N° 599

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 juin 2010

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) par le groupe de travail sur le Centre des monuments nationaux (2),

Par Mme Françoise FÉRAT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Legendre , président ; MM. , Ambroise Dupont, Serge Lagauche, David Assouline, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Ivan Renar, Mme Colette Mélot, MM. Jean-Pierre Plancade , Jean-Claude Carle vice-présidents ; M. Pierre Martin, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Christian Demuynck, Yannick Bodin, Mme Béatrice Descamps , secrétaires ; MM. Jean-Paul Amoudry, Claude Bérit-Débat, Mme Maryvonne Blondin, M. Pierre Bordier, Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Bruguière, M. Jean-Claude Carle, Mme Françoise Cartron, MM. Jean-Pierre Chauveau, Yves Dauge, Claude Domeizel, Alain Dufaut, Mme Catherine Dumas, MM. Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Jean-Claude Etienne, Mme Françoise Férat, MM. Jean-Luc Fichet, Bernard Fournier, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Jean-François Humbert, Soibahadine Ibrahim Ramadani, Mlle Sophie Joissains, Mme Marie-Agnès Labarre, M. Philippe Labeyrie, Mmes Françoise Laborde, Françoise Laurent-Perrigot, M. Jean-Pierre Leleux, Mme Claudine Lepage, M. Alain Le Vern, Mme Christiane Longère, M. Jean-Jacques Lozach, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Philippe Nachbar, Mme Monique Papon, MM. Daniel Percheron, Jean-Jacques Pignard, Roland Povinelli, Jack Ralite, Philippe Richert, René-Pierre Signé, Jean-François Voguet.

(2) Ce groupe de travail est composé de : Mme Maryvonne Blondin, M. Pierre Bordier, Mmes Bernadette Bourzai, Françoise Cartron, Françoise Férat, M. Bernard Fournier, Mlle Sophie Joissains, MM. Serge Lagauche, Jean-Pierre Leleux, Philippe Nachbar, Mme Monique Papon, MM. Jean-Pierre Plancade, Jack Ralite, Philippe Richert, René-Pierre Signé.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'avenir du Centre des monuments nationaux (CMN) est intiment lié à celui du patrimoine monumental de l'État. La mission séculaire de cet établissement public repose sur la concordance de deux principes fondamentaux que sont la responsabilité de l'État envers son héritage patrimonial et la solidarité. En effet, c'est grâce aux fruits du système de péréquation qui le caractérise que le CMN entretient, anime et valorise une centaine de sites dont il a la charge. C'est grâce à son action que des millions de visiteurs peuvent aujourd'hui accéder aux monuments nationaux qui constituent un pan essentiel de notre culture.

Les récents débats législatifs ont suscité bon nombre d'interrogations relatives à la pérennité de cette mission de service public et au rôle de l'État. En effet, lors du dernier débat budgétaire le Gouvernement a affiché sa volonté de relancer le processus de transfert des monuments historiques de l'État aux collectivités territoriales volontaires. Ce mouvement, né de la deuxième phase de la décentralisation en 2004, avait été lancé à l'issue du travail de réflexion de la commission présidée par M. René Rémond, qui offrait à l'État les garanties de protection du patrimoine monumental national. Mais les termes du débat sont aujourd'hui différents et laissent craindre une remise en cause à la fois de l'avenir du CMN et du rôle de l'État qui est régulièrement accusé de vouloir brader son patrimoine historique.

C'est dans ce contexte que le président de la commission de la culture du Sénat, M. Jacques Legendre, a souhaité confier à un groupe de travail une mission à la fois importante et passionnante. Analyser la mission de service public culturel du Centre des monuments nationaux dans ce nouveau contexte, et en tirer les conséquences dans l'hypothèse d'une relance de la dévolution des monuments historiques appartenant à l'État : telle était la feuille de route ainsi tracée.

Les résultats de ces travaux, que votre rapporteur a l'honneur de présenter, montrent la volonté de votre commission de contribuer à un débat apaisé sur les conditions de la sauvegarde du patrimoine historique de l'État qui lui semble aujourd'hui menacé. Le respect de l'héritage historique et culturel doit devenir un objectif pour toutes les politiques ayant un impact sur les monuments historiques, qu'il s'agisse de la politique immobilière, du développement économique des acteurs culturels ou de l'évolution de la domanialité publique.

