Rapport d'information n° 647 (2009-2010) de M. Alain ANZIANI , fait au nom de la mission commune d'information sur les conséquences de la tempête Xynthia, déposé le 7 juillet 2010


N° 647

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juillet 2010

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la mission commune d'information (1) sur les conséquences de la tempête Xynthia ,

Par M. Alain ANZIANI,

Sénateur.

Tome I : Rapport

(1) Cette mission commune d'information est composée de : M. Bruno Retailleau , président ; MM. Éric Doligé, Michel Doublet, Ronan Kerdraon, Jean-Claude Merceron, vice-présidents ; Mme Marie-France Beaufils, MM. François Fortassin, Daniel Laurent, secrétaires ; M. Alain Anziani, rapporteur ; M. Claude Belot, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Michel Boutant, Philippe Darniche, Yves Dauge, Charles Gautier, Mme Gisèle Gautier, M. Pierre Jarlier, Mme Fabienne Keller, MM. Gérard Le Cam, Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Paul Raoult, Daniel Soulage, Mmes Catherine Troendle, Dominique Voynet.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

554 (2009-2010)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les catastrophes naturelles provoquées par les inondations ou les submersions sont des réalités auxquelles notre pays est de plus en plus fréquemment confronté.

Le 28 février dernier, la violente tempête Xynthia a durement frappé le littoral atlantique, touchant particulièrement les départements de Vendée et de Charente-Maritime.

Deux mois plus tard, la Côte d'Azur subissait à son tour un épisode inquiétant avant que le Var ne connaisse 25 victimes.

Xynthia s'inscrit elle-même dans une longue suite de catastrophes : le raz de marée de 1953 aux Pays-Bas, ses ruptures de digues et ses 1 800 morts ; le tsunami de 2004 dans l'océan indien, conséquence d'un tremblement de terre ; les crues de la Somme, du Gard et du Rhône. Ces quelques exemples témoignent de l'ampleur d'un phénomène permanent et destructeur, illustré encore récemment sur la Côte d'Azur.

En France, l'inondation est le premier des risques de catastrophes naturelles. Elle concerne, selon l'Institut français de l'environnement, deux communes sur trois. Près de 1 000 communes littorales présentent un risque d'intrusion d'eau. Quant à la submersion marine, phénomène particulier dans ses causes comme dans ses manifestations, elle demeure moins connue que la crue ou l'inondation par les fleuves.

Face à ces risques de catastrophes naturelles, le Sénat a souhaité examiner leurs conséquences et définir les moyens d'en prévenir le renouvellement.

Dés le 10 mars dernier, le Président du Sénat, M. Gérard Larcher, a dressé, un état des lieux de la situation avec les Sénateurs des départements les plus sinistrés, nos collègues Philippe Darniche, Jean-Claude Merceron et Bruno Retailleau, sénateurs de Vendée, et Claude Belot, Michel Doublet et Daniel Laurent, sénateurs de Charente-Maritime.

La Conférence des Présidents a proposé de constituer une mission d'information sur les conséquences de la tempête Xynthia, proposition validée par le Sénat dans sa séance du 25 mars. Votre mission d'information a engagé ses travaux le 31 mars dernier. Sur la proposition de son président M. Bruno Retailleau, elle a précisé le périmètre de ses investigations, qui a inclus les systèmes de prévision et d'alerte, les dispositifs de prévention et d'indemnisation, les règles d'urbanisme et le droit des sols, ainsi que le plan de reconstruction et de renforcement des digues.

La mission s'est fixé pour objectif de formuler des préconisations précises et des mesures concrètes. Son ambition n'est pas en effet d'établir un nième rapport sur la prévention et la gestion des catastrophes naturelles.

Des travaux très complets sur les risques naturels ont déjà été menés au Sénat :

- rapport de M. Pierre Martin au nom de la commission d'enquête sur les inondations dans la Somme 1 ( * ) ;

- rapport de M. Jean-Luc Frécon et Mme Fabienne Keller, elle-même membre de la mission d'information 2 ( * ) , au nom du groupe de travail de la commission des Finances, présidé par notre collègue Eric Doligé, également vice-président de la mission, sur la situation des sinistrés de la sécheresse de 2003 et le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles.

S'appuyant sur ces travaux, la mission a souhaité développer une réflexion plus générale qui s'appuie sur un constat simple : cet évènement s'inscrit lui-même dans un mouvement global qui produit ses effets dans le temps (répétition des phénomènes) et dans l'espace (problématique mondiale de la pression qui s'exerce sur le littoral).

Lors du débat organisé au Sénat le 16 juin dernier, Mme Chantal Jouanno, Secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie, a par exemple rappelé que « le nombre de catastrophes augmente dans le monde comme en France : on dénombra vingt-trois très grandes catastrophes en 2001 à travers le monde, quarante-trois en 2007, et cette augmentation devrait se confirmer sur le long terme selon les perspectives du Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat(GIEC). »

*

La mission a procédé à quelque 170 auditions.

Elle a très vite rencontré les habitants, les élus locaux et les acteurs économiques, les 14 et 15 avril, lors de déplacements en Charente-Maritime et en Vendée. La mission s'est également rendue en Gironde, le 9 juin.

A Bruxelles, la mission a rencontré MM. Michel Barnier, commissaire au marché intérieur et Johannes Hahn, commissaire à la politique régionale, ainsi que les responsables des services de la Commission européenne en charge des questions de protection civile, de prévention et d'indemnisation agricole.

La mission a souhaité compléter son information par un déplacement aux Pays-Bas, les 1 er et 2 juin, dont elle a retiré un grand nombre d'enseignements. Ce partage d'expériences est essentiel dans le traitement d'évènements qui, par définition, ne se réduisent pas à un cadre franco-français. La mission a d'ailleurs également souhaité entendre des représentants de l'ambassade du Japon en France et recueillir des informations sur l'expérience britannique auprès de l'ambassade du Royaume Uni.

*

Après deux mois d'investigations, votre mission d'information a présenté, le 10 juin dernier, un rapport d'étape dans lequel elle a établi un certain nombre de constats, évalué les premières mesures d'urgence arrêtées par le Gouvernement et identifié les pistes de réflexion qu'elle a souhaité approfondir en vue de l'établissement du présent rapport.

*

LES 92 PROPOSITIONS DE LA MISSION COMMUNE D'INFORMATION

I. Les propositions concernant les zones à risque, les « zones d'acquisition amiable » et les procédures d'expropriation

Proposition n° 1

Clarifier la portée du critère de « bilan financier » dans la procédure d'expropriation.

Propositions n° 2 et n° 3

- Réaliser des expertises complémentaires pour affiner le tracé des « zones d'acquisition amiable » en Charente-Maritime, comme c'est déjà le cas en Vendée et dans des conditions similaires.

- Fixer des critères homogènes pour la délimitation des zones soumises à enquête publique dans les deux départements.

Proposition n° 4

Ouvrir la procédure d'acquisition amiable  pour les biens qui ne sont pas couverts par le zonage mais pour lesquels un risque mortel est identifié.

Propositions n° 5, n° 6 et n° 7

- Poursuivre les acquisitions amiables après le passage à la phase d'expropriation, au moins jusqu'à la déclaration d'utilité publique (DUP).

- Utiliser la procédure d'expropriation pour cause de risque naturel majeur.

- Mettre en place une procédure d'expropriation par « zone d'extrême danger ».

Proposition n° 8

Garantir un relogement des sinistrés dans leur agglomération d'origine en renforçant les moyens dévolus aux établissements publics fonciers.

Proposition n° 9

Distinguer, au sein de la future cartographie nationale des zones dangereuses, les différents types de risques naturels auxquels ces zones sont exposées.

Proposition n° 10

Clarifier le statut des futures « zones d'extrême danger », afin de déterminer si elles seront inhabitables ou inconstructibles -et, le cas échéant, sous quels critères-, et les délimiter en concertation avec les élus locaux et les habitants.

Proposition n° 11

Ne pas soumettre les zones dangereuses à des règles homogènes, mais les évaluer au cas par cas afin de déterminer laquelle des trois solutions suivantes doit être privilégiée :

- déclaration d'inhabitabilité, accompagnée de propositions d'acquisitions amiables, puis si nécessaire d'une expropriation pour risque naturel majeur ;

- déclaration d'inconstructibilité avec maintien des habitations existantes compatibles avec les dispositifs de prévention ou de protection existants ou à améliorer ;

- maintien de la constructibilité sous réserve de prescriptions adaptées à la nature et au niveau de risque.

II. Les propositions concernant la vigilance et la prévision des risques

Proposition n° 12

Promouvoir des coopérations effectives entre les organismes spécialisés, à partir d'objectifs ciblés dans la recherche sur les submersions marines, en délimitant clairement, pour chacun d'eux, les organismes sollicités et en désignant une structure « chef de file ».

Proposition n° 13

Veiller à la compatibilité et à l'interconnexion des systèmes de relève et de traitement des données des divers organismes impliqués dans la prévision des submersions marines.

Proposition n° 14

Mener à bien d'ici fin 2010 le programme national Litto3D.

Proposition n° 15

Accélérer les travaux menés par le BRGM en vue de mieux hiérarchiser les zones à risque à l'échelle régionale.

Proposition n° 16

Intégrer dans les programmes de modélisation des submersions marines les interactions entre houle, marées et surcotes à une échelle plus fine.

III. Les propositions concernant la gestion des risques

Proposition n° 17

Adapter la notion de bassin hydrographique à des zones littorales homogènes.

Proposition n° 18

Confier la gestion des plans de gestion des risques d'inondation (PGRI) situés sur le littoral aux préfets de département.

Proposition n° 19

Définir, sur les zones littorales, un autre soutien pour les collectivités territoriales que les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB).

Propositions n° 20, n° 21 et n° 22

- Doter le plan de gestion des risques d'inondation (PGRI) d'un volet stratégique sur le littoral en lui confiant un rôle d'évaluation de l'ensemble des mesures de gestion du risque.

- Inclure dans le plan de gestion des risques d'inondation (PGRI) un bilan de l'existant et de l'état des éléments de protection contre la mer.

- Insérer dans le plan de gestion des risques d'inondation (PGRI) un document retraçant l'ensemble de la chaîne d'alerte.

IV. Les propositions concernant les systèmes d'alerte

Propositions n° 23, n° 24, n° 25, n° 26 et n° 27

- Mieux intégrer l'alerte « submersion marine » dans les documents de planification régionaux existants, notamment dans les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (SDACR).

- Diffuser des messages d'alerte « submersion marine » qui permettent à leurs destinataires d'évaluer précisément le niveau du risque anticipé.

- Accentuer le programme de travail inter-administrations visant à mieux adapter les messages d'alerte au regard des risques anticipés, devant être opérationnel d'ici fin 2011.

- Faire aboutir dès que possible la mise en place d'un véritable système d'avertissement destiné aux autorités et aux populations, reposant sur une prévision de hauteur d'eau qui complètera la prévision actuelle de vagues et de surcote, ainsi que sur une explicitation claire et concrète des effets attendus d'une rupture ou d'une surverse des ouvrages de défense des côtes et des conseils de comportement adaptés.

- Pour ne pas se contenter d'un message impersonnel (fax ou SMS), définir, dans chaque préfecture, une cellule d'alerte dédiée à la communication avec les élus locaux en cas de risque avéré de submersion marine.

Propositions n° 28, 29 et 30

- Prévoir un dispositif permettant d'envoyer en masse des SMS pour prévenir les populations du risque anticipé de submersion marine.

- Mettre en place un dispositif technique permettant de s'assurer que les destinataires des messages d'alerte se les sont bien vu transmettre, passant, dans les zones à risque, par l'abonnement à des systèmes d'appels groupés (fax, email, SMS et téléphone).

- Pour la population, assurer la mise en place et l'entretien d'un système de sirènes opérationnel.

V. Les propositions concernant les documents d'urbanisme

Proposition n° 31

Créer une nouvelle catégorie de plans de prévention des risques naturels (PPRN), les PPRS, « plans de prévention des risques de submersion marine », qui constitueraient une sous-catégorie des PPR « inondation », aux côtés de ceux prévenant les risques de crues, et dont le contenu serait adapté à la spécificité du risque traité.

Proposition n° 32

Rendre obligatoire la révision des documents d'urbanisme communaux en cas d'approbation, de mise en application par anticipation ou de modification d'un PPRN.

Proposition n° 33

Permettre au préfet de faire des observations sur la conformité d'un projet de plan local d'urbanisme (PLU) ou de plan d'occupation des sols (POS) aux prescriptions d'un PPRN et, s'il constate que le document d'urbanisme n'est pas conforme au PPRN, conditionner son entrée en vigueur à la réalisation de modifications (procédure de l'article L. 123-12 du code de l'urbanisme).

Proposition n° 34

Prévoir, dans le cadre de la procédure de « porter à connaissance », la remise aux élus locaux d'une synthèse sur les risques naturels -que les préfectures seraient chargées de mettre en regard avec les documents d'urbanisme afin, le cas échéant, de solliciter la révision de ces derniers.

Proposition n° 35

Interdire la délivrance d'autorisations d'urbanisme tacites dans les zones couvertes par un PPRN ou dans lesquelles un PPRN est en cours d'élaboration.

Propositions n° 36 et 37

- Mettre en place un contrôle de légalité systématique des actes d'urbanisme dans les zones couvertes par un PPRN ou dans lesquelles un PPRN est en cours d'élaboration.

- Appeler les préfets, par voie de circulaire, à assortir tous leurs déférés en matière d'urbanisme d'une demande de référé-suspension dès lors que l'acte contesté a un impact potentiel sur la sécurité des populations.

Proposition n° 38

Permettre au préfet de décider le retrait de l'Etat de l'instruction des demandes d'autorisation de construire lorsqu'il est constaté que, de façon systématique, une commune ne suit pas les avis du service instructeur de l'Etat.

Proposition n° 39

Au moment de l'élaboration, de la modification ou de la révision des documents d'urbanisme, mener une réflexion sur la mise en place d'aménagements protecteurs des populations dans les habitations individuelles (batardeaux, rehaussement des planchers, étage refuge, accès au toit, neutralisation du rez-de-chaussée...).

VI. Les propositions concernant la préparation de la population aux risques

Propositions n° 40, n° 41, n° 42 et n° 43

- Rendre obligatoire l'adoption par une commune d'un plan communal de sauvegarde (PCS) dès lors que la réalisation d'un plan de prévention du risque (PPR) lui a été prescrite.

- Elaborer des plans communaux de sauvegarde (PCS) simples et rapidement effectifs, recensant les points de faiblesse du territoire de la commune au vu des risques anticipés, et regroupant des mesures d'action concrètes et faciles à mettre en oeuvre.

- Désigner dans chaque département une personne référente pour aider les communes qui le souhaitent à élaborer un PCS.

- Réserver les subventions étatiques en faveur des actions locales de prévention des risques, y compris la protection contre les submersions marines, à l'existence dans une commune d'un PCS approuvé.

Propositions n° 44, n° 45 et n° 46

- Mieux informer la population du contenu des plans communaux de sauvegarde (PCS) et le lui rappeler régulièrement.

- Développer la sensibilisation du grand public par des opérations concrètes de terrain et des simulations soumises à évaluation.

- Instituer une journée nationale de prévention des risques.

Propositions n° 47 et n° 48

- Faire aboutir au plus vite le projet de site national de sensibilisation du grand public consacré à la gestion des risques d'origine naturelle.

- Renforcer l'offre de formation des élus locaux et des agents municipaux à la prévention et à la gestion des risques naturels, et les inciter à y recourir.

Proposition n° 49

Obtenir de chaque élève, au cours de son année de troisième, de choisir une association de sécurité civile pour s'y former à la prévention, à l'alerte et aux premiers secours et acquérir ainsi un pré-requis qui lui serait demandé lors des journées d'appel et de préparation à la défense.

Propositions n° 50 et n° 51

- Envoyer dès que possible aux populations exposées des conseils de comportements simples et concrets, adaptés aux risques encourus et directement applicables.

- Organiser périodiquement des exercices d'évacuation afin de préparer la population aux mesures rendues nécessaires par la survenance du risque.

VII. Les propositions concernant la gestion des digues et la défense contre la mer

Proposition n° 52

Prendre en compte le changement climatique et réaliser une étude « au cas par cas » pour le rehaussement et/ou le renforcement des digues, en tenant compte des zones d'expansion des crues et de l'ensemble du réseau hydraulique et des fleuves.

Proposition n° 53

Achever la remise en état des digues endommagées par la tempête en réalisant en urgence les travaux nécessaires avant les grandes marées d'équinoxe.

Proposition n° 54

Poursuivre et achever le recensement des digues maritimes et fluviales (base BARDIGUES).

Proposition n° 55

Clarifier le régime de propriété et envisager un transfert de propriété publique qui permettra de clarifier les responsabilités.

Propositions n° 56 et n° 57

- Promouvoir une gestion locale de proximité de nature à assurer efficacement la surveillance et l'entretien de ces ouvrages.

- Renforcer les moyens de contrôle des ouvrages de défense contre la mer et rendre obligatoire, comme aux Pays-Bas, un rapport d'évaluation sur les ouvrages de défense contre la mer tous les six ans, qui serve de base aux plans d'investissements.

Propositions n° 58 et n° 59

- Définir très précisément des normes en matière d'ingénierie des digues.

- Soutenir et financer des recherches sur les ouvrages de lutte contre la submersion marine, en France et au niveau communautaire.

Propositions n° 60, n° 61 et n° 62

- Définir un programme d'investissement pour la protection contre la submersion marine qui tienne compte du cordon dunaire géré principalement par l'ONF.

- Créer un mécanisme de financement pérenne avec un double mécanisme financier national et local :

- national sur le fonds Barnier ;

- local, par le déplafonnement et la modulation de la taxe locale d'équipement (taxe sur les permis de construire).

- Constituer un comité de pilotage national associant les collectivités territoriales et les représentants des services centraux et déconcentrés de l'Etat pour suivre le plan d'investissement.

VIII. Les propositions concernant les moyens de communication et la coordination des secours

Proposition n° 63

Etablir et structurer une coopération entre les services déconcentrés de l'Etat et les gestionnaires de réseaux et entre les opérateurs de téléphonie mobile, France Telecom et ERDF pour rétablir le plus rapidement possible les communications en cas de catastrophe naturelle.

Propositions n° 64 et n° 65

- Doter l'ensemble des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) d'un réseau numérique moderne et robuste.

- Pour la généralisation du réseau ANTARES :

- d'une part, veiller à faire évoluer le système afin de faciliter les échanges de données nécessaires (par exemple pour l'envoi de cartographies ou de diagnostics « au pied de la personne» au bénéfice des services d'urgence),

- d'autre part, faire supporter par l'Etat la charge les coûts de fonctionnement liés à ANTARES.

Propositions n° 66 et n° 67

- Dédier une ou deux fréquences aéronautiques nationales aux secours.

- Rendre les moyens de communication compatibles entre les SDIS, les services de la Gendarmerie et les personnels militaires.

Proposition n° 68

Rénover le réseau national d'alerte (RNA) afin de répondre aux exigences d'alerte du XXIème siècle.

Proposition n° 69

Prioriser les appels d'urgence et adapter, si nécessaire, la réglementation dans ce sens.

Proposition n° 70

Désigner un préfet coordinateur dans le cas des catastrophes impliquant plusieurs régions.

Proposition n° 71

Déplacer tous les centres de secours situés en zones inondables vers un espace non exposé au risque d'inondation.

Proposition n° 72

Anticiper et renforcer les mécanismes de coopération au sein de l'Union européenne en cas de catastrophes de grande ampleur.

IX. Les propositions concernant les régimes d'indemnisation et leur financement

Proposition n° 73

Promouvoir au niveau européen une révision des modalités de contrôle des aides publiques versées à la suite d'une catastrophe naturelle et prévoir une procédure d'approbation accélérée afin de faciliter un versement rapide de ces aides aux filières économiques sinistrées.

Proposition n° 74

Recourir à la « mesure 126 » de l'Union européenne, qui permet la mobilisation d'un fonds d'urgence pour reconstituer les capacités des territoires frappés par une catastrophe naturelle.

Propositions n° 75 et n° 76

- Faire bénéficier les agriculteurs d'un dispositif similaire à celui prévu pour les aquaculteurs permettant la prise en charge par l'Etat du coût des franchises et des coefficients de vétusté appliqués par les assureurs.

- Pour les agriculteurs que Xynthia a placés dans une situation de difficulté économique majeure, leur permettre de bénéficier d'une procédure spécifique « agriculteurs en difficulté » qui n'est pas soumise aux règles européennes de plafonnement dans le cadre du de minimis.

Propositions n° 77 et n° 78

- Relever le plafond d'éligibilité des entreprises au fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), aujourd'hui fixé à un million d'euros de chiffre d'affaires annuel hors taxes.

- Intégrer le coût des franchises dans le calcul des aides.

Proposition n° 79

Réparer les dommages subis par les collectivités territoriales en recourant à la solidarité nationale pour ce qui concerne leurs biens non assurables, en particulier leurs infrastructures, par la voie soit d'une subvention d'équipement pour la réparation des dégâts causés par les calamités publiques, soit d'une ligne budgétaire spécifique.

Proposition n° 80

Mettre en place un mode de compensation des pertes de recettes fiscales induites pour les collectivités territoriales par la démolition des maisons situées en zone d'acquisition amiable.

Propositions n° 81, n° 82 et n° 83

- Obtenir des autorités communautaires l'octroi d'une aide au titre du Fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE) en vue de contribuer au financement des interventions d'urgence entreprises par les autorités publiques nationales et locales face aux conséquences de la tempête Xynthia.

- Assouplir les conditions de mobilisation du FSUE.

- Réaffecter en faveur des zones sinistrées des crédits communautaires issus du Fonds européen de développement régional (FEDER) et du Fonds social européen (FSE).

Proposition n° 84

Garantir une ressource pérenne pour faire face aux indemnisations et aux aménagements de protection en prévoyant un abondement exceptionnel du fonds « Barnier », soit par une dotation budgétaire, soit par un prélèvement sur la caisse centrale de réassurance.

Proposition n° 85

Introduire dans le régime d'assurance des catastrophes naturelles des dispositifs incitatifs de nature à renforcer les politiques de prévention, par exemple en fixant un montant forfaitaire additionnel ou en augmentant les franchises dans les zones à très fort risque.

X. Les propositions concernant l'aménagement des zones littorales

Propositions n° 86, n° 87, n° 88 et 89

- Créer un schéma d'aménagement des zones littorales à risque permettant de mettre en place une distribution spatiale des activités adaptée au risque de submersion marine.

- Distinguer dans le schéma d'aménagement des zones littorales à risque quatre zones :

- les zones qui doivent être laissées ou rendues à leur état naturel (par référence aux zones de danger mortel définies dans la cartographie nationale) ;

- les zones qui, bien que dangereuses, peuvent recevoir des activités économiques, touristiques ou culturelles diurnes ;

- les zones dans lesquelles l'occupation humaine est acceptée, mais de manière limitée et sous condition ;

- les zones soumises à un risque limité, et où l'occupation humaine est autorisée sans restrictions particulières.

- Utiliser le droit de préemption comme un outil d'aménagement des zones littorales à risque, soit pour sanctuariser les zones dangereuses (ENS et PPAEN), soit pour densifier l'habitat dans les zones moins risquées (DPU).

- Confier l'initiative des schémas d'aménagement des zones littorales à risque aux élus locaux.

Proposition n° 90

Confier au Conseil national de la mer et des littoraux une mission de soutien aux collectivités territoriales dans l'aménagement des zones littorales à risque.

Proposition n° 91

Créer, sur le modèle du droit de délaissement prévu dans le cadre des PPR technologiques (article L. 515-16 du code de l'environnement), un droit de délaissement pour les zones exposées à un risque naturel majeur.

XI. La gouvernance du littoral

Proposition n° 92

Promouvoir une nouvelle gouvernance du littoral :

- Élargir explicitement les compétences du Conseil national de la mer et des littoraux et du secrétariat général de la mer, afin de leur confier une triple mission de prévention des risques d'inondation par submersion, de protection des espaces fragiles et d'aménagement du territoire.

- Renforcer la dimension interministérielle de la politique du littoral en affirmant le rôle d'un secrétariat général de la mer et des littoraux, rattaché au Premier ministre, en matière d'impulsion et de coordination des actions de l'Etat dans les domaines de la prévention des risques de submersion marine, de la préservation de l'environnement côtier et de l'aménagement des territoires littoraux.

1ÈRE PARTIE : ÉVALUER LA CATASTROPHE

La tempête Xynthia a résulté d'une conjonction d'évènements climatiques d'une rare violence (I). Son bilan est dramatique et inacceptable, en dépit d'une mobilisation remarquable des secours (II). Comme votre mission l'a exposé dans son rapport d'étape, ses conséquences ont été accentuées par de graves défaillances dans l'anticipation du risque de submersion marine (III).

I. UN PHÉNOMÈNE MÉTÉOROLOGIQUE EXCEPTIONNEL

La tempête Xynthia a traversé la France entre 0 h 00 et 17 h 00 le samedi 28 février 2010 , selon un axe en « banane » 3 ( * ) passant de la Charente-Maritime aux Ardennes, après avoir affecté les sommets de certaines vallées des Pyrénées dans l'après-midi du 27.

L'Espagne, la Belgique, le Luxembourg, l'Allemagne et, dans une moindre mesure, le Royaume Uni, la Scandinavie et les pays bordant la mer Baltique, ont également été touchés.

TRAJECTOIRE DU CENTRE DE LA DÉPRESSION ET CARTE DES RAFALES MAXIMALES MESURÉES

Source : Météo France

Son creusement a été considéré comme classique pour une dépression hivernale et moins rapide que celui des tempêtes Lothar et Martin de décembre 1999 et Klaus de janvier 2009. Xynthia n'a, par conséquent, pas été qualifiée de « tempête explosive » .

En revanche, et comme l'ont expliqué à la mission d'information les responsables de Météo-France, son caractère exceptionnel est dû à la concomitance de trois phénomènes naturels dont le risque qu'ils surviennent en même temps était extrêmement faible. Et cette conjonction de facteurs défavorables s'est produite sur un littoral grandement fragilisé par des phénomènes naturels autant que par la main de l'homme.

A. LA CONJONCTION EXCEPTIONNELLE DE TROIS PHÉNOMÈNES NATURELS

Si chacun des trois phénomènes naturels ayant contribué à l'ampleur des dégâts de la tempête Xynthia n'a, individuellement, aucun caractère de rareté, la conjonction de l'ensemble d'entre eux s'avère exceptionnelle.

1. Une surcote produite par la tempête

Une surcote correspond à la différence entre la marée astronomique anticipée et les hauteurs d'eau observées . Dans le cas de la tempête Xynthia, la surcote produite par la tempête elle-même a résulté d'une élévation des eaux marines sous l'effet des basses pressions atmosphériques et des vents violents sud/sud-ouest créant des vagues au large et poussant ces masses d'eau vers la terre.

L'analyse des enregistrements des marégraphes du service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) confirme que la hauteur d'eau résultante a dépassé les niveaux statistiques de retour centennal sur le littoral de Vendée et de Charente Maritime, atteignant la cote de 4,506 mètres NGF .

Le caractère statistiquement exceptionnel d'une hauteur d'eau est en effet apprécié par sa « période de retour ». Un niveau extrême de « période de retour » centennale correspond à un niveau dont la probabilité d'occurrence est d'une fois par siècle. L'analyse montre que la hauteur d'eau a atteint des niveaux extrêmes de période de retour supérieure à dix ans sur la façade atlantique, au moins de Concarneau à La Rochelle, et des niveaux particulièrement exceptionnels sur les sites de La Rochelle, des Sables d'Olonne et du Crouesty, où la période de retour est plus que centennale.

2. Un coefficient de marée élevé

Le coefficient de la marée est bien entendu déterminant dans l'impact sur les côtes d'une tempête marine. Dans le cas de la tempête Xynthia, il était relativement élevé, puisqu'atteignant 102 , pour un maximum de 120 pour les plus hautes marées astronomiques.

Or, le passage de la tempête sur le littoral atlantique a parfaitement coïncidé avec la pleine mer , durant la nuit du 28 février.

Cette concomitance est en soi un événement très peu probable . En effet, il n'existe en moyenne que 25 jours par an pour lesquels les marées ont un coefficient supérieur à 100. Or, pour chacune de ces marées, la hauteur d'eau prédite n'est proche de ou égale à la pleine mer que dans un créneau de l'ordre de une à deux heures, et c'est dans l'un de ces créneaux qu'une tempête doit créer une surcote importante pour créer un risque de submersion.

3. Un phénomène de vague

Le phénomène de vague , qui représente l'aspect le plus dévastateur d'une tempête marine, constitue la phase ultime d'un tel phénomène se déroulant en trois étapes :

- la chute de la pression atmosphérique entraîne une surélévation du niveau du plan d'eau ;

- le vent exerce une contrainte à la surface de l'eau générant une modification du plan d'eau (surcote) et des courants ;

- à l'approche des côtes, les vagues provoquées par la tempête déferlent. Elles transfèrent leur énergie sur la colonne d'eau, ce qui provoque une surélévation du niveau de la mer, que renforce le phénomène de « jet de rive » ( swash ), c'est-à-dire le flux et le reflux des vagues.

M. Philippe Sergent, directeur scientifique du centre d'études maritimes et fluviales, expert participant au programme de recherche de l'Union européenne Theseus, a noté que la houle a résulté jusqu'à 50 % de la profondeur d'eau à proximité des côtes . Une remontée du niveau de la mer, a-t-il ajouté, produirait une hausse de 50 centimètres de la houle, aggravant d'autant les facteurs de risque.

De la même façon, la lame déferlante qui, à Toyama, au Japon, a fait 2 morts et 16 blessés en 2008, a vu ses effets sur le littoral amplifiés en raison du relief des fonds marins de la baie, les vagues s'étant trouvées concentrées et amplifiées, ont expliqué à la mission les représentants de l'ambassade du Japon en France.

B. UN TRAIT DE CÔTE FRAGILISÉ

Le trait de côte se définit comme la laisse des plus hautes mers astronomiques de coefficient 120 , avec des conditions météorologiques normales. Courant le long des trois façades maritimes françaises, il est estimé à 5 853 km .

Sous l'action d'éléments naturels, mais également du fait de l'action de l'homme, ce trait de côte montre une tendance flagrante au recul, qui s'accélère de façon exponentielle.

1. La mobilité du trait de côte : un phénomène naturel

Résultant de l'action combinée des vagues, du vent, des courants et de la flore, la mobilité du trait de côte est, à la base, un phénomène naturel prenant la forme d'un déplacement des dunes et estuaires.

Les tempêtes marines font ainsi régulièrement reculer le trait de côte, de 3 à 22 mètres sur 250 km de la façade atlantique selon les relevés du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) pour ce qui est de la tempête Xynthia.

2. Un phénomène aggravé par les interventions humaines

Cependant, ce phénomène se trouve accentué par des actions d'origine humaine , dans un double sens.

D'un côté, le niveau de la mer , du fait du réchauffement climatique , est en légère augmentation . Ce même réchauffement aurait également une action sur les aléas climatiques marins, dont il augmenterait la récurrence et l'intensité 4 ( * ) . M. Jean-Paul Vanderlinden, professeur associé à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, expert participant au programme de recherche de l'Union européenne Theseus, a souligné que la multiplication des phénomènes de submersion résultait des changements climatiques et de la hausse du nombre de tempêtes, mais surtout de la remontée du niveau de la mer, qu'il a estimée à une trentaine de centimètres pour le littoral français au cours du XX e siècle. Il a relevé que ce facteur avait des effets négatifs de premier ordre sur la résistance de long terme des structures de protection des côtes.

De l'autre, le littoral est affecté par un recul dont les origines ne sont pas uniquement naturelles : la modification des courants côtiers résultant d'aménagements portuaires, la destruction des laisses des mers provenant du nettoyage des plages, l'érosion des falaises - ou « falaisage » - due aux pompages et drainages, le creusement de gravières sous-marines.

L'affaissement des sols est en grande partie d'origine humaine. Ainsi, au Japon , des changements topographiques ont été observés sous la pression de l'activité humaine, du fait de la concentration importante de la population le long des côtes.

La fragilisation des barrières naturelles protégeant le littoral a un lien direct avec les phénomènes de submersion marine . Celui qu'a connu La Faute-sur-Mer dans le secteur de la Belle Henriette s'explique en partie par la rupture du cordon dunaire l'abritant de l'océan atlantique. Les vagues s'étant engouffrées par la brèche ont retrouvé le cours de la rivière Le Lay, prenant en « tenaille » les maisons situées sur la langue de terre située entre l'océan et ladite rivière.

Vue des communes de L'Aiguillon-sur-Mer et La Faute-sur-Mer le 7 juillet 2010. Les zones en rouge indiquent les habitations ( Direction de la sécurité civile )

Vue des communes de L'Aiguillon-sur-Mer et La Faute-sur-Mer. Les zones en bleu ont été inondées lors de la tempête Xynthia ( Direction de la sécurité civile )

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3. Un recul du trait de côte tendant à s'accentuer

Plus que le phénomène en lui-même, son aggravation inquiète.

Une étude réalisée par l'Institut français de l'environnement (Ifen), en 2006, indiquait que 25 % du trait de côte reculaient , contre seulement 10 % qui engraissaient. 25,9 % des côtes érodées étaient des zones urbanisées, commerciales ou artificialisées, 9,7 % étaient des terres labourées et 17,4 % des plages et des dunes.

Au Japon , pays côtier par excellence, la vitesse de l'érosion a été multipliée par deux entre 1978 et 1993 . Durant cette période relativement courte, plus de 2 300 hectares de plages ont été érodés, selon les chiffres fournis par l'ambassade du Japon en France.

Certaines régions sont davantage touchées. En France, les côtes normandes sont pour 60 % d'entre elles en recul, dans des proportions pouvant atteindre cinq mètres par an. Dans le Nord-Pas-de-Calais , ce pourcentage s'élève à 70 %. L'ensemble de la plaine flamande se situe sous le niveau de la mer.

Le tableau suivant, qui compare des données littorales de la France et de l'Union européenne en 2004, est particulièrement parlant. 46 % des falaises en roche tendre et 48 % des littoraux ensablés sont en recul en France.

II. UN BILAN DRAMATIQUE EN DÉPIT D'UNE MOBILISATION REMARQUABLE DES SECOURS

Les déplacements effectués en Charente-Maritime, en Vendée, départements les plus touchés, puis en Gironde, ainsi que les données qu'elle a pu recueillir pour d'autres départements, ont permis à votre mission d'établir un bilan dramatique et inacceptable. Et ce en dépit d'une mobilisation massive, que la mission tient à nouveau à saluer, qui a été mise en oeuvre de manière efficace tant pour apporter les premiers secours que pour adopter les premières mesures réparatrices.

A. UN BILAN DRAMATIQUE

1. De nombreuses victimes

Les secours se sont mobilisés fortement et avec un grand courage. Malgré cette mobilisation, la tempête Xynthia a eu de lourdes conséquences humaines. D'abord établi à 53 victimes, le bilan des personnes ayant péri en France a été ramené, à la mi-juin 2010, à 47 personnes, dont 29 personnes dans le département de Vendée, dans le secteur de La-Faute-sur-Mer, 12 personnes en Charente-Maritime 5 ( * ) , deux personnes en Loire-Atlantique, deux personnes dans les Pyrénées-Atlantiques, une personne en Haute-Garonne, et une personne dans l'Yonne. 79 personnes ont par ailleurs été blessées.

Au total, son passage en Europe a causé la mort de 65 personnes, et occasionné de nombreux dégâts matériels.

Ce bilan est inacceptable. La mémoire de ces victimes, la compassion pour la douleur de leurs proches ont été une motivation permanente des membres de la mission pour rechercher des solutions permettant de prévenir le renouvellement d'un tel drame.

Parallèlement, des centaines de maisons ont été lourdement endommagées, principalement en Vendée et en Charente-Maritime, mais également en Gironde et dans d'autres départements. Des maisons ont été inondées, des toitures arrachées, et la tempête a provoqué des éboulements, chutes d'arbres et dégâts des eaux.

Au total, on peut évaluer à plus de 500.000 personnes le nombre de sinistrés, à des degrés divers, à la suite du passage de Xynthia.

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2. Des dégâts matériels considérables

Devant votre mission, la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA) a évalué le montant couvert par les assurances à 1,5 milliard d'euros, dont 800 millions d'euros pour les effets du vent et 700 millions d'euros du fait des inondations.

Au-delà des dommages subis par les particuliers, qui ont parfois perdu le résultat d'une vie de travail, des pans entiers de l'économie locale ont été durement et durablement touchés .

Le principal secteur victime de la tempête est certainement l'agriculture : M. Hervé Pillaud, secrétaire général de la FDSEA de Vendée, a précisé qu'un millier d'exploitations représentant environ 35 000 hectares de terres agricoles ont été frappées par la tempête, soit environ 300 exploitations en Charente-Maritime et 150 exploitations en Vendée concernées en totalité, pour des pertes évaluées globalement à 71,5 millions d'euros. En Gironde, 800 hectares de terrains agricoles ont subi d'importants dégâts.

Des dizaines de milliers d'hectares de terrains ont été inondés lors de la submersion marine (22 000 hectares en Charente-Maritime, 11 200 hectares en Vendée dont 9 800 hectares en marais poitevin et 1 400 en marais breton) pendant une durée qui a pu atteindre deux semaines ; brûlées par le sel, ces terres agricoles seront infertiles pendant plusieurs années.

Les secteurs conchylicole et ostréicole ont, eux aussi, été gravement impactés : ainsi, selon les informations recueillies par votre mission, les ostréiculteurs de Vendée implantés dans les zones frappées par Xynthia ont subi un taux de préjudice de 50 à 100 %. En Charente-Maritime, de nombreuses entreprises conchylicoles ont également été touchées. Des dégâts ont été observés à terre sur les bâtiments d'exploitation. Par ailleurs, les analyses de l'IFREMER ont mis en évidence au mois de mars 2010 une efflorescence bio-planctonique toxique exceptionnelle en raison du reflux de l'eau de mer chargée en produit azotés issus notamment de nitrates, entraînant une interdiction temporaire de la commercialisation des coquillages et des crabes.

Enfin, la tempête a touché l'élevage (essentiellement ovin et caprin), des maraîchers, pépiniéristes et producteurs de fleurs et des producteurs de sel , en Charente-Maritime et en Loire-Atlantique.

De nombreuses entreprises en dehors du secteur agricole ont aussi été touchées. Ainsi, à La Rochelle, une vingtaine d'entreprises du secteur de la construction navale ont été dévastées par la tempête Xynthia. En Vendée, le secteur de l'hôtellerie de plein air a été durement atteint.

En outre, les infrastructures ont été endommagées. Il s'agit non seulement des ouvrages de défense contre la mer (près de 200 kilomètres de digues ont été endommagés par la tempête), mais aussi des biens non assurables des collectivités territoriales , comme la voirie.

Le montant total de l'ensemble des dégâts directement provoqués par la tempête Xynthia s'évalue à plus de 2,5 milliards d'euros , à la date du présent rapport.

A ce bilan, il convient d'ajouter des dégâts indirects sur l'économie locale. À titre d'exemple, le retentissement médiatique de la tempête a impacté le tourisme vendéen , comme l'a confirmé M. Joël Sarlot, président du comité départemental du tourisme de Vendée : les réservations touristiques n'ont retrouvé leur niveau habituel qu'à la fin du mois de mars, alors que seules deux stations ont été touchées par la tempête.

B. UNE MOBILISATION REMARQUABLE DES SECOURS

1. L'intervention immédiate des équipes et des moyens de la sécurité civile

La mission a constaté la réactivité du dispositif de secours, coordonné par les Préfets .

La mobilisation a été déclenchée dès réception de l'alerte rouge de Météo-France : activation du centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC), audioconférence entre services de l'Etat et grands opérateurs, mise en alerte des Préfectures et des Services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), pré-positionnement des équipes de la sécurité civile dès le 27 février. En Vendée, une cellule de crise a été réunie le 27 février à 22 heures, tandis qu'une cellule opérationnelle était installée dès minuit.

Plusieurs messages d'alerte ont été envoyés par les Préfectures à chaque maire par différents moyens de communication (sms, e-mails et fax). La population a pris connaissance de cette alerte par les médias radiophoniques et télévisuels.

Devant ces alertes, les comportements ont varié. Le Préfet de Charente-Maritime a pu faire procéder à certaines évacuations, notamment au parc hôtelier de plein air accueillant des résidents l'hiver. Le Préfet de Vendée, en poste depuis quelques jours dans le département, ne disposait pas des éléments d'information suffisants pour faire évacuer certaines communes, en l'absence de demandes des maires. La plupart des communes n'étaient en effet pas couvertes par un plan communal de sauvegarde (PCS), et le dispositif d'évacuation ne pouvait être improvisé ( Cf. infra ). Contrairement à la Charente-Maritime, il n'existait pas en Vendée, sur la zone, de parc hôtelier de plein air habité.

Les SDIS ont cependant mobilisé tous leurs moyens dès la phase d'alerte et bénéficié d'importants renforts extra-départementaux et nationaux.

Dans les départements touchés par la tempête Xynthia quatre compagnies républicaines de sécurité (CRS), 565 gendarmes et plus de 2 000 sapeurs pompiers - dont près de 500 venus d'autres départements - sont intervenus. Lors de son audition, M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile, a précisé que les pouvoirs publics avaient mobilisé dix sections des unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC), soit 330 hommes, à Angoulême et Poitiers, pour se prépositionner au plus près de la zone de tempête.

En Vendée , 500 sapeurs pompiers ont été appuyés par d'importants renforts (220 sapeurs pompiers, 112 personnes de la sécurité civile, une mission d'appui). En Charente Maritime, le SDIS a mobilisé 500 sapeurs pompiers avec des renforts (220 sapeurs pompiers, 156 personnes de la sécurité civile, 1 mission d'appui). Le nombre de véhicules mobilisés s'est élevé à 80 en Vendée et à 130 en Charente Maritime. En Gironde , le SDIS a positionné, dès le samedi 27 février au soir, 200 sapeurs pompiers en garde dans les centres de secours et 750 en astreinte. 524 demandes de secours ont donné lieu à 467 interventions.

Le dispositif terrestre de secours s'est ainsi révélé très efficace. En effet, 37 000 interventions de secours ont permis de sauver 1 500 personnes, secourues et évacuées par les sapeurs-pompiers et membres de la sécurité civile présents sur le terrain. Les services du SAMU et des Urgences ont dispensé les soins médicaux et géré l'évacuation des victimes dans le cadre du plan rouge vers les hôpitaux. Plusieurs embarcations et nageurs de surface sont intervenus pendant les opérations. Enfin, soixante pompes ont été installées, représentant une capacité de pompage de 26 000 mètres cubes à l'heure, et constituant l'intégralité de la réserve nationale disponible.

Les inondations du Var : un nouvel exemple de l'efficacité des secours et d'une mobilisation rapide des pouvoirs publics

Les inondations qui ont touché le Var dans la nuit du mardi 15 juin, ont eu un impact dramatique. La préfecture du Var, dans un communiqué daté du 25 juin, a fait état d'un bilan de 25 victimes , dont quatorze à Draguignan. La fédération française des sociétés d'assurances a évalué à 700 millions d'euros le coût pour les assureurs de ces inondations. Le préfet du Var a estimé à un millier le nombre d'entreprises touchées.

La mobilisation des secours a été forte. D'après le ministère de l'intérieur, à titre d'illustration, au cours de la journée du 16 juin, ce sont 1 600 sapeurs-pompiers ou militaires de la sécurité civile ainsi que 950 gendarmes départementaux et 200 fonctionnaires de la police nationale qui ont été mis à contribution. 1 350 hélitreuillages ont été effectués au total, dont une partie pendant la nuit. Des pannes de relais téléphoniques mobiles, occasionnées par des coupures d'électricité, ont toutefois compliqué la tâche des secouristes, comme l'a signalé le 16 juin M. Horace Lanfranchi, président du conseil général du Var. En outre, l'alerte n'a pas bien fonctionné : elle a donné lieu à des annonces trop générales que les personnes ne pouvaient guère comprendre.

