2. L'âge effectif de départ en retraite

L'âge de départ en retraite est évidemment l'un des paramètres essentiels d'équilibrage des régimes de retraite, la prolongation d'activité devant permettre d'accroître la somme des cotisations, de freiner l'augmentation de la masse des pensions et de préserver le niveau des taux de remplacement.

En France, l'âge de cessation d'activité, qui ne se confond pas avec l'âge de liquidation d'un premier droit à la retraite, mais lui est néanmoins lié, est particulièrement bas. D'après les données de la Cnav, l'âge de cessation d'activité des prestataires de droit propre du régime général qui étaient en activité à l'âge de cinquante ans est resté relativement stable aux alentours de 58,3 ans entre 2001 et 2007.

Age moyen de cessation d'activité des prestataires du régime général

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

Homme

58,2

58,4

58,3

58,3

58,4

58,2

58,3

Femme

58,3

58,3

58,2

58,4

58,5

58,4

58,4

Ensemble

58,3

58,3

58,3

58,4

58,4

58,3

58,3

Source : Cnav

En 2002, le Conseil européen de Barcelone concluait qu'il « faudrait chercher d'ici 2010 à augmenter progressivement d'environ cinq ans l'âge effectif moyen auquel cesse, dans l'Union européenne, l'activité professionnelle ». La réalisation de cet objectif s'apprécie au moyen de l'indicateur structurel qu'est l'âge moyen de sortie du marché du travail.

Age moyen de sortie du marché du travail
(moyenne sur trois années)

2001-2003

2002-2004

2003-2005

2004-2006

2005-2007

Total

France

58,9

59,2

59,3

59

59,1

UE (27 pays)

60,3

60,5

60,8

60,9

61,1

Hommes

France

58,8

58,9

58,9

58,6

59

UE (27 pays)

60,8

61

61,3

61,4

61,7

Femmes

France

58,9

59,4

59,6

59,2

59,2

UE (27 pays)

59,9

60,1

60,4

60,4

60,5

Source : Eurostat ; calculs des moyennes mobiles sur trois ans par la Dares

Ainsi, selon Eurostat, l'âge moyen de sortie du marché du travail en France reste stable autour de cinquante-neuf ans depuis le début des années 2000. La sortie du marché du travail est de deux ans plus précoce en France qu'au niveau européen et l'écart s'est accentué au cours des dernières années.

Les statistiques de l'OCDE, bien qu'établies selon une méthodologie légèrement différente de celle d'Eurostat, fournissent d'ailleurs des indications concordantes sur les caractéristiques de l'âge de cessation d'activité en France.

Age effectif de sortie du marché du travail

Hommes

Femmes

Autriche

58,9

57,9

Belgique

59,6

58,3

Canada

63,3

61,9

France

58,7

59,5

Allemagne

62,1

61

Italie

60,8

60,8

Japon

69,5

66,5

Luxembourg

59,2

60,3

Espagne

61,4

63,1

Suède

65,7

62,9

Suisse

65,2

64,1

Royaume-Uni

63,2

61,9

Etats-Unis

64,6

63,9

OCDE - 30

63,5

62,3

Source : OCDE

L'âge effectif moyen de départ à la retraite a atteint, selon le Cor, 61,8 ans pour les femmes et 61,4 ans pour les hommes en 2009 (pour ces derniers, l'âge de départ a fortement augmenté entre 2008, où il n'était que 60,6 ans, et 2009, sous l'effet du durcissement des conditions de départ anticipé pour carrière longue).

Deux leviers peuvent être utilisés pour faire évoluer l'âge de départ : la durée d'assurance, d'une part, les âges légaux, d'autre part.

a) La durée de cotisation

Au cours de son audition par la Mecss, Jean-Michel Charpin a fait valoir que « la loi Fillon de 2003 a mis en place une réforme bien construite, intelligente et puissante. Elle a énoncé un principe robuste et subtil selon lequel il doit y avoir une proportionnalité entre la durée d'assurance nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein et l'espérance de vie moyenne de la population au moment du départ en retraite » .

