2. Une déception certaine, voire un sentiment d'injustice envers l'Union européenne

Les Ukrainiens veulent de l'Europe, mais ils se demandent si l'Europe veut vraiment d'eux. C'est ainsi que l'on pourrait résumer l'état d'esprit qui prévaut actuellement dans le pays à l'égard de l'Union européenne.

L' « euro-déception » gagne en effet l'homme de la rue, et parfois aussi certains responsables politiques. De nombreux milieux ukrainiens ont le sentiment que les efforts accomplis n'ont pas été reconnus à leur juste valeur à Bruxelles.

Lors de leur déplacement en Ukraine, vos rapporteurs ont bien perçu le découragement, voire le sentiment d'injustice des dirigeants ukrainiens qui évoquent l'existence d'un « double standard ». Ces derniers ne comprennent pas, en effet, que l'Union européenne ne prenne pas davantage en considération, par exemple, le renoncement de l'Ukraine à l'arme nucléaire ou même le fait que, contrairement à l'Europe balkanique, le pays n'ait connu ni guerre civile ni génocide. Pourtant, les Balkans, contrairement à l'Ukraine, disposent d'une perspective européenne.

Deux dossiers illustrent plus particulièrement cette frustration envers l'Union européenne.

Le premier concerne la politique européenne de voisinage (PEV) de l'Union européenne, dans le champ de laquelle entre l'Ukraine.

La PEV reste distincte du processus d'élargissement, même si elle ne préjuge pas, pour les États concernés, de l'évolution future de leurs relations avec l'Union.

Or, l'Ukraine accepte mal la PEV car elle considère qu'elle risque précisément de la maintenir durablement dans un statut de voisin, alors qu'elle aspire à devenir un Etat membre à part entière de l'Union européenne. Elle estime que c'est une manière de lui refuser la perspective européenne qu'elle demande.

Elle est également dubitative envers le Partenariat oriental, lancé au Sommet de Prague du 7 mai 2009, qui vise, selon la Déclaration commune adoptée à cette occasion, « à créer les conditions nécessaires pour accélérer l'établissement d'une association politique et un approfondissement de l'intégration économique entre l'Union européenne et les pays partenaires intéressés. Le développement d'une dimension orientale spécifique de la politique européenne de voisinage permettra de renforcer de manière significative la politique de l'UE à l'égard des pays partenaires », à savoir l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Biélorusse, la Géorgie, la Moldavie et l'Ukraine.

Le Partenariat oriental permettrait certes de renforcer les liens entre l'Union européenne et l'Ukraine et de bénéficier de crédits supplémentaires, mais les perspectives qu'il ouvre paraissent encore incertaines et, en tout cas, toujours en-deçà des ambitions ukrainiennes.

Il n'en demeure pas moins que l'Union européenne apporte une aide financière substantielle à l'Ukraine , en particulier dans le cadre de la PEV.

L'aide financière de l'Union européenne à l'Ukraine

Fin octobre 2009, la Commission a adopté une décision recommandant au Conseil de fournir à l'Ukraine une assistance macro-financière en complément de l'aide du FMI. L'assistance macro-financière accordée à l'Ukraine prendra la forme d'un prêt d'un montant maximal de 500 millions d'euros. Elle contribuera à couvrir les besoins de la balance des paiements et de financement extérieur du budget de l'Ukraine, tels qu'identifiés par le FMI. Elle complétera aussi l'assistance macro-financière de 110 millions d'euros accordée à l'Ukraine en 2002 par l'Union, les conditions de sa mise en oeuvre n'ayant pas été réunies jusqu'à présent. Au total, c'est donc un montant maximal de 610 millions d'euros , déboursé en deux tranches, que l'Union s'engage à verser.

Ce financement exceptionnel s'ajouterait à l' aide annuelle de 130 millions d'euros versée à ce pays au titre de l'Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP).

Entre 2007 et 2010 , 5,8 milliards d'euros ont été alloués au financement de projets de réformes politiques et économiques, ainsi que de coopération régionale, aux dix-sept pays, dont l'Ukraine, entrant dans le champ de la PEV. Pour cette période, l'Ukraine a bénéficié de 494 millions d'euros , 30 % de cette aide étant alloué à la promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance, 30 % à la réforme administrative et réglementaire et 40 % aux infrastructures.

L'aide européenne versée au titre de la PEV a récemment augmenté, la Commission européenne ayant décidé de lui allouer un montant total de 5,7 milliards d'euros sur trois ans, contre quatre ans pour la période précédente. Au cours des années 2011-2013 , l'Ukraine, avec 470,1 millions d'euros , sera le deuxième bénéficiaire de ces crédits, après le Maroc (580,5 millions). Sur ce montant total, 262,3 millions d'euros sont destinés au Partenariat oriental, dont l'Ukraine fait partie.

Au titre du cadre financier actuel, c'est-à-dire pour les années 2007 à 2013 , l'Union européenne aura donc aidé l'Ukraine à hauteur de plus de 960 millions d'euros . Depuis 1991, ce pays a bénéficié d'une assistance communautaire évaluée à 2,5 milliards d'euros.

La seconde source d'incompréhension porte sur la politique européenne des visas.

L'Ukraine réclame avec insistance un régime de circulation sans visa en Europe pour ses ressortissants, ce qui n'est actuellement pas le cas. L'Union européenne continue en effet d'exiger d'eux des visas et leur refuse la feuille de route qu'ils demandent et qu'ils ont pourtant accordée aux États des Balkans occidentaux. Une telle feuille de route permettrait de déterminer les conditions que l'Union européenne demande à l'Ukraine de remplir pour obtenir la suppression des visas.

Cette situation est extrêmement mal ressentie par les Ukrainiens, comme vos rapporteurs ont pu s'en rendre compte lors de leur déplacement. Tous les interlocuteurs qu'ils ont rencontrés ont estimé que les démarches exigées par l'Union européenne en matière de visa étaient « humiliantes ». Pour les Ukrainiens, la question des visas est un obstacle réel aux relations avec l'Union européenne.

Ils ont également insisté sur l'inéquité de la situation, puisque l'Ukraine a supprimé les visas pour les ressortissants communautaires en 2005 en signe d'ouverture et de volonté de rapprochement avec l'Union européenne, et le signe qu'elle attendait de l'Europe afin d'assurer la réciprocité n'est pas venu. Plusieurs députés du Parti des régions ont d'ailleurs déposé à la Rada une proposition de loi, qui n'a pas eu de suite, visant à rétablir l'exigence de visas de la part des ressortissants communautaires souhaitant se rendre en Ukraine.

Des accords de facilitation des visas et de réadmission avec l'Ukraine sont entrés en vigueur le 1 er janvier 2008. Toute demande de visa doit désormais recevoir une réponse dans un délai de dix jours.

68 000 Ukrainiens ont demandé un visa pour se rendre en France en 2008 et, conséquence de la crise économique, un peu plus de 40 000 seulement en 2009. Il s'agit essentiellement de salariés des entreprises ukrainiennes entretenant des relations économiques avec notre pays, d'étudiants et d'enseignants et de touristes. Le taux de refus de visa s'établit aux alentours de 5 %. Notre ambassade à Kiev met en avant la fraude documentaire, les lettres d'invitation de complaisance par exemple, ainsi que les difficultés des autorités ukrainiennes à contrôler la délivrance des documents d'identité à leurs ressortissants, pour justifier ce taux de refus de visa.

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