Le 16 juin, le ministre de l'intérieur, M. Brice Hortefeux, s'est rendu sur place. Il a annoncé le déblocage d'un million d'euros de crédits d'urgence.

Le 21 juin, le Président de la République M. Nicolas Sarkozy a déclaré à Draguignan que « l'Etat serait ferme dans l'application de l'interdiction des constructions dans les zones inondables ».

Le 22 juin, a été publié un arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle concernant les neuf cantons touchés par les inondations.

Le même jour, le préfet du Var a annoncé la mise en place d'un dispositif « original », Dracénie 2010 , auquel ont été assignées cinq missions principales : l'aide aux populations, le soutien aux activités économiques, les équipements et infrastructures, le soutien aux collectivités territoriales et la communication.

A la fin du mois de juin, le conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur a voté une aide de trois millions d'euros aux sinistrés.

2. Le relogement provisoire des personnes sinistrées

Si le relogement des sinistrés à très court terme a massivement été assuré par leurs familles et par leurs proches -mais aussi par des anonymes, des voisins et des bénévoles, qui ont fait preuve d'une solidarité et d'un dévouement admirables-, l'État, les départements et les communes ont réagi rapidement afin de relayer l'entraide privée et de transformer des situations qui relevaient largement de l'improvisation généreuse en solutions plus pérennes. Des actions fortes ont donc, quelques jours à peine après le passage de la tempête, été entreprises pour fournir un hébergement décent aux victimes de Xynthia.

a) Un soutien financier exceptionnel pour l'hébergement des sinistrés à court terme

Le relogement des sinistrés s'est tout d'abord appuyé sur des mesures de soutien financier d'une ampleur exceptionnelle . En effet, les régions et les départements ont mis en place des plans d'urgence ambitieux, dont le montant total atteint plusieurs dizaines de millions d'euros 6 ( * ) ; l'État est venu compléter ces plans en s'engageant à prendre en charge à 100 % les frais de relogement non couverts par les assurances privées 7 ( * ) .

La conjonction de ces mesures a permis d'apporter des réponses à tous les sinistrés : des lits touristiques et des logements vacants ont été mobilisés afin de donner un toit aux personnes dont l'habitation avait été détruite, tandis qu'une prise en charge publique intégrale des loyers exposés par les victimes pour se reloger était mise en place.

La mission souligne toutefois que les initiatives de l'État ont été préfinancées par les communes par le biais du fonds d'aide au relogement d'urgence (FARU). Or, au vu du nombre élevé de sinistrés, ce préfinancement fait peser de graves risques sur le budget des communes les plus touchées : à titre d'exemple, la mairie de Charron a dû avancer 600 000 euros pour faire face aux nombreuses demandes de personnes ayant perdu leur logement, ce qui équivaut au quintuple de ses ressources annuelles (120 000 euros). En conséquence, il est indispensable que l'État rembourse les sommes versées par les communes dans les meilleurs délais. Lors de son audition, M. Brice Hortefeux, Ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, a confirmé que les Préfets recevraient des délégations de crédits et confirmé que, de manière tout à fait exceptionnelle, la subvention atteindra 100 % du coût enregistré par les communes.

b) Un soutien logistique complet pour dégager des solutions de relogement à moyen terme

En outre, dès le mois de mars 2010, des structures ont été créées pour aider les sinistrés à dégager des solutions de relogement à moyen terme.

Dans ce cadre, une initiative conjointe des conseils généraux de Charente-Maritime et de Vendée et des préfectures de ces deux départements a permis d'instituer des cellules d'appui ayant vocation à assister les sinistrés dans toutes leurs démarches, et comprenant notamment un pôle « Relogement » . En Charente-Maritime, ce sont ainsi plus de 2 000 personnes qui ont été reçues en l'espace de deux mois et qui ont pu percevoir des aides d'urgence d'un montant total de 450 000 euros. La mission d'accompagnement vers le relogement poursuit trois objectifs principaux :

- assurer une écoute des sinistrés, pouvant donner lieu à une orientation vers une prise en charge spécialisée. Une centaine de sinistrés ont été accompagnés par la cellule de soutien psychologique pilotée par l'agence régionale de santé ;

- accompagner les ménages dans leurs démarches au quotidien (assurances, mobilisation des aides...) ;

- accompagner les sinistrés hébergés en résidences principales confrontés à des problèmes de logement jusqu'au retour vers un logement définitif, après la réalisation de travaux pour les logements situés en zones à prescriptions et après acquisition à l'amiable du logement pour les logements situés en zone de solidarité.

Lors de ses déplacements, la mission a pu constater que ces cellules d'appui fournissaient un travail remarquable et apportaient des réponses concrètes et utiles aux sinistrés. Toutefois, elle a relevé que, en Charente-Maritime, ces cellules, qui avaient été installées dans les mairies des communes sinistrées pendant trois semaines après le passage de Xynthia- n'étaient plus situées « sur le terrain », mais dans la préfecture de La Rochelle, c'est-à-dire à plus d'une heure de trajet des zones sinistrées.

Votre mission déplore ce choix et recommande que ces cellules restent proches des personnes sinistrées afin de répondre au mieux à leurs interrogations et à leurs inquiétudes.

Par ailleurs, la mission préconise d'accélérer les procédures pour un relogement durable des sinistrés. En Charente-Maritime, si à la fin mai 2010, tous les ménages sinistrés étaient relogés, encore 1/3 d'entre eux n'avaient pas une solution de relogement durable.

III. DE GRAVES DEFAILLANCES

Si le phénomène climatique Xynthia était inévitable, le drame Xynthia aurait pu être évité et ses conséquences minorées.

Dans son rapport d'étape, votre mission avait observé que les conséquences de la tempête avaient été aggravées par une série de défaillances dans l'anticipation du risque.

Confirmant ce constat, le présent rapport explicite ces défaillances survenues dans cinq domaines, soit sur l'ensemble de la chaîne de gestion du risque :

- une prévision qui n'a pas permis d'anticiper correctement les risques à terre ;

- une vigilance insuffisamment opérationnelle ;

- une prévention incomplète du risque de submersion marine ;

- une occupation des sols exposant au risque d'inondation ;

- un entretien très inégal des digues .

A. DES FAIBLESSES DANS LA PRÉVISION MÉTÉOROLOGIQUE

1. Une prévision satisfaisante de la tempête et des risques en mer
a) Une bonne prévision globale de la tempête

L'évolution de la tempête Xynthia était suivie par les services de la météorologie nationale grâce aux satellites et aux modèles de prévision, depuis sa formation au large du Maroc, au milieu de la semaine du 22 février. Les incertitudes liées, d'une façon générale, à la prévision des échéances supérieures à trois jours ne permettaient pas d'affiner les anticipations dès cette période.

En dépit de ces limitations, dès le vendredi 26 février, les prévisionnistes de Météo-France avaient acquis la certitude que la tempête allait garder une intensité remarquable en touchant le pays dans la nuit du samedi 27 au dimanche 28 février. Un premier communiqué de presse de portée nationale était émis avant le week-end, le vendredi 26 février vers 14 h 30 . Les régions des Pays de la Loire, du Poitou-Charentes, du Centre, du Bassin parisien puis du nord-est étaient présentées comme les plus exposées.

Le samedi 27 février , les prévisions météorologiques alarmantes étaient confirmées et vérifiées. La décision de placer 66 départements en vigilance orange intervenait tôt le matin . Celle de placer 4 départements -Vendée, Vienne, Deux-Sèvres et Charente-Maritime- en vigilance rouge -le niveau maximal de vigilance météorologique était pris en début d'après-midi .

Le bulletin de vigilance nationale publié, carte à l'appui, le samedi 27 février à 16 h 00 , donne une image relativement fidèle de ce que sera la tempête . Il y est fait état d'une « tempête d'une ampleur et d'une intensité peu communes qui nécessite une vigilance particulière, même si cette tempête devrait être moins forte que celle de décembre 1999 ». Sur les quatre départements placés en vigilance rouge, on observera, y est-il indiqué, « les plus fortes rafales entre 1 heure et 6 heures dimanche matin. On attend des rafales de vent de sud-ouest puis ouest de 130 km/h dans l'intérieur des terres et jusqu'à 150 km/h sur le littoral ». Les valeurs de vent observées se révèleront conformes aux prévisions, notamment sur les quatre départements placés en vigilance rouge.

b) Une bonne prévision des risques en mer

Parallèlement à ses prévisions ayant pour objet la météorologie générale et l'intensité des vents à la veille de la tempête, Météo France a anticipé les hauteurs de vagues et le niveau des surcotes prévues au large à l'aide de ses modèles basés sur les champs de pression et de vent de surface.

Les informations techniques sur la hauteur des vagues en mer sont fournies par le Service hydrographique et océanique de la marine (SHOM), qui gère également la prévision des marées. Grace aux efforts communs avec le Centre national d'études spatiales (CNES), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER) l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et Météo-France, sous la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP), Mercator-Océan , créé en 2002, l'anticipation du niveau de la mer en fonction des marées et conditions météorologiques est aujourd'hui très bien maîtrisée.

Ainsi, dans un bulletin de prévision du samedi 27 février à 0 h 00 de la direction et de la hauteur significative des vagues au large pour le 28 février 2010 à 3 h 00 UTC, les hauteurs de vague maximum prévues au large de la côte vendéenne étaient de l'ordre de 7 à 8 mètres . Il s'agit là de la hauteur significative des vagues, une grandeur statistique qui correspond à la hauteur moyenne du tiers des vagues les plus hautes et qui s'est avérée globalement exacte même si, dans la pratique, certaines vagues ont pu atteindre des hauteurs supérieures.

Quant aux surcotes maximales prévues au large au même instant, elles étaient de l'ordre du mètre sur le littoral atlantique , avec une valeur de 1,15 mètre au large de La Rochelle. Une anticipation de la hauteur d'eau instantanée qui s'est révélée, là encore, globalement exacte, même si une surcote de 1,5 mètre a pu être observée localement, à la côte, au port de La Pallice, reconstituée a posteriori à partir des observations marégraphiques.

Les avis de très fortes vagues 8 ( * ) (ATFV) émis le samedi 27 février 2010 à 8 h 00 pour la zone « côte Charente, côte Gironde, côte Landes, côte basque » et à 9 h 00 pour la zone allant de l'estuaire de la Loire à l'anse de l'Aiguillon indiquaient clairement que « la conjugaison de ces différents facteurs [une marée haute de fort coefficient et le phénomène de surcote engendré par les vents forts et les pressions basses] engendrera de fortes vagues déferlant sur le littoral, et une élévation temporaire du niveau de la mer ».

2. Une prévision très insuffisante des risques à terre

Si le profil général de la tempête et ses conséquences en mer ont été bien anticipés, tel n'est pas le cas de ses implications sur le continent. Le SHOM et Météo France l'indiquent clairement dans un document tirant l'expérience de la tempête Xynthia : « il est à noter que la modélisation fournit une prévision de surcote au large, hors zones d'influence directe des aménagements côtiers ou de la géométrie du trait de côte et des fonds littoraux. La prévision des vagues est également réalisée hors zone d'influence directe de la bande côtière, celle-ci pouvant notamment générer des phénomènes de déferlement important. La prévision ne permet donc pas de reproduire le comportement des vagues et des surcotes à la rencontre des aménagements côtiers . Elle permet bien de prévoir l'aléa au large, dans ses grandes lignes, et de signaler les phénomènes potentiellement dangereux à grande échelle, mais ne constitue pas une prévision directe de l'aléa local, ni, a fortiori des conséquences à attendre en termes de submersion des zones littorales , qui sont liées aux vulnérabilités spécifiques locales ».

Les deux AFTV précités anticipent de façon très générale, de fortes vagues « pouvant submerger certaines parties du littoral », sans que leur localisation ni la hauteur de la submersion ne soient précisées. Même constat dans les bulletins de vigilance nord des 27 février à 16 h 00 et 28 février à 8 h 00, qui prévoient la possibilité de « submersions des zones maritimes inondables ».

La formulation des bulletins de vigilance nationale, sud-ouest et ouest du 27 février à 16 h 00 illustre ce manque de connaissance quant à l'impact de la tempête sur les côtes les plus exposées. Comme votre rapporteur le montrera ultérieurement 9 ( * ) , ni les conséquences de la tempête en termes de montée des eaux, ni l'adaptation des comportements qu'elle aurait dû induire, ne sont décrits avec précision.

Météo-France reconnaît qu'ont été diffusés en temps utile « des prévisions des vagues et des surcotes exceptionnelles créées par Xynthia, et des messages d'avertissement identifiant le risque de submersion et d'inondation associé, en zone d'estuaire, à la concomitance avec la pleine mer de vives eaux, sans pouvoir apprécier les caractéristiques locales de l'aléa , liées à la bathymétrie locale qui régit, avec le vent, les conditions de propagation des masses d'eau, et à la configuration détaillée du littoral, ni, a fortiori, les conséquences possibles , liées aux vulnérabilités locales spécifiques ».

Dès lors, le pré-positionnement des secours n'a pu être réalisé de façon aussi fine que s'il avait pu s'appuyer sur une anticipation précise des risques à terre. M. Alain Perret, préfet, directeur de la sécurité civile au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, a déclaré devant la mission : « Nous avons retenu un spectre large, car les modélisations n'étaient pas encore assez stabilisées pour permettre de déterminer l'impact sur le littoral. (...) Sur la problématique de la submersion, nous n'avions jusqu'à présent que des surcotes, rien de plus ».

Cette carence n'est pas à imputer à une quelconque insuffisance des services météorologiques. Elle tient aux limites techniques de la prévision liée aux submersions marines . Ainsi qu'il a été indiqué à votre mission lors de l'audition de responsables du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l'état des recherches permet de modéliser avec une grande précision l'ensemble du phénomène, à l'exception de la phase de déferlement, dont l'effet dépend de facteurs qui ne sont pas toujours connus, comme la réaction de la roche sédimentaire. Si cet organisme peut réaliser des simulations très détaillées, approchant la réalité, sur les niveaux d'eau en fonction de certaines données, il est dans l'incapacité de jouer un rôle dans la prévision des effets d'un phénomène naturel sur le point de survenir.

Le BRGM mène actuellement des travaux de prévision des niveaux d'eau au rivage à l'échelle régionale et si possible locale grâce à une connaissance topographique fine et à la modélisation des phénomènes de submersion. Météo France (à travers le dispositif « vague-submersion ») et l'IFREMER développent en coopération leurs propres modèles. Aucun n'est pour le moment suffisamment abouti pour anticiper de façon suffisamment rapide et précise l'impact réel de tels évènements sur le littoral et en induire les comportements de prudence à adopter 10 ( * ) .

B. UNE VIGILANCE INSUFFISAMMENT OPÉRATIONNELLE

La vigilance des services en charge de la météo s'est manifestée par plusieurs bulletins d'alerte : l'un de portée nationale , les autres de portée régionale .

AVIS DE VIGILANCE NATIONALE DU SAMEDI 27 FÉVRIER À 16 H 00

Conséquences possibles :

Un avis de tempête très violente est annoncé, susceptible de perturber, de façon très importante, les activités humaines et la vie économique pendant plusieurs jours :

- des dégâts très importants sont à attendre ;

- les conditions de circulation routière peuvent être rendues très difficiles et des perturbations importantes peuvent affecter les transports aériens et ferroviaires et maritimes.

Conseils de comportement :

Dans la mesure du possible :

- restez chez vous ;

- évitez toute activité extérieure.

En cas d'obligation de déplacement :

- soyez très prudents. Renseignez-vous avant d'entreprendre vos déplacements. Utilisez de préférence les grands axes de circulation.

Pour protéger votre environnement proche :

- prenez dès à présent pour vous et votre voisinage, les précautions qui s'imposent face aux conséquences d'un vent violent, inhabituel dans votre région.

AVIS DE VIGILANCE OUEST ET SUD-OUEST DU SAMEDI 27 FÉVRIER À 16 H 00

Conséquences possibles :

- des coupures d'électricité et de téléphone peuvent affecter les réseaux de distribution pendant des durées très importantes ;

- des inondations importantes peuvent être à craindre aux abords des estuaires en période de marée haute ;

- attention aux moyens de chauffage et de production d'électricité de secours (...).

Conseils de comportement :

Dans la mesure du possible:

- mettez-vous à l'écoute de vos stations de radio locales ;

- prenez contact avec vos voisins et organisez-vous.

En cas d'obligation de déplacement :

- limitez-vous au strict indispensable en évitant, de préférence, les secteurs forestiers ;

- signalez votre départ et votre destination à vos proches.

Pour protéger votre intégrité et votre environnement proche :

- rangez ou fixez les objets sensibles aux effets du vent ou susceptibles d'être endommagés ;

- n'intervenez en aucun cas sur les toitures et ne touchez pas à des fils électriques tombés au sol ;

- si vous êtes riverain d'un estuaire, prenez vos précautions face à des possibles inondations et surveillez la montée des eaux ;

- prévoyez des moyens d'éclairages de secours et faites une réserve d'eau potable ;

- si vous utilisez un dispositif d'assistance médicale (respiratoire ou autre) alimenté par électricité, prenez vos précautions en contactant l'organisme qui en assure la gestion.

1. Un impact sur les activités humaines mal appréhendé

A la lecture de ces bulletins d'alerte, les seuls a priori qui aient donné aux populations les plus exposées des éléments concrets sur les risques encourus et les comportements à suivre, il apparaît clairement que l'impact réel de la tempête sur les activités et équipements humains n'a pas été parfaitement anticipé dans sa nature (le risque « inondation » n'y est évoqué qu'accessoirement, parmi d'autres risques potentiels, alors qu'il s'est révélé être principal), ni dans son intensité (il n'est aucunement fait état de l'ampleur majeure de l'évènement et de ses conséquences cruciales).

Comme l'a souligné très explicitement la mission interministérielle, « la mention du risque de submersion marine dans les messages d'alerte n'attirait pas convenablement l'attention de leurs destinataires », ce qui « explique en partie l'insuffisance des mesures de sauvegarde prises dans les communes avant la tempête Xynthia » 11 ( * ) .

2. Des conseils de comportements inadaptés

Devant votre mission, M. Jacques Auxiette, président du conseil régional des Pays-de-Loire, a témoigné qu'à La Faute-sur-Mer, les habitants avaient reçu une information d'alerte rouge qui ne comportait aucune indication des mesures concrètes de protection. De la même façon, M. Paul Girod, président du Haut comité français pour la défense civile (HCFDC), a estimé que l'alerte avait été « complète », mais l'interprétation « nulle ».

Plus grave encore, certains messages d'alerte se sont avéré contre-productifs, et même mortels . Ainsi en a-t-il été de ceux qui ont conseillé aux habitants des zones les plus exposées à la tempête de se calfeutrer chez eux. Pour ceux dont la maison ne comportait pas d'étage ou de comble accessible, cela s'est révélé un piège dont ils n'ont malheureusement pas pu s'extirper.

3. Un dispositif d'alerte archaïque

M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile, a indiqué à la mission que le dispositif français d'alerte, qui date de 1930, était adapté à des temps de guerre et qu'il n'avait pas été renouvelé : « c'est là un système vétuste, mal adapté aux risques d'aujourd'hui », a-t-il reconnu. Fondé sur l'alerte phonique par le biais de sirènes, il ne correspond plus à la diversité des cas d'alerte actuels. De plus, les équipements matériels se sont très diversement développés : la Charente-Maritime dispose de 32 sirènes, la Vendée de 6 seulement.

M. Christian Sommade, délégué général du HCFCD, a stigmatisé « vingt ans d'inaction » en la matière et ce en dépit du Livre blanc sur la défense de 2008. Il a insisté sur l'importance des sirènes d'alerte, surtout la nuit, lorsque les téléphones portables sont en mode silencieux ou que les communications téléphoniques sont impossibles. Ce recours à la sirène nécessite toutefois que la population ait été sensibilisée à la nécessité de mieux se renseigner, par d'autres supports, sur la nature du danger lorsqu'elles retentissent.

La dispersion des structures a également été soulignée, entre les services du ministère de l'intérieur (la direction de la planification de la sécurité nationale - DPSN - et la direction de la sécurité civile - DSC -), les centres lui étant rattachés (centre opérationnel Beauvau - COB -, centre de renseignement et d'opérations de la gendarmerie nationale - CROGN -), le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), relevant du ministère en charge de la défense, et la récente cellule interministérielle de suivi et de crise.

Le directeur de la sécurité civile a estimé cependant qu'au regard des moyens dont ils disposaient, les pouvoirs publics avaient suffisamment informé les détenteurs de l'autorité pour mettre en oeuvre les secours de premier échelon. Dès l'alerte de Météo France, les préfets de Charente-Maritime et de Vendée ont prévenu les maires par téléphone, textos et courriels.

Il reste que le contenu de ces messages était loin de permettre de comprendre l'ampleur du risque . Par exemple, les messages transmis par la préfecture de la Gironde aux maires du département étaient les suivants : « Alerte au vent fort ce week-end. Il vous est demandé d'en informer vos hôtelleries de plein air » ; « Passage en vigilance jaune de la Garonne girondine - 27/02/2010, 13 h 00 - 6,20 m prévu dimanche matin à Cadillac », « Passage en vigilance orange météo pour vents violents à partir du 27 février 2010 22 h 00 jusqu'au 28 février 2010 9 h 00 ».

Dans ces conditions, l'alerte s'est organisée au niveau local de façon pragmatique et variable selon les communes. Un grand nombre d'élus a fait preuve d'initiative en se débrouillant avec « les moyens du bord ». Certains ont invité les habitants, un par un, à évacuer les lieux, parfois au moyen de porte-voix ou en faisant du porte à porte.

Les crues du Var, le 15 juin 2010, ont relancé le débat sur la qualité des prévisions d'inondations. Météo France avait lancé un bulletin d'alerte de vigilance orange anticipé des précipitations de 150 mm , alors qu'il en est tombé 400 mm à certains endroits. Aucune alerte n'avait été prévue pour de petits cours d'eau.

Si une réforme du dispositif d'alerte des populations est en cours, elle n'a toujours pas abouti. Comme l'ont souligné MM. Paul Girod, président, et Christian Sommade, délégué général, du haut comité français pour la défense civile, le projet de système d'alerte et d'information des populations (SAIP) peine à se mettre en place . Initié il y a une vingtaine d'années, il mobilise 80 millions d'euros sur la présente programmation quinquennale, mais demeure pour autant excessivement lent, et ne prévoit toujours pas de sirène ni de système d'information radio dans les zones à haut risque.

C. UN RISQUE DE SUBMERSION MARINE MAL ANTICIPÉ

1. Une couverture lacunaire du territoire en PPR « inondation »

La prévention du risque « inondation » n'a pas de statut juridique spécifique. Il ne forme qu'une partie du régime de la prévention des risques naturels. Cette sous-estimation du risque inondation, pourtant premier risque naturel dans notre pays, n'est pas satisfaisante.

Elle souffre, comme l'a relevé la mission interministérielle sur la tempête Xynthia des « sérieuses carences sur le plan local de la politique nationale de prévention des risques naturels », avec des « zones où le risque a été nié et n'a pas été pris en compte, ce qui a entraîné non seulement des dégâts aux biens, mais par-dessus tout des pertes de vies humaines ».

Alors que votre mission avait souligné cette préoccupation, Mme Chantal Jouanno, Secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie, a confirmé lors du débat organisé au Sénat le 16 juin dernier que « le risque de submersion a été insuffisamment pris en compte, nous ne nous y sommes pas assez préparés ; globalement, le risque d'inondation est sous-estimé en France ; les mesures de prévention n'ont pas été suffisamment mises en oeuvre. »

LES PLANS DE PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS « INONDATION »

Créés par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement , dite « loi Barnier », et codifiés aux articles L. 562-1 et suivants du code de l'environnement , les plans de prévention des risques « inondation » (PPRI) se sont substitués aux différentes procédures préexistantes.

L'objet des PPRI est de maîtriser l'urbanisation dans les zones à risques et de réduire la vulnérabilité des populations et des biens existants . Ils peuvent ainsi :

- interdire les constructions nouvelles dans les espaces d'aléas très forts non urbanisés ou les zones susceptibles d'aggraver les risques comme les champs d'expansion de crue ;

- définir des règles de construction pour diminuer la vulnérabilité des constructions ;

- définir des mesures pour adapter les constructions existantes dans certaines limites ;

- définir des mesures générales de prévention, de protection et de sauvegarde à la charge des collectivités et des particuliers.

Les PPRI sont composés de trois éléments principaux :

- un rapport de présentation qui explique l'analyse des phénomènes pris en compte, ainsi que l'étude de leur impact sur les personnes et sur les biens, existants et futurs ;

- une carte réglementaire à une échelle comprise entre le 1/10 000è et le 1/5 000è en général, qui délimite les zones réglementées par le plan. Il s'agit des zones exposées à des risques et des zones où des aménagements pourraient aggraver les risques ou en provoquer de nouveaux ;

- et un règlement qui précise les règles s'appliquant à chacune de ces zones. Il définit ainsi les conditions de réalisation de tout projet, les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui incombent aux particuliers ou aux collectivités, mais aussi les mesures applicables aux biens et activités existants.

Les conditions d'élaboration des PPRI sont précisées par plusieurs textes de nature règlementaire 12 ( * ) . Ils relèvent de la compétence de l'État , qui les arrête au terme d'une procédure déconcentrée de 18 à 24 mois voyant se succéder une phase d'étude, une phase d'élaboration proprement dite et une phase de concertation avec les collectivités et administrations concernées et la société civile.

Ainsi, le PPRI est prescrit par le préfet de département . Une analyse historique des principaux phénomènes naturels ayant touché le territoire étudié est ouverte, éventuellement complétée par des expertises sur les risques potentiels. Puis, la carte des aléas , qui permet d'évaluer l'importance des phénomènes prévisibles, est élaborée. S'agissant de la prévention du risque d'inondation, la crue de référence est la plus forte crue connue et, dans le cas où celle-ci serait plus faible qu'une crue de fréquence centennale, cette dernière : il s'agit donc bien de retenir la crue la plus importante entre la crue de fréquence centennale et la crue historique, y compris quand cette dernière est plus rare et plus ancienne que la crue de fréquence centennale.

Parallèlement à la cartographie de l'aléa, une analyse des enjeux (population, activités économiques et réseaux) doit permettre d'établir un diagnostic du territoire concerné et d'établir une carte des enjeux. Le zonage réglementaire résulte d'un croisement entre la carte des aléas et celle des enjeux. Le projet de PPRI doit être réalisé en associant les collectivités territoriales concernées dès le début de son élaboration. Il est soumis à une consultation officielle des conseils municipaux des communes concernées et des établissements publics de coopération intercommunale avant l'engagement de l'enquête publique. La concertation avec la population et les acteurs socio-économiques vise à leur faire partager cette démarche.

Après l' enquête publique , le projet de PPRI, qui peut être modifié pour tenir compte des observations et des avis recueillis, est approuvé par le préfet . Le PPRI peut également être révisé selon la procédure définie pour son élaboration, afin de prendre notamment en compte une modification de l'exposition au risque du territoire concerné.

L' adoption d'un PPRI emporte un certain nombre d'effets :

- sur la constructibilité : l'extension d'une construction peut être interdite, ou soumise à des prescriptions comme des contraintes de maintien de libre circulation des eaux ;

- sur la réduction de la vulnérabilité : peuvent être imposés des travaux de réduction de la vulnérabilité sur le bâti existant. La priorité est donnée à la protection des personnes et à la réduction des dommages. On peut citer la réalisation de diagnostics du bâti, la pose de batardeau, la création d'espaces refuges, la protection de certains équipements... ;

- sur l' information des populations :

. à l'égard des acquéreurs et locataires : les propriétaires et bailleurs doivent fournir une information sur les risques aux acheteurs ou locataires, ainsi que sur les dommages ayant fait l'objet de déclaration « catastrophes naturelles » ;

. à l'égard des habitants : les communes doivent procéder à la pose de repères de crues, visibles de la voie publique ; elles doivent organiser tous les deux ans des réunions d'information du public ; elles doivent rédiger et le cas échéant mettre en oeuvre un plan communal de sauvegarde (PCS).

Le financement des PPRN est assuré concurremment par l' État et par le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier », créé par la loi du 2 février 1995 précitée et doté de 150 millions d'euros en 2009.

a) Des PPRN encore peu développés, notamment sur les zones littorales

Comme le montre le tableau ci-dessous, le nombre de PPR « inondation » non encore adoptés , soit simplement prescrits, soit encore en phase d'instruction, est relativement élevé par rapport au nombre de plans approuvés.

Type de PPRN

prescrits

à l'enquête

approuvés

Total

Tout aléa

4228

187

7755

12170

Inondation

3395

112

6595

10102

Source : direction générale de la prévention des risques du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.

S'agissant du risque « submersions marines », les communes littorales sont très marginalement dotées de tels plans. Selon les chiffres communiqués par la secrétaire d'État chargée de l'Ecologie, Mme Chantal Jouanno, lors de son audition par la mission d'information, seuls 46 PPR ont été approuvés et 71 prescrits sur les 864 communes de ce type . Et ce, alors que 800 de ces communes sont classées par la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA) dans des zones dites à risque de submersion marine lors de marées exceptionnelles, à un niveau situé entre 0 et 2 mètres au-dessus du niveau de la mer, et que 235 000 maisons y sont construites.

La carte suivante, qui fait ressortir les PPRI à leurs différents stades, montre clairement que les communes des côtes atlantiques , les plus touchées par la tempête Xynthia, n'étaient pas dotées de PPRI . Ainsi, sur le littoral vendéen, seules les communes de L'Aiguillon-sur-Mer et de La Faute-sur-Mer sont concernées par un projet de PPR, tandis qu'en Charente-Maritime, la communauté d'agglomération de La Rochelle, regroupant neuf communes, n'a pas de PPR prescrits, ni les communes de Charron et Esnandes, ayant connu des décès du fait de la tempête.

Les inondations dans le Var : un nouvel exemple du manque d'anticipation du risque d'inondation

Les risques encourus dans le Var étaient bien connus localement . En 2005, la direction départementale de l'équipement décrivait, dans le plan de prévention des risques d'inondation de Draguignan, les conséquences qu'entraînerait une crue importante de la Nartuby. « Dans la commune de Draguignan, on dénombre, dans la zone inondable de la Nartuby, environ 50 bâtiments commerciaux ou artisanaux (représentant un nombre nettement plus important d'entreprises), 150 habitations individuelles et 15 immeubles collectifs en zone inondable. En outre, une maison de retraite, la maison d'arrêt et le SDIS sont fortement touchés en cas de crue centennale », était-il notamment écrit dans ce document. De fait, cinq cents détenus ont dû être évacués de la prison de Draguignan, et les locaux du SDIS ont été inondés.

La commune de Roquebrune-sur-Argens, où deux personnes ont trouvé la mort, n'a quant à elle jamais approuvé de PPRI , alors même qu'elle a fait l'objet de dix-sept arrêtés de catastrophe naturelle depuis 1982.

Une étude de la mission risques naturels (MRN) estimait à 59 000 le nombre de logements situés en zone inondable dans le département du Var, sur la base du recensement de 2006. Il faut toutefois observer que les constructions en zone inondable n'ont été responsables que d'un nombre très limité des décès provoqués par les récentes inondations. L'essentiel des décès a concerné des personnes bloquées dans leur véhicule. Ce qui pose toute la question de l'alerte et des conseils de comportement donnés à la population face à une catastrophe de ce type.

ÉTAT CARTOGRAPHIÉ DES COMMUNES COUVERTES PAR UNE PROCÉDURE (PROGRAMMÉE, EN COURS OU TERMINÉE) DE TYPE PPRN ET NBSP « INONDATION » AU 04 MARS 2010

b) Une insuffisante couverture due à des procédures sujettes à blocage

L' adoption , mais également la révision éventuelle, des PPRI sont longues et complexes , du fait de la pluralité de phases à respecter 13 ( * ) : études, consultations, enquêtes préalables, approbation administrative...

Ainsi qu'il a été indiqué par les services du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer (MEEDDM), « des situations de blocage existent dans un certain nombre de communes. Le rapport parlementaire effectué à la suite des inondations de la Somme en 2001 ainsi que l'atelier constitué dans le cadre du conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs en 2003 sur le thème des PPRN ont notamment mis en évidence la nécessité d'améliorer la concertation entre l'État et les collectivités territoriales pendant l'élaboration des PPRN ».

De tels blocages doivent être constatés dans un certain nombre de communes concernés par la tempête Xynthia.

La commune de La Faute-sur-Mer n'était pas dotée d'un PPRI alors même qu'elle était particulièrement exposée au risque de submersion marine et aurait dû faire prioritairement l'objet d'un tel plan. Le préfet de Vendée, M. Jean-Jacques Brot, a précisé à la mission qu'en neuf ans, quatre projets de PPR avaient été préparés pour les communes de La Faute-sur-Mer et de L'Aiguillon-sur-Mer, mais qu'aucun document n'avait été adopté. En novembre dernier, la commune de La Faute-sur-Mer avait demandé au préfet de surseoir à l'enquête préalable requise par la procédure.

Divers instruments ont été mis en oeuvre au cours de la dernière décennie en vue de favoriser le dialogue entre les parties prenantes et de faciliter l'instruction des dossiers . La loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la prévention des dommages, le plan d'action tripartite adopté sous l'égide du MEEDDM en décembre 2006, la circulaire du même ministère du 3 juillet 2007, les documents méthodologiques élaborés par le Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les construction publiques (CERTU) publiés en 2008 ou le plan global de formation mis en oeuvre depuis 2009 à l'attention des services des personnes publiques et associations concernées ont oeuvré en ce sens.

Les statistiques relatives aux PPR montrent bien les efforts restant à réaliser pour rendre plus rapides les procédures d'élaboration, d'adoption et de révision . La secrétaire d'État chargée de l'Écologie, Mme Chantal Jouanno, et le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, M. Benoist Apparu, se sont engagés à accélérer la couverture du territoire en PPRI, en insistant sur les zones les plus exposées aux risques. Une circulaire conjointe aux ministères en charge de l'écologie et de l'intérieur, en date du 7 avril 2010, enjoint aux préfets d'accélérer l'instruction et l'adoption de PPRI, en rappelant l'objectif fixé par le Président de la République d'une couverture totale de l'ensemble des zones basses exposées à un fort risque de submersion marine d'ici trois ans.

2. Des plans communaux de sauvegarde quasi-inexistants

Créés par la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile , les plans communaux de sauvegarde (PCS) s'intègrent dans l'organisation générale des secours et forment, avec les plans ORSEC, le maillon local d'une chaîne cohérente de gestion des évènements portant atteinte aux populations, aux biens et à l'environnement.

Ils couvrent théoriquement l' ensemble des risques dont l'occurrence est envisageable localement, soit les risques naturels et climatiques (au premier plan desquels les inondations), les risques technologiques, les risques sanitaires et les accidents de grande ampleur. A cet effet, ils regroupent « l'ensemble des documents de compétence communale contribuant à l'information préventive et à la protection de la population ».

Élaborés sous la responsabilité de chaque municipalité , ces plans impliquent le recensement des risques, notamment dans le cadre du dossier départemental sur les risques majeurs établi par le préfet du département. Ils recensent les moyens pour assurer l'alerte, l'information, la protection et le soutien de la population au regard de ces risques, avec notamment la mobilisation des services techniques communaux.

Depuis 2009, les communes peuvent se voir décerner sous certaines conditions un « pavillon orange », matérialisé en entrée de ville. Les 17 communes labellisées bénéficient de l'accès à un site regroupant des informations en matière de prévention des risques et offrant la possibilité de télécharger un logiciel aidant à la mise à jour du PCS.

Paradoxalement, ces plans sont quasi inexistants dans les zones les plus exposées . Le décret d'application de la loi du 13 août 2004 précitée rendait obligatoire, avant le 13 septembre 2007, la mise en place d'un PCS dans les communes dotées soit d'un PPR approuvé, soit d'un plan particulier d'intervention (PPI). Selon l'enquête annuelle de 2009 de la direction de la sécurité civile (DSC), prise sur la base des renseignements de 74 préfectures représentant 26 407 communes, seules 1 474 communes avaient réalisé un PCS sur les 7 660 soumises à une obligation légale en ce sens.

Les chiffres sont encore plus éloquents pour les communes les plus exposées à la tempête Xynthia. Parmi les 69 communes vendéennes qui devraient être couvertes par un PCS, 49 (dont les communes de La Faute-sur-Mer et de L'Aiguillon-sur-Mer) étaient dépourvues d'un tel document, a déclaré devant la mission le préfet du département M. Jean-Jacques Brot. Au total, il n'existe que 14 plans de ce type pour l'ensemble du département de Vendée .

Outre leur faible nombre, les PCS pêchent par la légèreté de leur contenu . Beaucoup se résument à des recueils de recommandations ou prescriptions formelles peu connus ni maîtrisés des responsables locaux devant les mettre en oeuvre, et moins encore des populations auxquelles ils s'adressent. Comme l'a fait observer M. Christian Sommade, délégué général du HCFDC, en parlant du PCS : « dans certains cas, il est sérieux et complet ; dans d'autres, il s'agit d'un vague document de trois pages élaboré par un stagiaire et remisé sur un haut d'étagère ; s'il est envoyé en préfecture, c'est pour ouvrir le parapluie sans rien faire ».

Les PCS ne doivent pas se résumer à des documents théoriques dont le contenu s'apparente à un « copier-coller » de circulaires administratives. Ils n'ont pas vocation à encadrer l'urbanisation des zones à risque, objet des PPR Ils doivent comporter des procédures et des mesures opérationnelles, portées à connaissance de tous, simples à saisir et aisées à mettre en oeuvre , telles que l'identification des bâtiments où peuvent être accueillis les réfugiés, l'organisation du ravitaillement, la préparation des évacuations... Ce sont des plans « opératoires, sans grande technicité », qui doivent être disjoints des PPR, a rappelé M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile. Plusieurs guides pratiques ont été édités afin de conseiller les communes dans l'élaboration de ces plans et devraient être davantage utilisés. Il faudrait cependant aller au-delà et prévoir la possibilité pour les communes de recourir à des référents les conseillant et les assistant dans la conception et l'élaboration de leurs PCS.

D. UNE OCCUPATION DES SOLS IGNORANTE DU RISQUE D'INONDATION

1. Des autorisations d'urbanisme délivrées en méconnaissance des risques de submersion marine
a) Des risques naturels non pris en compte par les documents d'urbanisme

Dans son pré-rapport, votre mission avait observé que les modalités d'occupation des sols avaient été fixées, puis appliquées, sans qu'il soit tenu compte du risque de submersion marine .

A cet égard, elle avait notamment souligné que des lotissements avaient été construits dans des zones manifestement dangereuses et en méconnaissance totale de ce danger. Pour s'en convaincre, il suffit d'évoquer le cas de la « cuvette » de La Faute-sur-Mer, essaimée de maisons de plain-pied malgré sa topographie, qui aurait dû empêcher que des habitations soient bâties dans un secteur concave, situé en front de mer et à quelques mètres à peine d'une dune faisant office de digue.

De telles situations contraires au bon sens ont largement contribué à alourdir le bilan humain de la tempête Xynthia : cette catastrophe n'aurait probablement pas fait autant de victimes si elle n'avait pas été précédée par une pression immobilière qui a conduit à la construction de maisons dans des zones visiblement inadaptées à cet usage .

Selon votre mission, ce constat ne découle pas seulement du caractère exceptionnel (et donc, relativement imprévisible) d'un phénomène climatique comparable à la tempête Xynthia : les risques naturels n'ont pas été ignorés, mais négligés . Connus de tous les acteurs chargés de la délivrance des permis de construire, ils n'ont pas été traités avec la considération et la rigueur qui s'imposaient.

Entendu par la mission, M. Stéphane Raison, ancien chef du service maritime et des risques de la DDE de Vendée, a exposé qu'un atlas des zones submersibles dans l'estuaire du Lay avait été élaboré par la direction départementale de l'équipement (DDE), puis porté à la connaissance des élus locaux et de la population dès 2002 ; cet atlas mettait en évidence la vulnérabilité de certaines zones (parmi lesquelles se trouvent celles qui ont été gravement touchées, voire rasées par la tempête Xynthia) et faisait état d'une forte exposition au risque pour les zones situées à l'arrière des digues.

Votre mission a pu constater que ces éléments n'avaient pas été intégrés aux documents d'urbanisme qui, dans l'immense majorité des cas, ne tenaient pas compte du risque d'inondation.

Ce constat est particulièrement inquiétant au vu des modalités de délivrance des permis de construire : le contrôle des autorisations d'urbanisme est effectué presque exclusivement au regard de la norme qui leur est directement supérieure. Même en présence d'un PPR approuvé, le PLU ou le POS reste le principal document permettant de faire obstacle à la délivrance d'un permis de construire.

Les normes et documents opposables aux permis de construire

La compétence en matière de délivrance des permis de construire n'est en rien discrétionnaire. En effet, quelle qu'en soit l'autorité de délivrance, le permis doit respecter les documents et les règles qui lui sont supérieurs dans la hiérarchie des normes. Elle est en outre soumise aux principes généraux qui gouvernent le droit de l'urbanisme, au nombre desquels se trouve un objectif de prévention des risques naturels.

Ainsi, aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, « le permis de construire [...] ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols ».

Cette formule laconique recouvre en réalité une pratique plus nuancée, marquée par la règle de compatibilité hiérarchiquement limitée qui figure à l'article L. 111-1-1 du code, et selon laquelle un document ou une autorisation d'urbanisme doit, pour être considéré comme légal, respecter les actes qui lui sont directement supérieurs et les règles générales du droit de l'urbanisme.

Ainsi, les permis de construire doivent être compatibles avec :

- les règles posées par le règlement national d'urbanisme ;

- certaines règles locales d'urbanisme , c'est-à-dire celles qui sont contenues dans les documents directement supérieurs au permis et opposables aux tiers (POS ou PLU ; directives territoriales d'aménagement -DTA- pour les communes soumises à la loi « Littoral » ; etc.).

Par exception à ce principe de compatibilité hiérarchiquement limitée, les plans de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) 14 ( * ) et les « orientations d'aménagement » contenues dans le plan d'aménagement et de développement durable (PADD) 15 ( * ) sont opposables à une demande de permis de construire.

Par ailleurs, les communes touchées par la tempête Xynthia se trouvent dans une situation juridique particulière du fait de leur localisation : situées en bord de mer, elles sont soumises aux dispositions de la loi « Littoral » du 3 janvier 1986 . Dans ce cas, par dérogation aux règles habituellement applicables en contentieux de l'urbanisme, et seulement en l'absence de directive territoriale d'aménagement (DTA) invocable en l'espèce, le juge administratif écarte les documents locaux non conformes à la loi « Littoral ». Il n'hésite donc pas à sanctionner les décisions individuelles édictées en contradiction avec cette loi, même si les décisions en cause sont conformes au POS ou au PLU 16 ( * ) .

Votre mission souligne -comme elle l'avait déjà fait à l'occasion de son pré-rapport- que les PPR ne sont pas les seuls documents permettant de tenir compte des risques naturels et qu'ils ne sauraient se substituer à une planification urbanistique protectrice des populations. Elle estime que les documents d'urbanisme ne doivent pas ignorer les règles plus générales tendant à la préservation des vies humaines .

Dans ce cadre, elle rappelle que le zonage instauré par les PLU ou les documents en tenant lieu (POS, carte communale, etc.) peut restreindre l'occupation des sols dans les zones à risque , non seulement en les déclarant inconstructibles dans des cas de risque extrême et avéré, mais aussi en y assortissant la délivrance de permis de construire de prescriptions spécifiques : par exemple, le PLU de Châtelaillon-Plage (qui constitue l'une des rares exceptions au constat dressé par votre mission) exige que les planchers d'habitation soient surélevés pour limiter l'impact matériel d'une éventuelle inondation 17 ( * ) .