Le processus d'allongement de la durée de cotisation prévu par la loi de 2003

L'article 5 de la loi de 2003 pose le principe selon lequel « la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension de retraite au taux plein et la durée des services et bonifications nécessaires pour obtenir le pourcentage maximum d'une pension civile ou militaire de retraite (...) évoluent de manière à maintenir constant, jusqu'en 2020, le rapport constaté, à la date de publication de la présente loi, entre ces durées et la durée moyenne de retraite ».


La durée moyenne de retraite selon la loi de 2003

Selon les termes de la loi du 21 août 2003, la durée moyenne de retraite, utilisée pour déterminer les conditions de l'allongement de la durée d'assurance nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein, s'entend de l'espérance de vie à l'âge de soixante ans telle qu'estimée cinq ans auparavant, dont est retranché l'écart existant entre la nouvelle durée d'assurance applicable cette année-là et quarante ans (durée d'assurance de référence en 2003).

L'espérance de vie retenue pour estimer la durée espérée de retraite ne correspond pas à une prévision de l'espérance de vie d'une génération atteignant soixante ans l'année n, mais à l'espérance de vie instantanée au moment où cette génération atteint soixante ans.

La loi de 2003 instaure en outre un décalage temporel : l'espérance de vie retenue pour calculer le rapport « durée d'assurance » sur « durée de retraite » pour l'année n correspond, selon les termes de la loi, à « l'espérance de vie à l'âge de soixante ans telle qu'estimée cinq ans auparavant » . En pratique, le décalage temporel excède cinq ans. En effet, pour calculer le rapport « durée d'assurance » sur « durée de retraite » pour l'année n, la loi conduit à utiliser les dernières données définitives sur l'espérance de vie publiées par l'Insee en n-5. Or, compte tenu du délai de production des données statistiques, l'Insee publie en général durant l'année n-5 les données définitives sur l'espérance de vie portant sur les années n-9 à n-7. Au total, le décalage temporel atteint environ huit ans.

Compte tenu de ces deux facteurs, chaque génération devrait vivre plus longtemps que l'espérance de vie retenue pour calculer la durée d'assurance requise pour le taux plein.

Les modalités de mise en oeuvre du principe de stabilité du rapport entre durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein et durée moyenne de retraite diffèrent avant et après 2012.

Pour la période allant jusqu'en 2012, la loi de 2003 prévoyait d'abord la convergence des durées de référence du secteur privé et de la fonction publique entre 2003 et 2008. A partir de 2009, la durée d'assurance devait augmenter d'un trimestre par an pour atteindre quarante et une annuités en 2012, sauf si un décret, pris après avis de la commission de garantie des retraites et du Cor, ajustait le calendrier de mise en oeuvre de cette majoration au regard, d'une part, des éléments contenus dans le rapport que le Gouvernement devait établir avant le 1 er janvier 2008, d'autre part, de la règle de stabilisation du rapport entre la durée d'assurance et la durée moyenne de retraite.

La majoration prévue a été confirmée lors du rendez-vous quadriennal de 2008 dont les orientations ont été concrétisées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, après avis rendu par la commission de garantie des retraites en octobre 2007. Celle-ci a vérifié, au regard des données de l'Insee sur l'espérance de vie, que le rapport entre durée d'assurance et durée moyenne de retraite deviendrait stable en 2012 dans l'hypothèse du report de quarante à quarante et un ans de la durée de cotisation.

Durée d'assurance, espérance de vie à soixante ans
et rapport entre la durée d'assurance et la durée moyenne de retraite

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Durée de l'assurance prévue par le législateur (1)

40

40

40

40

40

40

40,25

40,50

40,75

41

Espérance de vie à 60 ans*

22,39

22,46

22,59

22,72

22,84

23,03

23,21

23,28

23,52

23,74

Rapport entre la durée d'assurance prévue par le législateur et la durée moyenne de retraite**

1,79

1,78

1,77

1,76

1,75

1,74

1,75

1,78

1,79

1,80

Durée d'assurance permettant de stabiliser le rapport à sa valeur en 2003 (40/22,39) (2)

40

40,04

40,13

40,21

40,29

40,41

40,53

40,57

40,72

40,87

Ecart (1) - (2)

0

- 0,04

- 0,13

- 0,21

- 0,29

- 0,41

- 0,28

- 0,07

+ 0,03

+ 0,13

* Espérance de vie à soixante ans calculée sur une base triennale et, selon la loi, estimée cinq ans auparavant (pour l'année 2012, espérance de vie à soixante ans estimée en 2007, soit celle calculée pour la période 2003-2005).

