3. Une défense indépendante

La France a toujours affirmé sa volonté de pourvoir par elle-même à sa propre défense. La dissuasion nucléaire chapeaute et structure l'ensemble de ses forces, comme la garantie ultime que la France ne pourra pas être attaquée dans ses intérêts vitaux sans pouvoir riposter et cela sans avoir à s'en remettre à la garantie d'une puissance tierce et donc à un leadership extérieur.

Cette posture indépendante est la plus prudente et la plus propre à tenir la France à l'écart d'un conflit qui ne serait pas le sien. On ne voit pas ce qui pourrait conduire à la modifier. D'autant que le souci de l'indépendance de la France est généralement bien perçu par de nombreux pays, notamment non-alignés.

Il ne suffit pas, comme le suggère le rapport Evans-Kawaguchi, que les Etats-Unis donnent à leurs alliés des garanties en cas d'attaques chimiques ou biologiques massives. Que signifierait en effet une telle garantie ? Une riposte conventionnelle américaine ou dans le cadre de l'OTAN ? Une telle hypothèse est infiniment moins rassurante, dans la durée, que la garantie apportée à la France par sa propre dissuasion.

Pour se sentir à l'abri des armes de destruction massive non nucléaires, il faudrait d'abord s'assurer que l'interdiction de ces armes, notamment biologiques, est à la fois universelle et effective, c'est-à-dire vérifiable.

La France tire de sa longue histoire l'idée qu'elle n'est jamais à l'abri de « surprises stratégiques ». Celles-ci peuvent prendre plusieurs formes. Toutes ne peuvent être écartées par la dissuasion nucléaire. Celle-ci peut, bien entendu, être contournée. Mais une « surprise stratégique » peut encore apparaître sous la forme classique d'une agression étatique. C'est cette forme d'agression que la possession d'armes nucléaires calibrées à un niveau de stricte suffisance peut dissuader et donc empêcher. La dissuasion française a, en Europe, une fonction stabilisatrice et structurante. L'Europe, apparemment pacifiée, est-elle à l'abri d'un conflit majeur surgi par exemple du Caucase ou du Moyen-Orient ? La France a-t-elle cessé définitivement de courir le risque de se trouver entraînée dans des conflits qui, selon l'expression du général de Gaulle, « ne seraient pas les siens » ? Qui peut prédire les conflits que la montée des puissances émergentes de l'Asie de l'Est ou du Sud peut engendrer ? Ce sont des hypothèses que le rapport de la Commission Evans-Kawaguchi écarte rapidement au bénéfice d'une garantie américaine dont la France est bien placée, après l'expérience de deux guerres mondiales, pour savoir qu'elle peut tarder plusieurs années à se manifester.

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