A l'inverse, le POS de La Faute-sur-Mer classait en zone NA (c'est-à-dire urbanisable à court terme) le secteur dans lequel ont été construits des lotissements rasés par Xynthia.

b) Une planification urbanistique obsolète

Selon votre mission, cette inadaptation des documents d'urbanisme à la réalité des risques naturels découle notamment de l'ancienneté de ces documents : les communes les plus touchées par Xynthia étaient, le plus souvent, couvertes par un POS et celui-ci n'avait généralement pas été actualisé pour tenir compte du risque de submersion marine.

Dans les communes littorales de Vendée et de Charente-Maritime, les PLU sont minoritaires par rapport aux POS : parmi les 33 communes littorales que compte la Vendée, 10 sont couvertes par un PLU et 23 par un POS ; sur ces 23 POS, sept ont plus de 15 ans.

Les POS de L'Aiguillon-sur-Mer et de La Faute-sur-Mer font partie de cette catégorie : le POS de La Faute-sur-Mer date de 1984 , celui de L'Aiguillon-sur-Mer est à peine plus récent (1993). Ces documents n'ont pas correctement tenu compte du risque de submersion marine, qui était mal connu au moment de leur élaboration.

c) Une occupation illégale des zones dangereuses

Outre cette prise en compte défaillante des risques naturels par les documents d'urbanisme, votre mission souligne que de nombreuses maisons ont été édifiées sans permis ou, dans quelques cas, sur le domaine public maritime de l'État : dans les deux cas, ces habitations étaient implantées directement en front de mer, c'est-à-dire dans une zone très exposée au risque de submersion marine.

A titre d'illustration, selon M. Jean-Jacques Brot, préfet de Vendée, 150 maisons ont été illégalement construites dans le secteur de la Pointe à L'Aiguillon-sur-Mer. Ces maisons, qui n'étaient initialement que des cabanes, ont été progressivement consolidées par leurs propriétaires, parfois ignorants du caractère illicite de leur présence : simples bicoques dans les années 1940, elles sont ainsi devenues des habitations pérennes. Lors du déplacement de votre mission en Charente-Maritime et en Vendée, le maire de L'Aiguillon-sur-Mer a admis le caractère dangereux de certaines de ces maisons, qui avaient été bâties au mépris des risques naturels et des règles d'urbanisme les plus élémentaires, et qui ont été dévastées lors du passage de la tempête Xynthia.

Votre mission souligne que le problème de l'occupation illégale des espaces les plus proches de la mer est ancien et récurrent . Il avait déjà été mis en lumière, en 2004, par Patrice Gélard : dans un rapport d'information sur l'application de la loi « Littoral » 18 ( * ) : notre collègue affirmait en effet que « les maires n'[avaient] bien souvent pas les moyens de surveiller [le domaine public maritime] ni d'imposer la destruction des constructions illégales », ce dont témoignait le faible nombre de contraventions de grande voirie dressées pour ce motif (seulement 400 par an).

2. Une confusion des responsabilités
a) La délivrance des permis de construire : un processus marqué par la multiplicité et la diversité des acteurs qui y concourent

A partir de ce constat, il convient de déterminer comment des permis de construire ont pu être délivrés dans des zones dangereuses , sans que l'existence d'un risque ne soit jamais repérée et prise en charge.

Il n'appartient pas au Parlement de se prononcer sur d'éventuelles responsabilités individuelles dans le processus qui a conduit à la délivrance de permis de construire dans des zones exposées à un risque naturel grave : cette tâche incombera à l'autorité judiciaire, saisie de plaintes ayant cet objet.

Toutefois, force est de constater que la tempête Xynthia a engendré d'importantes controverses sur la procédure de délivrance des permis de construire. Dans ce contexte, les maires se sont vus critiqués et parfois accusés d'avoir délivré des permis de construire dont ils auraient eu conscience de l'illégalité.

Votre mission estime nécessaire de mettre fin à cette recherche d'un « bouc émissaire » en rappelant le processus de délivrance des autorisations d'urbanisme, qui est caractérisé par un « partage des responsabilités ».

Comme votre mission l'avait déjà souligné lors de son pré-rapport, le circuit de délivrance des permis de construire fait intervenir des acteurs nombreux, divers, et dont les missions tendent à se confondre.

Lorsque la commune est compétente en matière d'urbanisme :

- les règles de construction sont fixées par un document d'urbanisme défini par le conseil municipal ou par l'organe délibérant de l'EPCI, lorsque ce dernier est compétent en la matière ;

- lors de l'élaboration de ce document d'urbanisme, la procédure de « porter à connaissance » oblige le préfet à communiquer aux communes ou à leurs groupements toutes les informations nécessaires à l'exercice de leurs compétences en matière d'urbanisme ;

- la demande de permis de construire est instruite par la commune, qui peut déléguer cette mission soit à une autre collectivité territoriale, soit aux services de l'État. Dans 80 % des cas, les communes font appel aux services préfectoraux pour instruire les demandes d'autorisation d'urbanisme ;

- les services instructeurs, quels qu'ils soient, doivent recueillir certains avis limitativement énumérés par le code de l'urbanisme : les personnes publiques, services ou commissions intéressés par un projet doivent être consultés préalablement à la délivrance d'une autorisation 19 ( * ) . Par exemple, la commission départementale des sites, perspectives et paysages est consultée sur tout projet ayant un impact sur l'environnement ;

-  le permis de construire est délivré par le maire -qui, dans les faits, suit d'autant plus les conclusions de l'instruction conduite par les services de l'État qu'il sait que, à défaut, la préfecture est susceptible de déférer l'acte devant la juridiction administrative ;

- la légalité du permis est contrôlée par la préfecture ;

- l'État ou toute personne ayant qualité pour agir, riverains ou associations, peuvent saisir le tribunal administratif pour demander l'annulation de l'autorisation ;

- en cas de contentieux, la responsabilité du maire est prépondérante : le maire compétent en matière d'urbanisme est en principe responsable des permis qu'il a délivrés , même lorsqu'il a sollicité des services extérieurs pour instruire les demandes 20 ( * ) .

b) Le cas des permis de construire délivrés dans les communes touchées par la tempête Xynthia : une « nébuleuse d'irresponsabilité collective »

Dans les communes touchées par la tempête Xynthia, votre mission a constaté que cette responsabilité partagée était portée à son paroxysme . Elle a donné naissance à une véritable « nébuleuse d'irresponsabilité collective ».

Bien que ces communes soient compétentes en matière d'urbanisme, elles n'ont pas assumé seules l'ensemble des opérations relatives aux autorisations qu'elles délivraient . Non seulement ces communes ont généralement confié l'instruction des demandes de permis de construire aux services préfectoraux, comme le code de l'urbanisme le leur permet 21 ( * ) , mais surtout, la compétence d'une commune en matière d'urbanisme n'écarte pas la responsabilité régalienne de l'État, qui reste chargé de vérifier la légalité des actes des collectivités territoriales.

L'autorité compétente pour délivrer les permis de construire

L'article L. 422-1 du code de l'urbanisme distingue trois cas pour déterminer l'autorité compétente en matière de délivrance des permis de construire.

1) Les communes dotées d'un POS, d'un PLU ou de tout document en tenant lieu délivrent elles-mêmes les permis de construire.

Cette compétence ne peut être remise en cause, même en cas d'annulation contentieuse du POS ou du PLU. Compétence du maire , la délivrance des permis de construire peut toutefois être déléguée à un adjoint ou à l' EPCI auquel appartient la commune. Dans ce dernier cas, le maire reste consulté pour avis par le président de l'EPCI « sur chaque demande de permis de construire » (article L. 422-3).

2) Les communes couvertes par une carte communale peuvent délivrer, en leur nom, des permis de construire, dès lors que le conseil municipal l'a décidé expressément.

3) Dans les autres communes, le permis est délivré au nom de l'État. Cette délivrance peut être opérée par le préfet, mais aussi par le maire.

Toutefois, le principe selon lequel toute commune dotée d'un PLU est compétente en matière d'urbanisme connaît deux séries d'exceptions :

- les cas de « codécision » , dans lesquels la commune, bien que compétente pour délivrer les permis de construire, doit recueillir l'avis conforme du représentant de l'État : c'est, par exemple, le cas lorsque le PLU, la carte communale ou le document d'urbanisme en tenant lieu a été annulé par voie contentieuse ou abrogé 22 ( * ) ;

- les exceptions « totales », où il appartient au préfet de procéder à la délivrance du permis et d'assurer l'ensemble de la procédure attachée à cette délivrance et ce, alors même que la commune concernée est normalement compétente en matière d'urbanisme (articles L. 422-2 et R. 422-2 du code). Par exemple, le préfet est compétent pour délivrer le permis de construire « en cas de désaccord entre le maire et le responsable du service de l'État dans le département chargé de l'instruction » lorsque la commune a confié l'instruction de la demande aux services de l'État (article R. 422-2).

(1) L'instruction des demandes de permis de construire par les services de l'État

A quelques rares exceptions près 23 ( * ) , l'instruction des demandes de permis de construire a été réalisée par les préfectures pour le compte des communes sinistrées.

Dans ce cadre, votre mission a constaté que les actuelles conventions de mise à disposition des services de l'État étaient rédigées en des termes permettant une prise en compte effective des risques naturels . Les conventions conclues, à la fin de l'année 2007, entre la préfecture de Vendée et les communes de La Faute-sur-Mer et de L'Aiguillon-sur-Mer, prévoient que le service instructeur (la DDE, puis la DDTM) « donne systématiquement un avis défavorable sur toute demande de certification d'urbanisme, de permis de construire et de permis d'aménager en zone rouge [du PPR], et un avis assorti de prescriptions en zone bleue ». En outre, la préfecture a indiqué que les décisions ne suivant pas les avis des services instructeurs ont été , depuis cette même date, systématiquement déférées devant le juge administratif .

Votre mission souligne néanmoins que ces conventions sont récentes (elles datent de 2007, alors même que les lotissements les plus contestés ont été bâtis autour de l'année 2000, voire avant) et rappelle que l'instruction des demandes de permis de construire a connu une réforme profonde avec l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 , dont les dispositions sont entrées en vigueur au 1er octobre 2007. En effet, depuis 2007, seules les communes de moins de 10 000 habitants ou les EPCI de moins de 20 000 habitants peuvent disposer, de droit, d'une assistance des services de l'État, les autres communes ne pouvant plus les solliciter que de manière « ponctuelle » et dans des cas particulièrement justifiés.

Toutefois, avant 2007 (et donc au moment où les autorisations d'urbanisme litigieuses ont été délivrées), les services de la DDE apportaient aux communes une assistance gratuite et sans condition dans l'instruction des demandes ; les communes recouraient d'ailleurs fréquemment à ces services.

Ainsi, si le recours aux services préfectoraux est aujourd'hui restreint et encadré par des règles strictes et précises, tel n'était pas le cas à l'époque où les permis de construire les plus litigieux ont été délivrés : les services de l'État ont donc eu une influence réelle et majeure dans la délivrance des permis de construire .

(2) Un contrôle de légalité insuffisant

Dans son pré-rapport, votre mission avait considéré que les préfectures n'avaient pas exercé leurs compétences propres -et notamment leur mission constitutionnelle de contrôle de légalité- avec une diligence suffisante :

- la procédure de « porter à connaissance » n'a pas permis d'informer les communes des risques naturels auxquels leur territoire était soumis, les préfectures se bornant le plus souvent à faire le catalogue des réglementations opposables aux permis de construire, sans mettre l'accent sur les facteurs de danger pour les populations ;

- les préfectures ont peu fait usage des outils dont elles disposaient pour empêcher que des bâtiments ne soient construits dans des zones à risque . Selon les auditions menées par votre mission, cette attitude n'a pris fin que tardivement en Vendée : MM. Stéphane Raison et Jean-Jacques Brot ont ainsi précisé que ce n'était qu'à partir du début de l'année 2007 que la préfecture avait fait un usage systématique de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme 24 ( * ) afin d'empêcher l'implantation d'habitations dans les zones exposées à un risque naturel fort ;

- les représentants de l'État n'ont que rarement déféré les autorisations d'urbanisme au juge administratif : ainsi, seuls 49 recours au fond ont été formés entre 2001 et 2009, et ceux-ci n'ont pas été systématiquement assortis d'un référé (ce qui aurait permis, sous certaines conditions, d'entraîner la suspension immédiate des actes litigieux jusqu'à ce que le juge administratif ait statué). Ce constat révèle un contrôle de légalité faible, voire inexistant dans certaines périodes .

Charente-Maritime

Vendée

Année

Déféré préfectoral

Référé suspension

Déféré préfectoral

Référé suspension

2000

non connu

non connu

0

0

2001

2

0

4

3

2002

8

0

1

0

2003

4

0

0

0

2004

0

0

1

0

2005

4

0

5

3

2006

4

0

0

0

2007

2

1

0

0

2008

5

2

3

0

2009

2

0

4

0

TOTAL

31

3

18

6

Source : ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

(3) Une méconnaissance généralisée des risques naturels

Enfin, votre mission observe que cette méconnaissance des risques naturels était généralisée et n'a épargné aucun des acteurs impliqués dans l'urbanisation du littoral : M. Jean-Jacques Brot, préfet de Vendée, a ainsi relevé que la commission départementale des sites avait approuvé, parfois à l'unanimité, la construction de lotissements dans des zones exposées à des risques extrêmes.

Au vu de la complexité de cette chaîne de responsabilités, votre mission estime qu'il serait injuste de stigmatiser une catégorie d'acteurs. Elle juge, à l'inverse, que les défaillances qu'elle a observées résultent d'une responsabilité collective : plutôt que l'action des maires, des préfectures, des pétitionnaires ou encore des commissions saisies pour avis, la gouvernance du système de délivrance des autorisations d'urbanisme dans son ensemble a contribué , en confondant et en diluant les responsabilités de chacun, à exposer les populations à des risques naturels mortels .

E. UN ENTRETIEN DÉFECTUEUX DES DIGUES

1. De multiples ruptures de digues et un recul du cordon dunaire

La submersion et la rupture (érosion, brèches) des ouvrages de défense contre la mer se sont produites en de multiples points du littoral vendéen et charentais . Les digues ont subi des brèches localisées et, de manière généralisée, des surverses, qui ont entamé la structure des ouvrages par érosion du talus côté terre de ces protections. De nombreux territoires se sont trouvés dans une situation antérieure à la création des digues.

Une fois les digues franchies, celles-ci ont de plus constitué un obstacle lors du reflux. Plusieurs communes ont été prises dans une situation de cuvette avec, d'un côté, la digue construite le long de la mer, et de l'autre, une surélévation naturelle ou un remblai d'infrastructure.

Au total, on estime que 75 kilomètres de digues sur 103 kilomètres sont à reconstruire ou à consolider en Vendée et 120 kilomètres de digues sur 224 kilomètres en Charente-Maritime.

Si la Préfecture de la Gironde a fait savoir que la tempête Xynthia n'avait pas causé en Gironde les effets dévastateurs occasionnés en Charente-Maritime ou en Vendée, néanmoins sur les 433 kilomètres de digues que le département compte, 20 % sont considérées comme dégradées et 30 % dans un état moyen qui ne garantit pas leur stabilité.

La mission a noté que le cordon dunaire a joué un rôle important de protection pendant la tempête Xynthia, qui l'a d'ailleurs fragilisé , puisque le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a enregistré un recul des dunes (falaisage) jusqu'à 22 mètres.

Ainsi, s'il convient de renforcer 75 kilomètres de digues en Vendée, 120 kilomètres de côtes dunaires et 45 kilomètres de côtes rocheuses nécessiteraient également des travaux de renforcement. La tempête Xynthia a en effet conduit à l'érosion généralisée des pieds de dunes, d'une moyenne de 3 à 5 mètres sur le littoral vendéen, nécessitant la plantation de végétation pour stabiliser le sable, et le rechargement sableux des sites les plus érodés.

2. Une gestion déficiente

En application de l'article 33 de la loi du 16 septembre 1807 relative au dessèchement des marais, la responsabilité de la protection contre les inondations relève des propriétaires riverains. La responsabilité du maintien et du contrôle de la bonne sécurité des digues appartient au propriétaire de la digue.

L'Etat a en charge la vérification de la bonne exécution par le propriétaire de ses obligations, qui comportent un calendrier de visites techniques et donnent lieu à des rapports de surveillance.

Au fil des ans, de nombreux textes sont venus préciser et renforcer les obligations en matière de gestion et d'entretien des digues.

Après la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, le décret n° 2007-1735 du 11 décembre 2007 relatif à la sécurité des ouvrages hydrauliques a introduit quatre classes de digues, selon des enjeux de protection des habitants, imposant des obligations croissantes à leurs propriétaires.

Des audits, menés aux frais du propriétaire, doivent établir les risques que les digues font courir aux populations ou aux installations publiques et industrielles. L'entretien des digues se fait sous le contrôle des services territoriaux de l'Etat.

Ces obligations ne sont pas respectées et ce à cause d'une structure de la propriété des digues complexe, d'intervenants multiples (Etat, collectivités territoriales, associations, propriétaires privés) et d'un défaut de connaissance des ouvrages.

En Charente-Maritime, où seuls 35 % des gestionnaires de digues sont recensés 25 ( * ) , le Conseil Général se substitue aux propriétaires inconnus ou défaillants. Dans ce cas, les communes concernées doivent s'engager à assurer l'entretien des digues, une convention étant alors passée avec le département. Sur les îles de Ré et d'Oléron, les communautés de communes gèrent les digues.

En Vendée, les gestionnaires des digues sont l'Etat, le Conservatoire du littoral, des communes ou leurs groupements, le département, des associations de propriétaires (syndicats de marais) et des personnes privées.

En Loire-Atlantique, à Guérande, le « syndicat des digues », association de propriétaires, assure les travaux d'entretien et de réfection de la digue et les travaux d'entretien sur le réseau hydraulique. Sur le bassin du Mès, les travaux sont en revanche réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de la communauté d'agglomération Cap Atlantique. Le cordon dunaire enroché des Moutiers-en-Retz est géré directement par la commune, de même qu'une digue de l'estuaire de la Loire par la commune de Corsept.

Enfin, en Gironde, les gestionnaires sont bien identifiés mais très dispersés , entre les associations de propriétaires (37 %), le syndicat mixte (30 %), les propriétaires privés (17 %), les collectivités territoriales et établissements publics (16 %).

Pour les départements touchés par la tempête Xynthia, l'inventaire des ouvrages, de leurs propriétaires et gestionnaires est très incomplet. Les ouvrages de remblais (routiers ou ferroviaires) qui jouent le rôle de digues n'ont pas de statut juridique défini. Enfin, le classement des digues selon la hauteur de l'ouvrage et la population protégée a été préparé mais les arrêtés préfectoraux ne sont pas pris.

Compte tenu de cette situation, la mission estime indispensable pour les collectivités territoriales de ne pas intervenir sur une digue dont elles ne sont pas propriétaires sans conclure préalablement une convention limitant leur responsabilité à leurs seules missions (travaux, entretien courant, surveillance, etc.).

3. Des moyens insuffisants

De nombreux propriétaires n'ont pas la volonté ou les moyens d'investir les sommes nécessaires pour la protection des digues, dont les enjeux dépassent la protection de leurs biens.

La loi n°73-624 du 10 juillet 1973 relative à la défense contre les eaux autorise les collectivités locales et leurs groupements à prendre en charge tous travaux de défense contre la mer lorsque ces travaux présentent un caractère d'intérêt général. Les syndicats mixtes sont autorisés à intervenir par la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau modifiée.

L'Etat et les collectivités territoriales sont donc amenés à se substituer aux propriétaires, sans pourtant mettre en oeuvre les moyens financiers nécessaires. L'Etat, après avoir consenti un effort exceptionnel à la suite de la tempête de 1999 en portant son taux d'intervention financier à 50 % a réduit sa contribution de moitié depuis plusieurs années.

L'Etat a même tendance à se désengager du financement de la défense contre la submersion marine . M. Jacques Oudin, Vice-président du Conseil général de la Vendée, a indiqué à la mission que suite à une motion votée par le département de Vendée en 2009, le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer lui avait répondu que la protection contre la submersion marine n'incombait pas à l'État.

Il est difficile de retracer les crédits budgétaires accordés par l'Etat pour les digues maritimes, un certain nombre d'investissements étant financés via les dotations aux ports maritimes par exemple, et le financement des autres investissements étant inclus au sein de dotations budgétaires plus vastes liées à la "prévention des risques". Cependant, les informations dont votre mission dispose montrent une tendance à la réduction des crédits. Le rapport pour avis de notre collègue Jean Bizet, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 23 novembre 2006, mettait en évidence  une baisse sensible des crédits entre 2005 et 2007 pour le contrôle des barrages et digues (de 2 millions d'euros en crédits d'engagement dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2005 à 880 000 euros dans le PLF 2007) 26 ( * ) .

Les collectivités territoriales se sont donc trouvées dans la situation de financer l'entretien des digues selon leurs moyens. En Vendée, un syndicat mixte de défense contre la mer doit ainsi gérer 21 kilomètres de digues pour les communes de Beauvoir-sur-Mer et de Bouin avec un budget annuel de 70 000 euros. Il faut observer que le renforcement ou la construction d'une digue coûte de un à deux millions d'euros par kilomètre.

En conséquence, toutes les études montrent un défaut d'entretien des digues, qui n'est pas propre aux départements touchés par la tempête Xynthia, mais concerne l'ensemble du littoral métropolitain.

*

2ÈME PARTIE : INTÉGRER LA CULTURE DU RISQUE DANS LA GESTION DU LITTORAL

En dépit de la répétition de catastrophes naturelles de cette nature ou de nature similaire, la France demeure peu sensible à des risques qui, pour être localement statistiquement rares, se reproduisent régulièrement sur l'ensemble de notre territoire. L'urbanisation excessive dans des zones sensibles, la déficience des digues et de leur gouvernance, la complexité des dispositifs d'alerte et de prévision sont des questions débattues depuis des années. Pourtant, les réponses, souvent quasi-unanimes, restent lettre morte.

Face à ce constat, votre mission juge indispensable d'intégrer la culture du risque dans la gestion du littoral. A cette fin, elle souhaite d'abord rappeler que le littoral est un espace de plus en plus convoité mais aussi exposé à un risque croissant (I). Elle observe que le cadre législatif actuel répond imparfaitement à cet enjeu (II) et que l'absence de conscience du risque constitue un défi qu'il est impératif de relever (III).

I. LE LITTORAL, UN ESPACE CONVOITÉ MAIS EXPOSÉ À UN RISQUE CROISSANT

A. UNE PRESSION DÉMOGRAPHIQUE ACCRUE SUR LE LITTORAL

Selon les chiffres des Nations Unies, près de 40 % de la population mondiale vit actuellement sur le littoral , plus précisément à moins de 60 kilomètres des côtes. L'ONU prévoit même qu'en 2020, 80 % des hommes habiteront sur une bande côtière de 100 kilomètres.

Cette concentration près des côtes s'explique dans certains cas par des raisons liées à la géographie locale. Ainsi en est-il au Japon , archipel montagneux dont les seules zones habitables sont situées dans les plaines littorales. Selon les chiffres donnés par les représentants de l'ambassade du Japon en France, 70 % du territoire est en zone montagneuse, contre 30 % seulement en zone habitable. 50 % de la population et 75 % des biens sont concentrés sur seulement 10 % du territoire, dans des zones en dessous du niveau de la mer, surtout autour des trois baies majeures.

Toutefois cette répartition démographique s'explique surtout - par une préférence des populations pour les espaces littoraux du fait d'un climat plus doux et de la proximité de la mer, source de richesses. Les grandes métropoles mondiales, dotées de plusieurs millions d'habitants, s'y développent.

L'agence européenne pour l'environnement a publié en 2006 une étude montrant que la population riveraine de la Méditerranée , qui comptait 246 millions d'habitants en 1960, en totalise aujourd'hui 450 millions . En cinq ans, le Portugal a vu ses villes littorales s'étendre de 34 % et l'Espagne de 18 %. Les prévisions font état de près de 700 millions d'hommes à la fin du XXIème siècle sur les rives de la Méditerranée.

La France n'échappe pas à cette tendance. Selon les chiffres fournis par la délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR), le littoral a absorbé 25 % de la croissance de la population française , soit 2 millions d'habitants sur 8, entre 1936 et 1968 . Entre 1968 et 1999, la population des communes littorales métropolitaines a continué à croître à un rythme plus rapide que la moyenne nationale, avec un taux de croissance de 20 %, contre 18 % au niveau national. Enfin, entre 1990 et 1999, les communes littorales ont vu leur population progresser de 5,7 % contre 3,6 % au niveau national, soit 200 000 habitants de plus en métropole et autant dans les départements d'Outre-mer. Le taux d'augmentation est donc moins fort que durant les périodes précédentes, mais reste important pour un espace qui représente 4 % du territoire métropolitain. Au total, et selon les chiffres résultant des enquêtes de recensement, la densité au bord du littoral est 2,5 fois plus élevée que sur l'ensemble du territoire , soit 272 habitant au km² contre 108 en moyenne sur l'ensemble du pays. Localement, ces chiffres peuvent s'élever à 2 500 habitants par kilomètre carré, dans certaines parties du littoral des Alpes-Maritimes par exemple.

La dynamique démographique du littoral en France comme dans le monde est donc une donnée majeure dont il faut tenir le plus grand compte.

B. UNE AUGMENTATION DES RISQUES DE SUBMERSION MARINE SUR LE LITTORAL

1. L'élévation du niveau de la mer

Selon le BRGM 27 ( * ) , « le réchauffement climatique, probablement lié à l'effet de serre additionnel d'origine humaine, devrait avoir des répercussions sur les écosystèmes et le milieu physique de la planète, en particulier sur le littoral. Ce changement climatique pourra en effet provoquer une élévation du niveau moyen de la mer ».

L'élévation du niveau de la mer est enregistrée, depuis 300 ans par les marégraphes, également sensibles aux mouvements de l'écorce terrestre, qui peuvent aggraver ou diminuer le phénomène d'élévation du niveau de la mer. Dans la majorité des cas, ces mesures mettent en évidence une accélération de l'élévation du niveau de la mer sur les dernières décennies .

Selon M. Gilles Bessero, directeur général du SHOM, on a pu observer, grâce notamment aux marégraphes présents à Brest et à Marseille depuis des décennies, une élévation de 1,2 mm par an du niveau de la mer sur les deux derniers siècles . Des observations satellites, sur des périodes plus courtes, font état d'une élévation du niveau de la mer de 2 à 3 millimètres par an. Cela paraît modeste en moyenne annuelle, mais sur deux siècles on obtient des grandeurs significatives de plusieurs dizaines de centimètres.

Le groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) travaille depuis plus d'une dizaine d'années afin de dégager des modèles d'évolution du climat pour l'avenir. Les projections sont basées sur la gamme de scénarii - indiqués dans le tableau ci-dessous - du rapport spécial sur les scénarios d'émissions (RSSE).

PROJECTIONS DU RÉCHAUFFEMENT GLOBAL MOYEN EN SURFACE ET DE L'ÉLÉVATION DU NIVEAU DE LA MER À LA FIN DU XXIÈME SIÈCLE

Changements de température (°C en 2090-2099 par rapport à 1980-1999) a

Cas

Meilleure estimation

Fourchette probable

Concentration constante pour l'année 2000 b

0,6

0,3 - 0,9

Scénario B1

1,8

1,1 - 2,9

Scénario A1T

2,4

1,4 - 3,8

Scénario B2

2,4

1,4 - 3,8

Scénario A1B

2,8

1,7 - 4,4

Scénario A2

3,4

2,0 - 5,4

Scénario A1FI

4,0

2,4 - 6,4

Selon ces scenarii, le niveau moyen de la mer devrait augmenter de 9 à 88 cm entre 1990 et 2100 , tel qu'indiqué dans le graphique également ci-dessous. Cette élévation, selon les experts, sera principalement due à la restitution d'eau consécutive à la fonte des glaciers et des calottes glaciaires et à la dilatation thermique des eaux superficielles des océans.

La mission constate que si les hypothèses sur les causes du réchauffement climatique peuvent faire l'objet de controverses, l'élévation du niveau de la mer n'est pas de l'ordre de l'hypothèse mais de l'observation.

2. L'occurrence croissante de phénomènes météorologiques extrêmes

La tempête Xynthia constitue un évènement naturel d'ampleur certes remarquable, mais qui n'a désormais plus rien d'exceptionnel, au regard de la multiplication des épisodes climatiques extrêmes , tels la tempête Klaus de 1999, la canicule de 2003 ou encore les récentes inondations du sud de la France.

Les phénomènes climatiques extrêmes vont à la fois devenir plus nombreux, et ils auront également un impact sur le trait de côte beaucoup plus fort.

Les scientifiques néerlandais ont calculé que l'augmentation du niveau de mer a une implication directe sur la multiplication de ces phénomènes météorologiques extrêmes. Une élévation de 50 centimètres du niveau de la mer ramène la période de retour d'un évènement centennal à une période décennale. Une tempête telle que Xynthia ne doit pas être considérée comme un évènement rarissime, mais plus comme une des illustrations probable de ce dérèglement climatique.

Surtout, les évènements climatiques extrêmes tels que Xynthia auront des conséquences plus grandes sur le littoral. Les prévisions du BRGM sont relativement inquiétantes. Selon l'organisme de recherche, « le changement climatique attendu devrait être à l'origine d'une accélération de la circulation atmosphérique, avec une fréquence plus élevée et une intensité accrue des tempêtes. (...) Les événements météorologiques extrêmes avec l'augmentation de la fréquence, de l'intensité et la modification des trajectoires des tempêtes et des cyclones ont une incidence directe sur l'amplitude et la propagation de la houle, l'intensité et la direction des courants, la fréquence et l'amplitude des surcotes. Ces différents phénomènes provoqueront une accélération de l'érosion des plages et des falaises, une extension des submersions marines temporaires ou permanentes en cas de rupture d'un bourrelet dunaire ou sur les zones côtières basses. (...) Dans les zones côtières, les risques d'inondation, d'érosion et de disparition de zones humides augmenteront considérablement, avec de lourdes conséquences pour les activités humaines, l'industrie, le tourisme, l'agriculture, et les habitats naturels côtiers ».

II. UN CADRE LÉGISLATIF PERFECTIBLE

Rappel des premières préconisations de la mission dans son rapport d'étape

- Prendre en compte le risque de submersion marine au moyen d'outils spécifiques dans la transposition de la directive communautaire du 23 octobre 2007 relative à l'évaluation et à la gestion des risques d'inondation ;

- Préciser le contenu de la stratégie nationale de gestion des risques d'inondation ;

- Adapter la notion de bassin hydrographique à des zones littorales homogènes ;

- Confier la gestion des plans de gestion des risques d'inondation situés sur le littoral aux préfets de département ;

- Définir, sur les zones littorales, un autre cadre pour les collectivités territoriales que les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) ;

- Inclure dans les PGRI un bilan de l'existant et de l'état des éléments de protection contre la mer recensés sur cette zone (digues et cordons dunaires) ;

- Inclure dans les PGRI un document retraçant l'ensemble de la chaîne d'alerte, partant de la vigilance en allant jusqu'à l'évacuation ;

- Doter le PGRI d'un volet stratégique sur le littoral en confiant à la synthèse des éléments de stratégie le rôle d'évaluer la qualité de la coordination dans la gestion des risques.

A. UNE FRAGMENTATION DU DROIT ET DES OUTILS RELATIFS AUX RISQUES NATURELS

La politique française relative aux risques naturels se caractérise par une fragmentation générale . Elle se manifeste dans le cloisonnement des phases de prise en compte des risques : prévention, prévision, alerte, vigilance, secours, protection, indemnisation... Chacune fait l'objet de réflexions relativement compartimentées comme le sont du reste les administrations responsables de ces différentes phases. Cet éclatement est illustré par la multiplicité des instruments mobilisables : plans de prévention des risques d'inondation (PPRI), plans locaux d'urbanisme (PLU), plans d'action pour la prévention des inondations (PAPI), plans communaux de sauvegarde (PCS)... Enfin, cette fragmentation se retrouve également dans la sectorisation du droit correspondant à ces instruments : code de l'environnement pour les PPRI et les PAPI, code de l'urbanisme pour les PLU et les SCOT, code général des collectivités territoriales pour les PCS ...

Nombre des personnes auditionnées par la mission ont souligné ce manque de cohérence dans l'approche du risque d'inondation. Mme Chantal Jouanno, Secrétaire d'État chargée de l'Écologie, a reconnu qu'il fallait progresser pour intégrer en amont prévention des risques et organisation du territoire, mais aussi établir un lien entre la surveillance des phénomènes, l'alerte et la gestion de la crise. M. François Jacq, président-directeur général de Météo France, est convenu qu'il existait une pluralité d'instruments de prévision et qu'ils n'étaient pas intégrés.

De même, en matière d'urbanisme, l'impossibilité d'une approche intégrée et globalisée des risques naturels s'explique par l'absence de liens réels entre la législation relative à la prévention des risques (largement contenue dans le code de l'environnement) et le droit des sols (régi par le code de l'urbanisme).

Au nom du principe d'indépendance des législations , seuls les documents, les servitudes et les règles prévus par le code de l'urbanisme sont pleinement opposables aux actes pris dans cette matière. Cette vision juridique provoque une distinction presque imperméable entre l'urbanisme et la gestion des risques naturels . Cloisonnés et segmentés, ces deux domaines ne communiquent entre eux que de manière ponctuelle et incomplète. Le doyen Jean-Bernard Auby soulignait que la dualité entre le code de l'environnement et le code de l'urbanisme avait donné naissance à une « pluralité excessive de documents » qui créaient des zonages concurrents, voire contradictoires, et qui étaient un facteur de confusion et d'incompréhension pour les usagers.

B. LA DIRECTIVE COMMUNAUTAIRE RELATIVE À LA GESTION DES RISQUES DE 2007 : UN TEXTE NÉCESSAIRE MAIS PAS SUFFISANT

Avant d'analyser le contenu de cette directive, il est intéressant de s'arrêter un temps sur le choix fait par la Commission européenne de recourir à une directive et non à un règlement pour mettre en oeuvre une politique de gestion des risques d'inondations . Difficile de ne pas voir derrière ce choix l'aveu implicite d'une grande disparité dans l'approche de la gestion des risques entre les différents pays membres . Là où les Pays-Bas, pour des raisons évidentes, possèdent une culture du risque de submersion marine, Xynthia a révélé les incohérences du système français. L'objectif prioritaire de cette directive est donc d'inculquer un niveau minimum de culture de gestion du risque au sein des pays de l'Union. Pour y parvenir, la directive communautaire pose une méthode qui laisse une grande marge de manoeuvre aux États.

1. La méthode retenue par cette directive constitue un bon point de départ

La méthode de gestion des risques d'inondation retenue par ce texte repose sur plusieurs principes assez innovants en France. Elle doit constituer le socle d'une nouvelle politique de gestion des risques.

La directive communautaire relative à la gestion des risques d'inondation : une gestion globale du risque qui distingue trois étapes

La méthode de gestion des risques d'inondation retenue par ce texte repose à la fois sur plusieurs étapes assez innovantes pour la France et sur une approche nouvelle parce que globale de la gestion des risques.

Tout d'abord, la directive a élaboré une méthode de recensement des zones à risque. Cette méthode repose sur trois étapes successives :

- premièrement, elle impose le recensement des zones à risque : la directive impose aux États de recenser, sur l'ensemble du territoire national, les bassins soumis à un risque d'inondation et de les délimiter avec précision au niveau local. L'unité de gestion est donc le bassin hydrographique tel que défini par la directive communautaire relative à l'eau. Cette logique de bassin permet d'adopter pour chaque zone les outils adaptés au degré de risque ;

- ensuite, l'évaluation préliminaire des risques au moyen d'une cartographie : sur chaque bassin, les pouvoirs publics doivent disposer de deux éléments : d'une part, la carte des zones inondables, qui détaillent les territoires touchés selon le niveau de l'inondation, et la carte des inondations qui estiment les dégâts engendrés par une inondation ;

- enfin, la réduction des conséquences de l'inondation : sur la base de cette évaluation préliminaire, l'objectif retenu par l'Union européenne est de réduire le plus possible les conséquences de ce phénomène sur la vie humaine, l'activité économique ou l'environnement.

Surtout, la directive impose aux Etats une approche globale de la gestion des risques : c'est la méthode retenue pour permettre de réduire les conséquences d'une inondation. La directive impose aux États, pour chaque bassin, l'adoption d'un plan de gestion des risques d'inondation , plan qui regroupe l'ensemble des documents de prévision, protection et prévention. Surtout, ce plan a vocation à coordonner ces trois piliers.

Cette méthodologie est novatrice pour la France. Les trois étapes imposées par la directive vont constituer le cadre d'une nouvelle politique de gestion des risques.

Cependant, si le cadre d'action retenu est efficace, cette directive ne saurait suffire à elle seule puisqu'elle reste un texte général qui laisse à chaque Etat le soin de définir les outils de la gestion du risque.

2. Une grande marge de manoeuvre laissée aux Etats membres

Il faut interpréter ce texte comme une norme laissant une grande marge de manoeuvre aux États dans la mise en oeuvre de cette méthode .

Ainsi, la directive ne définit pas le contenu du plan de gestion des risques d'inondation (PGRI), véritable pivot de la gestion des risques. Le contenu de ce document, qui regroupe l'ensemble des documents permettant de gérer les risques d'inondation, peut donc fortement varier d'un pays à l'autre.

De même, la définition de la stratégie nationale de gestion des risques d'inondation est laissée à l'appréciation souveraine des Etats membres.

Surtout, ce texte ne distingue pas submersion marine et inondation classique. Il définit l'inondation comme la submersion temporaire par l'eau de terres qui ne sont pas submergées en temps normal.

Cette absence de distinction ne doit pas être considérée comme une obligation faite aux Etats de ne pas distinguer la submersion marine des autres inondations dans la mesure où la directive édicte des règles générales, indispensables, qui sont susceptibles de s'appliquer à toute inondation, quelle qu'en soit la cause. C'est donc encore une fois aux Etats membres d'adopter, s'ils le souhaitent, une politique spécifique de gestion des risques de submersion marine.

La transposition de ce texte dans notre droit aurait dû permettre de lever ces incertitudes en définissant clairement les outils de gestion des risques et en distinguant les cas de submersion marine. Mais le Gouvernement a fait un autre choix, en se contentant de reprendre le texte de la directive sans le compléter. C'est une occasion manquée qu'il conviendra de compenser.

C. UNE TRANSPOSITION EN DROIT FRANÇAIS A MINIMA

Cette directive a fait l'objet d'une transposition en droit français dans la loi portant engagement national pour l'environnement, dite « loi Grenelle II ». Adopté dans le cadre de la procédure accélérée, ce texte n'exploite pas entièrement les possibilités ouvertes par la directive, en se contentant d'une transposition a minima .

Principalement, si l'évaluation préliminaire des risques et la logique de bassin ont été reprises de manière optimale par ladite loi, plusieurs carences ne manquent pas d'interpeller.

1. L'absence de prise en compte du risque spécifique de submersion marine

La loi portant engagement national pour l'environnement reprend la définition des inondations retenue par la directive de 2007. Cela implique que la submersion marine ne fait pas l'objet d'une attention particulière. Or, si la France possède les outils de gestion des risques d'inondations liées aux crues des rivières, ce n'est toujours pas le cas pour la submersion marine. Le risque de submersion marine doit donc faire l'objet d'une prise en compte spécifique au moyen d'outils adaptés.

2. Une stratégie nationale de gestion des risques d'inondation insuffisamment définie

Si la loi fait référence à la stratégie nationale de gestion des risques d'inondation, son contenu n'est pas développé. La raison de cette absence de définition est simple : l'État attend le résultat de l'évaluation préliminaire des risques d'inondation avant de définir cette stratégie. Votre mission s'inquiète toutefois des délais d'adoption de cette dernière. En effet, une période de 18 mois semble envisagée, afin de conduire durant ce temps une concertation avec les différentes parties prenantes, ce qui conduirait à une adoption de ce document fin 2011.

3. Un plan de gestion des risques aux contours encore flous

Le dispositif imposé par l'Union européenne est sans aucune ambigüité : le plan de gestion des risques d'inondation est le document qui doit permettre la coordination, le lien entre les trois piliers de la gestion des risques . En d'autres termes, l'approche globale de la gestion des risques d'inondation se fait au moyen du plan de gestion des risques d'inondation.

Pourtant, la transposition assurée par la « loi Grenelle II » manque d'ambition : en intégrant le plan de gestion des risques de manière minimaliste en droit français, ce texte laisse subsister de nombreuses imprécisions.

Premièrement , le contenu des plans de gestion des risques d'inondation n'est pas assez complet :

- le regroupement des mesures et documents existants ne prévoit aucune coordination entre ces outils ;

- la synthèse de l'ensemble de la stratégie locale de gestion des risques ne fait l'objet d'aucune définition.

Deuxièmement , la gouvernance de ces plans de gestion pose deux questions.

Premièrement, le texte la confie aux préfets coordonnateurs de bassins, c'est-à-dire aux préfets de région. Pour ce qui est du risque de submersion marine, quel sera le préfet coordonnateur quand il s'agit d'un littoral homogène s'étendant sur plusieurs régions comme cela a été le cas pour Xynthia ?

De plus, si une concertation avec les collectivités territoriales est prévue, ses modalités ne font l'objet d'aucune définition.

Enfin , la « loi Grenelle II » confie aux établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) le soin d'apporter leur concours aux collectivités territoriales pour les aider à coordonner les actions qu'elles mènent pour réduire leur vulnérabilité face au risque d'inondation. Le contenu de cette mission de coordination est lui aussi assez flou. Mais surtout, votre mission s'interroge sur le fait de savoir si, dans le cas des zones littorales, les EPTB sont les interlocuteurs les mieux placés pour apporter leur aide.

4. La faiblesse du volet « réduction des conséquences d'une inondation »

Votre mission a constaté en premier lieu l'absence totale de référence à la réduction des conséquences d'une inondation, comme par exemple les ouvrages de défense. Cette absence est d'autant plus surprenante que ce volet fait l'objet d'une attention particulière dans la directive.

La transposition de la directive aurait du logiquement conduire le Gouvernement à proposer une stratégie nationale pour l'ensemble des dispositifs d'ouvrage naturels ou artificiels de défense contre la mer. En effet, ceux-ci ne peuvent assurer une réelle protection que s'ils sont régulièrement évalués, entretenus, confortés en permanence et rehaussés ou élargis à la hauteur du coefficient de sécurité fixé. Plusieurs critères auraient pu faire l'objet d'un examen particulier :

- la hauteur réelle des ouvrages comparée à la hauteur qui devrait être atteinte pour faire face aux surcotes les plus importantes en intégrant l'élévation du niveau de la mer ;

- la structure de la face externe de la digue qui est sous le choc direct des vagues ;

- la structure de la face interne de la digue, dont la fragilité et donc l'érosion est la cause essentielle de l'effondrement des digues en cas de surverse ;

- l'analyse de la sécurité des ouvrages d'alimentation et d'évacuation des eaux qui assurent le bon fonctionnement du réseau hydraulique des zones basses.

Le Gouvernement compte développer cette stratégie dans le plan qu'il annoncera à la mi-juillet et qui fera l'objet d'une consultation publique jusqu'à l'automne.

5. Deux innovations intéressantes mais qu'il conviendra de concrétiser

La « loi Grenelle II » comporte des innovations, l'une concernant l'urbanisme et l'autre l'information :

- la révision dans un délai de trois ans des SCOT et des PLU pour les mettre en cohérence avec le plan de gestion ;

- le renforcement des mesures d'information et de communication des risques.

Toutefois, ces mesures ne sont pas clairement définies par ce texte. Sur ces deux points, la mission fera des propositions pour compléter ces deux dispositifs 28 ( * ) .

6. Le renforcement du volet « inondation » des PPR

Les mesures en faveur des PPR prises dans le cadre de la loi portant engagement national pour l'environnement , permettront à court terme de les renforcer.

