique, système d'information, audits...) fonctionnent de manière horizontale. Les différentes directions de la Commission profitent de ces réseaux puisqu'elles bénéficient d'interlocuteurs spécifiques. Mme Catherine Geslain-Lanéelle a estimé qu'il n'existe pas de rapports de concurrence entre les agences européennes mais qu'à l'inverse elles s'articulent entre elles de manière satisfaisante.

III. DÉPLACEMENT À ANGERS (1 ER JUILLET 2009)

Personnes rencontrées : M. Bart Kiewiet, Président de l'Office communautaire des variétés végétales, M. Martin Ekvad, Chef du service juridique, et Mme Roseline Fagel, chargée de l'audit et de l'évaluation

L'Office communautaire des variétés végétales (OCVV) a été créé en 1994. D'abord installé à Bruxelles, il a rejoint Angers en août 1997, puis a emménagé en 2000 dans ses locaux actuels, dont il est propriétaire. Le siège a été choisi parmi huit ou neuf villes candidates en Europe, mais l'influence du ministre français des affaires étrangères de l'époque, très bien implanté localement, a été décisive. Angers bénéficie d'un bon environnement scientifique, mais sa desserte par les transports depuis les États membres n'est guère aisée, ce qui constitue un handicap réel. Il conviendrait d'établir des critères objectifs pour choisir le siège des agences.

L'OCVV a pour mission de gérer le régime de protection communautaire des obtentions végétales. Il octroie les droits de propriété industrielle aux créateurs-obtenteurs de nouvelles variétés végétales, et les protège sur le territoire de l'Union européenne, pour une durée de 25 ans. D'autres États peuvent également demander à bénéficier de cette protection, comme le font la Suisse et les États-Unis.

23 États membres, dont la France, disposent d'un système de protection national, limité à leur propre territoire. Chypre, la Grèce, le Luxembourg et Malte en sont dépourvus. Ces systèmes nationaux coexistent avec le système communautaire, notamment parce que certaines variétés végétales relèvent d'un marché spécifique. Dans certains États membres, le coût de la protection est partiellement pris en charge par le budget de l'État, dans d'autres non, de telle sorte que l'obtenteur paie une redevance plus élevée. La coexistence de ces deux systèmes fait qu'un obtenteur peut payer une redevance d'un faible montant tout en bénéficiant d'une protection communautaire. Certains États membres ont renoncé à subventionner leur système national. C'est le cas de la France.

L'OCVV emploie 45 agents (12 fonctionnaires et 33 contractuels) issus de 12 nationalités. Il s'agit de juristes et de biologistes, mais aussi de personnels administratifs (16 personnes sur 45).

Le conseil d'administration est composé d'un représentant par État membre et d'un représentant de la Commission européenne, qui n'a pas le droit de vote. La plupart sont nommés par le ministère de l'agriculture de leur pays qui leur donne des instructions uniquement pour les affaires sensibles abordées au conseil d'administration.

L'OCVV dispose d'un budget de 13,24 millions d'euros en 2009. Il est entièrement auto-financé par le produit des taxes perçues des obtenteurs, ce qui assure son indépendance financière. Dès lors, son autorité budgétaire n'est pas le Parlement européen, mais son conseil d'administration qui lui accorde la décharge. Des réserves financières ont pu exister dans le passé, mais une baisse des tarifs des taxes a permis de les résorber. Les tarifs sont fixés par la Commission et non par le conseil d'administration de l'Office.

L'examen technique en vue de la protection est réalisé par les administrations nationales compétentes agréées par l'OCVV, par exemple l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) en France. Il peut prendre un an, mais sa durée varie selon les variétés ; elle est plus longue pour les variétés agricoles.

Depuis sa création, l'OCVV a pris environ 20 000 décisions de protection. Seules 80 d'entre elles ont fait l'objet d'un recours devant une chambre de recours spécifique, le tribunal de première instance étant compétent pour les appels, qui n'ont concerné que quatre ou cinq cas.

Les agences doivent appliquer les mêmes règles en matière de gestion des ressources budgétaires et humaines. Cette réglementation, édictée par la Commission, comporte toutefois des lourdeurs pour le fonctionnement des agences. Par exemple, l'exigence de parler trois langues pose de réelles difficultés pour recruter des techniciens très spécialisés.

L'OCVV n'entretient pas de relations avec d'autres agences.

Il fait l'objet d'un contrôle de la Cour des comptes européenne deux fois par an. Il est également soumis à une obligation d'audit interne, réalisé par un cabinet spécialisé. Il ne fait pas partie des agences retenues par le groupe de travail interinstitutionnel.

* (1) Rapport spécial n° 5 de la Cour des comptes européenne, « Agences de l'Union - Obtenir des résultats », juillet 2008.

* (2) COM (2005) 59 final.

* (3) Rapport d'information n° 58 (2005-2006) de Mme Marie-Thérèse Hermange.

* (4) COM (2008) 135 final.

* (5) Proposition de résolution n° 23 (2009-2010) sur l'évaluation de l'activité des agences européennes.

* (6) Cf. la liste des agences en annexe du présent rapport.

* (7) À l'exception de l'Agence européenne pour la reconstruction (cf. infra).

* (8) Cf. la liste des agences en annexe du présent rapport.

* (9) L'Observatoire européen des drogues et toxicomanies et l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments en 1993, l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur, l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, l'Office communautaire des variétés végétales et le Centre de traduction des organes de l'Union européenne en 1994.

* (10) L'Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l'information, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, l'Agence ferroviaire européenne, l'Autorité de surveillance GNSS-Galileo et l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, dite FRONTEX.

* (11) Interview à Europolitique n° 3580 du 28 juillet 2008.

* (12) L'OEDT s'appuie notamment sur un réseau d'observatoires nationaux, appelé « Reitox » (Réseau européen d'information sur les drogues et les toxicomanies), dont l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) est le représentant français. Cet observatoire relève de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), structure chargée d'animer et de coordonner les actions de l'État en matière de lutte contre la drogue et la toxicomanie.

* (13) Ces chiffres ne concernent que les agences relevant des 1 er et 3 e piliers, à l'exclusion d'EUROPOL qui est financé par les États membres. Toutefois, EUROPOL devrait être transformé en agence de l'Union européenne à compter du 1 e janvier 2010, de telle sorte qu'il serait financé par le budget communautaire et que ses personnels dirigeants seraient soumis au statut des fonctionnaires communautaires. Les agences du 2 e pilier sont entièrement placées sous le contrôle du Conseil et sont intégralement financées par les États membres.

* (14) La phase de démarrage d'une agence dure généralement six ans.

* (15) Le statut des fonctionnaires communautaires n'est pas applicable aux personnels des agences des 2 e et 3 e piliers.

* (16) L'évaluation de cette agence serait toutefois en cours.

* (17) Rapport précité p.5.

* (18) La Cour des comptes européenne devrait, d'ici la fin de l'année 2009, réaliser des rapports sur les agences exécutives.

* 19 Bulletin des commissions du Sénat n° 1 (2009-2010), page 84.

* (20) Le coût de la mise en place de cette agence est d'ores et déjà estimé à 113 millions d'euros sur les années 2010-2013. L'agence pourrait employer 120 personnes.

* 21 Déclaration du Conseil sur la politique immobilière des institutions et des agences, Conseil ECOFIN du 10 juillet 2009.

* 22 Proposition de résolution européenne n° 23 (2009-2010) sur l'évaluation de l'activité des agences européennes.

* 23 European Food Safety Authority, ou Autorité européenne de sécurité des aliments.

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