B. QUELS OBJECTIFS POUR LA PRÉSENCE FRANÇAISE ?

Le 26 août 2009, le Président de la République, s'exprimant devant la Conférence des ambassadeurs, soulignait que « Le temps qui passe n'est pas non plus notre allié face au terrorisme international. »

Comme il l'avait indiqué précédemment, il a rejeté toute idée de retrait de la France ou d'autres alliés, qui signifierait « la constitution d'un véritable Etat terroriste, à côté du Pakistan qui a l'arme nucléaire et compte près de 200 millions d'habitants ».

Il a donc confirmé que « la France restera fermement engagée, avec ses alliés, aux côtés du peuple afghan ».

Les objectifs poursuivis par la France, encore récemment réaffirmés par le ministre des affaires étrangères et européennes, M. Bernard Kouchner, lors du débat organisé au Sénat, le 16 novembre 2009, sont ceux définis en avril 2008, au sommet de l'OTAN à Bucarest, et qui ont été confirmés au sommet de Stasbourg-Kehl. Ces objectifs peuvent se résumer de la manière suivante :

• engagement dans la durée,

• afghanisation,

• régionalisation,

• développement et reconstruction.

Ces objectifs sont parfaitement compatibles avec ceux définis dans le document du général MacChrystal. Il n'y a donc pas rupture mais continuité entre les stratégies.

Pour autant, les conditions controversées de l'élection présidentielle ne doivent conduire à une clarification des relations de la coalition internationale avec le gouvernement afghan, notamment au niveau des engagements qui devra prendre en matière de gouvernance et de sécurité.

Il ne s'agit certes pas de définir un nouveau contrat mais, au contraire, de partir de ce qui existe et, en particulier, de l'Afghan National Development Strategy (ANDS) qui a été adoptée à la Conférence de Paris, le 12 juin 2008, et porte sur la période 2008-2013 et de se fixer, dans ce cadre global, des objectifs concrets et vérifiables pouvant être atteints dans un délai raisonnable.

Dans le cadre de l'approche globale définie à Bucarest, les objectifs qui pourraient être proposés s'articulent autour de deux axes :

• garantir la sécurité des citoyens afghans ;

• favoriser les conditions du développement économique et social.

Là aussi l'analyse s'inscrit dans une grande continuité. Il a toujours été évident qu'il ne pouvait y avoir de développement sans sécurité et vice-versa. Le souhait profond de la population afghane est de vivre en paix. Elle demeure très majoritairement opposée aux taliban dont l'extrémisme est rejeté. C'est la profonde déception du peuple afghan et sa frustration face à l'incapacité de son gouvernement et de la coalition à lui assurer sécurité et développement qui constituent le terreau de l'insurrection.

Sur le premier de ces axes, quatre objectifs pourraient être retenus.

Priorité est d'offrir un environnement sûr aux citoyens afghans en renforçant les forces de sécurité afghanes, que ce soit l'armée ou la police.

Il s'agirait, en second lieu, de permettre l'accès des citoyens aux services publics de base au niveau local et provincial. Pour ce faire, il est nécessaire d'établir une administration à ces niveaux de gestion et de la doter de ressources propres et d'un personnel qualifié.

L'accès à la justice doit être également une priorité importante pour lutter contre celle rendue, faute de mieux, par les taliban. La formation des juges, la mise en place de tribunaux locaux efficaces et la mise à disposition de moyens matériels suffisants doivent constituer des axes de cet objectif.

Il est enfin évident qu'il ne peut y avoir de sécurité sans réintégration des insurgés. Celle-ci doit faire l'objet d'un programme national et d'un financement par les bailleurs qui permettent de proposer une alternative crédible à la guerre. Une directive politique sera proposée aux ministres des affaires étrangères qui se réuniront les 3 et 4 décembre prochains. Elle devra préciser le rôle de la FIAS dans le domaine de la réconciliation et la réintégration et présenter les principes généraux du soutien de la FIAS aux efforts qui sont attendus du gouvernement afghan dans ce domaine.