** La durée moyenne de retraite est ici égale à l'espérance de vie à soixante ans diminuée de l'écart entre la durée d'assurance prévue par le législateur et quarante ans.

Source : Cor

Pour la période allant de 2012 à 2020, la loi de 2003 prévoit l'établissement, avant le 1 er janvier 2012 et avant le 1 er janvier 2016, d'un rapport faisant apparaître, selon des modalités de calcul précisées par décret en Conseil d'Etat, l'évolution prévisible, pour les cinq années suivantes, du rapport entre la durée d'assurance ou la durée de services et bonifications et la durée moyenne de retraite.

Au vu des éléments contenus dans ces rapports, les durées d'assurance ou de services et bonifications permettant d'assurer la constance du rapport entre ces durées et la durée moyenne de retraite doivent être fixées par décret pris après avis de la commission de garantie des retraites et du Cor avant le 1 er juillet 2012 pour les années 2013 à 2016 et avant le 1 er juillet 2016 pour les années 2017 à 2020.

Les projections pour l'avenir

Le Cor s'est récemment livré à un exercice de projection des résultats de l'application du principe d'allongement de la durée d'assurance en fonction de l'espérance de vie à soixante ans jusqu'en 2050. Pour réaliser cette projection, le conseil s'est appuyé sur les projections de l'Insee relatives à l'espérance de vie pour la période 2005-2050, qui sont naturellement appelées à être actualisées.

Dans l'hypothèse où la règle fixée par la loi de 2003 consistant à maintenir stable le rapport entre durée d'assurance et durée moyenne de retraite serait appliquée jusqu'en 2050, la durée d'assurance requise pour obtenir une pension à taux plein serait relevée d'un trimestre tous les trois ou quatre ans pour atteindre 43,5 annuités en 2050.

Source : Cor

Un principe robuste à conserver

La règle relative à l'évolution de la durée de cotisation posée par la loi de 2003 est « robuste et subtile » conformément aux propos de Jean-Michel Charpin devant la mission. Elle présente l'avantage d'être lisible alors même que le système de retraite français souffre d'un excès de complexité.

Dans ces conditions, la mission estime souhaitable de poursuivre l'allongement progressif de la durée d'assurance requise pour obtenir une retraite à taux plein en fonction de l'espérance de vie constatée à l'âge légal de départ en retraite.

Une accélération de l'augmentation de la durée de cotisation n'apparaît pas opportune pour deux raisons :

- d'une part, elle léserait très fortement les personnes qui atteindront prochainement la durée d'assurance requise pour obtenir une retraite à taux plein ;

- d'autre part, elle contribuerait à affaiblir un peu plus la confiance des citoyens, et notamment des plus jeunes, dans un système dont les règles de fonctionnement changent constamment.

La loi à venir pourrait se fixer 2030 comme horizon pour l'allongement prévisible de la durée d'assurance. A cette date, selon les projections du Cor, la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein pourrait atteindre 42,25 annuités.

Quant aux modalités de cette évolution progressive, le principe des rendez-vous périodiques permettant un ajustement par voie réglementaire de la durée d'assurance après avis de la commission de garantie des retraites et du Cor, demeure pertinent.

Pour la prochaine période, le futur projet de loi à venir pourrait arrêter le principe d'un passage de 41 à 41,5 annuités entre 2012 et 2018 avec la possibilité d'un ajustement réglementaire de ce calendrier si l'évolution constatée du rapport entre durée d'assurance et durée moyenne de retraite le justifie.