Ces mesures ont pour objet :

- d' éviter que des dispositions indispensables pour prévenir d'urgence certains risques et contenues dans des projets de PPR rendus applicables par anticipation cessent automatiquement d'être opposables passé un certain délai ;

- de simplifier la procédure de révision ne portant que sur une partie d'un territoire couvert par un PPR, en limitant les obligations de concertation aux seules communes sur le territoire desquelles la révision est prescrite ;

- de substituer à la phase d'enquête publique , en cas de modification partielle d'un PPR pour corriger des erreurs matérielles ou procéder à des aménagements de moindre importance, l'information du public en vue de lui permettre d'émettre des remarques durant le mois précédant l'approbation préfectorale de la modification ;

- de substituer une prescription règlementaire des dispositions d'ordre techniques aux actuels guides d'élaboration des PPR, qui fragilisent les plans en cas de contentieux, minimisent la prise en compte des risques et par conséquent minorent le degré d'exigence à l'égard des ouvrages de protection ;

- de renvoyer à un décret la détermination des méthodes de définition du degré d'aléa pris en compte dans les PPR, et des facteurs de risque associés.

En somme, malgré cet effort du Gouvernement concernant les PPR, cette transposition minimaliste est une occasion manquée dans la mesure où non seulement elle ignore la situation particulière du littoral et la spécificité des phénomènes de submersion marine, mais surtout elle n'engage pas suffisamment loin la logique d'approche globale définie par la directive alors même que les zones littorales l'exigent.

III. L'ABSENCE PÉNALISANTE DE CONSCIENCE DU RISQUE

A. UNE CULTURE DU RISQUE QUASI-INEXISTANTE

1. Une sensibilisation insuffisante de la population

Sans culture du risque, il n'y aura ni anticipation ni gestion des inondations. Pourtant, cet aspect de la politique de prévention des risques est très loin d'être satisfaisant , surtout si l'on compare notre pays à d'autres Etats membres de l'Union européenne.

De nombreux intervenants l'ont souligné. M. Jean-Bernard Auby, professeur des universités à Sciences Po, a rappelé que dans un pays comme la Grande-Bretagne , la cartographie des risques d'inondation est mise à disposition du public et induit une définition collective du niveau de risque acceptable , ainsi qu'une responsabilité individuelle des acquéreurs de biens. La France en reste à une « misérable culture du secret » qui pousse le citoyen à compter sur la protection de la puissance publique pour se prémunir contre les risques.

M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée, a pour sa part estimé que l'insuffisance de la culture du risque avait été pénalisante dans la phase d'alerte . M. Nicolas Camphuis, directeur du Centre européen de prévention des risques d'inondation (CEPRI), a déploré un manque certain de culture de l'évacuation . M. Loïc Prieur, avocat spécialisé en droit de l'urbanisme et loi du littoral, s'est dit surpris par le manque de connaissances juridiques des élus comme des agents de l'Etat.

S'agissant du volet « indemnisation », M. Laurent Montador, directeur de la Caisse centrale de réassurance (CCR), a souligné l' insuffisance de l'information donnée aux particuliers , celle-ci provenant soit des assureurs possédant des systèmes de géolocalisation de leurs polices, soit d'actes notariés. M. Bernard Spitz, président de la président de la fédération française des sociétés d'assurances (FFSA), a jugé que des formations adaptées auprès des populations devraient permettre d'être mieux préparé à vivre dans un monde où les risques seront de plus en plus présents et, surtout, de plus en plus importants.

2. Des explications dont on ne peut se satisfaire

Certes, ces lacunes trouvent des éléments d'explication . Ainsi, l' occurrence rarissime d'évènements comme la tempête Xynthia , dont la probabilité de survenance au cours d'une vie humaine est faible, empêche leur acculturation dans la mémoire collective. M. Stéphane Raison, directeur de l'aménagement et de l'environnement de Dunkerque port, ancien chef du service maritime et des risques de la direction départementale de l'équipement de la Vendée, a fait remarquer que « les submersions marines comparables à celle qui était intervenue lors de la tempête Xynthia avaient une récurrence très faible et que, de ce fait, elles n'étaient que rarement perçues comme un problème urgent par les élus locaux ». Il a ainsi pointé une « défaillance de la mémoire du risque, qui peut parfois mener à un véritable déni » et fait « obstacle au développement d'une véritable culture du risque en France métropolitaine ».

De plus, la technicité de règlementations comme le droit des sols rend leur assimilation peu aisée par le corps social, tandis que leur aspect contraignant les rend peu populaires .

M. Daniel Canepa, préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, président de l'association du corps préfectoral, a estimé que « les maires, qui sont les premiers responsables mais sont soumis aux pressions de leurs électeurs, rechignent à adopter une culture du risque ». Il a expliqué que les règles d'urbanisme, qui limitent le droit de propriété, mènent à la constitution d'associations et au déclenchement de contentieux lors de l'élaboration des PPRI, ce qui les prévenait d'en prendre l'initiative ou d'y donner suite. Il a également jugé que « les individus ont trop tendance à croire que l'Etat finira toujours par intervenir, quoiqu'il arrive, et à ne pas tenir compte personnellement des risques. Il est vrai que l'Etat, étant ce qu'il est, ne peut demander aux gens d'assumer seuls les risques qu'ils prennent et il intervient à chaque fois. (...) à chaque crise l'on crée une commission et l'on renforce les règles existantes, ce qui abaisse encore le niveau de vigilance ».

B. UNE NOUVELLE APPROCHE POUR LA SUBMERSION MARINE

1. La submersion marine : un risque spécifique

De nombreux intervenants ont rappelé qu'hors les dégâts causés, le risque de submersion marines , n'est guère comparable à aucun autre risque d'origine naturelle , ni même au risque de crue.

M. Philippe Sergent, directeur scientifique du centre d'études maritimes et fluviales, a indiqué à la mission que « les dispositifs dédiés à la submersion marine restent insuffisants, alors qu'il s'agit d'un phénomène qui doit faire l'objet d'un traitement spécifique ». A la différence des inondations fluviales , la submersion marine s'accompagne en effet « de marées, de houle et d'une dynamique des flux-reflux systématique ».

A la demande de votre mission, le centre d'études maritimes et fluviales a explicité la spécificité du phénomène de submersion marine dans un document qu'il lui a transmis.

LES SPÉCIFICITÉS DU RISQUE LITTORAL

(L'analyse du centre d'études maritimes et fluviales)

En première analyse, le risque côtier et le risque fluvial partagent les mêmes problématiques. Il s'agit d'étudier des phénomènes hydrauliques susceptibles de provoquer des inondations par débordement ou rupture des ouvrages de protection ou, sur une échelle de temps plus longue, mettant en danger les biens et les hommes par l'érosion des berges ou le recul du trait de côte.

Il apparaît néanmoins que la prévention des risques est sensiblement différente pour le risque littoral sur au moins quatre aspects : la spécificité des phénomènes naturels marins mis en jeu, la complexité des ouvrages de protection, la forte interaction entre aléas de submersion marine et érosion et le manque de connaissance de la vulnérabilité induite par les phénomènes extrêmes.

1. Des phénomènes naturels spécifiques

Les phénomènes hydrauliques maritimes comprennent principalement les variations du niveau de la mer, qui sont de plusieurs ordres : variations du niveau moyen à long terme, marée, décote-surcote et agitation du plan d'eau par les vagues.

Le niveau de la mer peut être décomposé suivant plusieurs contributions : le niveau moyen, la hauteur de marée théorique et la surcote-décote.


• Le niveau moyen est obtenu à partir d'observations sur une période de l'ordre de l'année et est considéré comme constant à cette échelle de temps. L'élévation du niveau de la mer, estimée à quelques millimètres par an, a un impact négligeable sur le risque à court terme mais son impact à long terme doit dès maintenant être anticipé.


• La marée est la variation du niveau de la mer due à l'action gravitationnelle des astres (principalement la lune et le soleil). La hauteur de marée est une donnée locale prédictible.


• Les surcotes et décotes sont les différences entre la marée prédite et la hauteur d'eau observée. Les surcotes correspondent à une hauteur d'eau supérieure au niveau prédit. Elles sont essentiellement d'origine météorologique et comprennent la surcote barométrique (environ + 1 cm pour - 1 hPa) et l'action du vent sur la surface de la mer. D'autres phénomènes plus rares, tels les seiches, oscillations engendrées par la mise en résonance de groupes de vagues dans les baies, les golfes ou les ports, sont également à l'origine de surcotes et décotes.

Les vagues sont des oscillations de courte période générées par le vent à la surface de la mer. On distingue la mer du vent qui est le système de vagues observé en un point situé dans le champ de vent qui engendre ces vagues et présente un aspect chaotique, de la houle qui désigne les vagues observées en un point éloigné du champ de vent qui les a engendrées et présente un aspect ordonné. Un état de mer définit l'agitation locale de la surface résultant de la superposition de la mer du vent et d'une ou plusieurs houle(s). Lorsque la profondeur de l'eau diminue, la houle est ralentie, sa hauteur augmente et sa cambrure est modifiée (phénomène de gonflement à la côte). En arrivant près du rivage, l'excès de cambrure provoque le déferlement. Le déferlement est un phénomène dissipatif de l'énergie de la houle qui peut prendre différentes formes (déferlement glissant, plongeant ou frontal) en fonction des caractéristiques morphologiques et bathymétriques de la côte. Le déferlement de la houle engendre une surélévation du niveau moyen de l'eau à la côte ainsi qu'une surélévation dynamique liée au train de vagues : le jet-de-rive.

Les tsunamis, qui sont des ondes de longues périodes d'origine non météorologique puisque provoqués par des séismes, des glissements sous-marins ou des explosions volcaniques, ne seront pas considérés ici.

2. Les risques littoraux

Les risques littoraux au sens des « plans de prévention des risques littoraux (PPRL) » comprennent essentiellement le risque de submersion, le risque de recul du trait de côte et le risque induit par les avancées dunaires. Ce dernier, peu lié aux phénomènes hydrauliques, ne sera pas abordé.

2.1 Le risque de submersion

Il existe trois grands mécanismes de submersion :


• le débordement, lorsque le niveau de la mer est supérieur à la cote de crête des ouvrages ou au terrain naturel,


• le franchissement par paquets de mer,


• la rupture ou destruction d'un cordon dunaire ou d'un ouvrage de protection.

La quantification de l'aléa de submersion par débordement nécessite d'estimer la probabilité d'occurrence d'un niveau d'eau donné à partir de ses composantes de marée et de surcote, sur la base de méthodes d'estimation statistiques. Le calcul des périodes de retour, s'il peut être envisagé pour certains points où l'on dispose d'historiques de mesures longs, reste localisé et l'extrapolation sur toute une zone géographique est délicate.

Le franchissement des ouvrages ou du terrain naturel par paquets de mer est lié au dépassement de la crête des ouvrages par la houle après déferlement alors que le niveau d'eau ne l'a pas encore atteint. Compte tenu des données météorologiques disponibles, il est possible de caractériser le régime de houle au large et de le valider à l'aide des mesures enregistrées par les houlographes le long des côtes. Il est ensuite nécessaire d'utiliser des modèles numériques pour propager cette houle jusqu'à la côte, la forme de la houle étant fortement conditionnée par la bathymétrie, puis de calculer les débits de franchissement en fonction du niveau d'eau. Là encore, il sera nécessaire d'utiliser des modèles statistiques pour évaluer la concomitance d'un niveau d'eau donné avec un certain régime de houle à la côte.

Enfin, des submersions marines peuvent se produire dans le cas de défaillance d'un ouvrage de protection ou de formation de brèche dans un cordon dunaire due aux attaques marines, notamment du fait de l'énergie libérée par la houle lors du déferlement. Ce type de submersion est directement imputable à la construction et/ou l'entretien de l'ouvrage ou à l'intégrité du cordon dunaire et sa capacité de résilience.

Les phénomènes naturels à l'origine de la submersion marine comprennent les variations du niveau de la mer liées à la marée et aux effets météorologiques et le déferlement de la houle sur la côte. De plus, l'interaction entre érosion et submersion est nécessairement à prendre en compte. Par comparaison, l'aléa fluvial est essentiellement contrôlé par les conditions hydrologiques et le risque principalement associé au niveau d'eau.

2.2 Le risque d'érosion

Le risque principal associé à l'érosion est le recul du trait de côte qui est défini comme la laisse des plus hautes mers astronomiques de coefficient 120, avec des conditions météorologiques normales. Dans la pratique, il existe des méthodologies de détermination de la position du trait de côte suivant les caractéristiques morphologiques du littoral. Le taux de recul annuel moyen, extrapolé à partir des observations existantes sur l'évolution de la position du trait de côte, permet de déterminer les secteurs soumis à l'aléa érosion.

L'érosion résulte des effets combinés de la marée, des courants, de la houle, des vents, des processus continentaux et des tempêtes. Les processus naturels sont souvent aggravés par les activités humaines : limitation des apports sédimentaires par la construction de retenues, extraction de matériaux, perturbation des mécanismes de transport sédimentaires par les ouvrages maritimes et aménagements de front de mer, fragilisation des protections dunaires naturelles...

L'étude des processus d'érosion doit intégrer différentes échelles de temps (de la tempête aux évolutions géomorphologiques de long terme) et d'espace (de la plage à la cellule hydrosédimentaire). La complexité des processus littoraux nécessite la mise en oeuvre d'études pluridisciplinaires lourdes pour quantifier le risque de recul du trait de côte et la dynamique associée sur des échelles de temps longues.

Si l'érosion est principalement associée au risque de recul de la côte, elle peut avoir un impact sur les défenses côtières naturelles (rupture de cordons dunaires) ou artificielles (sape des fondations des ouvrages) et être en partie la cause de submersions marines.

Les mécanismes d'érosion côtière par les courants, la marée et la houle sont complexes et doivent être appréhendés à différentes échelles de temps et d'espace.

3. Une protection complexe

Les ouvrages de protection contre le risque de submersion doivent répondre au risque de débordement lié à l'élévation du niveau d'eau et, dans une certaine mesure, au risque de franchissement par les paquets de mer. Ils sont donc dimensionnés à partir d'un niveau marin de référence et doivent résister aux sollicitations engendrées par la mer. Ces contraintes spécifiques au littoral (déferlement, marée) complexifient le calcul des ouvrages par rapport au dimensionnement des digues fluviales. Les solutions techniques mises en oeuvre sont donc distinctes. Comme pour les risques fluviaux, la nature spécifique de la domanialité littorale et l'absence de gestionnaire identifié pour la majorité des ouvrages rendent difficile la connaissance du niveau de protection offert par les ouvrages existants.

Les ouvrages de protection contre l'érosion ont souvent été construits empiriquement. Ces ouvrages, souvent anciens, n'ont pas pris en compte l'impact à moyen terme des aménagements sur l'équilibre hydrosédimentaire global, aggravant dans certains cas les processus d'érosion côtière dans d'autres zones. Le manque de recul sur certaines techniques de protection ne permet pas toujours de juger de l'efficacité des protections mises en place.

Les ouvrages de protection du littoral peuvent cumuler plusieurs fonctions :


• protection contre l'érosion du trait de côte, de manière directe ou indirecte,


• protection contre la submersion marine,


• protection contre l'agitation du plan d'eau.

Ces fonctionnalités multiples conduisent à une typologie des ouvrages plus riche que celle des digues fluviales : murs, perrés, digues, brise-lames, épis... à laquelle il convient d'ajouter les « ouvrages naturels » de type cordon dunaire ou cordon de galets et les protections difficilement classifiables comme ouvrages : drainage, confortement dunaire, by-pass, pieux...

La gestion du littoral et son aménagement doivent intégrer la spécificité des phénomènes naturels. Ils doivent en particulier prendre en compte l'espace de liberté du littoral, lié aux variations saisonnières et pluri-annuelles de sa morphologie et donc de la position du trait de côte. Cet espace de liberté, souvent négligé par le passé, conduit aujourd'hui à envisager la gestion du littoral autrement.

La protection n'est pas une réponse unique face aux aléas littoraux. Une bonne connaissance des aléas et des enjeux vulnérables est nécessaire pour choisir une stratégie adaptée au contexte local. Les mesures envisageables sont :


• le maintien du trait de côte,


• la restauration du fonctionnement naturel avec une intervention limitée,


• un suivi de l'évolution sans intervention lorsque les risques sont limités,


• le recul stratégique, lorsque les enjeux sont faibles ou les moyens de protection trop coûteux ou non réalisables.

La mise en oeuvre de cette stratégie nécessite le développement de nombreux outils spécifiques (analyses coût-bénéfices, ...) afin de déterminer pour chaque secteur la stratégie adaptée et sa mise en oeuvre. L'impact du changement climatique et l'accélération de l'élévation du niveau de la mer renforcent aussi la nécessité d'une communication et d'un débat important sur ce sujet.

Les ouvrages de protection du littoral sont dimensionnés pour des sollicitations spécifiquement maritimes et sont souvent intégrés simultanément dans la lutte contre l'érosion et la submersion et dans une démarche plus globale de stratégie de gestion du trait de côte. Ils doivent notamment prendre en compte la forte pression foncière et l'implantation d'activités touristiques sur le littoral. Il en résulte une grande diversité d'ouvrages dont la typologie déborde celle des ouvrages fluviaux.

4. Une connaissance imparfaite de la vulnérabilité du littoral

La vulnérabilité littorale est définie par le niveau de conséquences d'un phénomène physique naturel sur les biens et les personnes.

Les études historiques permettent le plus souvent de connaître les étendues des zones submergées dans le passé. Néanmoins, pour les submersions anciennes, la connaissance précise des données météorologiques et de la dynamique de l'événement est souvent impossible. Les phénomènes à l'origine du risque sont le plus souvent caractérisés au large. L'évaluation précise de leurs conséquences sur le littoral doit faire appel à des outils de modélisation. Sur la majeure partie du littoral, celle-ci est impossible en l'absence de modèle numérique de terrain d'une précision suffisante. Le programme national Litto3D, destiné à combler ce manque, est loin d'être achevé. Ces levés topographiques et bathymétriques précis permettraient de modéliser les phénomènes hydrauliques jusqu'à la côte mais surtout de pouvoir définir précisément l'ampleur des zones submergées. Les données altimétriques actuelles, d'une précision souvent métrique, ne permettent pas une telle cartographie.

L'impact du changement climatique sur le risque de submersion conduit à envisager l'effet d'une hausse du niveau marin moyen de 1m en 2100. Cette élévation du niveau d'eau aura plusieurs conséquences :


• une plus grande vulnérabilité à la submersion par débordement des ouvrages,


• une plus grande vulnérabilité à la submersion par franchissement des ouvrages : l'augmentation du niveau d'eau en proche côtier facilitera la propagation de vagues d'amplitude plus importante sur le littoral,


• une modification des états de mer à la côte aggravant les phénomènes d'érosion et de déstabilisation des ouvrages.

Les phénomènes hydrauliques à l'origine du risque de submersion littorale étant par nature plus complexes que les phénomènes fluviaux, les conséquences d'un phénomène extrême donné sur les biens et les personnes sont plus difficiles à appréhender.

Il existe des outils de préfiguration du calcul des surcotes marines au large (Prévimer) qui permettent de prévoir sur une partie des côtes l'amplitude des phénomènes extrêmes. Néanmoins, ces prévisions ne permettent pas d'anticiper les conséquences de ces phénomènes sur le littoral au niveau local, ni de proposer les conseils de comportement adaptés.

Si la vigilance et la prévision des inondations a été mise en oeuvre de façon efficace avec les services de prévision des crues et le SCHAPI pour un grand nombre de cours d'eau, la vigilance « vague-submersion » n'est pas encore en phase opérationnelle, et aucun système de prévision des risques de submersion marine 'existe.

En conclusion, le milieu littoral, de part la complexité des sollicitations auxquelles il est exposé, présente des mécanismes d'érosion et d'inondation spécifiques. La protection des côtes est assurée par des ouvrages dont la typologie est plus large que celle des digues de protection fluviales et doit s'intégrer dans une stratégie globale de gestion du trait de côte. Enfin, si la connaissance et l'anticipation des phénomènes dangereux au large est accessible, la caractérisation de leur impact sur le littoral à l'échelle locale n'est pas encore réalisée.

Les instruments de planification et de gestion des risques doivent donc être adaptés à la spécificité du risque de submersion marine . M. Jacques Oudin, vice-président du conseil général de Vendée, a ainsi regretté, au sein des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), « l'absence de distinction entre le risque de submersion marine, conditionné par le coefficient de marée, la force du vent, la pression atmosphérique et la topographie du littoral, et le risque de crue ». Le volet « submersion marine » de ces schémas, dont les six derniers ont été adoptés en 2009, a en effet été reporté à 2015.

S'il existe des ressemblances évidentes, entre inondations par crues et inondations par submersion, notamment dans les dommages subis ou les mesures d'urgence, les causes, les modes d'action et les mesures à prendre divergent en grande partie. Ces différences ont poussé votre mission à préconiser la mise au point, aux côtés de PPR traitant des inondations par crues (les PPRI), de PPR spécifiques au risque de submersion (les PPRS).

2. Le nécessaire renforcement de la coordination des outils de gestion des risques

La prise en compte spécifique du risque de submersion marine doit être accompagnée par une nouvelle approche du risque . Comme l'ont rappelé de nombreuses personnes auditionnées par la mission, l'une des principales causes des défaillances constatées lors du passage de la tempête Xynthia trouve leur origine dans une mauvaise coordination entre les outils de gestion du risque. La France dispose déjà de très nombreux outils, qu'il s'agisse des PPR, des PCS, des PAPI ou encore des SDAGE. Mais aucune gestion globale de l'ensemble de ces documents n'existe. Ainsi, les communes concernées par un PPR, donc soumis à un risque d'inondation connu et identifié, ne possèdent pas toutes un plan communal de sauvegarde.

Cette absence de gestion globale s'explique non seulement par la fragmentation de notre droit, mais surtout par l'absence de pilotage pragmatique de la gestion du risque.

C'est la raison pour laquelle votre mission estime qu'il est indispensable de prévoir un véritable pilotage de la gestion du risque qui permettrait de coordonner les documents entre eux et de ne plus cloisonner prévention, prévision et protection.

Cette approche globale, qui s'inscrit dans la continuité de la logique de bassin imposée par la directive communautaire, doit permettre de mettre en place une politique ambitieuse de réduction des risques liés aux inondations fondée à la fois sur un pilotage opérationnel et sur une gestion de l'espace adaptée à l'existence du risque.

Votre mission a donc élaboré des propositions pour mieux prendre en compte le risque spécifique de submersion marine, créer un pilotage opérationnel de la gestion du risque en coordonnant mieux ses trois piliers et rechercher un aménagement de l'espace qui intègre l'existence du risque.

*

3ÈME PARTIE : PROMOUVOIR UNE APPROCHE GLOBALE DU RISQUE DE SUBMERSION MARINE

Votre mission juge indispensable de promouvoir une approche globale du risque de submersion marine qui permette d'intégrer les différents volets de sa gestion (prévision, prévention et protection) et de développer une véritable culture du risque.

Cette conviction la conduit à recommander une démarche qui permette de combiner efficacement une stratégie nationale avec une gestion locale opérationnelle sur chaque zone littorale homogène (I).

Votre mission juge en outre indispensable de mieux anticiper le risque de submersion marine. Ses propositions portent tout à la fois sur les systèmes de prévision et d 'alerte , sur le droit des sols qui doit être adapté à l'existence du risque, sur la préparation de la population à la survenance du risque et sur la protection des populations par une nouvelle politique de gestion des digues (II).

Une meilleure gestion apparaît par ailleurs nécessaire lorsque la submersion marine se produit . Cela passe par une meilleure coordination des secours et par une réparation effective des dommages causés par la submersion (III).

Enfin, pour votre mission, la gestion du risque ne peut être dissociée de l'enjeu majeur que constitue l'aménagement de l'espace littoral . C'est pourquoi elle formule des propositions destinées à concilier ces deux exigences (IV).

I. LA COMBINAISON D'UNE STRATÉGIE NATIONALE ET D'UNE GESTION LOCALE OPÉRATIONNELLE

A. ETABLIR UNE CARTOGRAPHIE NATIONALE DES ZONES SOUMISES A UN RISQUE DE SUBMERSION MARINE

1. La cartographie des zones à risque : quel bilan ?

Rappel des premières préconisations de la mission dans son rapport d'étape

- Déclarer inhabitables les zones exposées à un danger mortel, c'est-à-dire à un risque naturel tel qu'il n'est pas possible d'y mettre en place une protection efficace des populations ;

- Retenir le terme de « zone d'acquisition amiable » plutôt que celui de « zone noire » ou de « zone de solidarité », afin de souligner que la principale caractéristique de ces zones est qu'une procédure d'indemnisation rapide et équitable y sera menée ;

- Ne pas considérer les périmètres des « zones d'acquisition amiable » comme définitivement figés : des expertises complémentaires doivent être menées, avant la constitution du dossier d'enquête publique, à la marge de ces zones ;

- Pour l'expropriation dans les « zones d'acquisition amiable », préserver les droits des propriétaires en recourant aux dispositions relatives à l'expropriation pour risque naturel majeur créé par la loi « Barnier » du 2 février 1995 ;

- Organiser une enquête publique par zone ;

- Assurer un relogement à long terme des sinistrés dans leur agglomération d'origine.

La mise en place des « zones noires » a été annoncée, dès le 16 mars 2010, par le Président de la République. Elles peuvent être définies comme des zones soumises à un danger mortel tel qu'elles doivent être déclarées inhabitables.

Lors de leur déplacement en Charente-Maritime et en Vendée les 14 et 15 avril, les membres de la mission ont pris la mesure de la vive émotion suscitée par la cartographie des « zones de danger mortel », qui avait été rendue publique quelques jours auparavant. De nombreux sinistrés ont eu le sentiment d'être condamnés à une « double peine » après la tempête.

À la lumière des informations recueillies sur le terrain et au cours de ses auditions, votre mission avait, dans son pré-rapport, formulé certaines observations et appelé à clarifier les fondements juridiques, les enjeux et les modalités de mise en oeuvre de cette procédure .

A l'occasion du débat organisé au Sénat le 16 juin dernier, Mme Chantal Jouanno, Secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie, a fait valoir que « les zones de solidarité ont été annoncées le 7 avril pour donner à ceux dont la maison était complètement inondée ou détruite et qui étaient logés soit chez des amis, soit à l'hôtel, ne pouvaient ni réemménager, ni vendre leur maison, une possibilité immédiate de se défaire de cette maison. » Elle a exprimé le souci du Gouvernement « que les personnes puissent reconstruire leur vie et donc qu'elles puissent vendre leur maison à un prix tout à fait satisfaisant, celui du marché avant la tempête.»

Il convient désormais de déterminer si et comment les observations de la mission ont été prises en compte, et d'évaluer la manière dont la suite du processus a été conduite.

a) La définition des « zones noires »

V otre mission approuve le principe selon lequel les zones de danger mortel devaient être déclarées inhabitables. Toutefois, elle s'étonne de la faiblesse juridique de leur définition.

La décision de sanctuariser les zones exposées à un « danger mortel » a été formalisée par une circulaire du 18 mars 2010 , qui demandait aux préfets de Vendée et de Charente-Maritime de procéder, en lien étroit avec les cabinets ministériels compétents et avec l'aide d'experts nationaux 29 ( * ) , à la délimitation de « zones d'extrême danger ».

Pour être considérées comme telles, les zones devaient répondre à deux critères, au moins , parmi les suivants :

- la hauteur d'eau constatée sur le terrain lors de tempête devait être supérieure à un mètre ;

- la zone devait se situer à moins de 110 mètres d'une digue , et donc être exposée à des effets de vague violents en cas de rupture ou de submersion de la digue ;

- les phénomènes hydrauliques caractérisant la vague devaient induire une forte vitesse de montée des eaux ;

- les habitations situées dans la zone devaient être très endommagées, si bien qu'elles ne pourraient que difficilement être reconstruites avec un refuge ;

- la zone devait former un ensemble cohérent et homogène : il s'agissait de garantir que la délimitation des « zones noires » ne crée pas de mitage urbain , puisque le maintien de propriétés éparses augmenterait leur vulnérabilité et rendrait leur évacuation plus hasardeuse en cas de sinistre.

Les associations de sinistrés ont fait valoir à votre mission que d'autres critères ont été pris en compte pour définir les « zones noires » : l'intérêt environnemental de la parcelle, l'existence d'un risque d'effondrement immédiat ou a contrario , le coût du foncier.

En outre, il est apparu rapidement à la mission que le fondement juridique de la « zone noire », outil d'une expropriation, était mal assuré et donnerait lieu à des contentieux multiples sur une longue durée.

Les « zones noires » ont été complétées par deux autres types de zones :

- les « zones jaunes », ou « zones de prescription » , zones où le risque de submersion marine, bien que réel et fort, peut être maîtrisé en imposant aux habitants d'effectuer des aménagements spécifiques sur leur résidence. Le Gouvernement a donné instruction aux préfets de définir un « programme de protection » de ces zones pour le 30 juin 2010 ;

- des « zones oranges », catégorie hybride , définissant des zones dans lesquelles des expertises supplémentaires devaient être réalisées afin de déterminer si elles ressortissaient de la « zone noire » ou de la « zone jaune », ont été délimitées.

b) Le processus de délimitation des « zones noires » : manque de transparence et confusion

Dans son pré-rapport, votre mission avait souligné que la cartographie des « zones de danger mortel » avait été mise en place de manière précipitée .

Elle confirme que, sur la base de relevés effectués juste après le passage de la tempête Xynthia, un premier zonage a été élaboré par les experts nationaux et les services préfectoraux, puis transmis au ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer (MEEDDM) dès le 21 mars -soit trois jours, à peine, après la publication de la circulaire fixant les critères de définition des « zones noires » .

Entendus par votre mission, les experts nationaux ont indiqué que, sur la base de ce premier zonage, des expertises complémentaires avaient été menées pour trancher les cas les plus complexes et pour « vérifier que [la première cartographie] ne contenait aucune aberration » 30 ( * ) . Dans le même temps, un dialogue itératif s'est noué entre les cabinets ministériels, les services centraux et les services préfectoraux afin d'affiner et de préciser le tracé des « zones de danger mortel ».

Ainsi finalisée, la délimitation des « zones noires » a été rendue publique les 7 et 8 avril 2010 . Au total, plus de 1 500 habitations (dont 915 en Vendée et environ 600 en Charente-Maritime), réparties sur une vingtaine de communes, étaient concernées.

(1) Un zonage élaboré sans concertation préalable

Votre mission avait marqué, dans son pré-rapport, son accord avec le principe selon lequel les zones de danger mortel devaient être déclarées inhabitables.

Toutefois, elle n'a pu qu'être étonnée en prenant connaissance des conditions dans lesquelles le zonage a été élaboré.

Dans son pré-rapport, elle avait ainsi relevé que certaines des données utilisées comme critère des « zones noires » n'avaient pu être appréhendées que de manière théorique, abstraite et indirecte.

Comme l'ont admis les experts nationaux lors de leur audition, le zonage a été largement réalisé « à dires d'experts » : faute de temps, certains éléments (comme la vitesse de déferlement de la vague, ou la possibilité de mettre en place des ouvrages de protection performants) n'ont pas pu faire l'objet d'une vérification empirique.

De même, la cartographie des « zones de danger mortel » a été mise en place sans concertation avec les populations, ni avec les élus locaux . Ce manque de dialogue a été mal vécu par les sinistrés, qui auraient souhaité être associés à l'élaboration du zonage et qui ont déploré le caractère unilatéral de l'action de l'Etat. Cette incompréhension n'a pu, d'ailleurs, que se renforcer lorsque la cartographie a été rendue publique et qu'il est apparu que des propriétés qui n'avaient pas -ou peu- été inondées avaient été incluses dans les périmètres de « danger mortel », tandis que d'autres, qui avaient subi de fortes inondations, s'en trouvaient exclues : votre mission a ainsi constaté que, tandis que des zones exposées à un risque sérieux et manifeste avaient été classées en « zone jaune » (comme, par exemple, dans la commune de Port-les-Barques), d'autres avaient été incluses dans une « zone noire », alors même qu'elles ne semblaient pas présenter un degré de risque suffisant pour justifier cette classification.

À titre d'exemple, M. Pierre Beurel, propriétaire d'une maison de Loix-en-Ré et membre du collectif des associations de victimes de l'après Xynthia, a indiqué devant votre mission que sa maison avait été classée en « zone noire » alors même qu'elle ne répondait pas aux critères posés par la circulaire du 18 mars 2010 31 ( * ) et que, dans d'autres communes de l'Île-de-Ré très gravement touchées par la tempête et où des hauteurs d'eau proches de deux mètres avaient été constatées, aucune « zone d'extrême danger » n'avait été instituée.

Cette situation a nourri la suspicion des sinistrés à l'encontre des « zones noires » -dont certains ont soupçonné qu'elles avaient été définies en fonction de critères financiers, plutôt qu'en fonction du degré de risque que présentaient les parcelles concernées.

Par ailleurs, au vu du nombre élevé de maisons classées en « zone noire », les membres de votre mission ont été surpris d'apprendre , en entendant les experts nationaux, que seuls 10 % du zonage avaient été modifiés entre le 21 mars et le 7 avril -ce qui implique nécessairement que 90 % de la cartographie ont été fixés en l'espace de quatre jours.

Ce constat est d'autant plus préoccupant que, toujours selon les experts nationaux, ces 10 % de variation sont principalement dus à un changement de classification de certaines parcelles , qui sont passées de la « zone noire » à la « zone jaune », et inversement : en d'autres termes, la délimitation globale des zones « à risque » n'a quasiment pas évolué depuis le 21 mars.

À cet égard, votre mission avait accueilli favorablement les déclarations des experts nationaux qui, le 6 mai 2010, avaient précisé que des expertises complémentaires étaient en cours depuis le début du mois d'avril et qu'elles permettraient, grâce à une meilleure prise en compte des remarques des élus locaux et grâce à des diagnostics de terrain, de réviser le zonage rendu public le 7 avril 2010.

Toutefois, la cartographie des « zones noires » n'a pas été modifiée en profondeur depuis lors , et les sinistrés de Charente-Maritime ont affirmé n'avoir vu aucun expert sur le terrain depuis le 8 avril -sauf dans quelques cas où de nouveaux relevés ont été effectués sur les pourtours des « zones d'extrême danger » pendant une demi-journée.

Enfin, votre mission constate que le devenir des « zones oranges » avait fait l'objet de très longues incertitudes . Alors que l'État avait promis aux sinistrés que le sort de ces « zones intermédiaires » serait réglé sous quinze jours à compter de la parution du zonage, il a fallu atteindre le milieu du mois de juin (c'est-à-dire plus de trois mois et demi après le passage de Xynthia) pour que le classement de certaines d'entre elles en zone noire ou jaune soit définitivement décidé 32 ( * ) . De tels délais sont inadmissibles et vont à l'encontre de la philosophie de ces périmètres, dont la définition rapide devait justement donner des assurances à ceux dont la maison avait été dévastée.

(2) Des « zones noires » aux « zones de solidarité » : une expression publique confuse et contradictoire

Sur la forme, votre mission a été frappée par la confusion de l'expression publique sur les « zones d'extrême danger ». Au sein du Gouvernement, les messages de fermeté ont alterné avec des marques d'ouverture plaidant pour un examen contradictoire du tracé des « zones noires » et pour un renforcement de la coopération entre l'État et les élus locaux sur ce dossier. Les termes employés par les membres du Gouvernement se sont fait l'écho de ce va-et-vient continu : au cours de leurs auditions par votre mission, certains ont privilégié l'expression « zones de solidarité », pour mettre l'accent sur les modalités d'indemnisation exceptionnellement favorables qui sont mises en oeuvre au sein des zones à risque, tandis que d'autres souhaitaient conserver les termes « zones noires », pour marquer l'existence d'un danger mortel avéré, grave et sérieux pour les populations.

Cette communication hésitante a contribué à entretenir l'angoisse chez les sinistrés , ce qui explique en partie les réactions vigoureuses de certains d'entre eux. Entendue par votre mission, Mme Marie-Françoise Simon-Rovetto, déléguée à la solidarité pour la Vendée, a ainsi affirmé avoir été marquée par le « déficit d'explication » sur les zones noires et que, dans ce contexte troublé et incertain, les sinistrés s'étaient « réapproprié les critères en retenant ce qu'il y avait de plus palpable pour eux, par exemple le niveau d'eau à l'intérieur des maisons », ce qui avait provoqué de nombreux malentendus.

De la même manière, l'ensemble des associations de sinistrés ont mis en avant l'état de souffrance psychologique intense dans lequel se trouvaient les propriétaires de maisons situées en « zone noire » ou en « zone orange » qui, tous, ont mal vécu la communication chaotique et parfois contradictoire.

En tout état de cause, le manque de transparence du processus de délimitation des zones à risque n'est pas à la hauteur de l'enjeu de solidarité nationale qui doit caractériser les réponses à une catastrophe naturelle de grande ampleur.

(3) Une tentative de rationalisation

Prenant en compte l'ensemble de ces éléments, votre mission avait considéré que les notions de « zone noire » et de « zone de solidarité » étaient inappropriées, faute de sens ou de fondement juridique. Elle avait privilégié la notion de « zones d'acquisition amiable » , qui lui avait paru susceptible de refléter la nature réelle de ces zones : celles-ci sont en effet caractérisées par le fait que l'État y ouvre un droit à une indemnisation rapide, dans des conditions favorables, pour les propriétaires qui souhaitent quitter un secteur dont ils connaissent les dangers.

Au 5 juillet 2010, les agents de France Domaine avaient visité 1 156 maisons . 456 offres d'acquisition amiable avaient été acceptées.

Votre mission avait souligné que le zonage n'était pas un simple document préparatoire dénué de toute portée juridique. La cartographie des « zones noires » est un acte administratif décisoire dont l'incidence sur la vie des sinistrés n'est plus à démontrer. Dès lors, elle avait appelé l'État à mieux tenir compte des craintes et des attentes des sinistrés.

A l'heure de ce rapport final, votre mission ne peut que constater que cet appel n'a pas été pleinement entendu .

Des efforts ont été faits par le Gouvernement pour clarifier et unifier sa communication. Jean-Louis Borloo, ministre d'État en charge de l'écologie, du développement durable et de la mer, a précisé que les maisons situées en « zone noire » n'avaient pas vocation à être détruites du seul fait de cette classification, et qu'il ne s'agissait pas de « zones de destruction massive »- et qu'une enquête publique impartiale et contradictoire devra intervenir préalablement à toute expropriation. Les membres du Gouvernement ont également insisté sur le fait que la déclaration d'utilité publique fondant l'expropriation pourrait être contestée devant le juge administratif et que le montant de l'indemnisation pourrait être révisé par le juge civil. De même, à l'occasion du débat organisé au Sénat le 16 juin dernier, Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'Écologie, a rappelé que « les procédures d'expropriation sont extrêmement encadrées, des périmètres seront définis pour la déclaration d'utilité publique, sur la base d'une enquête publique et d'une expertise précise parcelle par parcelle, et l'expropriation ne pourra être accordée que s'il n'y a pas de protection possible. Elle ne se fera que sous le contrôle du juge ».

Il s'agit là d'évidences juridiques qui s'imposent au gouvernement comme à toutes les parties. Elles auraient du être indiquées dès le début de la procédure.

Parallèlement, votre mission constate que toutes les incertitudes n'ont pas été levées . A titre d'exemple, la loi « Barnier » de 1995 prévoit, en cas d'expropriation pour risque naturel majeur, qu'un « bilan » financier devra être réalisé afin de démontrer, préalablement au lancement d'une procédure d'expropriation, que cette solution est moins coûteuse que la mise en place de protections adaptées. En complément, le Conseil d'État précise que l'autorité publique peut être dispensée d'effectuer un tel « bilan » dès lors qu'aucune mesure ne peut efficacement protéger les populations 33 ( * ) . Pourtant, aucune information claire n'a été donnée, lors de leurs auditions, par les membres du Gouvernement sur la portée exacte qu'ils donnaient à ce critère de « bilan financier » : une incertitude demeure donc sur la gestion à venir de la procédure d'expropriation et sur les critères sur lesquels elle sera engagée.

Proposition n° 1 de la mission :

Clarifier la portée du critère de « bilan financier » dans la procédure d'expropriation.

(4) L'action des délégués à la solidarité : un bilan mitigé

Conformément aux déclarations du Premier ministre du 13 avril dernier, des délégués à la solidarité ont été nommés afin de favoriser une meilleure compréhension de l'action du Gouvernement sur le terrain.

Chargés de « recevoir toutes les personnes qui souhaitent des explications sur les critères qui ont été choisis par l'État [pour la délimitation des zones noires et des zones jaunes], sur les procédures d'indemnisation et qui souhaitent aussi faire valoir leurs arguments lorsqu'ils contestent ces critères » 34 ( * ) , et placés sous l'autorité des préfets de département, les délégués à la solidarité ont eu une large visibilité : leur présence a en effet été relayée par les préfectures, mais aussi par la presse locale et certaines mairies.

Les délégués ont ainsi pu remplir leur rôle de « relais » des pouvoirs publics auprès des propriétaires de maisons situées en « zone noire » en réalisant tant des entretiens individuels , d'une durée d'une heure environ, pour les sinistrés ayant des problèmes particuliers à leur soumettre, que des réunions collectives pour transmettre des informations générales aux sinistrés.

L'audition menée par votre mission a fait apparaître que la principale fonction des délégués à la solidarité avait été d'« humaniser » les zones d'acquisition amiable . Mme Marie-Françoise Simon-Rovetto a reconnu, implicitement, que les délégués n'avaient pas apporté une réelle plus-value aux sinistrés en termes d'expertise ou de connaissances techniques ; elle a ainsi rappelé que « la préfecture avait déjà mis sur pied des cellules dédiées à l'acquisition amiable, aux problèmes d'assurance, à la médiation du crédit, au relogement et aux questions sociales ainsi qu'à l'accompagnement psychologique » et que, en conséquence, la tâche des délégués « était de sérier les problèmes » : « nous étions une espèce de « super numéro vert » ».

Votre rapporteur a déploré que les délégués à la solidarité aient adopté une « logique de guichet » en laissant les propriétaires de maisons en « zone d'acquisition amiable » venir à eux, plutôt que de privilégier une attitude proactive ; il a ainsi estimé qu'il aurait été préférable que les délégués aillent au-devant des sinistrés, en visitant leurs maisons de manière systématique.

Cette critique a d'ailleurs été relayée par les sinistrés de Vendée, qui ont affirmé n'avoir rencontré aucun délégué à la solidarité et qui auraient souhaité que , plutôt que d'attendre d'être contactés par les propriétaires de maisons en « zone noire » ou en « zone jaune », ces délégués se déplacent sur le terrain.

Votre mission a également constaté que la perception des « zones d'acquisition amiable » était fortement différenciée en Charente-Maritime et en Vendée . Selon les déclarations des délégués à la solidarité :

- le nombre de personnes reçues en Charente-Maritime est largement supérieur au nombre d'entretiens réalisés en Vendée : ainsi, les deux délégués de Vendée ont organisé 55 rendez-vous 35 ( * ) , tandis que Mme Simon-Rovetto a reçu, à elle seule, 180 personnes (soit 150 entretiens). Ce décalage est d'autant plus notable que deux autres délégués à la solidarité ont été nommés en Charente-Maritime ;

- les trois délégués à la solidarité de Charente-Maritime travaillaient selon une logique de spécialisation géographique (ce qui s'explique par le nombre et la diversité des communes touchées dans ce département), tandis que les deux délégués de Vendée ont mené conjointement leurs travaux (ce qui découle, à l'inverse, du faible nombre de communes vendéennes concernées par la problématique des « zones d'acquisition amiable » -deux seulement) ;

- surtout, les délégués à la solidarité sont encore présents sur le terrain en Charente-Maritime : ils y passent un jour par semaine et, le reste du temps, assurent un suivi téléphonique des dossiers depuis Paris. À l'inverse, le préfet de Vendée a récemment mis fin à la mission des délégués à la solidarité qui agissaient dans son département au motif que les demandes d'entretien diminuaient et qu'une mission temporaire d'expertise a été mise en place.

