II. DEUXIÈME TABLE RONDE - LE CLASSEMENT EUROPÉEN DES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR : DES PROPOSITIONS POUR AGIR

A. INTERVENTIONS

Mme Ghislaine FILLIATREAU, directrice de l'Observatoire des sciences et techniques (OST)

Nous allons démarrer la seconde table ronde, si vous le voulez bien, que j'ai l'honneur d'essayer d'animer, l'honneur étant aussi le privilège d'essayer de faire que tout le monde tienne les huit minutes. Le titre nous montre que cette table ronde va s'orienter autour du classement européen des établissements d'enseignement supérieur. C'est un classement U-Multirank, qui est donné comme un exemple. Ce classement dans son contexte va nous occuper et surtout le futur : comment continuer à travailler, comment se positionner pour l'avenir par rapport à ce classement.

Je vais présenter les intervenants dans l'ordre, ce qui vous permettra de voir le fil conducteur.

Nous allons entendre tout d'abord M. Jean-Pierre Finance, président de l'université Poincaré Nancy, directeur du PRES de l'université de Lorraine et membre du comité directeur de l'European university association. En tant que président de la conférence des présidents d'universités à l'époque, il a été associé aux réflexions qui ont eu lieu au cours de la présidence française de l'Union européenne et qui ont abouti à ce classement dont on va vous parler. Il va vous présenter le point de vue et l'analyse d'un responsable universitaire sur tous ces outils et le point de vue des observés en live sur ce qui se passe autour des classements.

Ensuite, nous entendrons M. Robin van Ijperen, chargé de mission à la direction générale de l'éducation et de la culture de la Commission européenne. C'est au sein de cette direction générale qu'il a la responsabilité du suivi du projet U-Multirank. Il va nous expliquer les attentes de la commission, les motifs qui l'ont amenée à proposer un appel d'offres pour soutenir ce projet de classement européen. M. van Ijperen a une expérience des politiques pour la promotion de la formation continue, de l'innovation et du développement d'entreprises au ministère néerlandais de l'Éducation.

Ensuite, je ferai une présentation du point de vue de l'Observatoire des sciences et des techniques, c'est-à-dire du point de vue d'un opérateur impliqué dans un exercice de ce type et ce que nous apprenons dans U-Multirank, les difficultés auxquelles nous nous confrontons et quel est notre point de vue sur l'avenir des systèmes d'information sur les établissements d'enseignement supérieur. Nous sommes engagés dans de nombreux exercices et nous voulons qu'il y ait une grande participation et une bonne connaissance par tout le monde de tous les enjeux de ces exercices.

M. Jean-François Dhainaut, président de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, présentera plusieurs travaux de l'agence qui sont des exercices de comparaison, de benchmarking notamment sur les facultés de médecine françaises qu'il connaît bien comme praticien hospitalier, comme ancien président de l'université Paris V Descartes.

Enfin, M. Patrick Hetzel, directeur général de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle nous expliquera comment ces outils nouveaux, dont la 1e table ronde a permis de décrire la diversité et les limites, s'insèrent dans les politiques impulsées par le ministère. M. Hetzel connaît bien U-Multirank en tant que directeur mais aussi parce qu'il est professeur des sciences de gestion à l'université Panthéon-Assas et que la gestion est l'un des domaines qui a été choisi pour faire le test qui est actuellement en cours.

Comme vous le savez, on va essayer de tenir sur des présentations d'environ huit à dix minutes de manière à vous laisser ensuite intervenir autant que possible.

M. Jean-Pierre FINANCE, directeur du Pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) de l'Université de Lorraine, ancien président de la Conférence des présidents d'université (CPU)

Bonjour à toutes et à tous. Je vais retracer l'évolution de la réflexion que l'on peut avoir quand on est responsable d'établissement et qu'apparaissent ces nouveaux outils de comparaison. Dans le Landernau français, l'arrivée du classement de Shanghai en 2003-2004 a été un coup de tonnerre qui a suscité la surprise, l'interrogation, le besoin de comprendre de quoi il s'agissait, la contestation qui fait partie de notre comportement. L'attitude adoptée par la conférence des présidents d'universités a été de dire qu'on ne pouvait pas se contenter de suivre, d'être suivistes. Je me souviens du colloque que nous avions tenu à Bruxelles en avril 2008, nous étions plutôt favorables à soutenir l'initiative de la présidence française de l'Union en faveur de la mise en place de classements qui reflétaient davantage les valeurs que nous pouvons porter et dans lesquelles nous nous retrouvons davantage. La multiplicité est tellement grande qu'il faut réussir à choisir un peu. Je mettrais en perspective le fait qu'à côté de cet aspect de classement, il y a une autre culture qui s'est fortement développée au cours des dernières années, qui est celle de l'évaluation. C'est une culture qui a été acceptée depuis plus longtemps et plus facilement aujourd'hui dans le cadre des établissements universitaires.