Dans le dossier qu'il a présenté le 11 mai 2010 en complément de ses projections financières actualisées, le Cor a précisé que dans l'hypothèse d'une augmentation progressive de la durée d'assurance nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein de 41,5 à 43,5 annuités entre 2020 et 2050, le solde de la Cnav serait amélioré de 9 milliards d'euros à cette date, soit environ 15 % du besoin de financement estimé alors à 64 milliards. Ces effets s'ajouteraient à ceux résultant du passage de la durée de cotisation de quarante ans en 2008 à 41,5 ans en 2020, qui avaient été estimés à environ 10 milliards d'euros en 2050 par le Cor en 2008.

b) Le relèvement des âges légaux

Trois âges légaux interviennent dans le fonctionnement du système de retraite :

- l'âge d'ouverture des droits, c'est-à-dire l'âge à partir duquel il est possible de liquider sa pension ;

- l'âge d'obtention d'une pension complète, c'est-à-dire l'âge à partir duquel l'assuré ne subit aucune décote ;

- l'âge de mise à la retraite d'office.

En France, l'âge d'ouverture des droits est fixé depuis 1982 à soixante ans dans le régime général, contre soixante-cinq ans auparavant, même si de multiples dispositifs ou exceptions permettaient en réalité déjà à de nombreuses catégories de la population de partir dès soixante ans.

Plusieurs pays européens ont choisi de relever l'âge d'ouverture des droits, en le portant de soixante-cinq à soixante-sept ans (Espagne, Pays- Bas), de soixante-cinq à soixante-huit ans (Royaume-Uni) ou de soixante à soixante et un ans (Suède).

Il convient de noter que les pays qui optent pour un relèvement important de l'âge d'ouverture des droits prévoient une mise en oeuvre très progressive de la réforme. Aux Pays-Bas et en Espagne, l'élévation de l'âge d'ouverture des droits s'effectuera entre 2014 et 2025.

Certains pays font le choix de relever l'âge d'obtention d'une pension complète, par exemple de soixante-cinq à soixante-sept ans en Allemagne et aux Etats-Unis.

Le graphique suivant récapitule la situation des principaux pays de l'OCDE en termes d'âges légaux de retraite.

Les âges légaux de retraite dans l'OCDE

Suède - régime en comptes notionnels sans notion de pension complète

Royaume-Uni - pension complète pour 30 ans de contribution

Pays-Bas - pension complète pour 50 ans de résidence

Italie - nouveau régime**** - régime en comptes notionnels sans notion de pension complète

Italie - ancien régime - pension complète pour 40 ans de contribution

France - pension complète pour 41 ans de contribution

Espagne - pension complète pour 25 ans de contribution

Belgique - pension complète pour 45 ans de contribution

France - assuré n'atteignant pas 41 ans de contribution ***

Etats-Unis** (hausse entre 2000 et 2005 et entre 2017 et 2022)

Canada

Allemagne* (hausse entre 2012 et 2029)

Japon (hausse entre 2000 et 2025)

Age d'ouverture des droits après réforme Age de la pension complète avant réforme Age de la pension complète après réforme au 28.02.2010

* 65 ans si 45 ans de contribution

** L'âge de pension complète est déjà passé de 65 à 66 ans aux Etats-Unis

*** Ou entre 60 et 65 ans si atteinte d'une durée de contribution cible (41 ans pour la génération 1952)

****Des projets gouvernementaux passés font état d'une réflexion autour du rétrécissement de la fourchette d'âge de départ allant même jusqu'à proposer un âge d'ouverture des droits à 65 ans

Source : Cor

La France figure donc parmi les rares pays à avoir encore un âge de liquidation des droits fixé à soixante ans malgré l'allongement de l'espérance de vie. Deux autres pays ont conservé cet âge de liquidation mais la situation est difficilement comparable : en Belgique, la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein est de quarante-cinq ans, tandis qu'au Japon, l'âge de départ effectif en retraite est le plus élevé au monde.

Aussi le débat lancé à l'occasion du rendez-vous 2010 s'est-il largement focalisé sur le paramètre de l'âge légal de liquidation des droits, l'allongement de la durée d'assurance nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein étant déjà engagé.

En France, l'âge de soixante ans est porteur d'une signification particulière, dans la mesure où il ne s'agit pas de celui qu'a toujours connu le système de protection sociale mais d'une décision prise en 1982, il y a une trentaine d'années seulement, présentée et vécue comme un important progrès social.

