CHAPITRE II - UNE FORTE DÉGRADATION DES FINANCES PUBLIQUES

De l'évolution des finances publiques dans la période d'avant-crise ressortait l'image, en Europe, d'une amélioration des équilibres comptables dessinant la perspective d'un reflux du poids des dettes publiques dans le PIB, en exceptant du diagnostic les effets structurels du vieillissement démographique.

Dans ce panorama, certains pays connaissaient des situations jugées particulièrement favorables (l'Allemagne, l'Espagne, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark, l'Irlande...) quand d'autres (la France, le Royaume-Uni) paraissaient en retard dans l'ajustement de leurs comptes publics.

Malgré des nuances inspirées par la diversité des situations nationales, la supervision financière instituée en Europe exprimait globalement un satisfecit au vu de l'évolution structurelle des finances publiques.

Celle-ci appréhendée à partir de l'analyse des composantes
- structurelle et conjoncturelle - des soldes publics s'est révélée insuffisante pour établir un diagnostic structurel des finances publiques adéquat.

Les questions posées par la soutenabilité des régimes de croissance sous-jacents à l'évolution des finances publiques ont été trop négligées. Dans ces conditions, les apparences de solidité financière données par certains Etats se sont retournées, la crise venue. Les déséquilibres des comptes publics se sont spontanément creusés, plaçant les équilibres atteints loin de ceux qui prévalaient antérieurement et de ceux qu'implique une évolution maîtrisée de la dette publique.

Ce sont souvent les pays qui occupaient les positions les plus favorables qui se sont retrouvés dans les pires situations financières.

Ces observations conduisent à mettre en évidence deux défis à relever dans l'avenir :

- le premier est de construire une supervision des finances publiques réaliste économiquement et financièrement, ce qui suppose de prêter toute l'attention qu'elle mérite à la question de la soutenabilité des régimes de croissance ;

- le second est plus fondamental : il s'agit d'installer des régimes de croissance économique qui ne passent pas régulièrement par des crises financières afin de préserver les finances publiques des chocs qu'apportent ces crises .

Ce deuxième défi est lourd d'enjeux pour la conception même de la politique budgétaire : s'il se révélait impossible de le relever, il faudrait configurer structurellement cette politique de sorte qu'elle soit en mesure d'exercer ses effets assurantiels lorsque les crises macroéconomiques et financières se déclenchent.

Or si l'assignation à la politique budgétaire d'une mission d'équilibrage conjoncturel - sa fonction contracyclique - ne conduit pas à en remettre en cause les principaux autres objectifs - la production de biens publics et la redistribution - il en irait tout autrement si elle devait être appelée à résoudre structurellement les déséquilibres des régimes de croissance économique.

I. L'AVANT-CRISE : UNE AMÉLIORATION DES POSITIONS BUDGÉTAIRES EN TROMPE-L'oeIL

A. UNE AMÉLIORATION DES POSITIONS BUDGÉTAIRES EN EUROPE MAIS UN DÉFICIT RELATIVEMENT ÉLEVÉ EN FRANCE

Au sortir de 2007, le solde budgétaire de la France apparaissait dégradé par rapport à 2006 contrastant en cela avec les évolutions généralement observées en Europe.

Le solde public nominal qui atteignait - 2,3 points de PIB en 2006 avait glissé à - 2,7 points (+ 0,4 point) de PIB quand, dans la zone euro, le déficit s'était réduit de 0,7 point de PIB (passant de - 1,3 à - 0,6 point de PIB) et, dans l'Europe à 27, avait été diminué de 0,6 point de PIB (de - 1,4 à
- 0,8 point de PIB) - voir l'annexe n° 1 -.

L'écart entre la situation de la France et la situation moyenne en zone euro sous l'angle du déficit avait ainsi plus que doublé (de 1 à 2,1 points de PIB). Hormis la Grèce, la France y était le pays le plus déficitaire , connaissant un déficit supérieur à ses grands voisins, l'Allemagne (écart de + 2,5 points de déficit), l'Italie (écart de + 1,2 point) et l'Espagne en excédent budgétaire (écart de + 4,9 points de déficit), mais en ligne avec le Royaume-Uni (également à 2,7 points de PIB de déficit public).

La situation relative de la France était cependant moins mauvaise, appréciée à partir du solde structurel qui permet d'appréhender plus justement l'équilibre des comptes publics car il est expurgé des effets de la seule conjoncture sur la position budgétaire.

Alors que le déficit nominal atteignait en France plus de quatre fois le déficit moyen de la zone euro, son déficit structurel (- 3,9 points de PIB) n'était supérieur au même déficit observé en moyenne dans la zone euro
(- 1,8 point de PIB) que de l'ordre de deux fois.

Autrement dit, pour une part importante, la « supériorité » des performances budgétaires des autres pays ressortait comme conjoncturelle, c'est-à-dire non durable.

Par exemple, alors que l'Allemagne connaissait un quasi-équilibre de son solde public nominal (- 0,2 point de PIB), elle enregistrait un solde structurel nettement moins favorable (- 1,2 point de PIB).

Toutefois, la situation généralement partagée en zone euro d'un équilibre structurel moins positif (- 1,8 point de PIB) que pour le solde nominal (- 0,6 point de PIB) était également celle de la France avec un écart entre les deux soldes (1,2 point de PIB) du même ordre que pour la zone euro en moyenne.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page