II. LES DÉFIS À RELEVER

A. LES POINTS FAIBLES D'UNE ÉCONOMIE DE RENTE

1. Les dangers de la « maladie hollandaise »

a) Les réels inconvénients d'une manne énergétique

L'expression de « maladie hollandaise » désigne, en théorie économique, ce qui est arrivé aux Pays-Bas à la suite de la découverte d'importants gisements de gaz en mer du Nord dans les années 1970. La « manne énergétique » qui s'est alors déversée sur la Hollande, outre un impact inflationniste, a eu des effets d'éviction sur le reste de l'économie du pays.

En effet, l'appréciation du taux de change résultant des exportations de gaz a été dommageable à tous les secteurs exposés à la concurrence internationale. L'économie néerlandaise s'est alors polarisée sur son secteur énergétique et sur les secteurs abrités de la concurrence étrangère, tels que l'administration, la construction ou les services de proximité, tandis que son industrie manufacturière périclitait.

Or, la Russie, qui fait figure « d'émirat gazier », présente de nombreux symptômes de cette « maladie hollandaise ». L'industrie russe est, pour l'essentiel, non compétitive sur les marchés internationaux et, au total, la croissance économique de long terme du pays risque de s'en trouver réduite.

b) Une vulnérabilité révélée par la crise économique mondiale

La vulnérabilité de l'économie russe, qui avait connu une phase d'expansion continue entre 1998 et 2008, à un rythme annuel de 7 %, a été révélée par la crise financière et économique, qui s'est traduite par un sévère fléchissement des cours des hydrocarbures, par l'effondrement de la bourse de Moscou, qui a plongé de 70 %, et par l'érosion rapide des réserves de change du pays.

2. Le transit énergétique : talon d'Achille de la Russie ?

Un autre point faible de cette économie fondée sur la rente énergétique réside dans le transit des hydrocarbures, qui peut être considéré comme un véritable « talon d'Achille » de la Russie.

a) Les crises gazières avec l'Ukraine

La situation géographique de l'Ukraine entre l'Union européenne et la Russie lui confère un rôle pivot en matière de transit énergétique . Elle détient le deuxième plus grand réseau de gazoducs et oléoducs du monde après la Russie. 80 % des exportations russes de gaz et 40 % des exportations russes de pétroles transitent par son territoire.

Dans un contexte politique tendu par les suites de la « Révolution orange » en Ukraine, Gazprom a décidé de cesser de subventionner à partir du 1 er janvier 2006 le gaz livré à l'Ukraine et d'aligner son prix sur le cours mondial. Cette décision a suscité une crise ouverte entre la Russie et l'Ukraine, la Russie coupant le robinet de gaz le 1 er janvier 2006, ce qui a provoqué des perturbations dans plusieurs pays européens. Cette crise s'est dénouée dès le 3 janvier de la même année, le gouvernement ukrainien acceptant notamment une augmentation du prix du gaz et l'accès de Gazprom au marché des clients industriels.

Cette crise a connu un rebondissement pendant l'hiver 2009 , au cours duquel la Russie a de nouveau coupé les exportations de gaz vers l'Ukraine. Cette épreuve de force s'est soldée par la conclusion de deux contrats sur dix ans (2008-2018) : un contrat de fourniture de gaz, qui prévoit un alignement sur les prix du marché européen en 2010, et un contrat de transit, qui prévoit une augmentation de la redevance payée par Gazprom.

b) Le projet de gazoduc européen Nabucco

Alertée par les différends entre la Russie et l'Ukraine, et afin de diversifier ses approvisionnements en gaz, l'Union européenne met en avant le projet de gazoduc Nabucco , qui doit acheminer du gaz depuis la région de la mer Caspienne via la Turquie. La Russie se trouverait ainsi contournée.

c) Les alternatives envisagées par les autorités russes

Les autorités russes ne sont pas demeurées sans réagir. En amont, elles cherchent à conforter la quasi-exclusivité de la Russie sur l'exportation des ressources énergétiques d'Asie centrale. Elles visent en outre à renforcer, en aval, le contrôle de la Russie sur les voies d'exportation vers l'Europe.

C'est ainsi que la Russie met en avant deux projets de gazoducs évitant l'Ukraine et la Biélorussie : le Nord Stream , qui doit relier le territoire russe à celui de l'Allemagne en passant sous la Baltique, et le South Stream , souvent présenté comme concurrent de Nabucco, qui doit relier le territoire de la Russie à celui de la Bulgarie en passant sous la Mer noire.

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