En 1991, le livre blanc sur les retraites écartait dans l'immédiat l'hypothèse d'un relèvement de l'âge légal de départ en retraite tout en n'excluant pas cette perspective pour l'avenir : « (...) l'arrivée à l'âge de la retraite de générations entrées plus tardivement dans la vie active et dont les conditions de travail auront été bien meilleures que celles de leurs aînés, l'amélioration de la situation du marché du travail et la tendance à la diminution de la population active à partir de 2005, l'allongement de la période de perception de la retraite liée à l'allongement de l'espérance de vie pourraient conduire à une remontée progressive de l'âge effectif de cessation d'activité autorisant à plus long terme un réexamen de l'âge minimum de départ à la retraite » 57 ( * ) .

La perspective d'un relèvement de cet âge légal se heurte surtout à une objection immédiate : le taux d'emploi des seniors en France est l'un des plus bas des pays développés (38 %) et il est encore difficile de savoir si les mesures prises depuis quelques années pour modifier cette situation vont permettre une évolution significative.

Dans ces conditions, les opposants à une modification de l'âge légal de liquidation des droits font valoir que les jeunes retraités d'aujourd'hui seront autant de chômeurs ou de salariés en invalidité demain.

A l'inverse, beaucoup estiment que l'âge légal de départ en retraite est l'un des leviers essentiels à activer pour améliorer le taux d'emploi des seniors. Lors de son audition devant la mission, Jean-Olivier Hairault, professeur à l'université de Paris I Panthéon-Sorbonne, a « insisté sur le fait que l'âge de la retraite influence mécaniquement le taux d'emploi des seniors car il agit directement sur la génération qui précède, c'est-à-dire les quinquagénaires en France. Du fait de la fixation à soixante ans du départ à la retraite, l'âge social diffère sensiblement, en France, de l'âge biologique : on y est plus vieux à cinquante-huit ans qu'ailleurs en Europe » .

De fait, plusieurs études 58 ( * ) confirment l'influence de l'âge légal de départ à la retraite sur le taux d'emploi des seniors . A l'échelle internationale, on observe ainsi que plus l'horizon anticipé avant le départ à la retraite est long, plus le taux d'emploi des cinquante-cinq / cinquante-neuf ans est proche de celui des âges inférieurs. Un premier groupe de pays (Belgique, France, Italie, Pays-Bas) présente des taux d'emploi de cette tranche d'âge particulièrement faibles alors que l'âge de départ la retraite y est bas. A l'opposé, c'est bien le groupe de pays ayant un âge de départ à la retraite plus élevé qui enregistre des taux d'emploi des cinquante-cinq -cinquante-neuf ans parmi les plus élevés.

Ainsi, la faiblesse du taux d'emploi des cinquante-cinq / cinquante-neuf ans en France pourrait s'expliquer par le fait qu' il s'agit de la génération la plus proche de la retraite . Il faut d'ailleurs rappeler que, dans les années soixante-dix, quand la retraite était à soixante-cinq ans, le taux d'emploi des cinquante-cinq / cinquante-neuf ans était encore relativement élevé tandis que le taux d'emploi des soixante / soixante-quatre ans était faible. Le passage à la retraite à soixante ans - désormais âge « couperet » - a perturbé l'emploi de la génération antérieure, devenue plus proche de la retraite.

En conséquence, le report de l'âge légal de la retraite est susceptible , en allongeant l'horizon de la vie professionnelle, de modifier les comportements d'offre et de demande de travail et par là même, d'augmenter le taux d'emploi pour les individus proches de la retraite .

Dans ces conditions, la Mecss estime possible aujourd'hui de procéder à un relèvement de l'âge légal de liquidation des droits . Deux conditions sont toutefois indispensables pour réussir une telle évolution :

- d'une part, elle doit être combinée à une politique en faveur de l'emploi des seniors ambitieuse et exigeante ;

- d'autre part, il est nécessaire de prendre en compte la pénibilité de certains travaux, afin de ne pas pénaliser ceux pour lesquels elle a réduit de manière certaine l'espérance de vie.