Votre mission estime que cette différence dans les modalités de gestion de la crise n'est ni légitime, ni opportune -et ce, d'autant plus qu'elle concerne deux départements limitrophes et dont les habitants se trouvent dans des situations similaires.

Enfin, l'action des délégués à la solidarité n'a pas pleinement satisfait les attentes des sinistrés : les associations entendues par votre mission ont ainsi souligné que, en dépit de leur investissement personnel fort, la présence de ces délégués à la solidarité ne remplaçait pas l'intervention de véritables experts qui, seuls, auraient pu lever les interrogations des populations sur les « zones d'acquisition amiable ».

(5) Des propriétaires qui restent insuffisamment informés des modalités d'acquisition amiable

Les propriétaires de maisons situées dans les « zone d'acquisition amiable » ont souffert d'un réel manque d'information et ce, à tous les stades de la procédure.

Tout d'abord, certains propriétaires n'ont pas vu le classement de leur maison en « zone noire » formellement reconnu . Selon le représentant du collectif des sinistrés de l'Île-de-Ré, M. Pierre Beurel, aucun courrier officiel -ni même aucun courrier nominatif- n'a été envoyé aux sinistrés dont il est le porte-parole pour leur indiquer, ou pour leur confirmer, le classement de leur propriété en « zone d'extrême danger » : ceux-ci ont seulement été informés de cette situation par le maire de leur commune et par les cartes présentées sur le site Internet de la préfecture de Charente-Maritime.

À l'inverse, pour la Vendée , votre mission a constaté que des courriers nominatifs avaient été envoyés aux propriétaires de maisons classées en « zone noire » pour leur faire part de ce classement, et pour les informer de l'existence d'un « bureau d'accompagnement » et d'un numéro téléphonique gratuit mis en place par la préfecture afin de répondre à leurs questions.

Là encore, votre mission regrette que les comportements des préfectures de chacun des deux départements n'aient pas été harmonisés et que, de ce fait, les sinistrés aient été traités de manière inégale.

Les associations de sinistrés ont indiqué que le nombre de visites réalisées par les services de France Domaine pour évaluer le prix des maisons classées en zone d'acquisition amiable ne reflétait pas la perception qu'en avaient les populations.

Elles ont notamment fait valoir que :

- certaines évaluations auraient été réalisées à l'initiative des mairies , et non des propriétaires eux-mêmes ;

- de nombreux sinistrés auraient fait expertiser leur propriété car ils craignaient de subir des pertes financières importantes en cas d'expropriation, ou pour répondre à la « pression à la vente » qu'exercent, dans certains cas, les services de l'État, en proposant des prix largement supérieurs au prix du marché.

Votre mission rappelle, dans ce cadre, que le nombre de demandes d'évaluation du prix des maisons situées en « zone noire » ne doit pas être considéré comme un indicateur pertinent pour juger de l'« acceptabilité » de la procédure d'acquisition amiable. Seules les offres acceptées peuvent l'être. Elle estime ainsi qu' aucun élément ne permet de préjuger du choix final des sinistrés , qui restent maîtres de leur décision jusqu'à la conclusion définitive de la vente.

c) Distinguer nettement les « zones d'acquisition amiable » et les zones d'expropriation

Dans le cadre de son pré-rapport, votre mission avait insisté pour que les « zones d'acquisition amiable » soient clairement distinguées des futurs périmètres d'expropriation qui seront tracés au cours de l'été 2010.

Elle avait notamment souligné que « l'expropriation, en tant qu'outil lourd, exceptionnel et de dernier recours », devait être « maniée avec la plus grande précaution, sous peine d'imposer aux sinistrés de vivre deux fois l'expérience traumatisante qu'est la perte d'un foyer ».

Elle estime aujourd'hui que la procédure d'expropriation ne pourra être menée de manière sereine et consensuelle qu'à trois conditions :

- si des expertises complémentaires sont réalisées préalablement à la constitution du dossier d'enquête publique ;

- si le Gouvernement clarifie, dès maintenant, la méthode qui sera employée pour déterminer les parcelles soumises à expropriation ;

-si la question du relogement des sinistrés à long terme est résolue rapidement et abordée en parallèle des expropriations, afin que les personnes expropriées -mais aussi celles qui ont choisi de céder leur bien selon la procédure d'acquisition amiable- puissent, dans toute la mesure du possible, être relogées à proximité de leur habitation d'origine.

(1) La mise en place de missions d'expertise temporaire pour ajuster le zonage avant le lancement de la procédure d'expropriation

Le pré-rapport de votre mission recommandait d'« organiser des expertises complémentaires sur les contours des `zones d'acquisition amiable' avant que les enquêtes publiques ne soient lancées ».

Elle constate que ce souhait -qui reprenait une demande forte des populations locales- a été suivi d'effet , puisqu'une mission « de terrain » a été constituée en Vendée au début du mois de juin 2010 afin d'effectuer des expertises au cas par cas et, sur cette base, de faire des propositions au préfet pour délimiter le périmètre qui sera soumis à enquête publique. À la même période, la mise en place d'une mission similaire a été annoncée en Charente-Maritime ; au 30 juin 2010, cette annonce n'a pas été suivie d'effet.

Ces missions d'expertise s'appuieront notamment sur les conclusions rendues par les délégués à la solidarité qui ont eu l'occasion, lors de leur intervention sur le terrain, de prendre note des cas les plus litigieux.

En outre, elle a noté que, en ce qui concerne la Vendée, les premières constatations de la mission dirigée par MM. Patrick Puech et Christian Pitié, inspecteurs généraux du ministère en charge de l'Écologie, envisageaient une révision à la baisse du périmètre des « zones d'extrême danger ».

En effet, selon les informations recueillies par votre mission, les experts envoyés en Vendée ont considéré que la délimitation des « zones noires », en retenant une logique de blocs urbanistiques cohérents, n'avait pas tenu suffisamment compte des caractéristiques individuelles de chaque maison (et notamment du terrain d'assiette de chacune d'entre elles). Dès lors, il est évident que certaines des constructions classées en « zone d'acquisition amiable » n'ont pas vocation à être soumises à une procédure d'expropriation .

(2) Une différence de traitement anormale entre les départements de Vendée et de Charente-Maritime

Votre mission rappelle, à cet égard, que toute expropriation devra reposer sur une analyse de la dangerosité objective des maisons , parcelle par parcelle.

Au-delà des résultats de ces expertises, votre mission s'interroge sur la légitimité d'un traitement différencié entre les deux départements. En effet, ce choix soulève de nombreuses questions :

- d'abord, pourquoi les deux missions n'ont-elles pas été lancées simultanément ? Et, plus précisément, pourquoi la deuxième mission (celle de Charente-Maritime) sera-t-elle engagée plusieurs semaines après la première, alors même que les procédures d'enquête publique et d'expropriation doivent, selon les déclarations du Gouvernement, avoir lieu en même temps ?

- pourquoi la création d'une mission en Charente-Maritime n'a-t-elle pas encore été confirmée, et quelle sera la « feuille de route » exacte des responsables de cette future mission ?

- enfin et surtout, pourquoi n'avoir pas mis en place une seule mission, chargée de réexaminer globalement et uniformément la délimitation des « zones d'extrême danger » ?

En bref, votre mission s'étonne qu'un problème homogène -si ce n'est unique- fasse l'objet de deux procédures : en effet, cette dualité implique que la question des « zones d'extrême danger » soit gérée selon des processus différents et donc, potentiellement, que les critères retenus pour la réévaluation de ces zones puissent ne pas être les mêmes en Charente-Maritime et en Vendée.

Votre mission estime ainsi que cette situation risque de créer une inégalité de traitement entre les habitants des deux départements et elle appelle le gouvernement à rectifier cette erreur dans les plus brefs délais.

Propositions n° 2 et n° 3 de la mission :

- Réaliser des expertises complémentaires pour affiner le tracé des « zones d'acquisition amiable » en Charente-Maritime, comme c'est déjà le cas en Vendée et dans des conditions similaires.

- Fixer des critères homogènes pour la délimitation des zones soumises à enquête publique dans les deux départements.

(3) Le paradoxe des sinistrés des autres départements, notamment en Gironde

Dans d'autres départements, notamment en Gironde, des personnes ont été exposées à des risques mortels lors de la tempête, se retrouvant par exemple sur le toit de leur maison.

Ces victimes ne bénéficient pourtant pas d'offres d'acquisitions amiables de leurs biens. Refusant de réintégrer leur habitation, elles se trouvent aujourd'hui en situation précaire.

Interrogée par votre rapporteur lors du débat organisé au Sénat le 16 juin dernier, Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'Écologie, a ainsi précisé que « ce rachat [était] possible en dehors des zones de solidarité si les dégâts sont supérieurs à 50 % ».

Il est indispensable de déterminer des critères précis et communs à tous les sinistrés afin de permettre à ces derniers de céder leurs biens, situés dans des zones d'extrême danger, à l'État dans des conditions similaires à celles mises en oeuvre en Vendée et en Charente-Maritime.

Proposition n° 4 de la mission :

Ouvrir la procédure d'acquisition amiable  pour les biens qui ne sont pas couverts par le zonage mais pour lesquels un risque mortel est identifié.

(4) Les préconisations de votre mission pour garantir un déroulement serein de la procédure d'expropriation

Après la phase d'acquisition amiable, en cas de refus par le sinistré de la proposition d'indemnisation, l'Etat devrait procéder à des expropriations, dans le cadre de procédures formalisées et sous le contrôle du juge. Votre mission estime opportun de poursuivre les acquisitions amiables après le passage à la phase d'expropriation, au moins jusqu'à la déclaration d'utilité publique (DUP). Ce mode opératoire présentant l'intérêt de limiter de lourdes et coûteuses procédures, il profiterait à la fois à l'Etat et aux particuliers.

En outre, pour éviter des expropriations conflictuelles -et donc longues-, la mission propose :

- d'utiliser la procédure d'expropriation pour cause de risque naturel majeur, dont elle avait détaillé les caractéristiques dans son pré-rapport ;

- de clarifier la manière dont il sera tenu compte du critère de « bilan financier » posé par la loi « Barnier » de 1995 (v. supra ). En effet, deux cas de figure sont envisageables : d'une part, ce critère peut être respecté à la lettre (ce qui imposera au Gouvernement de démontrer que l'expropriation est moins coûteuse que la mise en place de mesures de protection adaptées et efficaces pour protéger la vie humaine) ; d'autre part, il peut être considéré que la réalisation de ce bilan est superfétatoire dans la mesure où, pour reprendre les termes de la jurisprudence précitée du Conseil d'État de 1999, « aucun moyen de sauvegarde et de protection des populations n'[est] réalisable » face au risque de submersion marine, et où ce risque est tel qu'il rend « insuffisants les délais nécessaires au déclenchement de l'alerte et à l'évacuation complète des personnes se trouvant sur les lieux » exposés à un danger mortel. Quelle que soit l'option retenue, celle-ci devra être rapidement explicitée et justifiée auprès des sinistrés.

Enfin, dans une optique de renforcement de la sécurité juridique de la procédure, votre mission juge à nouveau nécessaire de mettre en place une procédure d'expropriation par « zone d'extrême danger » .

Propositions n° 5 , n° 6 et n° 7 de la mission :

- Poursuivre les acquisitions amiables après le passage à la phase d'expropriation, au moins jusqu'à la déclaration d'utilité publique (DUP).

- Utiliser la procédure d'expropriation pour cause de risque naturel majeur ;

- Mettre en place une procédure d'expropriation par « zone d'extrême danger » .

(5) La nécessité de mieux prendre en compte la problématique du relogement

En contrepartie de l'expropriation, votre mission avait jugé nécessaire de dégager des solutions pragmatiques et réalistes pour assurer le relogement à moyen et à long termes des sinistrés -et notamment de ceux dont la propriété a été classée en « zone noire » et/ou en zone d'expropriation.

Au cours des auditions qu'elle a menées depuis son pré-rapport, votre mission a constaté que le relogement était un sujet d'inquiétudes pour les sinistrés.

Elle a aussi relevé que le problème du relogement était d'autant plus saillant qu'il interagissait avec la question de l'indemnisation des sinistrés : le montant de l'indemnisation des résidents secondaires sera diminué si ceux-ci ne rachètent pas un bien similaire dans un délai d'un an ; or, la pénurie de terrains dans les zones touchées par Xynthia rendra cette condition particulièrement difficile à tenir.

Votre mission avait annoncé son intention d'étudier la possibilité de mettre en place un « droit de priorité » pour donner aux sinistrés résidents principaux un accès préférentiel aux terrains et aux habitations situés dans leur agglomération d'origine. Les travaux qu'elle a menés ont cependant fait apparaître qu'elle ne faisait que repousser le problème du relogement, dans la mesure où elle ne saurait résoudre, à elle seule, la difficulté fondamentale qu'est le nombre insuffisant de terrains constructibles disponibles sur le littoral vendéen et charentais .

Votre mission estime :

- que les moyens des établissements publics fonciers de Vendée et de Charente-Maritime doivent être pleinement mobilisés, voire renforcés , afin de permettre une acquisition rapide de terrains -éventuellement en reconvertissant des terrains actuellement non-urbanisés ;

Proposition n° 8 de la mission :

Garantir un relogement des sinistrés dans leur agglomération d'origine en renforçant les moyens dévolus aux établissements publics fonciers.

- qu'une mobilisation des pouvoirs publics reste nécessaire pour apporter des solutions pérennes à certains sinistrés qui n'ont pas pu se reloger et qui se trouvent, encore aujourd'hui (c'est-à-dire plusieurs mois après la tempête), dans des situations précaires.

2. Recenser et cartographier le risque de submersion marine sur l'ensemble du littoral

Rappel des premières préconisations de la mission dans son rapport d'étape

- Déclarer inhabitables les zones exposées à un danger mortel, c'est-à-dire à un risque naturel tel qu'il n'est pas possible d'y mettre en place une protection efficace des populations.

Lors de l'élaboration de son pré-rapport, votre mission avait insisté sur la nécessité de déclarer inhabitables les zones exposées à un risque de submersion marine extrême (c'est-à-dire à un danger mortel grave et avéré).

Pour être géré, prévenu et maîtrisé, le risque de submersion marine doit d'abord être connu avec précision.

Dans cette optique, il est indispensable d'élaborer une cartographie nationale des zones exposées à un tel risque et de déterminer, au sein de ces zones, lesquelles doivent être sanctuarisées.

(1) Un recensement déjà engagé par le Gouvernement

Par une circulaire du 7 avril 2010 36 ( * ) , le Gouvernement a engagé une vaste entreprise de recensement des « zones d'extrême danger ».

Cette circulaire demande aux préfets :

- dans un délai d'un mois , de déterminer quelles sont les zones qui, dans leur département, correspondent à une liste de « critères provisoires » similaires à ceux qui ont été utilisés pour délimiter les « zones noires » (hauteur d'eau supérieure à un mètre pendant la tempête Xynthia, habitation située à moins de 100 mètres d'un ouvrage de protection, cinétique de submersion susceptible de provoquer un danger pour les personnes). Pour chaque zone, le préfet doit indiquer le nombre d'habitations qui s'y trouvent. La circulaire précise que ce recensement ne sera pas définitif, mais servira de « base à une étude approfondie » qui sera accomplie -comme dans le cas des « zones noires »- en lien étroit entre les préfets concernés et le ministère ;

- de faire obstacle, à titre conservatoire, à toute nouvelle construction dans les zones exposées à un risque de submersion marine (dont les zones touchées par la tempête Xynthia), notamment au moyen de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- de déférer , en recourant à la procédure de référé-suspension, toutes les autorisations d'urbanisme délivrées dans ces zones ;

- d'y limiter les possibilités de reconstruction après sinistre , cette limitation étant considérée comme légale par le juge administratif dès lors que l'interdiction de reconstruction vise à « éviter aux occupants du bâtiment [...] d'être exposés à un risque certain et prévisible de nature à mettre gravement en danger leur sécurité » 37 ( * ) .

L'irruption d'une nouvelle catastrophe naturelle dans le Var a conduit le Gouvernement à compléter cette initiative de court terme par la mise en place d'une cartographie globale des zones à risque : le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, puis Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'Écologie, ont ainsi annoncé l'instauration d'une cartographie des zones dangereuses qui devra conduire à définir, dans l'ensemble de la France, « des zones rouges dans lesquelles ont ne pourra plus construire » 38 ( * ) .

D'après les déclarations du Gouvernement, cette cartographie sera finalisée au cours de l'année 2011 .

(2) Les propositions de votre mission pour une approche raisonnée du risque de submersion marine

La décision d'élaborer une cartographie nationale des zones dangereuses -qui répond, sur le fond, à la volonté de la mission de voir les zones exposées à un danger mortel être déclarées inhabitables- appelle des remarques diverses.

Votre mission estime d'abord que la mise en place d'une cartographie nationale recensant l'ensemble des zones « à risque » ne doit pas faire oublier les spécificités du risque de submersion marine. Elle appelle donc le Gouvernement à distinguer nettement, sur la cartographie nationale, les différents types de risques auxquels chaque zone est exposée , et à prendre des mesures adaptées aux caractéristiques de chacun d'entre eux. À cet égard, il conviendra notamment de différencier les risques à occurrence brutale (submersion marine, coulées de boue, effondrements, etc.) des risques dont la réalisation est progressive (crue fluviale, etc.).

Proposition n° 9 de la mission :

Distinguer, au sein de la future cartographie nationale des zones dangereuses, les différents types de risques naturels auxquels ces zones sont exposées.

Ensuite, votre mission s'interroge ensuite sur le lien entre la future cartographie nationale et la création des « zones d'acquisition amiable » . Les zones délimitées par la cartographie nationale ont-elles vocation à être déclarées inconstructibles, ou inhabitables ? En d'autres termes, les habitations qui y sont déjà implantées devront-elles être détruites , ou sera-t-il seulement impossible d'y édifier de nouvelles maisons ?

En tout état de cause, le discours doit être clair, en particulier vis à vis des populations résidant dans des zones ayant déjà connu des catastrophes naturelles graves.

Comment la cartographie sera-t-elle élaborée ? Il s'agit ici de garantir que les erreurs du passé ne seront pas répétées et que la délimitation des « zones d'extrême danger » se fera en concertation avec les élus locaux et les populations , sous peine de voir la cartographie provoquer les mêmes incompréhensions et le même sentiment d'injustice et d'autoritarisme que les « zones noires ».

Proposition n° 10 de la mission :

Clarifier le statut des futures « zones d'extrême danger », afin de déterminer si elles seront inhabitables ou inconstructibles -et, le cas échéant, sous quels critères- et les délimiter en concertation avec les élus locaux et les habitants.

Enfin, votre mission engage le Gouvernement à tenir compte , dans l'élaboration de la cartographie des zones « à risque », de l'existence d'ouvrages de protection naturels et artificiels.

La mission interministérielle diligentée pour tirer les leçons de la tempête Xynthia a souligné que les digues étaient non seulement des ouvrages de protection, mais aussi des « facteurs de risque ». En lien avec ce constat, elle a estimé nécessaire de s'inspirer d'une législation de 1858, selon laquelle « dans les vallées protégées par des digues, sont considérées comme submersibles les surfaces qui seraient atteintes par les eaux si les levées venaient à être rompues ou supprimées », pour délimiter les « zones de danger » des PPRN.

Ce « principe de la transparence des digues » implique de sanctuariser toutes les zones qui seraient submergées par la mer en l'absence de digue.

Votre mission est en profond désaccord avec cette préconisation et ce, pour plusieurs raisons :

- elle est en contradiction avec les critères utilisés pour délimiter les « zones noires » , qui promouvaient à l'inverse une vision nuancée du rôle des digues : celles-ci étaient, à juste titre, vues comme des facteurs de risque pour les habitations situées à moins de 100 mètres d'elles, et comme des facteurs de protection au-delà de cette limite ;

- elle n'est pas conforme à la directive communautaire qui prescrit une évaluation en tenant compte des risques mais aussi des mesures prises pour les diminuer ;

- elle ignore les expériences acquises aux Pays Bas ou dans les pays exposés encore plus fortement que la France à un risque inondation ;

- si elle était poussée à son terme, cette logique ferait de la quasi-intégralité du territoire français une « zone dangereuse » . Sur ce terrain, votre mission se range à certains des propos tenus, devant elle, par M. François Ewald, professeur titulaire de la chaire d'assurances au conservatoire national des arts et métiers, qui soulignait que « s'il fallait se retirer de tous les endroits dangereux, le territoire français serait désertique » et qui estimait que « ce n'est pas parce qu'un territoire est inondable qu'il doit par principe être inhabitable ». Comme lui, votre mission appelle donc l'État à éviter de s'engager dans une la « surenchère publique » qui ne pourrait conduire, à terme, qu'à une politique de « tout ou rien ».

Au cours de son audition, M. Yvon Bonnot, président de l'Association nationale des élus du littoral, a d'ailleurs indiqué que l'aménagement des zones sensibles devait tenir compte d'une part des digues existantes, à restaurer si nécessaires et d'autre part des digues mal entretenues, équivalant à une absence de digue. Il a ajouté que le principe dit « de transparence des digues » n'était pas acceptable, et a fait valoir que ce principe conduirait les Pays-Bas à devoir renoncer aux deux tiers de leur territoire .

Votre mission estime que le rôle des digues doit être évalué au cas par cas . Il existe des digues qui sont des « facteurs de risque » ou des facteurs de protection insuffisante (comme dans les « cuvettes » ou les lieux à topographie similaire). Il en existe d'autres qui permettent une limitation effective et satisfaisante du risque.

Dans ce dernier cas, les zones concernées ne doivent pas être déclarées inhabitables ou inconstructibles, mais elles doivent faire l'objet de protection adaptées. Les propositions de la mission visant à prévoir des aménagements individuels proportionnés à l'intensité et à la nature du risque pourraient être retenues utilement.

En outre, votre mission rappelle que la vision d'un risque zéro est purement illusoire et contraire à une véritable culture du risque, qui nécessite une évaluation collective de la probabilité, des mesures à prendre et des financements à engager.

Propositions n° 11 de la mission :

Ne pas soumettre les zones dangereuses à des règles homogènes, mais les évaluer au cas par cas afin de déterminer laquelle des trois solutions suivantes doit être privilégiée :

- déclaration d'inhabitabilité, accompagnée de propositions d'acquisitions amiables, puis si nécessaire d'une expropriation pour risque naturel majeur ;

- déclaration d'inconstructibilité avec maintien des habitations existantes compatibles avec les dispositifs de prévention ou de protection existants ou à améliorer ;

- maintien de la constructibilité sous réserve de prescriptions adaptées à la nature et au niveau de risque.

3. Améliorer la vigilance en modélisant pour chaque zone le risque de submersion marine
a) Accentuer la coordination et l'échange d'informations entre l'ensemble des structures et instruments intervenant en matière d'anticipation des submersions marines

La faiblesse dans la prévision de la submersion marine ne provient pas du manque d'organismes ou de l'insuffisance de programmes de recherche de très haut niveau spécialisés. Les structures sont en effet nombreuses et d'envergure internationale : SHOM, BRGM, IGN, IFREMER, IRD, CNES, CNRS, Météo-France... Elle pose la question toujours délicate de l'articulation de leurs efforts respectifs .

Faut-il les regrouper afin de concentrer leurs efforts ? Il ne le semble pas. Chaque organisme dispose de ses compétences spécifiques, ses réseaux de collecte de données, sa culture propre ... En revanche, et comme l'a souligné devant la mission M. Gilles Bessero, directeur général du SHOM, « la problématique est davantage celle du donneur d'ordre et du chef de file ». La coopération qui existe actuellement est plus un échange de données à la carte, sans une vision d'ensemble.

Les priorités doivent être définies par les pouvoirs publics. Elles seront ensuite mises en oeuvre par des partenariats précis, déterminant par programme un chef de file et le rôle de chaque organisme.

Proposition n° 12 de la mission :

Promouvoir des coopérations effectives entre les organismes spécialisés, à partir d'objectifs ciblés dans la recherche sur les submersions marines, en délimitant clairement, pour chacun d'eux, les organismes sollicités et en désignant une structure « chef de file ».

A un niveau plus opérationnel, il conviendrait de rendre automatique l'échange d'informations ou de données entre certains de ces organismes , dont l'absence partielle et ponctuelle de communication peut nuire à l'efficacité des procédures.

La transmission des relevés de niveau de la mer opérés par les marégraphes, gérés par le SHOM, vers les services de Météo France fournit une illustration de cette nécessité. Si les observations du SHOM s'opèrent de façon instantanée, elles ne font pas, à quelques exceptions près, l'objet d'une communication en temps réel vers les services météorologiques nationaux. M. Jean-Claude Le Gac, chef de département au SHOM, fait ainsi remarquer que 17 marégraphes seulement, sur l'ensemble du littoral métropolitain, disposent d'une telle faculté. La généralisation d'un tel dispositif aurait permis à Météo France de sélectionner les données « pour obtenir le meilleur modèle de prévision et d'alerte ». Si un programme de mise à niveau des marégraphes a débuté en 2012, dans le cadre du projet d'alerte aux tsunamis, sa généralisation n'est prévue que pour la fin de 2012.

Proposition n° 13 de la mission  :

Veiller à la compatibilité et à l'interconnexion des systèmes de relève et de traitement des données des divers organismes impliqués dans la prévision des submersions marines.

b) Mieux connaître la vulnérabilité du littoral

La connaissance de la vulnérabilité du littoral est essentielle pour assurer une parfaite cohérence du dispositif de vigilance, intégrant à terme la vigilance « vagues submersion », et la chaîne d'alerte des populations définie par les plans ORSEC et les PCS, en coordination avec les PPRI. Elle est indispensable pour définir, en particulier au niveau communal, les zones associées à différents niveaux de risques, et les mesures correspondantes de protection des populations, à travers les rubriques « conséquences possibles » et « conseils de comportement ».

Le caractère impératif d'une meilleure connaissance en ce domaine a été souligné lors du « Grenelle de la mer ». Elle nécessitera d'abord une cartographie plus précise des zones de contact , maritimes et terrestres, dont la frontière marque le trait-de-côte. De telles données existent au SHOM  pour la partie maritime et à l'IGN pour la partie terrestre, mais elles ne sont ni nécessairement complètes et continues à l'interface terre-mer, ni d'un niveau de précision altimétrique suffisant. Leur fiabilité et leur degré de détail est en effet fonction de la densité des informations recueillies, laquelle dépend :

- pour la mer, du degré de résolution du modèle bathymétrique, c'est-à-dire de la représentation des fonds marins en trois dimensions. C'est pour améliorer la densité de ces informations qu'a été lancé le programme national Litto3D , sous l'impulsion du comité interministériel de la mer (CIMER) en 2003 et du comité interministériel pour l'aménagement du territoire (CIADT) en 2004. Réalisé en partenariat technique entre le SHOM et l'IGN, ce programme doit faire l'objet d'une proposition de programme détaillé sous maîtrise d'ouvrage du secrétariat général de la mer avant fin 2010.

Proposition n°  14 de la mission :

Mener à bien d'ici fin 2010 le programme national Litto3D.

- pour la terre, de relevés opérés par photographies aériennes et mesures laser aéroportées. Cette connaissance du niveau des terres, qui relève exclusivement de l'IGN, nécessite la manipulation d'outils a priori plus simples que ceux liés à la cartographie marine, et paraît aujourd'hui bien maîtrisée.

c) Accentuer la recherche en vue de mieux hiérarchiser les zones à risque à une échelle régionale

Le BRGM commence à disposer d'outils permettant une hiérarchisation des zones à risques à une échelle régionale , qui seraient utiles dans la préparation des PPRI. Il pourrait ainsi procéder à des recherches qui se fonderaient sur les niveaux d'eau extrêmes enregistrés par le SHOM, en appliquant des formules semi-empiriques permettant de caractériser le phénomène de « jet-de-rive » zone par zone et en intégrant ces données à un modèle numérique de terrain pour mesurer les effets de la submersion marine sur les terres.

Le coût d'un tel programme de recherches peut être estimé, selon les responsables du bureau, entre 500 000 euros et un million d'euros pour couvrir l' ensemble du territoire métropolitain sur une durée de deux ans . Cela permettrait de hiérarchiser les secteurs les plus exposés aux risques d'inondation et de faciliter les travaux de prévention. Dans un second temps, il serait possible de réaliser une modélisation à une échelle locale , grâce à un modèle numérique de terrain de très haute résolution.

Afin qu'un tel travail puisse être mené à bien, il convient de le prévoir très explicitement dans les missions affectées à l'organisme le mieux à même de le mener, le BRGM, mais également d' en faire une priorité parmi ces missions. En concentrant les efforts sur la définition des zones à risques de submersion marine au niveau national, il sera alors plus aisé de préparer les PPRI.

Proposition n° 15 de la mission :

Accélérer les travaux menés par le BRGM en vue de mieux hiérarchiser les zones à risque à l'échelle régionale.

Un dispositif de ce type a été mis au point et est appliqué dans l' estuaire dans la Gironde , où les dégâts ont d'ailleurs été bien moins importants que sur la partie de la côte située plus au nord. Il conviendrait de s'en inspirer pour le développer à l'échelle nationale et en faire un instrument central de prévision des submersions marines sur l'ensemble du littoral français.

d) Mieux intégrer les interactions entre houles, marées et surcotes à une échelle plus fine

Le système de prévision pré-opérationnel Previmer , piloté par l'Ifremer, a donné de bons ordres de grandeur des niveaux d'eau atteints lors de la tempête en Vendée et Charente-Maritime. Néanmoins, ainsi que le souligne le BRGM dans son compte-rendu de mission préliminaire, « le système souffre pour ces côtes d'une faible résolution spatiale (respectivement 5 et 3 km pour les niveaux d'eau et les vagues) rendant difficile la localisation des zones les plus exposées ».

De plus, ainsi qu'il est indiqué dans le même rapport, « l'ensemble des modèles actuels de prévision des surcotes ont tendance à sous-estimer les niveaux d'eau. Ils ne tiennent pas compte en particulier de la surcote associée aux vagues. Des modèles plus fins tenant compte des interactions entre houle, marées et surcotes devraient rendre ces outils plus adaptés pour la prévention des risques à l'échelle régionale ».

Les approches développées en France pour caractériser l'aléa de submersion marine sont souvent relativement simplistes. Elles consistent en général à croiser un niveau extrême de référence avec des données topographiques. Des modèles plus élaborés capables de simuler l'ensemble des processus dynamiques associés à la submersion (propagation des vagues près des cotes, franchissement des systèmes de défense, naturels ou artificiels, simulation de l'inondation en tenant compte de la présence de brèches, etc.) restent donc à mettre au point.

Proposition n° 16 de la mission :

Intégrer dans les programmes de modélisation des submersions marines les interactions entre houle, marées et surcotes à une échelle plus fine.

B. ADOPTER UNE GESTION STRATÉGIQUE SUR CHAQUE ZONE LITTORALE HOMOGENE

1. Définir des zones littorales homogènes soumises au risque

Afin d'harmoniser les territoires couverts par les différents plans de prévention et de gestion des risques, en prenant en compte à la fois les menaces littorales et la circulation des eaux intérieures, qui peuvent se surajouter l'un à l'autre lors d'un évènement paroxystique, il paraîtrait pertinent de calquer autant que possible le périmètre des bassins hydrographiques sur celui des zones homogènes .

On rappellera que la notion de bassin hydrographique recouvre un territoire drainé par des eaux souterraines ou superficielles qui se déversent dans un collecteur principal (cours d'eau, lac) et délimité par une ligne de partage des eaux.

Quant aux zones homogènes , ce sont des unités cohérentes de gestion du littoral qui, à l'image des bassins versants des rivières, constituent une échelle géographique de travail optimale pour une approche intégrée de la gestion, de la restauration et de l'exploitation de la frange littorale. C'est un concept développé et mis en oeuvre dans le cadre des SDAGE. Ainsi, celui du bassin Rhône-Méditerranée-Corse identifie 50 zones homogènes pour le littoral méditerranéen.

Proposition n° 17 de la mission :

Adapter la notion de bassin hydrographique à des zones littorales homogènes.

Les PGRI, résultant de la transposition de la directive communautaire du 23 octobre 2007 relative à l'évaluation et à la gestion des risques d'inondation, sont élaborés à l'échelle du district hydrographique. Ils contiennent des dispositions traversant toutes les composantes de la gestion des risques d'inondation.

Afin d'assurer la cohérence de ceux de ces plans couvrant des zones littorales, directement exposés à des risques d'inondation par submersion marine, votre mission propose d'en confier la gestion aux préfets de département.

Proposition n° 18 de la mission :

Confier la gestion des plans de gestion des risques d'inondation (PGRI) situés sur le littoral aux préfets de département.

L'article L. 213-12 du code de l'environnement, introduit par l'article 46 de la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages , confie aux établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) une mission pour faciliter, à l'échelle d'un bassin ou d'un sous-bassin hydrographique, la prévention des inondations et la gestion équilibrée de la ressource en eau.

Le périmètre d'intervention des EPTB, délimité par le préfet coordonnateur de bassin, suit une logique hydrographique afin que l'établissement public puisse coordonner les travaux des collectivités sur ce bassin, y compris ceux de communes, de syndicats de communes ou de départements non adhérents à la structure mais qui sont situés dans son périmètre d'intervention.

Or, il apparaît que les EPTB, naturellement compétents pour des périmètres hydrographiques situés à l'intérieur des terres, ne sont peut-être pas les mieux structurés pour intervenir sur les zones littorales en soutien aux collectivités territoriales dans la prévention et la gestion des risques de submersion. D'où la proposition de votre mission de rechercher , dans ces zones, d'autres structures d'appui aux collectivités territoriales que les EPTB .

Proposition n° 19 de la mission :

Définir, sur les zones littorales, un autre soutien pour les collectivités territoriales que les établissements publics territoriaux de bassin ( EPTB).

2. Muscler le contenu stratégique du plan de gestion des risques

Au terme de la transposition en droit français de la directive communautaire du 23 octobre 2007 relative à l'évaluation et à la gestion des risques d'inondation, assurée par la loi portant engagement national pour l'environnement, le PGRI devrait devenir l' élément central dans la planification régionale de la gestion des risques d'inondation .

LES PLANS DE GESTION DES RISQUES D'INONDATION DANS LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE DU 23 OCTOBRE 2007 RELATIVE À L'ÉVALUATION ET À LA GESTION DES RISQUES D'INONDATION

La stratégie nationale de gestion des risques d'inondation définit des critères nationaux de caractérisation de l'importance du risque d'inondation, l'unité de gestion retenue étant le bassin ou l'unité de bassins, l'autorité administrative étant le préfet coordinateur de bassin. L'évaluation préliminaire des risques d'inondation et la cartographie des surfaces inondables sont réalisées sur chaque district hydrographique, sous maîtrise d'ouvrage d'Etat.

Puis des plans de gestion des risques d'inondation (PGRI) sont élaborés à l'échelle du district hydrographique, puis de chaque territoire à risque, en vue d'y décliner la politique nationale de gestion des risques d'inondation (PNGRI) et de mettre en oeuvre une politique spécialement adaptée pour les territoires à risque d'inondation important (TRI).

Les PRGI contiennent des dispositions traversant toutes les composantes de la gestion des risques d'inondation. Ils intègrent ainsi des mesures :

- des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) concernant la prévention des inondations ;

- relatives à la surveillance, la prévision et l'information sur les phénomènes d'inondation, qui comprennent le schéma directeur de prévision des crues (SDPC) et des mesures spécifiques au ruissellement pluvial ou aux submersions marines ;

- pour la réduction de la vulnérabilité des territoires face aux risques d'inondation, notamment des mesures pour la maîtrise de l'urbanisation, l'amélioration de la rétention de l'eau et l'inondation contrôlée ;

- concernant l'information préventive, l'éducation, la résilience et la conscience du risque ;

- afférentes aux risques d'inondation des plans ORSEC applicables au périmètre concerné.

Les différents documents existants sont hiérarchisés afin d'assurer leur cohérence et efficacité :

- les PGRI doivent être compatibles avec les SDAGE ;

- les décisions administratives dans le domaine de l'eau, les PPRNI et, de manière générale, les SCOT, PLU et cartes communales doivent être compatibles avec les PGRI.

En déclinaison des orientations du PGRI, des stratégies locales sont développées conjointement par les parties intéressées pour les TRI et conduisent à l'identification de mesures, sous la conduite de préférence d'une collectivité ou un groupement de collectivités représentatives sur le territoire concerné.

Derrière ce bel ordonnancement, dans lequel les PGRI occupent une place essentielle, se profilent plusieurs limites touchant à ces derniers.

Tout d'abord, si les PGRI ont une dimension transversale prononcée et intègrent des mesures relevant de nombreux autres documents d'urbanisme, il n'est rien dit sur leur rôle d'évaluateur des effets des mesures de gestion des risques à venir . Or, c'est à cette condition que les PGRI seront en capacité d'orienter - ou de réorienter - les différents dispositifs pour assurer leur meilleure coordination et leur plus grande efficacité.

Par ailleurs, il n'est pas précisé qu'ils doivent recenser et évaluer l'ensemble des dispositifs de protection contre la mer existants . Afin d'assurer une véritable intégration en ce sens, au vu d'un retour d'expérience de ces derniers, il conviendrait donc d'attribuer aux PGRI une telle fonction stratégique et agrégative.

Enfin, le rôle des PGRI en matière d'alerte , fondamentale pour la gestion d'une submersion marine, n'est pas excessivement détaillé . Or, ces plans semblent constituer l'échelon pertinent pour recenser l'ensemble des maillons de la chaîne d'alerte, depuis les instances nationales jusqu'à l'information effective des populations concernées. La mission propose donc d'intégrer dans les PGRI des dispositions en ce sens.

Propositions n° 20, n° 21 et n° 22 de la mission :

- Doter le plan de gestion des risques d'inondation (PGRI) d'un volet stratégique sur le littoral en lui confiant un rôle d'évaluation de l'ensemble des mesures de gestion du risque.

- Inclure dans le plan de gestion des risques d'inondation (PGRI) un bilan de l'existant et de l'état des éléments de protection contre la mer.

- Insérer dans le plan de gestion des risques d'inondation (PGRI) un document retraçant l'ensemble de la chaîne d'alerte.

II. MIEUX ANTICIPER LE RISQUE DE SUBMERSION MARINE

A. RENOVER LES SYSTEMES D'ALERTE

Rappel des premières préconisations de la mission dans son rapport d'étape

- Mettre en place un véritable système d'avertissement destiné aux autorités et aux populations, reposant sur :

une prévision de hauteur d'eau , réalisée à partir de l'intégration des informations produites par le SHOM (marée) et Météo-France (vagues, surcotes), qui se substituera à la prévision actuelle de vagues et de surcote ;

un avertissement explicite et lisible du niveau de risque à l'échelle du littoral d'un département, basé sur un code couleur, un pictogramme spécifique et une appréciation des conséquences possibles ;

des conseils de comportement proportionnés au niveau de risque annoncé ;

- Prévoir une proposition de programme détaillé pour le programme national Litto3D, sous la maîtrise d'ouvrage du secrétariat général de la mer avant fin 2010 ;

- Prévoir dans les missions prioritaires affectées au BRGM, la réalisation d'une modélisation à l'échelle locale du risque de submersion marine au moyen d'une numérisation du phénomène de « jet-de-rive » ;

- Rapprocher les différents organismes en charge de la prévision par une meilleure collaboration sur des programmes communs.

L'objectif est de parvenir à informer et conseiller de façon pertinente et efficace des personnes n'étant pas au fait des risques encourus, le tout dans les quelques minutes qui précèdent l'occurrence d'un évènement aussi peu prévisible qu'un tsunami. Pour qu'une telle alerte, qui se produit dans l'urgence, se déroule de façon satisfaisante, il importe en tout premier lieu qu'elle ait été planifiée de façon détaillée en amont.

Au Japon , les administrations établissent des cartographies indiquant les risques naturels et les moyens d'y faire face, dites « hazard maps ». Ces cartes regroupent un certain nombre d'informations primordiales telles que les prévisions de passage des typhons, les contacts urgents, les mécanismes d'action des lames déferlantes, les risques en cas d'inondation, les comportements recommandés lors de l'évacuation ...

En France, des documents comparables existent et doivent être utilisés. Les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (SDACR), qui établissent l'inventaire des risques de sécurité civile d'un département et fixent des objectifs de couverture en termes d'orientations fondamentales d'aménagement du territoire, doivent être mobilisés en ce sens. Prescrits par l'article L. 1424-7 du code général des collectivités territoriales, ce sont des schémas directeur sans effet juridique sur les particuliers et ne fixant pas d'obligation de résultat, et donc non notifiés à ce titre. Les SDACR ont pour principale fonction de déterminer l'implantation des casernes de sapeurs-pompiers ainsi que leur dotation en personnel et en matériel.

Ensuite, il importe de s'assurer que le contenu des messages est adapté à leur destinataire et surtout parvient à ces derniers. Au premier titre, il convient de s'assurer que l'intensité de l'alerte correspond bien au degré de risque anticipé . Beaucoup d'élus locaux se sont en effet plaints de recevoir chaque année plusieurs dizaines de messages d'alerte, sans qu'ils soient hiérarchisés selon le degré de dangerosité de l'évènement attendu, et même parfois erronés. Or, ainsi que l'a fort justement souligné le maire de Macau devant la mission lors de son déplacement en Gironde, « trop d'alerte tue l'alerte ».

Il convient donc de développer un dispositif d'alerte dont les messages soient clairement gradués en fonction des risques prévus . « Xynthia nous a appris que nous devons définir de nouveaux seuils de vigilance », a reconnu M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile. Il a indiqué que son administration travaillait actuellement, sous la maîtrise d'ouvrage de Météo France, avec le service hydrographique et océanographique de la marine, le SHOM et le CEA « pour élaborer un système d'alerte en fonction de l'évaluation du risque » en matière de submersion marine. Pour cela, il est prévu de mettre au point « une modélisation du risque, selon différents schémas de rupture et agrémenté de codes couleurs adaptés (vert, orange, rouge) capable de « provoquer les bons réflexes en fonction de la situation ».

Très concrètement, votre mission considère que le contenu des messages d'alerte devrait être rédigé de façon à être directement assimilé par leurs destinataires . La mission interministérielle a formulé des recommandations dans ce sens : intégrer une référence à un niveau de cote, et non de surcote, beaucoup moins parlant pour les non techniciens, présenter les risques de ruptures d'ouvrages et leurs conséquences potentielles sur les biens et les personnes ...

Il a été demandé à Météo-France, par le Conseil supérieur de la météorologie, d'étudier, avec les partenaires concernés, la faisabilité de la prise en compte des risques maritimes littoraux d'origine météorologique dans le dispositif de vigilance météorologique . Ainsi qu'il a été indiqué à votre mission par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer (MEEDDM), le travail de mise au point du nouveau dispositif est en cours . Cette nouvelle vigilance, qui intégrera le phénomène « vague-submersion littorale » dans le dispositif de vigilance météorologique, sera diffusée au moyen d'une colorisation selon la graduation à quatre couleurs à échelle départementale. Elle sera basée sur les ATFV produits par Météo France.

L'objectif est de mettre en place un véritable système d'avertissement destiné aux autorités et aux populations , reposant sur :

- une prévision de hauteur d'eau , réalisée à partir de l'intégration des informations produites par le SHOM (marée) et Météo-France (vagues, surcotes), qui se substituera à la prévision actuelle de vagues et de surcote ;

- un avertissement explicite et lisible du niveau de risque à l'échelle du littoral d'un département, basé sur un code couleur et un pictogramme spécifique et une appréciation des conséquences possibles ;

- des conseils de comportement proportionnés au niveau de risque annoncé.