Se pose la question aujourd'hui de savoir entre évaluation, démarche qualité, classement, quelles sont les relations. Pour avoir participé à des réunions à l'échelle européenne avec des personnes portant l'idée de classement, de ranking et les personnes portant les démarches qualité, je me suis rendu compte assez clairement que les deux communautés n'étaient pas sur la même longueur d'ondes. Si nous voulons faire avancer la réflexion en France, nous devons trouver la bonne relation entre des méthodes d'évaluation concernant chaque établissement et cette volonté de classer, de comparer des établissements.

Mieux comprendre les classements. Les attentes sont multiples et il y a un mouvement général de la société, des étudiants, des familles, des financeurs, le rôle de la presse dans la publication des classements, tout un contexte qui s'est mis en place et qui fait qu'il est aujourd'hui impossible de fermer la porte et de dire « c'est un phénomène qui passera, ne nous en occupons pas ». Il est nécessaire de comprendre. Cela a été bien présenté par M. Salmi, c'est identifier l'ensemble des difficultés et des défauts que l'on peut croiser lorsque l'on rencontre les classements. Il y en a de très nombreux, très importants et la littérature commence à devenir abondante sur ces sujets : sur la non-transparence des méthodes de calcul, sur l'insuffisance de la définition de ce que l'on veut mesurer...

Ceci conduit vis-à-vis d'un certain nombre de responsables d'établissements ou d'universitaires à disqualifier une bonne partie des classements en disant que ces classements ne sont pas fondés scientifiquement, n'ont pas de consistance réelle, avec la crainte que des objets mal formés soient utilisés à charge ou dans un mauvais sens dans un certain nombre de cadres, par exemple, dans le cadre du financement des établissements. Au sein de l'Association de l'université européenne, de l'EUA, pendant presque deux ans - et on n'a pas encore complètement vidé le sujet - il y a eu des discussions, des échanges et des confrontations fortes entre différentes conférences de présidents, de recteurs sur le point de vue de tels ensembles universitaires par rapport à la logique de classement. Nos collègues britanniques sont vent debout contre le risque que de tels classements pourraient demain leur être imposés en termes de mécanisme de financement ou d'existence même de certains établissements. Ces débats ont eu lieu à l'échelle européenne. Comme les valeurs et la vision des choses n'est pas la même, malgré l'espoir que nous fondons dans la construction de cette cohérence européenne, je crois qu'il y a aujourd'hui une vraie interrogation pour la communauté universitaire européenne de se positionner par rapport à cette logique de classement.

Malgré tout, on ne peut pas rejeter d'un revers de main les classements mais on doit avancer de manière scientifique, de manière solide. Cela signifie analyser et comprendre, si on veut comprendre ce que sont ces classements. Il y a des travaux sérieux qui ont été faits. Par exemple, l'initiative du Center for higher education du CHE allemand ne visant pas à comparer l'ensemble des établissements qui ne sont pas toujours comparables, mais travaillant par grands secteurs disciplinaires ayant une capacité non pas de classer d'une manière unique sur une seule échelle l'ensemble des facultés travaillant en Allemagne dans le domaine de la physique, mais ayant des éléments d'appréciation sur ce qu'apporte chacune des facultés par rapport à la qualité de l'enseignement, de l'accueil des étudiants... Ce type d'approche est apprécié dans un certain nombre de pays. Par exemple, en Allemagne, le CHE a une vraie réputation. On a essayé de l'étendre à la Suisse et à l'Autriche. L'extension à la Suisse s'est mal passée. Une partie des informations sont des informations d'opinion. Quand on demande à un professeur de physique ou de droit germanique quelle est l'université suisse qui lui semble la plus appropriée pour envoyer ses enfants, il aura plutôt tendance à parler de Suisse alémanique que de Suisse francophone. L'extension de ce type d'outil - même si c'est intéressant - pose un certain nombre de questions et on ne peut pas utiliser des démarches, les transposer de manière très brutale.

Une autre question pour l'université est de chercher à contribuer, cela veut dire apporter des pierres dans la construction éventuelle de classements. Quand on va parler de l'expérience européenne, l'interaction entre les promoteurs et ce que l'université peut apporter sera un élément important.

Il faut communiquer. C'est difficile. Il n'est pas facile pour une conférence de présidents ou pour une université d'expliquer très simplement au grand public, aux étudiants les précautions à prendre dans l'usage des classements qui peuvent paraître dans la presse. Cette notion de communication apparaît comme une notion très difficile.

Par rapport à cela, les deux grandes démarches que l'université peut adopter sont les suivantes :

L'une est sans aucun doute exprimer les valeurs et un certain nombre d'éléments de méthodes intégrables dans un classement objectif. C'est aussi faire que ces classements puissent être adaptés à différents usages. Les étudiants, de manière interactive ou les futurs étudiants, pouvaient définir leurs propres paramètres pour choisir ce qui les intéressait davantage.

Une deuxième chose à faire, c'est ce qui est fait au niveau de l'EUA : comprendre l'évolution du monde des classements. La décision prise au niveau de l'EUA a été de construire un observatoire des classements, avec une volonté de faire des analyses scientifiques réelles de ce que sont ces classements, de compléter cela par des propositions de contributions de certains auteurs et d'arriver à cette démarche scientifique.

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