A ces conditions, l'âge minimal de départ en retraite pourrait faire l'objet d'un relèvement progressif. Conformément à la méthode retenue pour l'allongement de la durée d'assurance, ce relèvement de l'âge légal pourrait donner lieu à des bilans d'étape marqués par l'intervention de la commission de garantie des retraites , notamment pour suivre l'évolution du taux d'emploi des seniors et s'assurer que les jeunes retraités n'ont pas été remplacés par des chômeurs ou des salariés en invalidité.

Dans ce contexte, le dispositif de cessation anticipée d'activité pour carrières longues introduit par la loi de 2003 pourrait être conservé et étendu aux salariés de soixante ans dans les conditions prévues par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Le maintien de ce dispositif permettrait d'éviter que le relèvement de l'âge légal de départ ne pénalise fortement ceux qui ont commencé le plus tôt à travailler et ont effectué les carrières les plus longues.

Un relèvement de l'âge d'obtention du taux plein apparaît pour l'heure davantage sujet à caution, tant la priorité est aujourd'hui de reculer l'âge de départ effectif des salariés qui partent le plus tôt en retraite. Il soulèverait un certain nombre de questions importantes, en particulier celle du relèvement de la limite d'âge dans la fonction publique, aujourd'hui fixée à soixante-cinq ans.

Une hypothèse, jamais expertisée à la connaissance de la mission, et mentionnée au cours de son audition par Bernard Van Craeynest, président de l'Agirc, consisterait à « cumuler le critère de l'âge et celui du temps d'activité pour obtenir une retraite à taux plein, soit aujourd'hui soixante ans et quarante et une annuités, ce qui ferait un total de cent un à répartir de façon libre, un peu comme dans le système italien » . Dans l'hypothèse où durée d'assurance et âge légal de départ augmenteraient de concert, chaque assuré pourrait bénéficier d'une retraite à taux plein si la somme de son âge et de sa durée d'assurance atteignait un certain seuil. Un tel système, qui introduirait des éléments de liberté de choix, mériterait une analyse plus approfondie.

Une autre hypothèse consisterait à maintenir à soixante ans l'âge de liquidation des droits tout en instaurant une décote applicable aux retraites liquidées avant un nouvel âge pivot plus élevé . La vertu d'une telle solution serait d'introduire des éléments de liberté dans le système de retraite en conduisant les assurés à opérer eux-mêmes certains arbitrages entre le temps passé en retraite et le niveau du taux de remplacement.

Un tel choix présenterait néanmoins deux inconvénients sérieux : d'une part, il conduirait à afficher une baisse du taux de remplacement alors même que le maintien du niveau des pensions a été affirmé comme un objectif prioritaire du rendez-vous 2010, d'autre part, comme l'a fait remarquer Jean-Michel Charpin lors de son audition par la Mecss, il ne ferait que renforcer la complexité du système en superposant aux décotes pour insuffisante durée de cotisation une décote pour départ avant un certain âge .

*

* *

Dans le dossier qu'il a établi, en complément de ses projections financières actualisées, pour étudier les effets de certaines mesures sur la situation financière du système de retraite, le Cor relève que la combinaison d'une hausse de la durée d'assurance à 43,5 ans en 2050 et d'une augmentation, à raison d'un trimestre par an, de l'âge d'ouverture des droits de soixante à soixante-trois ans et de l'âge du taux plein de soixante-cinq à soixante-huit ans, conduirait à une amélioration du solde de la Cnav de 17 milliards en 2030 (50 % du besoin de financement) et de 23 milliards en 2050 (36 % du besoin de financement) .

Ces données démontrent, s'il en était besoin, que la réforme des retraites ne peut reposer exclusivement sur des mesures d'âge, aussi nécessaires soient-elles, la recherche de recettes supplémentaires étant également indispensable.

* 57 Livre blanc sur les retraites, La documentation française, page 144.

* 58 Antoine d'Autume, Jean-Paul Betbèze, Jean-Olivier Hairault, « Les seniors et l'emploi en France », rapport du conseil d'analyse économique (CAE), janvier 2006.

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