En outre, et comme l'a reconnu M. Alain Perret, « les relations entre les préfets et les maires , qui sont leurs interlocuteurs naturels, méritent d'être rénovées ». Le « temps de la gestion de crise » requiert en effet, comme l'a rappelé M. Daniel Canepa, président de l'association du corps préfectoral, « une unité de commandement et une bonne coordination entre le préfet et le maire ».

M. Paul-Henri Bourrelier, membre du conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs (COPRNM), a souligné la « nécessité de disposer, dans les préfectures, de services aptes à transcrire les informations en messages d'alerte immédiatement compréhensibles » par les élus locaux.

Il conviendrait donc de formaliser davantage les relations préfectures-communes en mettant en place, dans les premières, des cellules de veille et d'alerte spécifiquement dédiées à l'information des maires en temps de crise. Dotées d'une forte réactivité, elles seraient censées délivrer aux élus des messages adaptés aux circonstances - en leur conseillant, notamment, de décider l'évacuation ou le confinement de leurs administrés -, et s'assureraient de leur bonne délivrance par une communication directe avec eux.

Ces cellules seraient évidemment coordonnées au niveau régional et interrégional.

Propositions n° 23, n° 24, n° 25, n° 26 et n° 27 de la mission :

- Mieux intégrer l'alerte « submersion marine » dans les documents de planification régionaux existants, notamment dans les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (SDACR).

- Diffuser des messages d'alerte « submersion marine » qui permettent à leurs destinataires d'évaluer précisément le niveau du risque anticipé.

- Accentuer le programme de travail inter-administrations visant à mieux adapter les messages d'alerte au regard des risques anticipés, devant être opérationnel d'ici fin 2011.

- Faire aboutir dès que possible la mise en place d'un véritable système d'avertissement destiné aux autorités et aux populations, reposant sur une prévision de hauteur d'eau qui complètera la prévision actuelle de vagues et de surcote, ainsi que sur une explicitation claire et concrète des effets attendus d'une rupture ou d'une surverse des ouvrages de défense des côtes et des conseils de comportement adaptés.

- Pour ne pas se contenter d'un message impersonnel (fax ou SMS), définir, dans chaque préfecture, une cellule d'alerte dédiée à la communication avec les élus locaux en cas de risque avéré de submersion marine.

La capacité à avertir la population en lui diffusant un message d'alerte explicite constitue un enjeu majeur.

Interrogé par le président de la mission d'information, M. Thierry Baure, responsable de la gestion des risques et des crises chez SFR, a indiqué, au cours de son audition, que les opérateurs mobile avaient les moyens techniques d'envoyer en masse des SMS pour prévenir les populations. On peut s'étonner que la réflexion de la commission interministérielle sur une question aussi essentielle n'en soit qu'à ses débuts. Votre mission juge indispensable de la mener au plus vite pour aboutir à des solutions opérationnelles.

Il importe par ailleurs que les destinataires des messages en prennent effectivement connaissance . Certains élus ont en effet témoigné n'avoir consulté qu'après-coup les textos ou courriels les prévenant de la tempête. Comme cela a été rappelé devant la mission, les messages d'alerte lors de la tempête de 1953, qui avait fait plus de 2 000 morts aux Pays-Bas et en Angleterre, ne sont jamais parvenus jusqu'aux communes concernées. Aux Pays Bas, une alerte n'est considérée comme acquise que si elle a donné lieu à une conversation avec la personne concernée, soit téléphonique, soit lors d'une réunion.

Des crédits budgétaires sont destinés à mettre en place des dispositifs permettant de s'assurer de la bonne transmission, au niveau individuel, des messages d'alerte, dans les périmètres où le risque est notoire. Ces crédits n'ont visiblement pas été utilisés. Ils pourraient financer des formules d'abonnement à divers supports technologiques d'alerte incluant des dispositifs garantissant l'information effective des destinataires.

En outre, comme l'a fait observer, lors de son audition, M. Christian Sommade, délégué général du Haut Comité français pour la défense civile, en termes d'alerte pure, le self broadcast , avec les téléphones portables, fonctionne bien le jour. Mais la nuit, surtout si le téléphone filaire est mis hors d'état par la catastrophe, il n'y a que les sirènes pour informer d'un danger immédiat. Il est donc essentiel d'avoir un système de sirènes parfaitement opérationnel.

Propositions n° 28, 29 et 30 de la mission :

- Prévoir un dispositif permettant d'envoyer en masse des SMS pour prévenir les populations du risque anticipé de submersion marine.

- Mettre en place un dispositif technique permettant de s'assurer que les destinataires des messages d'alerte se les sont bien vu transmettre, passant, dans les zones à risque, par l'abonnement à des systèmes d'appels groupés (fax, email, SMS et téléphone).

- Pour la population, assurer la mise en place et l'entretien d'un système de sirènes opérationnel.

Divers instruments pourraient être utilisés de façon efficace à cet effet, en s'inspirant notamment des exemples étrangers. Aux Pays-Bas, le dispositif dit cell broadcast permet de lancer un message d'alerte par allumage automatique des postes de télévision, couplé à un message d'alerte sur portable.

L'expérience du Royaume-Uni est également intéressante.

La prévision des crues et les messages d'alerte au Royaume-Uni

En matière de prévision, le centre de prévision des inondations a été créé en avril 2009 et couvre l'Angleterre et le Pays de Galles. Son objectif est de produire une information plus claire, plus consistante et plus ciblée, permettant de donner des alertes plus en amont aux intervenants locaux. Le centre de prévision des inondations combine l'expertise météorologique et hydrographique du service météorologique national et de l'agence de l'environnement pour prévoir les inondations fluviales et les submersions marines, ainsi que les fortes pluies qui peuvent entraîner des inondations de surface. Le centre fournit un service 24h/24 et 7 jours/7 à destination des intervenants d'urgence. Il établit des prévisions à 4 jours pour le gouvernement, le gouvernement local du pays de Galles et les intervenants de « première catégorie ».

Il donne des prévisions concernant les épisodes pluvieux extrêmes et dispose d'un site internet. Les intervenants de « première catégorie » doivent, en application de la loi sur les contingents civils de 2004 (loi sur la protection civile), avertir et informer le public d'une catastrophe à venir ou qui commence. Différents modes d'information sont utilisés, dont les médias, le téléphone, le porte-à-porte etc.

L'agence de l'environnement a enfin en charge le service téléphonique sur les alertes aux inondations. Il s'agit d'un service gratuit, qui couvre les risques fluviaux et maritimes, et délivre des alertes aux personnes par message sur téléphone fixe ou mobile, courriel ou fax. Depuis février 2010, toutes les personnes situées en zones inondables sont automatiquement enregistrées et, si elles ne veulent plus recevoir d'alerte, elles doivent demander expressément à en être exclues. Ainsi, environ 1 million de ménages et entreprises sont dans le listing de ce service.

Source : Ambassade du Royaume-Uni en France

B. INTÉGRER LA SPÉCIFICITÉ DE LA SUBMERSION MARINE DANS LES PLANS DE PRÉVENTION ET PRENDRE EN COMPTE L'EXISTENCE DU RISQUE DANS LES DOCUMENTS D'URBANISME

Rappel des premières préconisations de la mission dans son rapport d'étape

- Réaffirmer la supériorité des plans de prévention des risques (PPR) sur les documents d'urbanisme en prévoyant, par symétrie avec la procédure prévue à l'article L. 123-14 du code de l'urbanisme, que le PLU ou le POS doit obligatoirement être révisé en cas d'approbation, de modification ou de mise en application anticipée d'un PPR ;

- Imposer aux préfectures de faire, chaque année, un « point » sur les risques naturels auprès des élus locaux -qui devraient eux-mêmes prévoir une communication auprès de leur population ;

- « Désimbriquer » les compétences en matière d'instruction des demandes d'autorisation d'urbanisme et de contrôle de ces autorisations ;

- Recentrer le contrôle de légalité sur les domaines mettant en cause la sécurité des personnes ;

- Instaurer un contrôle de légalité systématique des actes d'urbanisme pris dans les zones couvertes par un PPR ou dans lesquelles un PPR est en cours d'élaboration.

Votre mission a jugé nécessaire de prendre en compte la spécificité de la submersion marine en créant des plans de prévention propres à ce risque.

Elle a également insisté sur la nécessité de garantir une prise en compte effective des risques par les documents d'urbanisme , afin que les questions relatives à l'occupation des sols et celles qui ont trait à la prévention et à la gestion des risques naturels soient, à l'avenir, mieux intégrées.

En effet, la tempête Xynthia a révélé que des habitations avaient été implantées dans des zones impropres à une occupation humaine ou, dans des secteurs exposés à un risque moindre, qu'elles avaient été bâties sans qu'ait été imposé aux propriétaires le respect de prescriptions permettant une adéquation entre les modalités de construction et la nature et le degré du risque encouru. De telles situations sont inacceptables et doivent être combattues.

1. Créer des plans de prévention des risques spécifiques à la submersion marine

S'ils n'ont pas démontré toute leur efficacité à l'occasion de la tempête Xynthia, les PPR sont potentiellement un outil majeur pour la prévention des risques de submersion . Ils agrègent, ou devraient agréger  de façon cohérente divers types de mesures (cartographie et encadrement de l'urbanisme, mesures générales de prévention, de protection et de sauvegarde à l'attention des collectivités et des particuliers) sur un territoire donné.

Les PPR ont été créés par la loi relative au renforcement de la protection de l'environnement du 2 février 1995, dite « loi Barnier » afin de prendre essentiellement en compte les inondations , catastrophe naturelle la plus courante en France. Mais ces plans portent également sur les autres risques naturels que sont notamment les séismes, les mouvements de terrain, les incendies de forêt, les avalanches ...

Les PPR consacrés aux inondations, couramment appelés « PPRI », traitent actuellement des seuls risques de crues. La tempête Xynthia a montré la spécificité des risques d'inondation associés, non à des crues intenses, mais à une submersion marine .

Proposition n° 31 de la mission :

Créer une nouvelle catégorie de plans de prévention des risques naturels (PPRN), les PPRS, « plans de prévention des risques de submersion marine », qui constitueraient une sous-catégorie des PPR « inondation », aux côtés de ceux prévenant les risques de crues, et dont le contenu serait adapté à la spécificité du risque traité.

2. Garantir la pleine opposabilité des PPR aux documents d'urbanisme
a) L'affirmation de la supériorité des PPR sur les documents d'urbanisme

Tout d'abord, il est nécessaire de rendre effective la primauté des plans de prévention des risques naturels (PPRN) sur les documents d'urbanisme (plan local d'urbanisme -PLU-, plan d'occupation des sols -POS-, etc.).

Votre mission a observé que, en l'état actuel du droit, cette primauté était largement théorique . Considérés comme des servitudes d'utilité publique, les PPR sont seulement annexés au PLU, et aucune procédure n'oblige les communes à assurer la conformité de leur document d'urbanisme aux plans qui s'appliquent sur leur territoire.

Les liens entre les PLU et les PPR : une hiérarchie imparfaite

Selon l'article L. 564-2 du code de l'environnement, les PPR ont valeur de servitude d'utilité publique : ils doivent donc être annexés au document d'urbanisme élaboré par la commune.

En outre, en tant que servitudes d'urbanisme, ils peuvent faire obstacle à la délivrance d'un permis de construire (CE, avis du 12 juin 2002, « Préfet de Charente-Maritime »).

Pour autant, les PPR ne sont pas intégrés au PLU , si bien que leur primauté est, de facto , imparfaite et incomplète. Ainsi, en pratique :

- un document de planification de l'urbanisme local ne peut, sous peine d'être censuré par le juge administratif, être édicté en contradiction avec les prescriptions du PPR (CE, 9 avril 1993, Mentzler). Toutefois, cette censure ne sera possible que si le document d'urbanisme est postérieur au PPR : ainsi, lorsque le PPR est approuvé après l'entrée en vigueur du document d'urbanisme, la commune n'est pas tenue de réviser ce dernier (c'est-à-dire de le modifier sur le fond pour mettre le zonage instauré par le PLU en conformité avec les zones à risque délimitées par le PPR) ;

- en vertu du principe d'indépendance des législations, le préfet ne peut pas directement enjoindre à une commune de modifier le document d'urbanisme qu'elle a élaboré pour assurer la conformité de ce dernier avec un PPR. En effet, il ne peut le faire que de manière indirecte, par le biais de la procédure des « projets d'intérêt général » 39 ( * ) (PIG) -ce qui implique d'employer des voies de droit indirectes et complexes ;

- aux termes de la circulaire du 1 er septembre 2009 relative au contrôle de légalité en matière d'urbanisme, les préfets doivent tirer parti du contrôle des décisions individuelles (permis de construire, etc.) pour « révéler les illégalités dont serait entaché le document [d'urbanisme] sur la base duquel elles sont prises » : à cette occasion, la non-conformité du PLU ou du POS au PPRN peut donc être relevée et l'autorisation d'urbanisme peut être soumise au juge administratif sur le fondement de l'exception d'illégalité ;

- enfin, comme l'a rappelé le professeur Yves Jégouzo lors de son audition par la mission, la mise en cause de la légalité des documents d'urbanisme en raison de leur non-conformité aux PPR ne peut intervenir que par le biais de l'erreur manifeste d'appréciation .

Les PLU et les PPR sont donc insuffisamment coordonnés et leurs modalités d'articulation manquent de lisibilité - ce qui pose de lourds problèmes dans un contexte où les PPR sont aujourd'hui les seuls documents établissant un lien entre l'existence d'un risque d'inondation et les règles de construction qui doivent en découler et où, en tant que tels, ils constituent l'élément fondamental de la politique de prévention des risques.

Comme votre mission l'avait relevé lors de son pré-rapport, la loi « Grenelle II » répond en partie à cette préoccupation en imposant la mise en conformité des SCOT et des PLU dans un délai de trois ans après l'adoption d'un plan de gestion des risques d'inondation. Toutefois, cette avancée est insuffisante, puisqu'elle n'impose pas une véritable intégration des prescriptions des PPR aux documents d'urbanisme élaborés par les communes.

Dès lors, votre mission a estimé qu'il était indispensable que des liens plus étroits soient instaurés entre les PPR et les documents d'urbanisme, en affirmant nettement, tant dans le code de l'urbanisme que dans le code de l'environnement, la supériorité des premiers sur les seconds .

À cet égard, plusieurs réformes pourraient être envisagées.

En premier lieu, il serait opportun d' obliger les communes à réviser leur document d'urbanisme en cas d'approbation, de mise en application anticipée ou de modification d'un PPR. Cette révision interviendrait selon la procédure qui figure aux deux premiers alinéas de l'article L. 123-14 du code de l'urbanisme , qui prévoit une mise en conformité en deux temps :

- dans un premier temps, le préfet informe la commune de la nécessité de réviser son PLU ou son POS ;

- dans un deuxième temps, trois situations peuvent se présenter :

(1) la commune informe le préfet, dans un délai d'un mois, de son intention de procéder à la modification demandée, et se conforme à ses engagements dans un délai de six mois ; dans ce cas, le préfet n'intervient qu'au début du processus ;

(2) en cas d'absence de réponse de la commune ou de réponse négative, le préfet se substitue à la commune dans un délai d'un mois ; il peut alors procéder de lui-même, mais après avis du conseil municipal et enquête publique, à la révision du document d'urbanisme ;

(3) en cas de réponse positive, mais d'inaction de la commune pendant six mois, le préfet se substitue également à la commune. Là encore, l'avis du conseil municipal doit être recueilli et une enquête publique doit être organisée préalablement à toute modification du PLU ou du POS.

Proposition n° 32 de la mission :

Rendre obligatoire la révision des documents d'urbanisme communaux en cas d'approbation, de mise en application par anticipation ou de modification d'un PPR.

Votre mission a considéré que ces modalités de révision, bien que relativement autoritaires, pouvaient valablement être retenues dans la mesure où la procédure décrite plus haut est déjà applicable aux projets d'intérêt général (et, comme on l'a vu, les PPR peuvent d'ores et déjà être considérés comme tels), où l'importance de l'enjeu de protection des vies humaines impose de garantir une révision rapide des documents d'urbanisme qui ne tiennent pas compte des risques, et où la préservation de la sécurité publique fait partie des missions régaliennes de l'État, ce qui justifierait que des prérogatives importantes soient confiées aux préfets.

b) L'extension des possibilités de notification dévolues aux préfets

En outre, votre mission constate que, dans certains cas, le PLU ou le POS peut n'être rendu exécutoire que s'il a tenu compte des notifications effectuées par le préfet (article L. 123-12 du code de l'urbanisme).

Article L. 123-12 du code de l'urbanisme :

« Dans les communes non couvertes par un SCOT , l'acte publié approuvant le PLU devient exécutoire un mois suivant sa transmission au préfet.

« Toutefois, si dans ce délai le préfet notifie, par lettre motivée, à la commune les modifications qu'il estime nécessaire d'apporter au plan lorsque les dispositions de celui-ci :

« a) Ne sont pas compatibles avec les directives territoriales d'aménagement ou avec les prescriptions particulières prévues par le III de l'article L. 145-7 [c'est-à-dire les prescriptions particulières de massif] et, en l'absence de celles-ci, avec les dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral mentionnées à l'article L. 111-1-1 ;

« b) Compromettant gravement les principes énoncés aux articles L. 110 et L. 121-1 ;

« c) Font apparaître des incompatibilités manifestes avec l'utilisation ou l'affectation des sols des communes voisines ;

« d) Sont de nature à compromettre la réalisation d'une directive territoriale d'aménagement, d'un SCOT, d'un schéma de secteur ou d'un schéma de mise en valeur de la mer en cours d'établissement,

« Le plan local d'urbanisme est exécutoire dès publication et transmission au préfet de la délibération approuvant les modifications demandées . »

En d'autres termes, le document d'urbanisme ne peut devenir exécutoire que si les demandes du préfet, exprimées dans un courrier et spécifiquement motivées, ont été suivies.

Votre mission estime que, a minima , il serait judicieux que les PPR soient inclus dans cette procédure (cette dernière intégrant déjà l'impératif de préservation de la sécurité publique qui figure à l'article L. 110) et que le préfet puisse faire obstacle à l'entrée en application des documents d'urbanisme qui ne respectent pas leurs prescriptions .

Proposition n° 33 de la mission :

Permettre au préfet de faire des observations sur la conformité d'un projet de plan local d'urbanisme (PLU) ou de plan d'occupation des sols (POS) aux prescriptions d'un PPR et, s'il constate que le document d'urbanisme n'est pas conforme au PPR, conditionner son entrée en vigueur à la réalisation de modifications (procédure de l'article L. 123-12 du code de l'urbanisme).

Dans une optique « maximaliste », il pourrait également être prévu que, même en présence d'un schéma de cohérence territoriale , le préfet peut conditionner le caractère exécutoire du document d'urbanisme à la réalisation des modifications nécessaires pour assurer la conformité de ce dernier à un éventuel PPRN.

En tout état de cause, votre mission a estimé que la conjonction de ces deux innovations (à savoir l'affirmation de la supériorité du PPR sur les documents locaux d'urbanisme, et l'augmentation des pouvoirs des préfets pour faire respecter cette hiérarchie) garantirait une prise en compte réelle et effective des risques naturels par les documents régissant l'occupation des sols à l'échelle communale et intercommunale.

3. Une clarification du régime de délivrance des autorisations d'urbanisme

Par ailleurs, votre mission a jugé que « la gouvernance du système de délivrance des autorisations d'urbanisme dans son ensemble », plutôt que l'action isolée d'une catégorie d'acteurs impliqués dans cette délivrance, « [avait] contribué, en confondant et en diluant les responsabilités de chacun, à exposer les populations à des risques naturels mortels ».

Forte de cette conviction, elle a tenté de déterminer comment le régime de délivrance des autorisations d'urbanisme pouvait être clarifié.

a) Renforcer et enrichir le « porter à connaissance »

La procédure de « porter à connaissance », prévue par les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 121-2 du code de l'urbanisme, impose aux préfets de « porter à la connaissance des communes ou de leurs groupements compétents les informations nécessaires à l'exercice de leurs compétences en matière d'urbanisme » et de leur fournir « notamment les études techniques dont dispose l'État en matière de prévention des risques et de protection de l'environnement ».

Ces « porters à connaissance » sont mis à la disposition du public et peuvent être annexés à d'éventuels dossiers d'enquête publique.

Toutefois, cette procédure est marquée par deux lacunes majeures :

- elle se réduit généralement à un simple rappel de la législation existante, et ne présente pas de réelle « valeur ajoutée » pour les autorités locales compétentes en matière d'urbanisme ;

- malgré la réforme de 2007, qui a fait du « porter à connaissance » une obligation permanente pour les préfectures, celui-ci reste en pratique un exercice fondamentalement ponctuel , qui intervient surtout lors de l'élaboration, par une collectivité territoriale ou un groupement de collectivité, d'un document d'urbanisme. Corrélativement, s'il appartient au préfet de vérifier que les informations qu'il a portées à la connaissance des autorités compétentes en matière d'urbanisme ont bien été prises en compte dans les documents qu'elles ont élaborés (PLU, POS, SCOT...), il ne s'en assure pas au quotidien, ni même de manière régulière.

Au vu de ces éléments, votre mission estime nécessaire que le « porter à connaissance » soit enrichi par une synthèse sur les risques naturels . Adressée chaque année aux élus locaux en charge de l'urbanisme (qui devraient prendre, de leur côté, toutes les mesures utiles pour que ces éléments soient communiqués aux populations), cette synthèse permettra également aux services préfectoraux de mettre en lumière d'éventuelles discordances entre l'état des connaissances sur les risques et les prescriptions des documents locaux d'urbanisme et, le cas échéant, de recourir à la procédure de « mise en conformité » que votre mission propose d'instituer pour résoudre ces divergences.

Il s'agit donc d'une procédure non seulement de collecte des informations disponibles sur les risques naturels, mais aussi de mise en regard de ces informations avec l'état des documents régissant l'occupation des sols.

Proposition n° 34 de la mission :

Prévoir, dans le cadre de la procédure de « porter à connaissance », la remise aux élus locaux d'une synthèse sur les risques naturels -que les préfectures seraient chargées de mettre en regard avec les documents d'urbanisme afin, le cas échéant, de solliciter la révision de ces derniers.

Cette innovation aurait deux intérêts principaux.

D'une part, un tel document serait établi même en l'absence d'éléments nouveaux : en tant que tel, il garantirait que les élus locaux ne perdent pas de vue les risques auxquels les territoires dont ils sont responsables sont exposés, et les inciterait à adapter leur politique de délivrance des autorisations d'urbanisme en conséquence. Elle permettrait aussi de faire en sorte qu'un changement d'équipe municipale n'ait pas d'impact sur la prise en compte des risques, et que l'information disponible en la matière soit accessible à tous, de manière pérenne et permanente.

D'autre part, cette procédure obligerait les préfectures à croiser des éléments dont elles disposent déjà, mais qu'elles s'abstiennent trop souvent de mettre en regard (à savoir le contenu des documents locaux d'urbanisme et la nature et l'intensité des risques naturels). Elle risque donc d'être lourde lors de sa première année d'application (puisqu'elle impliquera un contrôle exhaustif, et donc un redéploiement temporaire des moyens des préfectures de département), mais elle sera plus facile à mettre en oeuvre par la suite.

b) Donner de nouvelles responsabilités aux autorités d'instruction, de délivrance et de contrôle des autorisations d'urbanisme

Il convient, de même, de donner de nouvelles responsabilités aux acteurs impliqués dans la délivrance et le contrôle des autorisations d'urbanisme , afin de garantir une prise en compte des risques naturels à chaque étape du processus.

Le renforcement des critères d'instruction des demandes de permis de construire est naturellement impliqué par le nouveau statut donné aux PPR, qui imposera aux services instructeurs , quels qu'ils soient, d'effectuer un véritable contrôle de conformité.

En ce qui concerne la délivrance des autorisations d'urbanisme, votre mission estime qu'il est choquant que des permis « tacites » puissent être délivrés dans des zones à risque (c'est-à-dire, notamment, dans des zones couvertes par un PPR ou en passe de l'être). Elle estime donc que l'article R. 424-2 du code de l'urbanisme, qui liste les cas dans lesquels le défaut de notification d'une décision expresse vaut décision implicite de rejet de la demande de permis de construire, devrait être complété, pour qu'y soit inclus le cas dans lequel le territoire concerné est couvert par un PPR. Il s'agit donc de forcer les services instructeurs à se prononcer explicitement, au cas par cas et par une décision motivée sur les autorisations d'urbanisme délivrées dans les zones exposées à des risques.

Proposition n° 35 de la mission :

Interdire la délivrance d'autorisations d'urbanisme tacites dans les zones couvertes par un PPRN ou dans lesquelles un PPRN est en cours d'élaboration.

Votre mission souligne d'ailleurs qu' une telle procédure est déjà prévue dans de nombreux cas qui, pour la plupart, n'ont pas de lien avec l'objectif de protection des vies humaines : son extension n'aurait donc rien d'excessif.

Enfin, concernant le contrôle de légalité sur les actes d'urbanisme assuré par les préfectures, votre mission constate que non seulement le taux d'actes d'urbanisme déférés au juge administratif est particulièrement faible (0,024 % en 2008, selon la DGCL), mais aussi que le taux d'actes prioritaires effectivement contrôlés par les préfectures -parmi lesquels se trouvent les actes d'urbanisme- a reculé entre 2008 et 2009 40 ( * ) .

De nombreux axes d'amélioration peuvent donc être dégagés :

- tout d'abord, un contrôle de légalité systématique des actes d'urbanisme pourrait être instauré dans les zones couvertes par un PPR (ou dans lesquelles un PPR est en cours d'élaboration) . Devant votre mission, M. Daniel Canepa, président de l'association des membres du corps préfectoral, s'est déclaré favorable à cette proposition , et a été jusqu'à estimer que, dès lors qu'il s'agissait d'assurer la sécurité publique, la charge de la preuve -qui pèse actuellement sur les préfectures- devait être renversée : ainsi, il a affirmé que « si le préfet a constaté qu'un projet est en contradiction avec le PPRI, cela doit suffire à annuler le permis de construire, et ce doit être au demandeur d'apporter la preuve du contraire » ;

- par ailleurs, votre mission a constaté que les préfets faisaient un usage insuffisant de la procédure de référé sur déféré (les déférés préfectoraux sur le fond de l'acte contesté sont rarement assortis d'une demande de référé-suspension) 41 ( * ) . Pourtant, une telle demande de référé formée par le préfet dans un délai de dix jours à compter de la réception de l'acte permet la suspension immédiate de ce dernier, pendant un délai maximal d'un mois. Votre mission estime donc nécessaire d'appeler les préfets, par voie de circulaire, à assortir tous leurs déférés devant le juge administratif d'une demande de référé-suspension dès lors que l'acte contesté a un impact potentiel sur la sécurité des populations.

Propositions n° 36 et 37 de la mission :

- Mettre en place un contrôle de légalité systématique des actes d'urbanisme dans les zones couvertes par un PPRN ou dans lesquelles un PPRN est en cours d'élaboration.

- Appeler les préfets, par voie de circulaire, à assortir tous leurs déférés en matière d'urbanisme d'une demande de référé-suspension dès lors que l'acte contesté a un impact potentiel sur la sécurité des populations.

Votre mission a surtout été frappée de constater que, pour la plupart des préfets, le recours à un déféré préfectoral s'assimilait à un échec du dialogue avec les élus.

M. Daniel Canepa a ainsi souligné que, actuellement, les préfets « usaient du contrôle de légalité comme on se sert de l'arme nucléaire », c'est-à-dire essentiellement comme d'un outil de dissuasion ayant vocation à n'être utilisé que dans les cas les plus extrêmes.

Votre mission souligne bien entendu l'importance d'un dialogue constructif entre les préfets et les collectivités territoriales. Pour autant, elle considère que, face à l'enjeu de la protection des populations contre les risques naturels, le déféré préfectoral ne doit pas être résumé à un conflit ou à un constat d'échec. Il est, au contraire, au coeur de la mission des préfets, qui sont chargés de faire respecter la légalité et d'assurer une application homogène de la loi partout sur le territoire national. Certes, on ne peut qu'espérer que les voies de recours précontentieuses (dialogue informel avec les élus, lettres d'observation, etc.) s'avéreront fructueuses -c'est d'ailleurs le cas en règle générale-, et qu'elles permettront une résolution consensuelle des désaccords. Toutefois, si tel n'est pas le cas, il est de la responsabilité du préfet d'en tirer les conséquences en soumettant les actes litigieux au juge administratif ; il s'agit non pas d'un choix, mais d'un devoir que le représentant de l'État doit assumer.

Il s'agit donc d'une question de volonté politique, plutôt que de normes juridiques . Votre mission appelle donc le Gouvernement à donner des directives claires aux préfets afin que les actes d'urbanisme soient, dès que cela est nécessaire, déférés au juge administratif.

c) Favoriser la « désimbrication » des compétences et clarifier la répartition des rôles entre l'État et les collectivités territoriales

Lors de son pré-rapport, votre mission avait fait le constat d'une double imbrication des compétences dans le processus de délivrance des autorisations d'urbanisme.

Imbrication entre l'élaboration des documents d'urbanisme et la délivrance des autorisations prises sur ce fondement : les communes sont à la fois compétentes pour élaborer le PLU ou le POS par le biais de leur organe délibérant et pour délivrer les permis de construire par le biais de leur exécutif. Votre mission avait souligné les difficultés inhérentes à cette situation et fait état des débats ayant eu lieu après la tempête Xynthia, où certains observateurs ont estimé que la pression qui s'exerce, au niveau local, sur les maires, pouvait les empêcher de prendre des décisions justes et impartiales.

Votre mission avait réfléchi à une modification de la répartition des compétences entre les différents niveaux d'administration locale, notamment en confiant aux intercommunalités la mission d'élaborer les documents de planification de l'urbanisme. Ce document serait conçu en concertation avec les communes-membres de l'EPCI (les conseils municipaux disposant d'un pouvoir de blocage, dans des conditions de majorité qui restent à déterminer), et les maires continueraient, en tout état de cause, à délivrer les autorisations d'urbanisme. Cette élaboration intercommunale de la planification urbaine est déjà en vigueur dans certaines communautés de communes ou en milieu urbain.

La mission avait toutefois considéré que ce transfert de compétences devait se faire sur la base du volontariat ; elle constate, d'ailleurs, que cet impératif a été pris en compte par la loi « Grenelle II » qui, si elle incite fortement à la mise en place d'une planification urbanistique intégrée à l'échelle intercommunale, ne remet pas en cause le principe selon lequel la commune est compétente pour élaborer et approuver les PLU et les documents en tenant lieu.

Votre mission avait également été frappée par le « double rôle » des préfectures de département , chargées non seulement de contrôler la légalité des autorisations d'urbanisme délivrées par les communes, mais aussi, dans 80 % des cas, d'instruire les demandes pour ces mêmes autorisations. En d'autres termes, dans 80 % des cas, l'État est amené à se contrôler lui-même . Bien que les services qui effectuent ces deux missions soient nettement séparés -si bien que l'agent qui instruit n'est pas celui qui contrôle-, cette situation s'assimile à un « conflit d'intérêts » permanent qui, dans certains cas, porte atteinte à l'exercice régulier du contrôle de légalité 42 ( * ) .

Selon M. Daniel Canepa, cette « confusion des genres » ne pose plus, en pratique, de problèmes majeurs depuis que les DDE n'exercent plus de missions d'ingénierie publique auprès des pouvoirs locaux -c'est-à-dire depuis que les services préfectoraux ne sont plus rémunérés par les collectivités- : l'instruction serait dès lors un complément au contrôle de légalité , plutôt qu'une concurrence pour ce dernier.

Dans le même temps, votre mission est consciente que, dans la plupart des cas, les petites communes ne disposent pas des moyens nécessaires à l'exercice de leur mission d'instruction des demandes de permis de construire et qu'il convient donc de leur donner la possibilité d'un appui technique.

Dans un esprit inspiré par la décentralisation, elle a dès lors tenté de dégager des solutions pragmatiques .

Votre mission a constaté que les services de l'État n'étaient pas les seuls services que le maire pouvait solliciter. En effet, quelle que soit la taille de la commune, le maire peut librement faire appel aux services énumérés à l'article R. 423-15 du code de l'urbanisme pour l'assister dans l'instruction des demandes de permis de construire : il peut donc recourir non seulement aux services de sa commune et aux services préfectoraux , mais aussi à ceux d'une autre collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités (et donc des EPCI) ou à une agence départementale . Cette solution est d'ailleurs mise en oeuvre par plusieurs municipalités.

Votre mission a donc considéré qu'il était nécessaire, plutôt que de priver les petites communes d'un soutien qui leur est indispensable, de les inciter à faire appel aux intercommunalités et/ou à d'autres catégories de collectivités territoriales, chaque fois qu'elles le jugeront nécessaire, pour les aider dans l'instruction des demandes de permis de construire qui leur sont adressées.

Cette solution permettrait à la fois de recentrer l'État sur ses missions propres (et donc de décharger les services des préfectures de département, déjà fragilisés par la RGPP) et de donner sa pleine mesure à la décentralisation de l'urbanisme.

Elle a également estimé que le rôle des services préfectoraux devait, à l'avenir, être mieux encadré, et qu'il devait être clair pour les élus locaux comme pour les représentants de l'État que l'intervention de la DDTM n'exonère pas le maire de sa responsabilité. Elle a donc jugé nécessaire que le préfet puisse refuser de mettre ses services à disposition du maire dès lors qu'il constate que les avis rendus par ses derniers sont systématiquement ignorés, et que des permis de construire sont fréquemment délivrés en contradiction avec les conclusions du service instructeur.

Proposition n° 38 de la mission :

Permettre au préfet de décider le retrait de l'État de l'instruction des demandes d'autorisation de construire lorsqu'il est constaté que, de façon systématique, une commune ne suit pas les avis du service instructeur de l'État.

4. Édicter des normes de constructibilité adaptées au risque dans les zones dangereuses

Votre mission s'est prononcée en faveur de l'édiction de normes de constructibilité adaptées au risque dans les zones dangereuses.

Elle estime d'ailleurs que, pour déterminer les prescriptions adaptées au risque (c'est-à-dire pour fixer un niveau d'aléa pertinent), il convient non seulement de tenir compte des évènements climatiques extrêmes passés, mais aussi des catastrophes futures, dont la montée tendancielle du niveau de la mer ne pourra qu'accentuer la violence et la gravité .

De telles prescriptions sont, en général, imposées par les PPR dans les « zones de précaution » qu'ils délimitent. Les aménagements à réaliser sont toutefois enserrés dans une limite financière : en effet, ils ne peuvent coûter plus de 10 % du prix de l'habitation en cause 43 ( * ) .

Pour contourner ce problème (sans, pour autant, imposer aux propriétaires des charges financières disproportionnées, puisque les documents d'urbanisme n'ont pas d'effet rétroactif), des prescriptions pourraient être prévues par les documents d'urbanisme : ainsi, dans les zones « à risque », l'octroi d'un permis de construire serait conditionné au respect de certaines normes

Plus précisément, en ce qui concerne le risque de submersion marine, votre mission considère que :

- la mise en place de constructions sur pilotis n'est pas forcément une réponse pertinente face au risque de submersion marine. Cette solution n'est en effet efficace qu'en cas de montée progressive des eaux (comme dans le cas d'une crue fluviale), mais pas en cas de déferlement. À cet égard, lors de son audition par votre mission, M. Raymond Léost, responsable juridique de France nature environnement, avait souligné que le courant risquait d'affaiblir les maisons sur pilotis, et donc de ne pas constituer un moyen performant de protection de la vie humaine ;

- des batardeaux, depuis longtemps en usage en Gironde (c'est-à-dire des retenues d'eau, parfois amovibles, permettant d'empêcher l'entrée de la mer dans les habitations qui en sont dotées) pourraient être installés ;

- un rehaussement systématique des planchers d'habitation pourrait être imposé dans les zones exposées à un risque de submersion marine. Cet aménagement permettrait d'éviter que la hauteur des eaux pénétrant dans les maisons en cas d'évènement extrême n'atteigne des niveaux mettant en danger la vie des occupants. Toutefois, votre mission souligne que cette solution ne permettrait pas de renforcer la résistance structurelle des habitations : comme l'avait noté M. Gilles Servanton, directeur départemental des territoires et de la mer en Charente-Maritime, même lorsqu'elle reste à l'extérieur des maisons, l'eau fait pression sur les murs et peut en endommager la structure, ce qui peut provoquer, dans les cas les plus graves, un effondrement des édifices ;

- en outre, un étage, une zone refuge ou, solution minimale, un accès au toit, pourraient être rendus obligatoires dans tous les logements situés en zone inondable. Il s'agit d'éviter qu'une montée brutale des eaux ne prenne les habitants au dépourvu (comme cela pu être le cas dans les maisons de plain-pied situées en front de mer, par exemple à La Faute-sur-Mer, où les populations ont dû briser le plafond pour se réfugier sur le toit afin de s'échapper d'habitations dans lesquelles l'eau montait de manière continue) ;

- de même, comme le soulignait notre collègue Michel Doublet , l'adaptation des modes de construction à l'existence d'un risque de submersion marine peut reposer sur des aménagements simples et de bon sens . Par exemple, le rez-de-chaussée des maisons situées dans des zones à risque pourrait être constitué par un garage (ou, en tout état de cause, par des pièces n'ayant pas vocation à être occupées de manière pérenne), les pièces habitées -ainsi que les installations vitales, comme les installations électriques- étant toutes situées dans les étages supérieurs. Un concours d'architecture par type d'habitat pourrait être lancé de façon à concilier sécurité et esthétique.

En tout état de cause, votre mission estime qu'une réflexion sur les aménagements les mieux à même d'assurer une protection effective des populations doit être menée au cas par cas, dans le cadre d'une concertation entre les élus locaux et les services de l'État, préalablement à l'élaboration ou à la modification des documents d'urbanisme.

Proposition n° 39 de la mission :

Au moment de l'élaboration, de la modification ou de la révision des documents d'urbanisme, mener une réflexion sur la mise en place d'aménagements protecteurs des populations dans les habitations individuelles (batardeaux, rehaussement des planchers, étage refuge, accès au toit, neutralisation du rez-de-chaussée...).

C. ASSURER UNE MEILLEURE PREPARATION DE LA POPULATION

1. Lier l'adoption de plans communaux de sauvegarde (PCS) à la prescription d'un plan de prévention du risque de submersion marine (PPRS)

Pour votre mission, le plan de prévention du risque de submersion marine (PPRS), dont elle propose la mise en place, aura une place centrale dans la stratégie locale de prévention contre les risques de submersion marine. Il ne remplacera pas pour autant d'autres documents qui, tels les plans communaux de sauvegarde (PCS), rassemblent l'information préventive et la protection de la population face à des risques de toute nature.

En l'état actuel du droit, l'élaboration de ces deux types de plans est -en théorie- étroitement liée, puisque l'existence du premier contraint les communes à adopter le second. Cependant, la couverture du territoire en PPR étant encore faible, et une grande partie d'entre eux étant simplement en cours d'instruction, peu de communes sont réellement contraintes de se pourvoir de PCS.

Afin d' étendre le champ des communes soumises à PCS , il semblerait donc opportun d' en exiger l'adoption dès la prescription d'un PPR , et non simplement une fois ceux-ci adoptés. Cela permettrait, en outre, d'établir simultanément les deux types de plans, dont les problématiques et les enjeux sont connexes.

En outre, comme le relève la mission interministérielle, une importante limite des PCS tient pour les communes à l' absence de mesures incitatives - par sanction ou gratification - à s'en doter. Comme elle, la mission commune d'information suggère de subordonner l'octroi de subventions de l'Etat, en faveur des actions locales de prévention des risques, aux communes dotées d'un PCS approuvé.

Propositions n° 40, n° 41, n° 42 et n° 43 de la mission :

- Rendre obligatoire l'adoption par une commune d'un plan communal de sauvegarde (PCS) dès lors que la réalisation d'un plan de prévention du risque (PPR) lui a été prescrite.

- Elaborer des plans communaux de sauvegarde (PCS) simples et rapidement effectifs, recensant les points de faiblesse du territoire de la commune au vu des risques anticipés, et regroupant des mesures d'action concrètes et faciles à mettre en oeuvre.

- Désigner dans chaque département une personne référente pour aider les communes qui le souhaitent à élaborer un PCS.

- Réserver les subventions étatiques en faveur des actions locales de prévention des risques, y compris la protection contre les submersions marines, à l'existence dans une commune d'un PCS approuvé.

2. Renforcer l'information et la sensibilisation de la population

Rappel des premières préconisations de la mission dans son rapport d'étape

- Elaborer et mettre en oeuvre des PPRI spécifiques au risque de submersion marine ;

- Imaginer de nouvelles procédures d'information du public , notamment dans les PCS ;

- obtenir de chaque élève, au cours de son année de troisième, qu'il choisisse une association de sécurité civile pour s'y former et obtenir ainsi un pré-requis qui lui serait demandé lors des journées d'appel et de préparation à la défense.

La communication envers la population doit être le premier instrument - et sûrement le moins coûteux - de prévention des risques naturels .

Les PCS , qui constituent normalement la cellule de base de prévention des risques naturels, sont insuffisamment connus des populations qu'ils sont censés protéger ; un effort d'information des pouvoirs publics envers les administrés serait particulièrement opportun de ce fait.

De façon générale, c'est aux mairies et administrations publiques qu'il reviendrait naturellement de réaliser ce travail d'information et de communication vers les populations exposées, en privilégiant les actions de sensibilisation de terrain 44 ( * ) . On ne saurait en effet se contenter de formations purement administratives : leur efficacité dépendra de l'existence de simulations en grandeur nature qui fassent l'objet, s'agissant notamment des PCS, d'évaluations sous l'oeil d'observateurs extérieurs. En outre, l'institution d'une journée nationale de prévention des risques pourrait contribuer utilement à cette sensibilisation.

Propositions n° 44, n° 45 et n° 46 de la mission :

- Mieux informer la population du contenu des plans communaux de sauvegarde (PCS) et le lui rappeler régulièrement.

- Développer la sensibilisation du grand public par des opérations concrètes de terrain et des simulations soumises à évaluation.

- Instituer une journée nationale de prévention des risques.

A cet égard, Internet semble le média tout indiqué. Certaines associations ont d'ailleurs mis en place un tel service. Les préfectures également. Mais, ainsi que l'a souligné M. Christian Sommade, délégué général du HCFCD, la France est le seul pays qui ne soit pas doté d'un site Internet public décrivant de façon systématique les risques et la conduite à tenir lorsqu'ils surviennent. En Angleterre, où la responsabilisation des populations est bien plus développée, il existe un tel site décliné en 17 langues traitant de tous les risques et regroupant l'ensemble des acteurs concernés. Un projet de ce type existe dans notre pays depuis des années, sans avoir abouti pour l'instant. Il importe aujourd'hui de le mener à bien.

Les élus eux-mêmes , ont fait remarquer lors de leur audition devant la mission MM. Paul Girod, président, et Christian Sommade, délégué général, du haut comité français pour la défense civile, « ne sont pas ou très peu formés à la prévention des risques et à la gestion des crises ». Si une formation à la gestion de crise communale a été mise au point en 2010, beaucoup reste à faire de ce point de vue. Seuls des responsables locaux longuement sensibilisés seront en effet conscients des risques et aptes à alerter au mieux leurs administrés. Il convient donc de renforcer la formation des élus - maires et adjoints, au minimum - à la prévention et à la gestion des risques naturels, au moyen de structures existantes telles que le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).

Cette formation s'étendra également au personnel communal.

Propositions n° 47 et n° 48 de la mission :

- Faire aboutir au plus vite le projet de site national de sensibilisation du grand public consacré à la gestion des risques d'origine naturelle.

- Renforcer l'offre de formation des élus locaux et des agents municipaux à la prévention et à la gestion des risques naturels, et les inciter à y recourir.

