3. La crise coréenne dans le contexte de l'Asie de l'Est

Pyong Yang a développé des recherches nucléaires, dès la fin de la guerre de Corée (1953), au départ avec la coopération de l'URSS. Ces recherches se sont poursuivies et intensifiées au fil des décennies. Sous la pression soviétique, la Corée du Nord a signé, en 1985, le TNP. En décembre 1991, les deux Corée, après le retrait des armes nucléaires américaines, ont signé une déclaration conjointe de dénucléarisation de la péninsule coréenne. Depuis lors, les palinodies ont été incessantes : retrait nord-coréen du TNP en 2003, tests nucléaires souterrains en 2006-2009, essai de missiles à longue portée en 2009, montrant que la Corée du Nord maîtrise la technologie de la séparation des étages. Depuis 2003, un dialogue à trois (Corée du Nord - Etats-Unis - Chine), élargi à six (Russie - Corée du Sud - Japon), s'est engagé, sans donner, après des péripéties diverses, de résultats tangibles.

Il est probable que la Corée du Nord ne dispose pas encore d'armes nucléaires opérationnelles. Elle possède en revanche des missiles Hwasong de 500 à 700 km de portée, Nodong (1 200 km) et Taepodong 1 (plus de 2 000 km) et effectue des tests (non réussis jusqu'à présent) sur un missile Taepodong 2 qui pourrait atteindre voire dépasser 6 000 km.

Son régime, adossé à un complexe militaro industriel constitué au fil des décennies et appuyé sur un nationalisme obsidional et régressif, se sert de ses capacités nucléaires et balistiques pour négocier sa survie et résoudre son problème d'approvisionnement énergétique.

Il représente doublement un facteur de déstabilisation :

- la République populaire démocratique de Corée, pour se procurer des devises, est un pays proliférant, aussi bien sur le plan nucléaire que balistique (Iran, Pakistan, et semble-t-il, Libye et Syrie).

- le développement des capacités nucléaires et balistiques de Pyong Yang est un facteur de déstabilisation régional grave en Asie Orientale.

Le Japon peut être tenté, bien que sa Constitution le lui interdise, de franchir le seuil nucléaire. Le Japon dispose en effet de toutes les capacités nucléaires et balistiques pour ce faire. Ce serait un évènement de portée mondiale et un coup probablement mortel donné au TNP. Mais outre qu'un tel choix impliquerait soit une révision soit un viol de la Constitution japonaise, on voit mal les Etats-Unis, et sans doute encore moins la Chine, s'accommoder de l'accession du Japon au statut de puissance nucléaire. Les Etats-Unis préfèreront étendre leur garantie nucléaire au Japon et à la Corée du Sud, soit en déployant des armes sur le sol japonais ou sud-coréen, soit en prévoyant une capacité de déploiement rapide grâce à la présence de la VII ème flotte en mer du Japon. Le nouveau gouvernement japonais (Parti démocratique du Japon) se trouve pris dans une contradiction entre son désir d'autonomisation croissante vis-à-vis des Etats-Unis et de rapprochement avec la Chine et, par ailleurs, le chantage nord-coréen et l'effort d'armement nucléaire chinois. Le Japon, confronté à la montée en puissance de la Chine qui est d'ores et déjà son premier fournisseur et son premier client, peut-il admettre, sur le long terme, le statut d'Etat nucléairement et durablement protégé par les Etats-Unis ?

Les équilibres géopolitiques en Asie de l'Est et du Sud-est sont en voie d'évolution rapide du fait de la montée en puissance de l'économie chinoise. Si les Etats-Unis et la Chine ont de puissants intérêts communs (le marché américain pour la Chine, le financement de leur déficit pour les Etats-Unis) - on a même parlé de « G2 » -, cette alliance objective n'est pas exempte de frictions croissantes, politiques (affaire Google), commerciales (protectionnisme, détournements de technologie, concurrence accrue pour les matières premières) et militaires (fourniture d'armements américains à Taïwan). Or le régime de la Corée du Nord dépend bien évidemment de la Chine pour sa survie à terme ... Dans quelles conditions la Corée du Nord pourrait-elle être ramenée au sein du TNP dans le cadre d'un compromis sino-américain ? Faute d'un tel compromis, un dérapage majeur est possible qui ébranlerait l'ordre mondial tout entier.

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