III - S'INTERROGER SUR L'ACCEPTABILITE DES CHOIX DE SANTE PUBLIQUE

L'adhésion de la population à une politique est aujourd'hui fondamentale. L'exemple de la vaccination contre le virus A(H1N1) le montre bien.

Les pouvoirs publics doivent s'adapter à ce nouveau contexte, et trouver de nouveaux moyens pour que la société civile puisse s'exprimer dans le débat préalable, et pour mieux communiquer avec elle. Prendre des décisions ne suffit plus, encore faut-il qu'elles soient partagées et acceptées. Si ces décisions ne comportent pas d'obligation, ce qui est le cas pour la vaccination qui reste une décision individuelle, les pouvoirs publics devront faire particulièrement preuve de persuasion.

Ce n'est pas facile, car la société a changé depuis trente ans dans son rapport à la maladie, à la médecine et à la prévention.

A - LA SOCIÉTÉ A ÉVOLUÉ DANS SES ATTENTES ET SA MANIÈRE DE COMMUNIQUER

1. Cette évolution est perceptible depuis une trentaine d'années

Elle s'est produite en plusieurs phases.

- Il y a tout d'abord eu le tournant des années quatre-vingt.

Jusqu'au début des années quatre-vingt, la politique sanitaire est basée sur l'obligation : obligation de déclaration ou de vérification (syphilis), parfois de vaccination.

Les autorités communiquent peu sur les dangers d'une épidémie grippale (cas de 1957 et de 1968), malgré le nombre de morts.

- A partir de la propagation du virus HIV, le contexte change.

L'apparition du Sida a modifié les réactions et les attentes de la population, mais aussi la manière d'aborder les questions sanitaires. Les politiques de santé publique sont perçues différemment.

Il n'y a plus d'obligation de déclaration. L'obligation vaccinale est perçue comme une atteinte aux libertés individuelles.

- Un nouveau tournant a pu être constaté au début des années 2000.

Le SRAS et le H5N1 ont renforcé les effets du VIH, car les personnes qui en étaient atteintes étaient en danger de mort. Le sentiment global de vulnérabilité s'est accru.

Des erreurs d'appréciation, des retards, des mensonges ont rompu la confiance : amiante dite inoffensive en « usage contrôlé », nuage de Tchernobyl nié, interdiction de quatre ethers de glycol retardée.

Le H5N1 va entraîner de nouvelles interrogations et conduire à l'élaboration du plan pandémie. L'idée se répand qu'il faut se préparer à l'apparition d'un virus à la fois contagieux et dangereux, et qu'il faut donc élaborer dès maintenant la riposte, quitte à limiter éventuellement les libertés publiques. C'est le sens du plan pandémie de 2007 qui fait suite aux réflexions sur la grippe aviaire.

Parallèlement, certaines maladies qu'on sait mal traiter se développent sur certains territoires, comme le chikungunia. La perception de la médecine change : elle ne permet pas forcément d'éviter une mort prématurée.

La société réagit en souhaitant la mise en oeuvre du principe de précaution, même si celui-ci n'a de valeur constitutionnelle que dans le domaine de l'environnement. Le principe de prévention qui s'applique lorsque le risque est avéré a des implications proches. La jurisprudence s'en est déjà inspirée.

Ce processus n'en est qu'à son début. Il n'est du reste pas exempt de contradiction car les citoyens qui souhaitent plus de protection n'en acceptent pas forcément les contraintes qui en découlent. Ils sont par ailleurs critiques devant le coût de mesures de protection qui seront souvent jugées excessives si elles sont suivies d'effet.

La situation est donc paradoxale : la politique de prévention a pour objectif d'éviter des dérapages. Si ceux-ci sont contenus, elle a réussi, mais son coût est jugé trop élevé. Dans l'idéal, les frais engagés doivent en fait être comparés à ceux qui découleraient d'une situation non maîtrisée. Dans la pratique, un équilibre doit être trouvé entre prévention et acceptation d'une part de risque.

Il faut en tenir compte, d'autant plus que les modes traditionnels de communication ont eux-mêmes évolué.

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