Enfin, il devient indispensable d' éduquer le plus tôt possible nos concitoyens à une véritable culture du risque . De façon générale, et ainsi que l'a fait remarquer M. Stéphane Raison, directeur de l'aménagement et de l'environnement de Dunkerque port, ancien chef du service maritime et des risques de la direction départementale de l'équipement de la Vendée, un effort de pédagogie devrait être mené sur le terrain, notamment dans les écoles, de telles actions pouvant être organisées en partenariat avec les associations de défense de l'environnement.

M. Paul Girod, président du HCFDC, a fait remarquer à cet égard que la législation prévoyait depuis 2004 des interventions de personnes extérieures dans les écoles primaires, restées lettre morte pour l'instant. Il a également noté que les instituteurs n'avaient toujours pas intégré ce volet dans leur programme.

M. Yannick Chenevard, président de la Fédération nationale de protection civile suggère que chaque étudiant , entre la classe de seconde et celle de terminale, choisisse une association de sécurité civile pour s'y former et obtenir ainsi un pré-requis qui lui serait demandé lors des journées d'appel et de préparation à la défense.

Cette diffusion d'une culture du risque justifie aussi une journée nationale de prévention des risques de catastrophe naturelle impliquant les médias, l'Education nationale, les administrations publiques, le monde associatif et celui de l'entreprise.

Proposition n° 49 de la mission :

Obtenir de chaque élève, au cours de son année de troisième, de choisir une association de sécurité civile pour s'y former à la prévention, à l'alerte et aux premiers secours et acquérir ainsi un pré-requis qui lui serait demandé lors des journées d'appel et de préparation à la défense.

3. Élaborer des conseils de comportements en cas de crise

Une population bien informée sur les risques naturels et préparée à leur occurrence est une population - les exemples étrangers, néerlandais ou japonais, le montrent - qui sait gérer la crise et y survivre. Il est impératif, en ce sens, qu'elle ne cède pas à la panique lorsque l'évènement est en passe de survenir, mais se comporte d'une façon réfléchie et adaptée aux circonstances, qui minimise les risques individuels.

Une telle réaction n'a rien de naturel. Elle ne s'obtient qu'au prix d'une sensibilisation de long terme en amont , dans les structures précédemment évoquées (écoles, mairies, administrations publiques ...). Surtout, elle n'est envisageable que si des préconisations précises et adaptées sont adressées aux populations exposées durant la phase d'alerte, dans les heures ou les minutes précédant l'arrivée de la tempête.

Si des bulletins d'alerte assortis de recommandation ont été élaborés par Météo France peu avant la survenance de la tempête Xynthia 45 ( * ) , ils n'étaient pas suffisamment précis au niveau des territoires exposés et ne s'accompagnaient pas de conseils pragmatiques sur la conduite à tenir en cas de rapide montée des eaux. Surtout, ils étaient contre-productifs puisqu'ils recommandaient aux populations exposées de rester chez elles, là où les évènements ont montré qu'elles auraient mieux fait d'évacuer leur domicile, où elles se sont retrouvées bloquées, et de se réfugier dans des lieux situés plus en altitude.

Il paraît donc aujourd'hui impératif de mettre en place des procédures permettant d'alerter les populations à risque dans un laps de temps réduit précédant la tempête et de leur donner, au moyen des divers supports mobilisables (courriels, téléphone, textos, radio, télévision ...), des conseils pratiques de comportement allant, pour le plus important, de la nécessité ou non d'évacuer son domicile, à la conduite à tenir face à une montée brutale du niveau de la mer. Ces recommandations de comportement, afin de ne pas être sur ou sous-estimées, et donc décrédibilisées lors de leur premier usage pour l'occurrence suivante, doivent impérativement être proportionnés au risque encouru .

En outre, la préparation de la population aux mesures d'évacuation rendues nécessaires par la survenance du risque justifierait l'organisation périodique d'exercices d'évacuation . Lors du débat au Sénat du 16 juin dernier, Mme Chantal Jouanno, Secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie, a marqué son accord avec cette proposition.

Propositions n° 50 et n° 51 de la mission :

- Envoyer dès que possible aux populations exposées des conseils de comportements simples et concrets, adaptés aux risques encourus et directement applicables.

- Organiser périodiquement des exercices d'évacuation afin de préparer la population aux mesures rendues nécessaires par la survenance du risque.

L'expérience du Royaume-Uni est également intéressante dans l'approche par ce pays de la gestion des risques d'inondations.

La protection des populations contre les risques d'inondation au Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, c'est l'Agence de l'Environnement (Environment Agency), organisme public responsable directement devant le Secrétaire d'Etat chargé de la direction de l'environnement, de l'alimentation et des affaires rurales qui a pour mission la protection et l'amélioration de l'environnement en Angleterre et au Pays de Galles, la protection des populations contre les risques d'inondations ainsi que la gestion des ressources en eau.

L'Agence de l'Environnement dispose d'un budget de plus de 1,1 milliard de livres (1,3 milliard d'euros) par an. Sur ce budget, environ 800 millions de livres sterling (959 millions d'euros) sont dépensées pour la lutte contre les inondations fluviales et maritimes et la gestion du risque côtier. Les décisions d'investissement sont prises au moyen d'un programme de gestion du trait de côte qui inclut les modes de protection contre la mer les plus adéquats et prend en compte des standards de protection.

Le gouvernement britannique travaille pour améliorer la réponse du Royaume-Uni face aux risques majeurs, de manière à ce que la population puisse poursuivre ses activités librement et en confiance, par le moyen notamment des dispositions de la loi de 2004 sur les contingents civils (loi sur la protection civile). Une partie de ce travail consiste à identifier les risques majeurs que le Royaume-Uni peut rencontrer. La submersion de la côte Est de l'Angleterre est ainsi perçue comme l'un des plus grands risques auxquels est confronté le Royaume-Uni et il est donc nécessaire de s'assurer que le pays est préparé à y répondre, grâce aux moyens dont il dispose. La nécessité d'évacuer un grand nombre de gens est reconnu comme étant un facteur commun à nombre de risques affectant le pays et le Cabinet Office a développé des guides sur l'évacuation et la mise en sécurité. Le mécanisme principal de coopération entre agences au niveau local est le « forum local de résilience», il en existe 43 au Royaume-Uni. Ces forums se réunissent tous les six mois et des intervenants d'urgence y participent. Ces forums élaborent des plans d'évacuations.

En 2009, un groupe de travail a été mis en place, le « forum sur les risques d'inondations de la côte Est », qui inclut les forums locaux et les équipes régionales de résilience de la côte Est ainsi que des responsables gouvernementaux de la direction de l'environnement, de l'alimentation et des affaires rurales et du Cabinet Office. Ce groupe a pour objectif de réduire les faiblesses du dispositif existant et de promouvoir les meilleures pratiques. Une part significative de ses travaux est consacrée aux programmes d'évacuation au niveau local.

Des recherches récentes et la consultation de la population ont cependant montré qu'au Royaume-Uni le public avait un faible niveau de prise de conscience des risques. Beaucoup de gens s'attendent à ce que quelqu'un d'autre ou les autorités publiques gèrent le risque et ses conséquences.

Enfin, dans les années passées, le Royaume-Uni a pris en compte l'expérience des inondations importantes, qui ont touché l'Angleterre à l'été 2007, qui étaient un phénomène fluvial et pluvial, mais sans aspect de submersion marine. Le rapport de Sir Michael Pitt établi à l'été 2008 a conduit à faire 92 recommandations pour améliorer la gestion des risques d'inondations, et le gouvernement travaille désormais à les mettre en oeuvre.

Source : Ambassade du Royaume-Uni en France

D. RENFORCER LA PROTECTION DES POPULATIONS : UNE NOUVELLE POLITIQUE DE GESTION DES DIGUES

Rappel des premières préconisations de la mission dans son rapport d'étape

- Réparer rapidement les digues endommagées par la tempête ;

- Ne pas créer de digues nouvelles ayant pour objet de créer une nouvelle urbanisation dans des zones à risques ;

- Apporter une attention particulière au cordon dunaire qui est un ouvrage naturel de défense contre la mer ;

- Corréler l'aménagement et le rehaussement au niveau de risque et de protection envisagés ;

- Clarifier le régime de propriété et envisager un transfert de propriété publique qui permettra de clarifier les responsabilités ;

- Promouvoir une gestion locale de proximité de nature à assurer efficacement la surveillance et l'entretien de ces ouvrages ;

- Assurer un taux de prise en charge de ces travaux par l'Etat qui ne devra pas être inférieur à 50% et devra être soutenu dans le temps.

1. Les principes d'une nouvelle politique : les enseignements du déplacement aux Pays-Bas

Le déplacement que la mission a effectué aux Pays-Bas, les 1 er et 2 juin, s'est révélé extrêmement instructif sur la possibilité de mettre en oeuvre une véritable politique de lutte contre la submersion marine, adoptant une approche globale intégrant une véritable culture du risque, des moyens renforcés de prévision et d'alerte, des investissements et le contrôle des ouvrages de protection et des dunes et une gestion maîtrisée de l'eau et des fleuves. Le tout s'appuyant sur une structure administrative et financière très élaborée.

Profondément marqués par la tempête de 1953 et ses 1 835 morts, sur la côte de Zélande 46 ( * ) , les Pays Bas ont érigé la protection en priorité nationale. Mais, simultanément, ils ont refusé de renoncer à la sanctuarisation d'une partie d'un territoire situé pour moitié à un mètre en dessous de la mer et sur lequel vit 70 % de la population. Pour concilier ces deux impératifs, les Pays-Bas ont décidé que toutes les zones habitées seraient protégées quel qu'en soit le coût et que de vastes surfaces seraient aménagées en polders.

Le plan Delta, adopté en 1958, comprend au total neuf barrages, dont quatre principaux et cinq secondaires, pour un coût total, étalé sur 32 ans, de 5,5 milliards d'euros. Les digues barrières de front de mer ont des élévations comprises entre 12 et 14 mètres au-dessus du niveau de la mer.

Suivant des zones délimitées (rouge, orange, jaune, verte) par la loi néerlandaise sur le ouvrages de défense contre l'eau (la mer, les rivières et les grands lacs) de 1996, les digues sont construites pour résister à un phénomène de submersion ayant lieu tous les 10 000 ans, tous les 4 000 ans, tous les 2 000 ans ou tous les 1 250 ans. Ces normes sont bien supérieures à celles retenues en France, où la référence est généralement centennale.

Tous les six ans, ces digues sont contrôlées pour vérifier que les normes d'entretien sont bien respectées. Cet état des lieux sert de base à un plan d'investissements préparé par l'Etat qui est soumis au Parlement. Aujourd'hui, 93 projets d'investissements sont en cours, nécessitant un financement de 2 milliards d'euros d'ici 2015, pour une valeur économique protégée de 2.000 milliards d'euros.

Parallèlement, le pays a mis en place des administrations spécialisées, particulièrement efficaces. Les plus anciennes ont été créées au XIV ème siècle par des pêcheurs ou des fermiers installés le long des côtes, qui ont construit de petites digues pour faire des polders. Ces initiatives locales ont conduit progressivement à la création de milliers de petites structures de gestion des eaux, aujourd'hui rassemblées en 26 administrations régionales des eaux, avec une administration de tutelle.

Les administrations locales des eaux ne s'occupent pas seulement des digues, mais également de la gestion de l'eau, de l'irrigation et de la qualité des eaux (épuration). Elles ont leur propre régime juridique et disposent d'un système fiscal. Elles prennent des arrêtés directement applicables et donnent leur avis sur les projets de construction.

Les administrations régionales des eaux dépensent ainsi, chaque année, 135 millions d'euros pour la protection contre la mer pour un littoral de 350 kms . Tous ceux qui ont intérêt à l'investissement doivent payer (ménages, industries, agriculteurs etc..) sur le fondement de la valeur économique de leur bien. Un foyer néerlandais paye ainsi 10 à 50 euros par an en moyenne pour la protection contre la mer. Plus les personnes sont installées dans des zones basses à protéger, plus leur contribution est grande. Cependant, pour les grands projets d'investissement, ceux-ci sont financés par la solidarité nationale à travers le budget de l'Etat pour 500 millions d'euros par an.

Des élections sont organisées pour que les payeurs (ménages, entreprises etc..) soient représentés aux conseils d'administration des autorités régionales des eaux. Le Président est nommé pour six ans et le comité exécutif a la responsabilité d'évaluer les projets d'investissement, le montant des impôts à prélever et d'assurer la mise en oeuvre des projets. La loi fixe des priorités nationales mais laisse une marge de manoeuvre aux autorités régionales pour décider des projets d'investissement.

Les Pays-Bas ne recourent pas exclusivement à la construction des digues. Ainsi, le nord de la ville de Noordwijk était protégé par des dunes, mais avec une partie basse vulnérable. Il existait cependant des contraintes en termes de construction, avec une interdiction de creuser dans les zones de protection naturelle primaire. La solution technique trouvée a donc été la création d'une digue dans la dune , sur 1 100 mètres de long. A Katwijk, une partie de la ville est directement menacée en cas de tempête et les pouvoirs publics étudient également une solution hybride de digues et de dunes.

Par ailleurs, les Pays-Bas procèdent au rechargement de leurs plages. Sur la côte de Delfland, qui apparaît comme l'un des « points faibles » de la côte néerlandaise, les autorités ont choisi d'extraire du sable de la Mer du Nord, au large, pour créer de nouvelles dunes. Pour recharger leurs plages, les Pays-Bas utilisent 12 millions de mètres cubes de sable pour un coût de 43 millions d'euros par an, mais cela protège des intérêts économiques évalués à 800 milliards d'euros.

Enfin, les Pays-Bas travaillent à un grand plan de rénovation de leurs ouvrages de protection contre la mer (projet Delta II).

Le premier programme Delta, réalisé après la tempête de 1953 est toujours en vigueur. En 2008, une deuxième commission Delta a été mise en place, en l'absence de tout désastre majeur. Conçue de façon pro-active, cette adaptation du programme Delta associe les différents partenaires de la gestion de l'eau, le grand public et les différents niveaux d'administration. Dans une perspective de long terme, la commission propose d'étudier des zones spécifiques où se concentrent les enjeux, de tester des méthodes innovantes par des projets pilotes en mobilisant les acteurs privés, de conduire des projets environnementaux et de développement urbain, et d'accroître l'efficacité des moyens financiers mis en oeuvre.

Pour dépasser le clivage des pro et anti-digues, les Pays Bas développent un grand souci d'intégration des ouvrages dans les paysages et de valorisation touristique.

Les deux principaux critères retenus ont été l'analyse coût/bénéfice des ouvrages de protection et le risque de victimes. Aujourd'hui, le fonds Delta aux Pays-Bas représente 500 millions d'euros par an, la commission Delta II estime qu'il faudrait le porter à 1 milliard d'euros par an sur la période 2010-2100 pour répondre aux enjeux de la protection contre la mer et du changement climatique.

2. Déclinés en France, ces principes conduisent à un plan global de protection des populations et non à un simple plan digue
a) Un plan de gestion du trait de côte plutôt qu'un plan digues

L'élaboration d'une stratégie globale suppose de définir avec précision ce que sont les ouvrages de défense contre la mer. A ce titre, il serait réducteur de ne considérer que les digues de front de mer stricto sensu . Le cordon dunaire, qui a été très attaqué par les tempêtes de ces dernières années, doit être considéré comme une défense naturelle contre la mer qu'il faut bien évidemment conforter. De même, Xynthia a montré que le système hydraulique, avec ses ouvrages, joue un rôle essentiel quand il s'agit d'évacuer l'eau à la suite d'une surverse massive. Sans ces ouvrages, l'eau se retrouve piégée derrière les digues et ces dernières deviennent des obstacles à l'évacuation des eaux. Ainsi, tous les ouvrages, qu'ils soient le résultat de la main de l'homme ou de l'action exclusive de la nature, qui participent effectivement à la défense contre la mer et à la protection des populations, doivent entrer dans le plan digues. C'est vrai pour les ouvrages amont ou aval comme les digues de retrait permettant la formation de casiers hydrauliques, ou encore les berges des étiers.

Il s'agit donc d'une classification des ouvrages par destination , dès lors qu'ils participent à la défense contre la mer, plutôt que par nature.

Enfin, le coût important des ouvrages de protection impose qu'il y ait une réflexion approfondie, mais pragmatique, sur les priorités. Il est évident qu'une attention toute particulière doit être portée à la protection des populations. Ce doit être la priorité. Mais le périmètre d'intervention ne doit pas exclure la problématique de la protection des zones non bâties en ce qu'elles représentent un intérêt économique ou environnemental en termes de biodiversité, d'ailleurs bien souvent façonnée par la main de l'homme.

Pour être efficace, la stratégie ne doit pas se limiter à une vision étroite des seuls ouvrages artificiels protégeant exclusivement des zones habitées. Elle doit prendre en compte les exigences plus globales de la gestion du trait de côte et de la lutte contre les submersions marines.

Il convient de concevoir une approche d'ensemble intégrant le réseau hydraulique qui, dans notre pays, connaît de nombreuses défaillances et les fleuves, comme le font les Pays-Bas.

Le terme de digue correspond lui-même à des ouvrages de nature et de type variables : des ouvrages en remblai, des murs en maçonnerie ou en béton armé, et des ouvrages élevés à d'autres fins (routes, voies ferrées) qui sont amenés à jouer le rôle de digues sans en avoir les caractéristiques techniques. Les épis, qui sont des ouvrages perpendiculaires au trait de côte, jouent également un rôle dans la défense contre la mer. Enfin le cordon dunaire, avec parfois des enrochements, joue un rôle essentiel. Il faut rappeler qu'il existe environ 1 000 kilomètres de dunes sur les côtes de l'Atlantique et de la Manche, en grande partie gérées par l'Office national des forêts.

Un « plan digues » ne peut donc se limiter à un inventaire d'ouvrages et à l'application de solutions systématiques . Il doit procéder d'une étude préalable sur les différentes méthodes de protection des populations, en étudiant par exemple le renforcement des dunes et du trait de côte, et intégrer les procédés de construction les plus expérimentés. Le rehaussement doit tenir compte de l'élévation du niveau des mers déjà intervenue au cours du siècle dernier et pouvant se produire dans les prochaines années. En fait, ce plan doit s'intégrer dans une approche globale du risque de submersion et préconiser des solutions individualisées. Il nécessite également de définir le maître de l'ouvrage , la propriété , mais aussi l'autorité fixant les normes de construction et assurant le contrôle de l'entretien. Il n'aura pas d'effet s'il ne précise pas également le mode de financement immédiat et dans la durée (voir infra).

La mission a insisté à plusieurs reprises pour, non pas l'adoption d'un simple plan digue, mais d'un plan de protection des populations intégrant différentes solutions étudiées au cas par cas.

Elle souhaite que le plan digue annoncé par le Gouvernement fasse l'objet d'une concertation avec les acteurs concernés, en particulier les élus qui connaissent les priorités et l'état des ouvrages existants.

b) L'objectif de protection des populations ne saurait se réduire au renforcement des seuls ouvrages endommagés par la tempête

Il pose la question de la construction d'ouvrages nouveaux, du renforcement et de l'entretien des ouvrages existants.

Lors de son audition par la mission, Mme Chantal Jouanno, Secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie, a exposé certains grands objectifs qui pourraient gouverner un plan de reconstruction et de renforcement des défenses contre la mer. Elle a notamment fait valoir que rehausser ou créer de nouvelles digues ne devrait pas avoir pour effet d'ouvrir à l'urbanisation des zones exposées à un risque important ou perturbant l'expansion des crues. Certaines digues protégeant des enjeux faibles ou bien se trouvant en déshérence pourraient même être abandonnées.

Lors du débat organisé au Sénat le 16 juin dernier, la Secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie, en réponse aux inquiétudes de la mission, a précisé « qu' il y a un choix politique à effectuer sur le niveau de risque que nous voulons assumer collectivement et, en ce sens, le futur « plan digues » (...) devra faire l'objet d'une concertation entre l'État et les élus ». Le Conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs, présidé par notre collègue député Christian Kert sera saisi et un comité de pilotage mis en place.

La Secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie a également exposé plusieurs axes du futur plan:

- prendre place dans une politique plus générale de prévention des inondations, dans le cadre de la mise en oeuvre de la directive « Inondation » ;

- s'intégrer dans une politique de lutte contre la dégradation du trait de côte, l'enjeu étant de définir une stratégie véritablement nationale, conformément à l'un des engagements du « Grenelle de la mer ».

- être lié à la stratégie nationale d'adaptation au changement climatique.

La mission partage globalement ces orientations. Toutefois, comme elle vient de l'exprimer, elle note que l'élévation du niveau de la mer et l'accroissement des risques de submersion en résultant, doivent conduire à des travaux de rehaussement ou d'élargissement .

c) Comme aux Pays-Bas, ces ouvrages de protection devront être adaptés à l'augmentation du niveau de la mer.

Les chiffres sont éloquents : lorsque le niveau de l'eau augmente de cinquante centimètres, une submersion qui devrait se produire une fois tous les cent ans peut se produire une fois tous les dix ans ; si l'augmentation est de vingt-cinq centimètres, l'évènement aura lieu deux fois par siècle. Par ailleurs, une remontée du niveau de la mer d'un mètre produit une hausse de 50 centimètres de la houle, le rehaussement des digues devrait alors quasiment être de l'ordre de deux fois l'augmentation du niveau de la mer.

Avec l'élévation du niveau de la mer et l'accroissement prévisible du débit des fleuves, l'Etat néerlandais projette de réviser très fortement à la hausse ses normes de protection. La commission Delta II préconise des normes plus élevées d'un facteur 10.

Dans notre pays, les travaux sur les digues, notamment de renforcement ou de rehaussement, devront également tenir compte d'un aléa de submersion marine clairement défini et prendre comme référence les dernières données scientifiques sur l'évolution du niveau des mers et les « retours d'expérience » des phénomènes climatiques comme la tempête Xynthia.

Lors de son audition, M. Xavier Martin, ingénieur général du génie rural, des eaux et des forêts, a estimé que l'analyse de l'état des digues et de leur contribution à la protection constituait la question centrale. Leur capacité à faire face aux crues centennales n'est qu'un objectif de niveau intermédiaire. Le niveau de protection pourrait être beaucoup plus élevé. Dans la pratique, il s'agit d'un arbitrage coût/efficacité qui relève de la responsabilité des décideurs publics .

d) Les ouvrages doivent enfin être étudiés dans l'ensemble de leurs effets

La mission observe que les qualités de protection des digues existantes doivent être examinées avec soin. En effet, en Gironde, certains ouvrages de protection de terres agricoles ont conduit à des phénomènes de surverse affectant gravement des zones d'habitations. Il faudra donc des études au cas par cas, afin d'évaluer au mieux la situation des communes concernées. La coexistence de zones urbaines et de territoires ruraux doit être vue avec attention : il faut trouver l'équilibre entre conserver des zones d'expansion des crues et assurer le développement des communes rurales entourant les agglomérations.

Les effets d'éventuels rehaussements des digues doivent aussi être étudiés. Dans l'estuaire de la Gironde, il faut mesurer les effets, sur chaque rive, du rehaussement des digues. La construction ou le rehaussement d'une digue n'est pas sans conséquence pour les communes alentour.

e) La mission préconise néanmoins d'alléger les procédures pour le renforcement des digues existantes

Il conviendrait d'établir une véritable logique de coopération entre les acteurs chargés de la protection de l'environnement et ceux qui assument la protection des populations. Nombre d'élus locaux et d'habitants ont fait part de leur mécontentement sur la manière dont certains projets de digues ont été retardés pour des considérations environnementales. Il va de soi que la protection des populations existantes est l'objectif absolument prioritaire, même si l'intégration dans l'environnement ne doit pas être perçue comme antinomique.

Proposition n° 52 de la mission :

Prendre en compte le changement climatique et réaliser une étude « au cas par cas » pour le rehaussement et/ou le renforcement des digues, en tenant compte des zones d'expansion des crues et de l'ensemble du réseau hydraulique et des fleuves.

f) L'urgence de la remise en état des digues

La mission considère que le comblement des brèches et la réparation des digues les plus endommagées par la tempête sont des travaux prioritaires et urgents à réaliser pour la sécurité des populations et ce avant les grandes marées d'équinoxe.

Par circulaire du 7 avril 2010, des instruction s ont été données dans ce sens par le Gouvernement aux Préfets, qui peuvent exercer leur droit de substitution en cas de carence des propriétaires et, le cas échéant, porter les frais à leur charge. Pour les digues qui sont la propriété de l'Etat, le financement est assuré à 100 % par l'Etat. Lors du débat au Sénat du 16 juin dernier, Mme Chantal Jouanno, Secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie a indiqué que « la plupart des travaux de réparation ou de confortement de première urgence ont été réalisés. Il reste maintenant à se préparer aux marées d'équinoxe. Le ministère du développement durable prendra à sa charge tous les travaux sous maîtrise d'ouvrage d'État, dont le montant est estimé à environ 12,9 millions d'euros. Il a d'ores et déjà délégué aux préfets 7,4 millions d'euros et dispose des moyens nécessaires pour financer le reste. »

Le taux de cofinancement de l'Etat s'élève à 50 % pour les digues qui sont propriété des collectivités territoriales, en incluant, à hauteur de 10 %, les crédits du Fonds européen de développement régional (FEDER) obtenus par redéploiement.

Les collectivités territoriales se sont pleinement mobilisées. A titre d'illustration, la commission permanente du Conseil Général de la Vendée, réunie vendredi 19 mars 2010, a décidé d'accorder des aides d'urgence aux communes, aux syndicats mixtes et aux propriétaires privés, pour la réparation des digues, à hauteur de 5,3 millions d'euros, en relevant son taux d'intervention à hauteur de 25 %.

Cette phase de reconstruction-renforcement n'est pas achevée. Elle inclut des travaux qui doivent être réalisés en urgence avant les grandes marées d'équinoxe de septembre. A la mi-juin 2010, le coût des réparations d'urgence était ainsi évalué à un peu moins de 13 millions d'euros pour les digues d'Etat, dont 7,4 millions d'euros avaient déjà été délégués. Sur les digues dont la maîtrise d'ouvrage revenait aux collectivités territoriales, les travaux étaient estimés à 14 millions d'euros pour la Charente-Maritime et de 6 à 7 millions d'euros pour la Vendée. Aucune disposition financière n'était encore prise pour les digues agricoles, dont le coût de la réparation peut être évalué à 3 millions d'euros. L'Etat devra aussi assurer une participation au financement des dépenses incombant aux associations syndicales de propriétaires.

Proposition n° 53 de la mission :

Achever la remise en état des digues endommagées par la tempête en réalisant en urgence les travaux nécessaires avant les grandes marées d'équinoxe.

3. L'indispensable nouvelle gouvernance

La mission estime indispensable de revoir la gouvernance en matière de gestion des digues, et particulièrement pour ce qui concerne les digues maritimes, qui semblent très éloignées des priorités des pouvoirs publics.

a) Ce changement de gouvernance suppose une connaissance des ouvrages

Certes, un recensement a été prescrit par une circulaire interministérielle du 17 août 1994 suite aux grandes inondations du Rhône qui avaient noyé la Camargue en 1993 et 1994, puis rappelé par circulaire du 28 mai 1999. Depuis 2003, une base de données appelée BARDIGUES existe mais, en raison d'une priorité accordée aux barrages et aux digues fluviales, le recensement des digues maritimes n'est toujours pas achevé et l'identification des intervenants (propriétaire, exploitant et/ou gestionnaire) est très incomplète et souvent incertaine. Pour certains ouvrages anciens, sans actes administratifs, il est parfois très difficile d'identifier les propriétaires. On estime cependant qu'il existe environ 6 000 à 7 500 km de digues sur le territoire gérés par près de 1 000 maîtres d'ouvrage et assurant la protection d'environ 2 millions d'habitants.

Pour les départements touchés par la tempête Xynthia, en Loire-Atlantique, la base de données ne fait référence qu'à une seule digue, celle des marais salants de Guérande, et en Charente-Maritime, elle n'est que partiellement renseignée. En revanche, la majorité des digues est recensée en Vendée et en Gironde, y compris celles de l'estuaire. Enfin, l'accès aux données BARDIGUES est réservé à certains services de l'Etat.

Proposition n° 54 de la mission :

Poursuivre et achever le recensement des digues maritimes et fluviales (base BARDIGUES)

b) Plus globalement, il est impératif de changer un système aujourd'hui complexe et non contrôlé

De trop nombreux acteurs interviennent dans la gestion des digues. Malgré l'accroissement du contrôle règlementaire des digues et barrages résultant de la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau , les digues restent mal entretenues.

Il est indispensable que les digues « orphelines », ou plus généralement, les digues qui n'appartiennent pas à une collectivité publique, soient gérées.

En cas de carence, la dissolution d'une association syndicale autorisée (ASA) 47 ( * ) peut être prononcée par le Préfet. Après mise en demeure, celui-ci peut faire procéder d'office aux travaux aux frais de l'association , dans le cas où la carence de l'association nuirait gravement à l'intérêt public. Le Préfet peut également constater que l'importance des travaux à réaliser excède les capacités de l'association. Dans ce cas, l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent se substituer en tout ou partie à l'association.

L'expérience montre que cette procédure de substitution ne permet pas un entretien régulier des digues.

Il convient dès lors d'envisager un transfert de propriété à la puissance publique. A titre d'illustration, après la rupture d'une digue dans l'île de Noirmoutier en 1978, entraînant l'inondation de toute la partie sud de l'île, le SIVOM a racheté, pour un franc symbolique, 25 kilomètres de digues avec une bande adjacente de 25 mètres pour prévenir toute nouvelle submersion marine.

A défaut de transfert de propriété, une convention très précise doit être établie entre le propriétaire et les collectivités locales lorsque celles-ci interviennent sur une digue dont elles ne sont pas propriétaires.

Proposition n° 55 de la mission :

Clarifier le régime de propriété et envisager un transfert de propriété publique qui permettra de clarifier les responsabilités.

Votre mission estime cependant que le transfert de la gestion des digues à un établissement public national ne serait pas de nature à permettre une gestion efficace de la protection contre la submersion marine. Elle se prononce pour une gestion de proximité. En effet, les collectivités territoriales sont les mieux équipées pour connaître l'historique et la réalité des risques d'inondations et pour prendre les mesures nécessaires de prévention. Une « nationalisation » de la gestion des digues paraît d'autant moins souhaitable que l'Etat a toujours la faculté d'intervenir, pour des raisons de sécurité publique, en cas de défaillance d'une collectivité territoriale.

A titre d'illustration, en Gironde, le Syndicat Mixte pour le Développement Durable de l'Estuaire de la Gironde (SMIDDEST) est sollicité pour porter un « plan digues » avec un financement de l'Etat significatif (50 %). Maître d'ouvrage délégué, il serait responsable de l'entretien des digues une fois les investissements réalisés.

Cette gestion de proximité doit s'accompagner d'un « pilotage » national permettant de suivre l'exécution d'un plan national d'investissement pour la défense contre la mer, portant sur plusieurs années.

Cette modification de la gouvernance des digues semble faire consensus. La mission interministérielle de mai 2010 a elle même présenté trois scénarios résumés dans l'encadré ci-dessous. Si parmi ces scénarios figure l'option du « statu quo », lors de son audition, M. Michel Rouzeau, co-auteur du rapport, a précisé que si les trois scénarios n'ont pas été hiérarchisés entre eux, à la fois parce que la commande passée à la mission d'inspection ne l'exigeait pas et parce que chacun d'entre eux présentait des faiblesses, le statu quo serait particulièrement malvenu suite au passage de Xynthia. Selon lui, le fait de confier la responsabilité de la gestion des digues aux collectivités territoriales apparaît difficile dans un contexte de fortes discussions des transferts de compétences et de leurs modalités de compensation par l'Etat. La gestion par un établissement public national laisse toutefois en suspens une question similaire de partage des coûts entre l'Etat et les collectivités. Votre mission a très clairement écarté cette dernière option nationale, tandis que la seconde lui paraît plus opérationnelle.

L'amélioration de la gouvernance en matière de gestion des digues : trois scénarios développés par la mission interministérielle (mai 2010)

Pour répondre à la problématique de la mauvaise gestion des digues, le rapport envisage plusieurs scénarios :

- le statu quo « aménagé » qui ne conduit ni à la création de structures nouvelles ni à la modification de textes existants. Dans cette hypothèse, l'Etat encouragerait, avec des aides financières, la constitution de syndicats mixtes « ouverts » et le regroupement ou l'union d'associations et confierait des délégations de maîtrise d'ouvrages aux établissements publics territoriaux de bassin voire aux conseils généraux. Ce scénario prendrait du temps.

- Le transfert de la compétence de gestion aux collectivités territoriales : soit aux établissements publics de coopération intercommunale, soit aux départements, avec dans ce dernier cas le problème d'une absence de lien entre la gestion des ouvrages de protection et les compétences en matière d'urbanisme et de prévention des risques.

- La création d'un établissement public national gestionnaire , avec deux variantes : l'une maximale, par laquelle l'établissement public deviendrait le gestionnaire unique et global des travaux à réaliser sur l'ensemble des digues en France ; l'autre plus restreinte dans laquelle il ne serait que le gestionnaire des digues dont la gestion est, en fait ou en droit, exercée par l'Etat. La mission interministérielle estime que cette dernière variante présente l'avantage de la visibilité et de la stratégie de long terme, mais l'inconvénient d'un éloignement entre un établissement autonome et les responsables du ministère chargés de la politique générale de prévention des risques, de maîtrise de l'urbanisme et de contrôle des ouvrages.

c) Il sera très important de contrôler la mise en oeuvre d'un plan de renforcement des ouvrages de défense contre la mer

Il est ainsi nécessaire de renforcer les contrôles de sécurité des digues par l'Etat.

Lors du débat organisé au Sénat le 16 juin dernier, Mme Chantal Jouanno, Secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie a annoncé un doublement des effectifs consacrés à cette tâche dans un délai de trois ans (de 60 « équivalents temps plein » fin 2010 à 120 à fin 2013).

Il convient d'aller plus loin. Aux Pays-Bas, l a loi impose un contrôle tous les six ans de l'ensemble des digues . Malgré les efforts très importants de ce pays, la dernière inspection des digues a montré que 50 % seulement des ouvrages répondaient aux normes, 15 % étaient défaillants et pour 35 %, il n'était pas possible d'établir un diagnostic. Le rapport au Parlement permet de faire périodiquement un état des lieux et de lancer les programmes d'investissement. Ce lien entre l'établissement de la norme, l'évaluation, le contrôle et la programmation des investissements par l'Etat et les agences régionales des eaux est un dispositif particulièrement performant dont il conviendrait de s'inspirer.

Propositions n° 56 et n° 57 de la mission :

- Promouvoir une gestion locale de proximité de nature à assurer efficacement la surveillance et l'entretien de ces ouvrages.

- Renforcer les moyens de contrôle des ouvrages de défense contre la mer et rendre obligatoire, comme aux Pays-Bas, un rapport d'évaluation sur les ouvrages de défense contre la mer tous les six ans, qui serve de base aux plans d'investissements.

d) Etablir des normes techniques pour les digues

Jusqu'à présent, les travaux d'urgence sur les digues, nécessaires, ont été réalisés de manière rapide avec parfois des matériaux de mauvaise qualité technique (comblement de brèches avec de la terre prise sur des terrains agricoles et non avec des matériaux de carrière) au risque de devoir financer entièrement de nouvelles réparations. Les réparations d'urgence ont été faites, pour des raisons de sécurité, avec dans certains cas le concours de l'armée. Ainsi, des éléments du 31ème régiment de génie de Castelsarrasin ont été déployés en Charente-Maritime pour renforcer les digues endommagées avant le retour des grandes marées

Pour des travaux de moyen et long terme, il convient de repenser l'ingénierie des digues . En France, la maîtrise d'ouvrage semble défaillante dans ce domaine. Les collectivités territoriales, lorsqu'elles souhaitent édifier des digues, n'ont pas de cahier des charges ni de prescriptions techniques précises. Il apparaît que les grandes entreprises de travaux publics ne sont pas toujours performantes dans ce domaine. Une digue comme celle construite par l'Etat à Wissans dans le Nord-Pas-de-Calais en 2006 a cédé quelques mois après son inauguration en raison de malfaçons. Un document technique unifié (DTU) doit recenser les règles de protection des digues. Des formations adaptées devraient être réalisées dans ce domaine.

Le rapport de la mission interministérielle de mai 2010 recommande ainsi que le centre d'études techniques maritimes et fluviales (CETMEF) et les centres d'études techniques de l'équipement (CETE ouest et sud ouest) soient mis à disposition des maîtres d'ouvrages. Il est en tout état de cause indispensable de respecter des normes techniques et d'utiliser les méthodes les plus efficaces. Lors de son audition, M. Philippe Sergent, directeur scientifique du centre d'études maritimes et fluviales, a par exemple recommandé le recours à des ouvrages perméables, tel que l'enrochement, et la limitation des structures en béton.

En tout état de cause, comme aux Pays-Bas, l'Etat doit établir les normes de construction des digues comme il en édicte pour les ouvrages d'art.

Ces exigences techniques visent à construire des aménagements de qualité. Elles seront par ailleurs la contrepartie demandée par l'Etat en échange de sa participation financière.

Il faut tenir compte de la hauteur, de la structure de la face externe exposée directement aux vagues et de la face interne dont la fragilisation est souvent la cause de l'effondrement des digues. En effet, il est très important de faire en sorte que la digue ne casse pas. C'est ce qui fait la différence entre une inondation lente, sans victimes, et un désastre avec de nombreux morts. La question cruciale est donc, plus encore que la hauteur de la digue, sa solidité face à la tempête. Au Japon par exemple ont été développés de nombreux modèles de digues, parfois très larges, pour répondre à ces exigences de solidité.

Il faut aussi analyser la sécurité des ouvrages d'alimentation et d'évacuation des eaux qui assurent le bon fonctionnement du réseau hydraulique en zone basse . Lors de son déplacement en Gironde, la mission a eu connaissance du fait que le réseau de clapets et de valves associé à la gestion hydraulique dans l'estuaire n'était pas correctement entretenu par les propriétaires riverains. En effet, les digues de polder fonctionnent dans le cadre d'un système hydraulique souvent complexe, permettant l'évacuation des eaux en arrière de la digue et le drainage des terres submergées.

Des prescriptions précises devraient être établies non seulement pour l'entretien courant des ouvrages naturels et artificiels mais également en termes d'aménagement (ex : pistes cyclables, accès pour entretien, chemins d'accès aux plages sur les cordons dunaires).

Ainsi, les quatre critères les plus importants, au regard desquels une évaluation devra être conduite pour consolider la défense contre la mer, sont :

- la hauteur et la largeur des ouvrages artificiels mises en rapport avec la hauteur et la largeur nécessaires pour faire face aux « surcotes » les plus importantes, en tenant compte des effets de l'élévation de la mer ; le dimensionnement doit permettre d'assurer une protection adaptée au risque et au type d'occupation des zones menacées ;

- la structure de la face externe de la digue qui doit être en mesure d'aborder le choc violent du déplacement de la vague ;

- la structure de la face interne de la digue dont la fragilité - et donc l'érosion - est souvent la cause des ruptures d'ouvrages, notamment dans les cas de surverse ;

- l'analyse de la sécurité des ouvrages d'alimentation et surtout d'évacuation des eaux qui assurent le bon fonctionnement du réseau hydraulique des zones basses ; la prise en compte de cette analyse nécessitera une évaluation, c'est-à-dire un diagnostic des ouvrages de défense contre la mer, qui a été trop longtemps délaissé par l'Etat.

Dans le domaine de la recherche, la France doit pouvoir s'inspirer des exemples étrangers : ainsi des sociétés néerlandaises et américaines ont créé des simulateurs de vagues afin de voir les effets de la submersion marine sur les digues. Des revêtements en herbe, en argile, avec des obstacles (arbres), différents types de digues ont été testés. Par ailleurs, différentes matières de renforcement ont été évaluées, comme le géotextile, « l'élastocoast » ou l'asphalte avec des pierres apparentes.

Il convient aussi de veiller à l'intégration des digues afin d'éviter toute rupture paysagère. L'exemple des Pays-Bas est à cet égard instructif sur l'intérêt d'une digue en argile permettant le développement d'activités, renforçant l'attrait touristique et favorisant la bio-diversité. Il met aussi en lumière les initiatives originales qui peuvent être prises pour l'entretien des digues, par exemple le recours à des troupeaux de moutons sur des digues en herbe.

Propositions n° 58 et n° 59 de la mission :

- Définir très précisément des normes en matière d'ingénierie des digues.

- Soutenir et financer des recherches sur les ouvrages de lutte contre la submersion marine, en France et au niveau communautaire.

4. Une programmation et un financement de long terme

Le coût d'un véritable « plan digues », incluant les digues maritimes et fluviales, s'élèverait entre 3,5 et 4 milliards d'euros s'il s'agissait de conforter 3 500 à 4 000 kilomètres de digues au plan national, soit la moitié des digues en France.

Il est donc nécessaire d'établir des zones prioritaires. Le Gouvernement annonce qu'il y procédera en concertation avec les collectivités territoriales 48 ( * ) à l'automne 2010.

Des premières évaluations sont faites. En Gironde, l'Etat estime à 25 millions d'euros le coût d'une remise en état des digues de classe B . En Vendée, les travaux à envisager pourraient, selon les collectivités territoriales, aller jusqu'à 100 millions d'euros. Avant la tempête Xynthia, il restait 17 millions d'euros de travaux sur le programme de défense contre la mer élaboré après les tempêtes de 1999. Quoi qu'il en soit, il faut avoir à l'esprit que les Pays-Bas, qui certes ont une problématique spécifique, dépensent chaque année 500 millions d'euros pour la défense contre la mer, sans compter l'entretien effectué par les agences régionales des eaux.

La question majeure est donc de savoir comment sera financé ce plan.

La mission estime en effet que le programme d'investissement doit s'étaler sur plusieurs années, et ne pas se contenter d'une simple « réparation » de l'existant. En termes de financement, la mission considère que l'implication de l'Etat dans un « plan de défense contre la mer ou de lutte contre les submersions marines » doit être forte, non seulement pour les digues qui sont de sa propriété et pour lesquelles il a annoncé prendre en charge intégralement les coûts de remise en état, mais également pour les autres ouvrages de la responsabilité des collectivités territoriales. Un taux de cofinancement minimal de 50 % serait nécessaire pour assurer une véritable relance de l'entretien des digues. Aux Pays-Bas, qui comptent 3 500 kilomètres de digues « primaires » c'est-à-dire de première défense, et 14 000 kilomètres de digues « secondaires » situées à l'intérieur des terres, l'Etat finance les investissements sur les digues primaires et les autorités régionales des eaux les investissements sur les digues secondaires, grâce à des recettes perçues directement sur les usagers.

Lors du débat organisé au Sénat le 16 juin dernier, Mme Chantal Jouanno, Secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie a indiqué que « les travaux de confortement d'ouvrages seront pris en charge par le fonds Barnier et les fonds structurels européens. »

Elle a rappelé qu'à l'occasion de l'examen par l'Assemblée nationale du projet de loi portant engagement national pour l'environnement, un amendement présenté par le Gouvernement avait permis « d'augmenter les taux d'intervention pour le futur plan digues, au moins pour les ouvrages de prévention. Ce taux passe à 40 % lorsqu'il existe un plan de prévention des risques approuvé, au lieu de 25 % auparavant ; s'y ajoutent évidemment les 10 % provenant du FEDER. »

Le fonds de prévention des risques naturels majeurs dit « fonds Barnier» dispose de 150 millions d'euros par an. Sauf à être abondés par une dotation spécifique du budget de l'Etat, cette somme devrait être utilisée au moins pour les années à venir à indemniser les sinistrés (500 millions d'euros seront nécessaires). Le fonds Barnier n'est donc pas en capacité de financer à la fois un plan « digues » et ces indemnisations, même étalé sur plusieurs années .

D'après M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, le montant des ressources mobilisables sur le FNPRM serait de l'ordre de 470 millions d'euros sur six ans (lettre au Premier ministre en date du 10 mai 2010). Cette évaluation ne repose cependant pas sur un recensement précis des ouvrages ni surtout sur une analyse des besoins. Une dépense de 470 millions d'euros sur six ans serait l'équivalent d'une année d'investissement aux Pays-Bas, dont le littoral s'étend sur 350 kilomètres alors que celui de la France compte 5 853 kilomètres.

