N° 333

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 février 2010

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur l' étude de la Cour des comptes relative à la politique de lutte contre le VIH/Sida ,

Par M. Claude JEANNEROT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , présidente ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. Nicolas About, François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; M. Alain Vasselle, rapporteur général ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mme Jacqueline Chevé, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-François Mayet, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, François Vendasi, René Vestri, André Villiers.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Conformément aux dispositions de l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières, la commission des affaires sociales a demandé à la Cour des comptes, par lettre en date du 4 décembre 2008, de réaliser une enquête sur l'utilisation des fonds destinés à la lutte contre le sida et à la recherche, particulièrement ceux collectés par les associations.

L'objectif poursuivi était de disposer d'un état des lieux des actions conduites en matière de prise en charge thérapeutique et de prévention d'une maladie qui suscite aujourd'hui moins d'intérêt médiatique qu'il y a quelques années, compte tenu notamment de la réduction spectaculaire de la mortalité qui lui est associée grâce au développement et à la généralisation des traitements antirétroviraux.

L'étude réalisée par la Cour, qui dresse un état des lieux de l'épidémie en France, avant de se pencher sur l'efficacité des politiques mises en oeuvre et l'évolution des financements consacrés à la lutte contre VIH/Sida, contient de nombreux éléments susceptibles d'infléchir l'action des pouvoirs publics.

La publication de cette étude intervient à un moment important dans la lutte contre l'épidémie, puisqu'un nouveau plan pluriannuel de lutte contre le VIH, couvrant les années 2010-2013, sera présenté à la fin du premier trimestre 2010. La commission des affaires sociales souhaite que les constats et recommandations formulés par la Cour puissent être pris en compte dans ce cadre.

Compte tenu du rôle essentiel que jouent les associations dans la lutte contre le VIH, la commission a complété son information en organisant une table ronde réunissant les représentants de certaines des associations les plus actives, afin d'entendre leurs réactions à l'enquête menée par la Cour et leurs propositions pour renforcer l'efficacité des politiques de prévention et de soins 1 ( * ) .

I. L'ÉTAT DES LIEUX DE L'ÉPIDÉMIE EN FRANCE

Le premier intérêt de l'étude de la Cour est de rappeler, à travers la publication des chiffres essentiels relatifs au VIH/Sida en France, que, malgré les progrès effectués ces dernières années, l'épidémie se poursuit dans notre pays.

Apparue au début des années 1980, cette maladie aurait causé la mort de vingt-cinq millions de personnes dans le monde selon l'organisation mondiale de la santé (OMS), dont 40 000 à 50 000 en France .

Le développement des traitements antirétroviraux depuis 1995 a permis une diminution spectaculaire de la mortalité liée au VIH. En 2006, 81,4 % des patients recevaient une multithérapie, contre 74,6 % en 2001 et 27,7 % en 1996. Le nombre de personnes décédées du sida est passé de 4 208 en 1994 à 396 en 2005. De même, le nombre de nouveaux cas de sida déclarés s'est élevé, selon l'institut de veille sanitaire (InVS), à 624 en 2008 contre 5 775 en 1994. Toutefois, compte tenu des retards de déclaration et de l'existence de sous-déclarations, ces différents chiffres font l'objet de corrections, de sorte que l'InVS estime en réalité à 647 le nombre de décès en 2005, ce chiffre s'établissant à 358 en 2008 et à 1 550 le nombre de nouveaux cas de sida en 2008, soit une stabilité par rapport à l'année précédente.

Evolution des cas de sida diagnostiqués, du nombre de décès liés au sida
et du nombre de cas de sida vivants

Source : institut national de veille sanitaire
(données corrigées pour tenir compte des retards de déclaration et des sous-déclarations)

Ces évolutions positives ne peuvent masquer d'autres données plus préoccupantes, confirmées par les dernières informations publiées par l'InVS à la fin de l'année 2009 : le nombre de découvertes de séropositivité et de nouvelles infections par le VIH demeure important.

Evolution du nombre de découvertes de séropositivité

Source : institut national de veille sanitaire

En cinq années, le nombre de découvertes de séropositivité a certes diminué mais semble connaître une stabilisation à un niveau encore très élevé.

Par ailleurs, pour la première fois, l'InVS dispose d'une estimation de l'incidence du VIH entre 2003 et 2008 , c'est-à-dire le nombre de personnes nouvellement contaminées chaque année, qu'elles aient été diagnostiquées ou non, en plus des données concernant les découvertes de séropositivité. Cette estimation a pu être réalisée à partir d'un modèle utilisant les résultats d'un test biologique qui permet de distinguer les infections récentes (datant de moins de six mois) des infections plus anciennes, parmi les nouveaux diagnostics d'infection au VIH.

L'incidence a été estimée à environ sept mille contaminations par le VIH en 2008, soit une diminution de près de deux mille par rapport à 2003.

La stabilisation du nombre de nouveaux diagnostics et la diminution du nombre de nouvelles contaminations masquent d'importantes disparités en fonction des personnes concernées.

Ainsi, le nombre de contaminations ne diminue pas parmi les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), population la plus touchée par l'épidémie. En 2008, 2 500 HSH ont découvert leur séropositivité, correspondant à plus du tiers des découvertes de séropositivité (37 %). La même année, 3 300 HSH ont été contaminés par le VIH , ce qui, rapporté au nombre estimé d'HSH dans la population française, représente un taux d'incidence de 1 006 contaminations par an pour 100 000. Le nombre d'HSH contaminés chaque année est stable entre 2003 et 2008.

Les personnes d'Afrique subsaharienne constituent, après les HSH, une des populations les plus touchées par le VIH en France. Environ mille d'entre elles ont été contaminées par le VIH en 2008 et 1 900 ont découvert leur séropositivité.

En ce qui concerne les usagers de drogues injectables, le nombre de nouvelles contaminations par le VIH et des découvertes de séropositivité est faible et a diminué depuis 2003.

Enfin, en 2008, environ deux mille femmes et hommes français ont été contaminés par le VIH à la suite de rapports hétérosexuels.

Un dernier élément particulièrement préoccupant réside dans le dépistage tardif d'un grand nombre de cas de séropositivité . Malgré un niveau de dépistage toujours très élevé en 2008 (cinq millions de tests, soit 79 tests pour 1 000 habitants, ce qui place la France au deuxième rang européen), la moitié des personnes découvrent leur séropositivité alors que leur nombre de lymphocytes CD4 est inférieur au seuil de 350/mm 3 , c'est-à-dire à un stade où le déficit immunitaire est déjà important et correspond au seuil recommandé pour la mise sous traitement antiviral.

Ces diagnostics tardifs constituent une perte de chance pour les personnes concernées, en raison du retard à la mise en route du traitement. Certaines personnes, en particulier les usagers de drogues et les hommes contaminés par rapports hétérosexuels, sont diagnostiqués plus tardivement que d'autres.

* 1 Le compte rendu de cette table ronde est reproduit en annexe au présent rapport.

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