c) Des évaluations ponctuelles débouchant sur des résultats épars
(1) Les évaluations de la loi de finances

L'évaluation du coût par emploi donne lieu à des estimations très divergentes, selon qu'on s'intéresse au stock d'emplois ou qu'on raisonne à la marge.

Ainsi, le projet annuel de performance (PAP) pour 2009 de la mission interministérielle « Travail et emploi » relève qu'en 2005, le coût fiscal de la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile est de 1 700 euros 88 ( * ) .

Le même document relève encore qu'en 2005, la dépense fiscale résultant de l' exonération de TVA pour les associations agréées et du taux réduit de TVA pour les entreprises agréées, « a contribué à la viabilité de 370 000 emplois de services à la personne dans les organismes agréés ». Sur la base d'une dépense fiscale de 360 millions d'euros en 2005, il en est conclu que « le coût moyen par emploi créé (...) est de l'ordre de 1 000 euros ».

Un raisonnement « en moyenne » ne paraît pas adéquat, compte tenu du fait que de nombreux emplois préexistent à la mesure ; seul un raisonnement « à la marge », par emploi nouveau créé par la mesure, est susceptible d'aboutir à une estimation plus satisfaisante. Certes, grande est la difficulté d'évaluer ce nombre d'emplois nouveaux . Il est à noter que le PAP 2010 n'a pas produit d'évaluation du coût par emploi créé 89 ( * ) .

Seul demeure un indicateur de performance, sous la forme d'un « taux de croissance annuelle du nombre d'heures travaillées dans le secteur des services à la personne », dont la portée semble très limitée, puisque l'indicateur ne rapporte pas cette progression aux moyens mis en oeuvre.

Au surplus, il semble que les objectifs de taux de croissance pour 2008 et 2009 (3,7 % et 3 %) ne soient pas en passe d'être remplis, le tableau de bord d'octobre 2009 de l'Observatoire de l'emploi et de l'activité dans les services à la personne évaluant ces taux de croissance à respectivement 2,5 % et 1,5 %, la crise expliquant néanmoins ce décrochage.

(2) Le soutien aux organismes prestataires de services de confort

Mme Michèle Debonneuil , dans un document d'orientation de l'Inspection Générale des Finances 90 ( * ) , a concentré son approche sur l'impact du « Plan Borloo » en termes d'industrialisation des services à la personne. Au titre de l'année 2007, elle isole ainsi, parmi les aides publiques aux services à la personne, celles concernant les services rendus par des organismes prestataires à des particuliers non fragiles :

AIDES PUBLIQUES AUX SERVICES À LA PERSONNE

* Estimations de l'auteur à partir du total des réductions d'impôts et de clés de répartition

Source : document d'orientation de l'Inspection Générale des Finances intitulé « Les services à la personne : bilan et perspectives » établi par Michèle Debonneuil septembre 2008.

Le rapport précité part du constat d'une dépense totale de 408 millions d'euros pour la création de 17 509 emplois de service à la personne rendus par des organismes prestataires à des particuliers non publics fragiles. Il évalue ensuite une « dépense nette », qui correspond aux exonérations fiscales et sociales diminuées des cotisations sociales effectivement perçues, à 127 millions d'euros. Le coût par emploi ressortirait alors à 7 253 euros en 2007, soit 47 % du SMIC , un montant inférieur à celui des emplois créés par les exonérations de charges sur les bas salaires, qui a pu être évalué à 10 000 euros 91 ( * ) .

Outre les inévitables incertitudes quant aux clés de répartition, à la pertinence de la prise en compte des exonérations de cotisations sociales 92 ( * ) et à la mesure de l'impact positif sur l'activité économique engendré par ces nouveaux emplois 93 ( * ) , on soulignera que le chiffrage en question ne comprend que les services rendus via des organismes prestataires, et n'intègre donc pas , notamment, le coût des emplois créés par les approfondissements successifs de la réduction d'impôt sur le revenu pour l'emploi d'une personne à domicile , notamment lorsque l'emploi est direct et rendu à un public non fragile.

Or il est possible qu'un ensemble de mesures fiscales et sociales
- bref, une politique - engendre un coût soutenable pour tel type d'intervention
- ainsi en irait-il du mode prestataire retenant ici l'attention - et un coût exorbitant pour d'autres types - ce que tendrait à montrer le calcul de M. Clément Carbonnier infra . Ces mesures sont-elles pour autant justifiées dans leur ensemble ?

Mme Michèle Debonneuil indique par ailleurs : « il est toujours possible de préciser les chiffrages, et il faudra sans doute le faire car le sujet est très complexe et les statistiques très insuffisantes , mais nous pensons que le bilan à grands traits que l'on a présenté est suffisant pour juger qu'il est raisonnable de poursuivre et même d'accélérer ce processus de création d'emplois, du moins tant qu'il existe des personnes en âge de travailler qui ne trouvent pas de travail et tant que la société a les moyens de ne pas les laisser sans aucune ressource.

Certes, plus le rythme croissance des emplois sera soutenu, plus les aides versées le seront. Mais, plus ce rythme est élevé, plus le coût par emploi créé restera proche de celui observé au départ, lorsque le stock des aides ne portait que sur de nouveaux emplois. On a donc intérêt à avoir une très forte croissance des emplois, quitte à diminuer plus tôt les aides lorsque leur coût total devient trop lourd ».

D'aucuns craignent cependant qu'un retrait des aides ne se traduise, dans une large proportion, par une destruction significative des emplois correspondants.


* 88 1,1 millions de salariés concernés pour une dépense fiscale de 1,86 milliard d'euros en 2005.

* 89 Dans le cadre d'une refonte totale du dispositif d'évaluation approfondie des dépenses fiscales, aucune évaluation des dépenses fiscales « à enjeu élevé » n'a été demandée aux ministères responsables à l'occasion des PAP 2010.

* 90 Document n° 2008-M-024-01, septembre 2008.

* 91 Voir le rapport du conseil d'orientation pour l'emploi du 8 février 2006 relatif aux aides publiques, rappelant que le coût brut par emploi créé est estimé par la DGTPE et la DARES à environ 25 000 euros, tandis que le coût net - tenant compte du surcroît de cotisations sociales généré par les emplois créés, ainsi que des moindres dépenses de minima sociaux et d'allocations chômage- serait pour sa part de l'ordre de 10 000 euros. Il est à noter que le chiffrage du coût par emploi des exonérations de charges a donné lieu à des estimations nombreuses et contrastées.

* 92 Si l'on raisonne en coût public net, seules les réductions d'impôts devraient être prises en compte au titres des charges liées aux créations d'emplois, car les exonérations de cotisations sociales, liées à des emplois nouveaux, n'entraînent pas d'augmentation des charges ni de diminutions de recettes nouvelles, même si les cotisations sociales participent à la constitution de droits (retraite etc.) que ces nouveaux salariés ont vocation à opposer ultérieurement aux organismes de sécurité sociale (dans l'hypothèse simplificatrice où la valeur actualisée de ces droits approcherait celui du montant des cotisations, alors il n'apparaît plus illégitime, sous un certain angle, de comptabiliser les exonérations sociales en charge).

* 93 Il serait logique que les recettes en résultant - TVA, impôt sur le revenu, etc. -viennent en atténuation de charge.

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