C'est en définissant les contours de cette approche que l'État sera en mesure de jouer son rôle, en s'appuyant notamment sur le CMN, qui est un acteur incontournable de sa politique patrimoniale.

Votre commission a ainsi à coeur d'offrir aux différents acteurs du monde de la culture les moyens juridiques d'appliquer un principe de précaution au patrimoine monumental national. Une proposition de loi, déposée au début de la prochaine session parlementaire, concrétisera les 10 pistes définies dans le présent rapport.

André Malraux affirmait que « La culture ne s'hérite pas, elle se conquiert ». Nous pouvons aujourd'hui ajouter qu'elle se défend.

I. LE CENTRE DES MONUMENTS NATIONAUX, UN ÉTABLISSEMENT AU SERVICE D'UNE POLITIQUE EXIGENTE ET DYNAMIQUE DE PROTECTION ET DE VALORISATION DU PATRIMOINE DE L'ÉTAT

A. LE CMN A ENTREPRIS DE RÉELS EFFORTS DE RATIONALISATION...

1. Le CMN a développé une approche plus pragmatique de ses missions
a) Le CMN, héritier d'une mission séculaire

Le Centre des monuments nationaux (CMN) est « l'héritier » de la Caisse des monuments historiques créée en juillet 1914. Le principe de solidarité qui avait guidé la création de cette caisse demeure un principe fondamental qui fait l'originalité de cet établissement public : il s'agissait de mutualiser les fruits perçus de différentes façons par l'exploitation (ouverture au public ou gestion domaniale) des monuments historiques les plus rentables, et d'utiliser ces ressources pour améliorer l'exploitation des autres monuments. C'est donc le système de péréquation entre les monuments nationaux qui fonde la raison d'être du CMN depuis ses origines.

Née à la Révolution française, la conscience patrimoniale s'est traduite par la mise en oeuvre d'une véritable politique de conservation du patrimoine en 1830 1 ( * ) avec la création, par François Guizot, alors ministre de l'Intérieur, du premier poste d'inspecteur général des monuments historiques occupé par Ludovic Vitet puis par Prosper Mérimée. Après plusieurs étapes ayant permis de définir progressivement les principes et les contours du classement des monuments historiques, cette politique se traduit par l'adoption, le 31 décembre 1913, de la loi sur les monuments historiques qui constitue le socle du système de protection prévalant aujourd'hui .

L'année suivante, la loi du 10 juillet 1914 crée une Caisse nationale des monuments historiques et préhistoriques qui a pour but de réunir des fonds destinés à acquérir des monuments historiques ou des immeubles en instance de classement, et à financer les travaux de restauration et d'entretien de tels monuments ou immeubles.

En 1930, la loi du 2 mai confère à cet établissement public le nom de Caisse nationale des monuments historiques, préhistoriques et naturels et des sites. Elle étend en effet aux sites les dispositions de la loi de 1913 sur les monuments historiques et étend la notion (et la protection qu'elle suppose), à d'autres sites, pour tenir compte :

- des sites historiques n'étant pas nécessairement des bâtiments, mais qu'il convient de préserver (champs de bataille par exemple) ;

- des lieux de légendes, comme la Forêt de Brocéliande ;

- des lieux considérés comme « typiques » du point de vue paysager.

En 1965, les décrets n os 65-515 et 65-516 du 30 juin donnent à l'établissement un nouveau statut et un nouveau nom de Caisse nationale des monuments historiques et des sites (CNMHS).

Finalement, le décret n o 2000-357 du 21 avril 2000 remplace cette caisse par l'actuel Centre des monuments nationaux .

Le CMN est ainsi un outil de la politique patrimoniale de l'État qui, depuis près d'un siècle, a pour devoir de protéger les monuments historiques présentant un intérêt public du point de vue de l'histoire ou de l'art, selon les termes de la loi du 31 décembre 1913.


* 1 Cf annexe : « Histoire de la protection des monuments historiques ».

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