Le deuxième axe des engagements du gouvernement afghan concerne le développement économique et social. Il doit reposer sur six directions principales : l'agriculture, l'éducation, la santé, l'énergie, les transports, et les investissements.

Dans un pays où l'immense majorité de la population est rurale, la priorité est de mettre rapidement en oeuvre une politique nationale pour l'agriculture et les revenus des agriculteurs. L'un des points principaux de cet objectif est la question de l'irrigation, de la réhabilitation des canaux traditionnels d'irrigation et de traiter la difficile question de la propriété, de l'accès et du partage de l'eau. Elle a par ailleurs un lien évident avec le trafic de drogue en offrant une source de revenus alternative.

En matière d'éducation, et en dépit des progrès très réels qui ont été obtenus, il faut offrir progressivement à tous les jeunes afghans éducation primaire et formation professionnelle.

La poursuite de l'amélioration du système de santé doit viser à étendre les infrastructures médicales à l'ensemble du territoire.

Il convient également de remédier aux pénuries d'énergie, qui freinent considérablement la croissance économique, en organisant une meilleure gestion et distribution de l'électricité.

Les efforts en matière d'infrastructures routières doivent être poursuivis et amplifiés dans le cadre d'un plan national visant à connecter les principales villes du pays et à faciliter les échanges internes et avec les états voisins.23 ( * ) Un accent tout particulier devrait être porté au réseau ferroviaire.

Enfin, le gouvernement et le parlement devraient s'attacher à créer un cadre juridique et économique favorable au secteur privé et aux investissements étrangers.

S'agissant des effectifs engagés par la France , le Président de la République n'envisage à aucun moment leur renforcement. Il considère, en effet, que l'augmentation effectuée en 2008, après le sommet de Bucarest, et qui a porté l'ensemble du contingent à 3 500 hommes a déjà réalisé la demande de renforts. 24 ( * )

Au cours du débat du 16 novembre 2009 au Sénat, M. Hervé Morin, ministre de la défense, s'est prononcé sur la question du renforcement militaire en indiquant qu'il « est probablement nécessaire pour répondre à tel ou tel besoin ponctuel. Mais le renforcement militaire permanent constituerait une fuite en avant si n'étaient pas menées conjointement une véritable coordination et une réelle politique de développement, d'amélioration de la gouvernance.

La France a toujours contesté l'idée selon laquelle la solution serait seulement militaire. Elle a toujours soutenu que, certes, des moyens militaires devaient être déployés pour assurer la sécurité et que, dans le même temps, des moyens devaient être consacrés au développement et à la reconstruction du pays. »

En d'autres termes, les objectifs de la politique étrangère française en Afghanistan demeurent inchangés depuis 2001 : la France intervient en Afghanistan politiquement, militairement et civilement, pour éliminer la menace terroriste. Son action s'inscrit dans le cadre international de l'ONU, de l'OTAN et de l'Union européenne. Elle mène également une action bilatérale dont les crédits viennent d'être doublés pour atteindre 40 millions d'euros. Les modalités de cette action ont été précisées dans les différentes conférences internationales qui se sont tenues, en partie à l'initiative de la France.

Une prochaine conférence a été annoncée, conjointement avec le Royaume-Uni, qui devra notamment préciser les modalités de l'afghanisation, de la prise en charge progressive par l'État afghan des opérations de sécurité et de développement et, enfin, de l'implication de la communauté internationale, et notamment des Etats de la région.

La mission de la coalition internationale prendra fin le jour où l'État afghan sera en mesure d'assurer par ses propres moyens la sécurité intérieure et extérieure de son territoire.

* 22 Newsweek 3 octobre 2009

* 23 La mission a pu constater dans les districts confiés à l'armée française que l'amélioration du réseau routier entre la Kapisa, la Surobi et Kaboul permettait aux habitants de ces districts d'aller vendre leurs produits à la capitale de manière beaucoup plus rapide qu'auparavant.

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