Afin de répondre aux demandes d'investissements, il faudrait abonder ou « gonfler » le fonds Barnier, avec par exemple l'affectation au fonds d'une part plus significative du produit net d'une modulation des primes catnat ; ou relever le taux de base des primes catnat elles-mêmes (12 % actuellement, soit un produit annuel de 1,3 milliard d'euros). L'affectation au fonds Barnier de la totalité de cette augmentation représenterait autour de 100 millions d'euros de ressources nouvelles, pour une augmentation de 1 % du taux de ces primes (voir infra).

Au-delà, un véritable « plan de lutte contre les submersions marines » national nécessiterait des moyens de financement pérennes, non encore définis. L'Etat devrait prendre en charge au moins la moitié des investissements sur les digues qui constituent véritablement la défense contre la mer et devrait confier aux collectivités territoriales leur entretien, accompagné des moyens financiers adéquats.

Une condition nécessaire de réussite serait la mise en place d'une ressource financière pérenne et dédiée . Le rapport de la mission interministérielle de mai 2010 envisage deux pistes alternatives : l'affectation d'une ressource fiscale nouvelle (taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés bâties ou non bâties) ou la perception d'une redevance de participation aux dépenses engagées sur les ouvrages. En effet, l'article L. 211-7 du code de l'environnement étend aux ouvrages de protection contre les inondations et de défense contre la mer les dispositions du code rural permettant de faire participer les propriétaires des droits protégés aux dépenses engagées par les collectivités territoriales pour les ouvrages d'intérêt général. Il faut souligner que ces propositions vont dans le sens d'un mécanisme « à la néerlandaise » où les populations protégées payent une redevance pour leur protection contre la mer.

Votre mission note qu'il existe d'autres pistes, par exemple celle de la modulation de la taxe locale d'équipement. La taxe locale d'équipement (TLE) perçue sur les permis de construire au profit de la commune est uniforme sur le territoire de la commune et plafonnée à 5%, pour le financement des travaux d'équipements publics. Elle représente environ 1% de l'ensemble des recettes fiscales des communes et de leurs groupements, soit un produit annuel de 500 millions d'euros environ.

Il pourrait être envisagé de la déplafonner, de fixer un nouveau seuil, qui pourrait par exemple être de 20 %, dans les zones à risque et de permettre une modulation différenciée du taux entre les différentes zones de la commune.

Pour votre mission, il est en effet nécessaire d'articuler un financement national par le fonds Barnier, expression de la solidarité nationale , et un financement local à partir d'une contribution demandée à ceux qui déposent des demandes de permis de construire dans des zones à risque.

Enfin, un Comité de pilotage national du plan digues et submersion marine devrait être créé pour suivre l'avancement du plan, associant les collectivités territoriales, et les représentants des services centraux et déconcentrés de l'Etat.

Propositions n° 60, n° 61 et n° 62 de la mission :

- Définir un programme d'investissement pour la protection contre la submersion marine qui tienne compte du cordon dunaire géré principalement par l'ONF.

- Créer un mécanisme de financement pérenne avec un double mécanisme financier national et local :

- national sur le fonds Barnier ;

- local, par le déplafonnement et la modulation de la taxe locale d'équipement (taxe sur les permis de construire).

- Constituer un comité de pilotage national associant les collectivités territoriales et les représentants des services centraux et déconcentrés de l'Etat pour suivre le plan d'investissement.

III. MIEUX GERER LA SURVENANCE D'UNE SUBMERSION MARINE AU MOYEN D'UNE MEILLEURE COORDINATION

A. UNE MEILLEURE COORDINATION DES SECOURS

Rappel des premières préconisations de la mission dans son rapport d'étape

- Généraliser le passage des SDIS au réseau numérique ANTARES ;

- Dédier une ou deux fréquences aéronautiques nationales aux secours ;

- Rendre les moyens de communication compatibles entre les SDIS, les services de la Gendarmerie et les personnels militaires ;

- Rénover le réseau national d'alerte (RNA) afin de répondre aux exigences d'alerte du XXIème siècle.

Si les secours se sont mobilisés de manière remarquable - et même héroïque - et ont globalement bien fonctionné , votre mission a identifié des améliorations nécessaires sur les moyens de télécommunications et sur la coordination des moyens aériens. A la lumière des informations recueillies lors de son déplacement à Bruxelles, elle a par ailleurs évalué le rôle que pouvait jouer l'Union européenne dans ce domaine.

1. Le rôle des moyens de télécommunications

La tempête Xynthia, phénomène exceptionnel, a provoqué des dysfonctionnements majeurs des moyens de communications.

Tout d'abord, le réseau de téléphonie fixe et mobile a été gravement perturbé.

Dans les jours suivants la tempête, France Telecom a mobilisé plus de 2.000 techniciens afin de réparer les dégâts. Selon l'opérateur, environ 100.000 lignes terminales ont été coupées suite à des chutes d'arbres, plus de 1.000 antennes relais de téléphonie mobile ont été affectées par des coupures d'électricité, impactant 170.000 clients au total.

Par ailleurs, le réseau mobile est constitué de 50 000 stations de base, qui couvrent chacune une cellule d'environ un kilomètre, reliées entre elles par des réseaux filaires. Le 27 février, la tempête Xynthia a entraîné la mise hors service de 700 à 1.000 stations de base par opérateur dans quatre zones, soit une perte de service pour 700 000 à un million de clients. Le réseau a cependant été rétabli quatre jours après quand il avait fallu une semaine pour parvenir à ce résultat lors de la tempête Klaus en Gironde, événement climatique de moindre ampleur.

Cependant, seul un opérateur de téléphonie mobile a fonctionné correctement dans les heures et jours suivant la catastrophe . Pendant douze heures, les services de secours de Vendée n'ont disposé que d'une seule ligne fixe.

Pour SFR ou Bouygues, la résilience du réseau dépend du bon fonctionnement du réseau électrique et du réseau France Télécom dans la mesure où les données sont transférées via le réseau filaire.

La principale cause d'indisponibilité est due aux défauts d'électricité , la rupture de l'alimentation électrique représentant 80 à 85 % des incidents. Les stations de base disposent de batteries qui ont une autonomie de 2 à 3 heures, et des groupes électrogènes prennent le relais en cas de rupture du réseau électrique, ces groupes équipant des sites stratégiques. Il apparaît donc essentiel qu'une véritable coordination soit mise en place entre les opérateurs de téléphonie mobile et ERDF. Les opérateurs ne savent en effet absolument pas sur quels sites ERDF intervient en cas de crise, et ne peuvent donc implanter au mieux leurs groupes électrogènes.

A la suite de Xynthia, la direction de la sécurité civile a créé un groupe de travail rassemblant tous les opérateurs de réseaux - eau, télécommunications, électricité, hydrocarbures - afin de définir un plan ORSEC réseaux, soit les priorités de rétablissement du réseau. La mission estime en effet que, même si des progrès ont manifestement été enregistrés depuis la tempête de 1999 et la tempête Klaus, il convient d'assurer une meilleure coordination entre les services préfectoraux et les opérateurs de réseaux.

Proposition n° 63 de la mission :

Etablir et structurer une coopération entre les services déconcentrés de l'Etat et les gestionnaires de réseaux et entre les opérateurs de téléphonie mobile, France Telecom et ERDF pour rétablir le plus rapidement possible les communications en cas de catastrophe naturelle.

Dans ces circonstances, des moyens de télécommunications adaptés aux situations d'urgence sont nécessaires.

On rappellera que, en application de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, a été publié un décret n°2006-106 du 3 février 2006 relatif à l'interopérabilité des réseaux de communication radioélectriques des services publics qui concourent aux missions de sécurité civile. Tous les réseaux de communication doivent être conformes à un ensemble de règles et normes techniques dénommé architecture unique des transmissions (AUT). L'objectif est d'assurer l'interopérabilité des transmissions des sapeurs-pompiers, des unités de la sécurité civile, des unités militaires, des SAMU, de la police et de la gendarmerie, pour les opérations de sécurité civile. Le réseau ANTARES (adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours) doit ainsi être le réseau numérique des services publics qui concourent aux missions de sécurité civile.

Si le SDIS de Charente-Maritime a utilisé le réseau numérique ANTARES dans de bonnes conditions, le SDIS de Vendée a eu recours à un réseau analogique . La généralisation du passage des SDIS à ANTARES doit donc être préconisée. 13 millions d'euros sont prévus à ce titre en 2010 dans le cadre du fonds d'aide à l'investissement (FAI) des SDIS. La mise en place du dispositif ANTARES à l'échelle nationale doit donc être accélérée, la généralisation du dispositif à tout le territoire national n'étant prévue qu'à l'horizon 2014.

Selon le directeur de la sécurité civile, ANTARES est plus qu'un instrument de radio communication crypté. Il permet d'acheminer instantanément toutes les informations sur le terrain. Grâce à l'activation de la charte satellitaire, il peut transmettre des cartographies de première qualité, mais aussi des informations médicales utiles au diagnostic au pied de la victime

ANTARES susciterait, à terme, des économies, puisqu'il permettrait, dans les opérations de sauvetage, de disposer de toutes les informations médicales, et dans les opérations de secours, de retransmettre immédiatement images et données. C'est grâce au satellite que les secours ont découvert que l'île de Ré était coupée en deux ; grâce à lui qu'un effort important a pu être déployé sur la commune de Charron, en Charente-Maritime, grâce à lui que le centre opérationnel de Paris a pu assurer la coordination.

La mission ne peut donc que préconiser le développement d'un système unique de communication satellitaire , même si certains professionnels font observer que le système ANTARES ne dispose pas de toutes les fonctionnalités modernes et en soulignent le coût élevé à l'heure actuelle, en raison d'un nombre de ventes limitées. La généralisation du système pourrait cependant avoir un impact sur les prix.

Aujourd'hui, les services de secours ne disposent pas encore de suffisamment d'équipements, et doivent souvent recourir à des téléphones mobiles.

Enfin, il apparaît qu'une véritable concertation entre les services de secours et les opérateurs téléphoniques devrait être encouragée. Aujourd'hui, deux mondes semblent se côtoyer sans véritables recherches de synergies : d'une part, les fournisseurs des services de secours (EADS, Thales) et d'autre part, les opérateurs mobiles.

Propositions n° 64 et n° 65 de la mission :

- Doter l'ensemble des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) d'un réseau numérique moderne et robuste.

- Pour la généralisation du réseau ANTARES :

- d'une part, veiller à faire évoluer le système afin de faciliter les échanges de données nécessaires (par exemple pour l'envoi de cartographies ou de diagnostics « au pied de la personne» au bénéfice des services d'urgence),

- d'autre part, faire supporter par l'Etat la charge les coûts de fonctionnement liés à ANTARES.

Par ailleurs, les réseaux de transmission des SDIS et de l'armée ne coïncidaient pas dans la phase aérienne de secours hélicoportés. Il pourrait donc être envisagé de dédier une ou deux fréquences aéronautiques nationales aux secours et de rendre les radios des hélicoptères militaires compatibles avec celles des SDIS.

Propositions n° 66 et n° 67 de la mission :

- Dédier une ou deux fréquences aéronautiques nationales aux secours.

- Rendre les moyens de communication compatibles entre les SDIS, les services de la Gendarmerie et les personnels militaires.

Si la phase d'alerte a bien fonctionné lors de la tempête Xynthia, il faut néanmoins relever que le réseau national d'alerte (RNA) date des années 1930 (5000 sirènes publiques et industrielles). Selon les acteurs de la protection civile, il est dans un état dégradé. Il y a ainsi 32 sirènes en Charente-Maritime et six seulement en Vendée : c'est, selon les termes mêmes du directeur de la sécurité civile, un système vétuste, mal adapté aux risques d'aujourd'hui. L'Etat s'est engagé à l'entretenir, mais le coût d'une sirène s'élève à 42.000 euros. L'abonnement à des systèmes d'appels groupés - fax, email, SMS et téléphone - permettrait sans aucun doute de répondre davantage aux besoins de protection civile aujourd'hui.

Proposition n° 68 de la mission :

Rénover le réseau national d'alerte (RNA) afin de répondre aux exigences d'alerte du XXIème siècle .

Lors de son audition par la mission, M. Jean-Marie Danjou, délégué général de l'AFOM a fait état des réflexions en cours sur la « priorisation » des appels d'urgence au sein de la commission interministérielle de coordination des réseaux et des services de communications électroniques pour la défense et la sécurité publique qui rassemble les opérateurs de téléphones mobiles, les opérateurs de téléphones fixes, les fournisseurs de services publics. La « priorisation » permet, en cas de crise, de privilégier les appels d'urgence au détriment de tous les autres qui contribuent à engorger le réseau voire à le neutraliser.

Proposition n° 69 de la mission :

Prioriser les appels d'urgence et adapter, si nécessaire, la réglementation dans ce sens.

2. L'intervention des moyens aériens

Pour le dispositif aérien, si les hélicoptères ont secouru 90 victimes, au cours de 92 heures de vol, dont la moitié de nuit, grâce à l'équipement en vision nocturne, il faut constater une insuffisance de moyens en hélicoptères au début de la catastrophe en Vendée, et surtout des défauts dans la coordination des appareils. La zone aéronautique couvrait deux départements et deux zones de défense, ce qui explique en partie ces difficultés.

La tempête Xynthia a mis en évidence une insuffisance de moyens dans la première phase de mobilisation en Vendée (un seul hélicoptère de la gendarmerie était disponible, avant la mobilisation de 4 hélicoptères de la sécurité civile et d'un hélicoptère de la marine nationale) alors qu'en Charente Maritime les moyens étaient suffisants (10 hélicoptères dont 5 de la sécurité civile, 4 des armées et 1 de la Gendarmerie), et une mauvaise coordination des hélitreuillages.

L'officier « aéro », originaire du SDIS de Charente-Maritime et chargé, depuis La Rochelle, de répartir les missions entre les hélicoptères, a, dans un premier temps, complètement ignoré la situation en Vendée. La zone aéronautique comportait à la fois deux départements et deux zones de défense, ce qui explique en partie cette défaillance. Le SAMU a par ailleurs engagé des moyens aériens sans en informer le commandement des secours.

Il apparaît donc nécessaire de mieux coordonner la phase aérienne des secours avec la nomination d'un coordinateur pour l'ensemble des moyens aériens sur la zone de sinistre.

Le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, M. Brice Hortefeux, a indiqué, lors de son audition par la mission, que désormais, la coordination des moyens aériens sera systématique entre les trois niveaux, national, zone de défense et départemental.

La mission considère également que, lorsque deux régions sont touchées par une catastrophe, et a fortiori deux régions appartenant à des zones de défense différentes (les deux départements de Vendée et de Charente-Maritime relèvent de deux zones de défense, respectivement celle de Rennes et celle de Bordeaux), une coordination forte doit être réalisée afin de sortir des « cloisonnements administratifs ». Il convient de désigner un seul Préfet coordinateur. Récemment, le décret n° 2010-224 du 4 mars 2010 relatif aux pouvoirs des préfets de zone de défense et de sécurité est venu renforcer leur pouvoir sur les Préfets de région et instituer des mécanismes de droit administratif simplifiés. Ce décret doit encore être mis en oeuvre pour éviter tout dysfonctionnement dans la phase de secours.

Proposition n° 70 de la mission :

Désigner un préfet coordinateur dans le cas des catastrophes impliquant plusieurs régions.

3. Des centres de secours relocalisés hors des zones à risque

L'inondation d'un certain nombre de centres de secour s (Ars-en-Ré, Saint Trojan, L'Aiguillon-sur-Mer) a gêné les opérations de sauvetage. Il faudrait veiller à l'avenir à les reconstruire hors zone inondable.

En effet, ces centres de secours sont des éléments essentiels du dispositif d'assistance en cas de catastrophe et doivent rester accessibles en toutes circonstances.

Proposition n° 71 de la mission :

Déplacer tous les centres de secours situés en zones inondables vers un espace non exposé au risque d'inondation.

4. Le rôle de l'Union européenne

Dans le cas de la tempête Xynthia, hormis les moyens aériens dans la première phase, les moyens humains et matériels ont été suffisants pour faire face à la catastrophe. Les secours départementaux mais aussi régionaux et même nationaux se sont mobilisés.

Toutefois, certaines catastrophes de grande ampleur pourraient nécessiter une coordination encore plus large des moyens, à l'échelle européenne. Des catastrophes peuvent également se produire dans des zones transfrontalières ou à proximité d'autres pays européens, nécessitant une grande coordination des secours.

Le mécanisme communautaire de protection civile, établi par décision du Conseil 2001/792/CE du 23 octobre 2001 permet de préparer des réponses éventuelles aux désastres. Il est doté d'une base de données recensant les informations sur les capacités disponibles des autorités de protection civile nationales. La base de données permet de gagner un temps précieux pendant la phase d'urgence en permettant aux Etats membres de savoir quel type d'assistance est disponible. Un centre de suivi et d'information reçoit les alertes et gère les demandes d'assistance.

Par ailleurs, la création d'une force européenne de protection civile a fait l'objet d'un rapport remis par M. Michel Barnier en mai 2006. Les progrès dans ce domaine sont encore limités, et la question est souvent davantage posée en termes d'aide hors de l'Union européenne (ex : Haïti) qu'en termes d'aide au sein de l'Union européenne. La solidarité européenne est davantage le fait de coopérations spécialisées entre Etats-membres (par exemple entre la France, l'Espagne, l'Italie, le Portugal et la Grèce pour les feux de forêts).

En février dernier, le Parlement européen, réuni en session plénière à Strasbourg a adopté une résolution demandant l'établissement d'une force de réaction rapide de l'UE en matière de protection civile.

Le Parlement européen demande ainsi à la Commission européenne de lui « présenter des propositions visant à établir, dans les meilleurs délais, une force de protection civile de l'Union européenne fondée sur le mécanisme européen de protection civile et à permettre à l'Union de réunir les ressources nécessaires pour fournir une première aide humanitaire d'urgence dans les 24 heures suivant une catastrophe ».

Proposition n° 72 de la mission :

Anticiper et renforcer les mécanismes de coopération au sein de l'Union européenne en cas de catastrophes de grande ampleur.

B. UNE REPARATION EFFECTIVE

Rappel des premières préconisations de la mission dans son rapport d'étape

- Veiller à l' indemnisation rapide et juste par les sociétés d'assurances des sinistres provoqués par la tempête Xynthia ;

- Soutenir les exploitants agricoles ainsi que les conchyliculteurs et pisciculteurs à travers le versement d' aides exceptionnelles ainsi que par l' indemnisation publique des aléas non assurables via le Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA). Ce dernier devra être activé pour les pertes de récolte mais aussi pour les pertes de rendement des sols inondés en prenant en compte les effets de la salinisation. Sur le plan du financement communautaire, outre un redéploiement de crédits de la PAC et du Fonds européen pour la pêche , la mission préconise de recourir à la « mesure 126 » de l'UE qui permet la mobilisation d'un fonds d'urgence pour reconstituer les capacités des territoires frappés par une catastrophe naturelle ;

- Mobiliser, pour les autres filières économiques fragilisées par la catastrophe, le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) , afin de les accompagner et de restaurer un certain dynamisme économique. Il convient également d'envisager le relèvement du plafond d'éligibilité des entreprises au FISAC , aujourd'hui fixé à un million d'euros de chiffre d'affaires annuel hors taxes ;

- Réparer les dommages subis par les collectivités territoriales en recourant à la solidarité nationale pour ce qui concerne leurs biens non assurables, en particulier leurs infrastructures ;

- Mettre à l'étude un mode de compensation des pertes de recettes fiscales induites pour les collectivités territoriales par la démolition des maisons situées en zone d'acquisition amiable ;

- Obtenir des autorités communautaires l'octroi d'une aide au titre du Fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE) en vue de contribuer au financement des interventions d'urgence entreprises par les autorités publiques nationales et locales face aux conséquences de la tempête Xynthia ;

- Prévoir une réaffectation de crédits issus du Fonds européen de développement régional (FEDER) et du Fonds social européen (FSE) en direction des zones sinistrées ;

- Prévoir l'intervention du Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit fonds « Barnier », pour l'indemnisation des sinistrés dont les maisons sont classées en « zone d'acquisition amiable », en intégrant le risque de submersion marine au sein du champ des risques couverts ;

- Mettre à l'étude une révision des règles d'abondement et de fonctionnement du fonds « Barnier » ;

- Poursuivre une réflexion de moyen-terme sur la réforme du régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles , ou régime « catnat ».

La violente tempête Xynthia a provoqué d'importants dégâts ainsi qu'il a été exposé dans la première partie du présent rapport. Ce bilan dramatique justifie une très grande diligence tant des assurances que des pouvoirs publics pour aboutir à une indemnisation juste et effective dans des délais rapides .

A ce stade, votre mission a pu constater la bonne mobilisation des assureurs sous l'impulsion des pouvoirs publics. Elle souhaite insister sur la nécessité d'un soutien durable aux filières économiques durement touchées et sur l'aide indispensable qui doit être apportée aux collectivités territoriales . Elle est, par ailleurs, préoccupée par les perspectives de mobilisation du fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE) .

Par ailleurs, elle constate que l'utile et ambitieux dispositif d'indemnisation mis en place dans les zones d'acquisition amiable induira un coût considérable qui pose la question des capacités financières du Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit fonds « Barnier ».

Enfin, elle dresse un bilan nuancé quoique globalement positif du régime d'assurance des catastrophes naturelles, au sein duquel la prévention doit être encouragée.

1. Permettre une juste indemnisation des particuliers
a) L'impulsion donnée par les pouvoirs publics

Si face aux conséquences de la tempête Xynthia, les assureurs se déclarent fortement mobilisés , les pouvoirs publics qui ont largement contribué à cette mobilisation en veillant à mettre en place un cadre favorable à la gestion des sinistres.

Les victimes ont ainsi bénéficié de facilités non négligeables en matière fiscale et sociale, parmi lesquelles trois exemples peuvent être donnés :

- l'examen avec bienveillance, par les services fiscaux et les Urssaf, des demandes de délais de paiement et de remise de majoration et de pénalités pour le paiement des impôts et des cotisations sociales 49 ( * ) ;

- la remise en totalité, sur demande du contribuable, des cotisations 2010 de taxe d'habitation et de taxe foncière sur les propriétés bâties, dès lors que les locaux auront été détruits ou subis des dégâts tels, qu'après expertise, ils soient voués à la démolition ;

- la prise en charge par l'Etat des indemnités de chômage partiel versées par les employeurs 50 ( * ) .

Votre mission souligne également le délai d'un jour franc dans lequel a été signé l'arrêté portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle 51 ( * ) . Par cet arrêté, l'Etat a déclenché l'ouverture du régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, dit « catnat », qui permet aux assureurs, pour certains dommages, de bénéficier d'une réassurance publique, garantie par l'Etat.

Tous les dommages causés sur les biens par la tempête Xynthia, ne seront toutefois pas indemnisés par le biais de ce régime « catnat ». En effet, les dommages assurables résultant d'évènements comme le passage d'une tempête, la grêle, le gel ou le poids de la neige, relèvent des garanties contractuelles de droit commun .

Suite au passage de Xynthia, les dommages causés par les effets du vent relèveront donc de la garantie tempêtes , dont la mise en jeu ne nécessite pas la reconnaissance d'un état de « catastrophe naturelle ». Le détenteur du contrat sera donc indemnisé par sa compagnie d'assurances pour les dommages matériels qu'il aura subis, par exemple du fait du vent mais pas du fait d'une « catastrophe naturelle ». Sont couverts par la garantie tempêtes les dommages matériels causés aux biens par l'action directe du vent ou du choc d'un corps renversé ou projeté par le vent ainsi que les dommages de mouille causés par la pluie lorsque celle-ci a pénétré à l'intérieur des bâtiments mais seulement dans les jours qui suivent la tempête.

L'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles relève d'un dispositif particulier : le régime légal d'assurance des catastrophes naturelles, dit « catnat » , issu de la loi n° 82-600 du 13 juillet 1982. Il se trouve mobilisé en raison des inondations provoquées par la tempête Xynthia puisque sont considérés comme les effets d'une catastrophe naturelle, au sens de l'article L. 125-1 du code des assurances , « les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises » .

Ce régime permet la prise en charge des dommages matériels causés aux biens assurés 52 ( * ) , sous l'effet d'une catastrophe naturelle. Il est, de manière générale, moins avantageux que l'assurance de droit commun parce que des franchises sont systématiquement appliquées et que la valeur à neuf n'est pas garantie entraînant l'application de coefficients de vétusté qui sont à déduire des indemnisations 53 ( * ) .

L'Etat déclenche l'ouverture de la garantie par un arrêté interministériel constatant la catastrophe pour une zone et une période déterminée : cette procédure a ainsi conduit, dans le cas de la tempête Xynthia, à l'arrêté portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle du 2 mars 2010.

Par ailleurs, un médiateur des assurances a été nommé 54 ( * ) . Sa mission consiste à veiller au bon déroulement des procédures d'indemnisation, au traitement rapide et efficace des dossiers et à la qualité des relations entre les assureurs et les assurés.

b) Le bilan de l'action des sociétés d'assurance

A ce stade, la mobilisation des assureurs paraît à la hauteur des enjeux de la catastrophe. L'ampleur des dégâts provoqués par la tempête Xynthia conduit à un nombre total de déclarations de sinistres supérieur à 400.000, sachant qu'au 31 mai 2010, selon les données agrégées des deux fédérations de sociétés d'assurance 55 ( * ) , 409 311 sinistres avaient été déclarés, dont 30 865 au titre du régime catnat, pour un coût cumulé estimé à 1,34 milliard d'euros , dont 706 millions d'euros au titre du régime catnat 56 ( * ) .

Bilan des indemnisations par les assureurs

Déclarations

Total

Tempête

Catnat

Habitation

315 133

77 %

298 332

78,8 %

16 801

54,4 %

Auto

29 685

7,2 %

20 304

5,4 %

9 381

30,4 %

Professionnels et Collectivités

64 493

15,8 %

59 810

15,8 %

4 683

15,2 %

Total

409 311

100 %

378 446

100 %

30 865

100 %

Coût estimatif en milliers d'euros

Total

Tempête

Catnat

Habitation

803,4

60,1 %

379,7

60,2 %

423,7

60,0 %

Auto

82,9

6,2 %

30,5

4,8 %

52,4

7,4 %

Professionnels et Collectivités

450,9

33,7 %

220,9

35,0 %

230,0

32,6 %

Total

1 337,2

100 %

631,1

100 %

706,1

100 %

Source : Données FFSA et GEMA agrégées par le médiateur des assurances

Les deux fédérations ont témoigné, lors de l'audition au Sénat par votre mission de leur présidents MM. Bernard Spitz et Gérard Andreck, d'une volonté de procéder à des indemnisations dans des conditions favorables aux victimes.

Le GEMA a accepté de financer le relogement provisoire pendant 6 mois des personnes évacuées. Plus généralement, les sociétés d'assurance se sont engagées à mobiliser leurs moyens humains et logistiques afin d'indemniser les dommages inférieurs à 2.000 euros en moins de trois mois . De même, elles ont accordé un délai supplémentaire aux victimes pour la remise de leurs dossiers d'indemnisation : le délai de cinq jours a ainsi été exceptionnellement rallongé du 5 au 31 mars 2010. En pratique, les demandes formulées hors délai ont continué à être acceptées et traitées au-delà de cette date.

Un conciliateur, M. Claude Smirou, a été désigné, le 12 mai 2010, par la FFSA et le GEMA pour résoudre les difficultés éventuelles d'assurance rencontrées par les sinistrés en Charente-Maritime et en Vendée.

Dans chacun des vingt quatre départements principalement touchés par la tempête, les deux fédérations ont toutes les deux nommé des coordonnateurs , chargés de centraliser les données et les dossiers pour l'ensemble des sociétés adhérentes. Ces coordonnateurs participent aux réunions hebdomadaires de suivi des conséquences de Xynthia qui se tiennent dans les préfectures. Suite aux conséquences des graves intempéries des 15 et 16 juin 2010 dans le Var , la mission relève que les assurances ont institué un dispositif local similaire , chacune des fédérations ayant mis un coordonateur à la disposition des services préfectoraux.

En outre, les sociétés d'assurance ont renoncé à exiger des sinistrés la remise d'attestations de vitesse du vent et, surtout, elles versent des avances sur indemnisation selon les besoins et les circonstances, avec une attention toute particulière pour les personnes en grande difficulté du fait des conséquences des inondations.

A la faveur de cette mobilisation des sociétés d'assurance, le traitement des sinistres semble acceptable : au 31 mai 2010 , dans les 24 départements où la vitesse du vent a été supérieure à 140 kilomètres à l'heure, 50 % des 400 000 sinistres ont été réglés ou sont sur le point de l'être mais seuls 18,5 % du total des indemnisations ont été versés .

Avancement du traitement des dossiers au 31 mai 2010

(en milliers d'euros)

Nombre de déclarations

Montants

Réglées (total ou partie)

Expertises réalisées

Indemnités versées

Total

Nombre

Taux

Nombre

Taux

Montant

Taux

Habitation

315 133

77,0 %

163 071

51,7 %

24 810

19,6 %

124,6

15,5 %

Auto

29 685

7,3 %

18 786

63,3 %

11 227

80,6 %

58,2

70,1 %

Professionnels et Collectivités

64 493

15,8 %

15 615

24,2 %

1 800

31,9 %

64,8

14,4 %

Total

409 311

100 %

197 472

48,2 %

37 837

9,2 %

247,5

18,5 %

Source : Données FFSA et GEMA agrégées par le médiateur des assurances

Votre mission relève que M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, ne s'est vu transmettre qu'un faible nombre de dossiers, soit 180 saisines au total, dont 25 sont toujours en instance au 25 juin 2010 . Sur ces 25, la moitié justifie une instruction plus approfondie et seules trois ont été déposées il y a plus de deux mois. Il convient d'observer que le délai moyen de résolution des dossiers est de 6 semaines et que les motifs d'insatisfaction portent rarement sur la technicité assurantielle et sont le plus souvent formels : ils peuvent ainsi concerner l'application des franchises ou les délais de visite des experts.

Votre mission juge indispensable d'assurer une indemnisation rapide et juste par les sociétés d'assurances des sinistres provoqués par la tempête Xynthia.

Les assurances pour les dommages causés par les inondations au Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, il revient au propriétaire individuel d'organiser son assurance privée contre les désastres comme l'inondation. Cependant, il a été établi que dans certaines zones défavorisées, incluant des zones à risques d'inondations, le taux de souscription de contrats d'assurances est bas.

En réponse au rapport Pitt de 2008, rédigé après les graves inondations de l'été 2007 en Angleterre, le gouvernement a débloqué 12 millions de livres sterling (14,4 millions d'euros) pour la période 2008-2011 afin de promouvoir et de mettre en place des assurances en faveur des locataires sociaux dans le cadre d'un travail avec des associations sur des zones géographiques spécifiques. En parallèle, l'association des assureurs britanniques s'est engagée à oeuvrer pour l'assurance des personnes à faibles revenus. Un guide a également été élaboré spécifiquement pour les petites entreprises.

Source : Ambassade du Royaume-Uni en France

2. Assurer un soutien durable aux filières économiques
a) L'indemnisation des agriculteurs et le recours au Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA)

Différents types de dommages ont été causés aux filières agricoles et aquacoles. Certains, causés par le vent, ont affecté les bâtiments, les équipements et les cultures. D'autres, résultant plus directement de la submersion marine, sont allés plus loin et n'ont pas détruit que les cultures en place, mais ont réduit à court et moyen terme le potentiel agronomique des terrains en raison de la salinité et de la sodicité de l'eau de mer . Cette dernière a également engendré des phénomènes mécaniques d' érosion et des perturbations dans le fonctionnement des infrastructures hydrauliques (canaux, fossés), en particulier sous l'effet du déplacement de matières telles que du sable, de la vase, de la terre ou des déchets divers.

Selon les réponses du ministère de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche au questionnaire transmis par votre mission, les dommages exceptionnels liés à l'ennoiement et à la stagnation de l'eau salée concernent une zone de plus de 50 000 hectares, dont 35 000 ont été particulièrement touchés . Ces parcelles inondées sont constituées de deux tiers de grandes cultures et d'un tiers de prairies. Le tableau suivant présente la répartition des surfaces inondées dans les deux départements les plus touchés.

Surfaces inondées dans les deux départements les plus touchés

(en hectares)

Grandes cultures semées 1

Grandes cultures non semées 2

Prairies

Nombre d'exploitations

Charente-Maritime

4 406

6 106

10 941

800

Vendée

5 505

3 156

1 866

164

Total

9 911

9 262

12 987

974

1 Cultures d'hiver, principalement blé dur et blé tendre ;

2 Cultures de printemps, comme le maïs et le tournesol. Source : ministère de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Les exploitations conchylicoles et piscicoles ont principalement subi des dégâts sur leurs installations et équipements à terre (bâtiments et matériels détruits), leurs installations en mer ayant été relativement épargnées. La Charente-Maritime et la Vendée sont là aussi les départements les plus touchés, avec près de 900 exploitations sinistrées en Charente-Maritime et 120 en Vendée , mais des dégâts ont également été signalés en Loire-Atlantique et en Gironde, notamment sur le bassin d'Arcachon.

Plusieurs indemnisations seront versées aux agriculteurs, parmi lesquelles trois catégories peuvent être distinguées. Pour les risques assurables, les indemnisations relèvent des assurances privées , pour les aléas non assurables, elles seront issues de l' indemnisation publique par le biais du Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA) et, enfin, des aides exceptionnelles ont déjà été annoncées en renfort des deux indemnisations précitées.

Les premières n'appellent pas, à ce stade, de remarques particulières, si ce n'est la faible part des indemnisations déjà versées par les assureurs : au 31 mai 2010 sur la base d'un échantillon de 75 % des dossiers de sinistres de la fédération française des assurances (FFSA) concernant la couverture des dégâts dans le monde agricole par les sociétés d'assurance, 50 % des dossiers ont été réglés ou sont sur le point de l'être , mais seulement 10 % ont conduit au versement d'indemnités . Pour les ostréiculteurs, la situation est moins alarmante, puisqu'au 5 mai 2010, il est fait état de 650 sinistres déclarés, parmi lesquels 592 ont fait l'objet d'expertises, dont les deux tiers (412) ont été réglés définitivement ou sont sur le point de l'être.

L'indemnisation publique des aléas non assurables se place sous le régime légal des calamités agricoles 57 ( * ) , mais il convient d'observer que les indemnisations ne peuvent représenter au mieux que 75 % du montant des dommages .

Dans le cas des dommages provoqués par la tempête Xynthia, le FNGCA devrait être mobilisé pour un montant qui reste à déterminer 58 ( * ) , et servir à la fois aux agriculteurs et aux conchyliculteurs et pisciculteurs, en veillant à indemniser les dégâts et les pertes de récolte, mais aussi les pertes plus indirectes de rendement des sols inondés, en prenant en compte les effets de la salinisation des terres et la nécessité de leur gypsage .

Il a été procédé à la notification de ces aides à la Commission européenne le 27 mai 2010 , qui a donné son accord par sa décision n° N 209/2010 relative aux aides d'Etat en date du 17 juin 2010.

La Commission européenne s'est attachée à vérifier en particulier l'absence de phénomènes de surcompensation. En effet, la discussion avec les autorités nationales a principalement porté sur les conditions de mise en place d'un système d'indemnisations forfaitaires.

Deux aspects du dossier doivent à cet égard être distingués :

- d'une part, la couverture des dommages non assurables subis par les exploitations agricoles, à l'image des récoltes non engrangées et du cheptel vif situé hors des bâtiments, mais également par les conchyliculteurs et pisciculteurs ;

- d'autre part, la prise en charge partielle des effets de la salinisation des terres, ce qui implique le financement du gypsage des surfaces exploitées inondées et de la perte de rendement induite compte-tenu de la présence de sel.

Le premier point n'a pas suscité de réelles difficultés, dans la mesure où il correspond à la prise en charge habituelle des pertes de culture, tandis que le second, qui vise à compenser partiellement et par forfait les pertes de rendement des sols inondés, y compris les pertes futures, a dû faire l'objet d'un argumentaire plus affiné de manière à démontrer qu'aucun cas de surcompensation n'est rendu possible 59 ( * ) .

Les pertes de potentiel de production seront compensées sur des bases forfaitaires de 1 000 euros par hectare pour les grandes cultures et de 600 euros par hectare pour les prairies. Les indemnisations représenteront 35 %, 45 % ou 60 % de ces forfaits selon des modalités relativement complexes récapitulées ci-après.

Calcul de l'indemnisation des pertes de potentiel de production

Étendue de la Surface agricole utile (SAU) inondée

Inférieure à 30 %

De 30 % à 75 %

De 75 % à 100 %

Taux d'indemnisation

35 %

45 %

60 %

Source : ministère de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Chaque exploitation devrait donc recevoir une aide proportionnelle au nombre d'hectares inondés, progressive en fonction de l'importance des surfaces inondées par rapport à l'ensemble de la surface de l'exploitation et, enfin, correspondant à un type de culture donné (grandes cultures ou prairies).

Au total, votre mission regrette que, dans des situations de crise du type de celle de Xynthia, la Commission européenne exerce un contrôle aussi rigoureux au regard des règles du droit de la concurrence, alors même que l'indemnisation sera inférieure aux pertes constatées. Les aides devraient en effet pouvoir être versées le plus rapidement possible sans qu'il soit procédé à d'inopportuns contrôles administratifs tâtillons.

Lors du débat organisé au Sénat le 16 juin dernier, Mme Chantal Jouanno, Secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie, a elle-même considéré que « face à ce type d'événements, il faut mettre en place une procédure d'approbation accélérée . »

Proposition n° 73 de la mission :

Promouvoir au niveau européen une révision des modalités de contrôle des aides publiques versées à la suite d'une catastrophe naturelle et prévoir une procédure d'approbation accélérée afin de faciliter un versement rapide de ces aides aux filières économiques sinistrées.

Pour les agriculteurs qui rencontrent les plus grandes difficultés, des avances sur les indemnisations du FNGCA doivent être débloquées, soit par l'Etat directement, soit par les banques avec financement des intérêts des prêts par l'Etat.

La mission est particulièrement attentive à l'efficacité et à la rapidité des procédures de versement des aides annoncées. Les agriculteurs, les ostréiculteurs et les conchyliculteurs sont, en effet, les professions qui ont été les plus frappées par la tempête Xynthia. Il est donc primordial d'assurer très rapidement l'indemnisation des préjudices très importants qu'ils ont subis, surtout que l'accord de la Commission européenne sur les dossiers notifiés place aujourd'hui le Gouvernement face à ses responsabilités.

Un versement des aides dans les meilleurs délais est d'autant plus essentiel que leurs destinataires doivent entreprendre le plus tôt possible d'importants travaux de remise en état des terres en culture pour réduire la quantité de sel présent dans le sol par l'utilisation du gypse et retrouver les capacités de rendement perdues.

Votre mission constate avec satisfaction que la visite sur place, le 4 juin 2010, de M. Bruno Le Maire, ministre de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche, a conduit au versement effectif des premières aides . D'après les informations transmises par le ministère de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche, il s'agirait, au 25 juin 2010, de 386 000 euros versés aux agriculteurs vendéens, et de plus de 231 000 euros pour ceux de Charente-Maritime.

Ces acomptes, faibles au regard des indemnisations dues, ne concernent que la partie « pertes de fonds classiques » du FNGCA, les crédits destinés à la compensation des pertes de potentiel agronomique et correspondant aux indemnisations forfaitaires n'ont pour leur part été délégués que le 24 juin 2010 (15,9 millions d'euros en Charente-Maritime et 10,6 millions d'euros en Vendée), et vont donc pouvoir commencer à faire l'objet de procédures de paiement.

En outre, la prise en charge des dépenses de gypsage s'effectuant sur présentation de factures (coût d'achat et d'épandage), ces versements spécifiques ne s'effectueront qu'à partir de l'automne 2010, point sur lequel votre mission souhaite attirer l'attention du ministère de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Sur le plan du financement communautaire, outre un redéploiement de crédits de la PAC et du Fonds européen pour la pêche, la mission préconise de recourir à la « mesure 126 » de l'UE, qui permet la mobilisation d'un fonds d'urgence pour reconstituer les capacités des territoires frappés par une catastrophe naturelle. Cette aide ne pourra concerner que des dégâts non assurables, tels que les récoltes non engrangées détruites ou les animaux morts hors des bâtiments. Aujourd'hui non financée, cette rubrique pourrait faire l'objet d'un abondement par redéploiement. La sollicitation de cette procédure, à l'initiative des préfets de région en particulier, serait envisagée dans la région Poitou-Charentes , mais pas dans la région des Pays de la Loire , ce que déplore votre mission.

Proposition n° 74 de la mission :

Recourir à la « mesure 126 » de l'Union européenne, qui permet la mobilisation d'un fonds d'urgence pour reconstituer les capacités des territoires frappés par une catastrophe naturelle.

S'agissant des aides ad hoc , les pouvoirs publics ont élaboré un plan de soutien exceptionnel de 20 millions d'euros, déjà approuvé par la Commission européenne, au bénéfice des professionnels conchylicoles et piscicoles de Charente-Maritime et de Vendée, afin de permettre la reconstruction de bâtiments et l'achat de matériels, suite aux dégâts engendrés par la tempêtes Xynthia. Ces aides doivent également permettre la prise en charge du coût des franchises et des coefficients de vétusté appliqués par les assureurs. Votre mission salue cette initiative et préconise de faire bénéficier les agriculteurs d'un dispositif similaire à celui prévu pour les aquaculteurs . Elle propose en outre une mesure spécifique pour les agriculteurs en difficulté économique majeure.

Propositions n° 75 et 76 de la mission :

- Faire bénéficier les agriculteurs d'un dispositif similaire à celui prévu pour les aquaculteurs permettant la prise en charge par l'Etat du coût des franchises et des coefficients de vétusté appliqués par les assureurs.

- Pour les agriculteurs que Xynthia a placés dans une situation de difficulté économique majeure, leur permettre de bénéficier d'une procédure spécifique « agriculteurs en difficulté » qui n'est pas soumise aux règles européennes de plafonnement dans le cadre du de minimis.

D'autres aides budgétaires sont annoncées à l'instar du financement des intérêts de prêts d'environ 30 000 euros par exploitant , par l'intermédiaire du Fonds d'allégement des charges des agriculteurs (FAC), pour un montant de 3 millions d'euros pour les agriculteurs 60 ( * ) et d'1,5 million d'euros pour les ostréiculteurs et les conchyliculteurs, ou encore de la prise en charge de 2,5 millions d'euros de cotisations dues à la mutualité sociale agricole (MSA).

Lors de leur audition par la mission, MM. Pierre Baudry, directeur général adjoint de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) de Poitou-Charentes-Vendée, et Stéphane Marco, responsable du service départemental de la Charente-Maritime, ont proposé la mise en oeuvre par leur SAFER 61 ( * ) d'une politique d'acquisitions amiables par une interprétation extensive du champ d'application des articles L. 143-3 et R. 143-7 du code de l'urbanisme. Elle participerait de la mise en oeuvre d'une stratégie foncière de long terme , orientée vers la protection du littoral et des personnes et de mise en valeur des terrains agricoles et des espaces naturels .

b) Le soutien des filières économiques sinistrées à travers le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC)

Même si les dossiers d'indemnisation par les sociétés d'assurance devraient être résolus sans difficultés, notamment ceux relatifs aux fonds de commerce, les filières économiques non agricoles sortent fragilisées de la catastrophe . Elles ont besoin d'être accompagnées et de bénéficier d'un soutien qui puisse les redynamiser. L'instrument privilégié au service de ces objectifs pourrait être le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC).

Le rôle et le fonctionnement du FISAC

Dispositif fondé sur la solidarité financière entre la grande distribution et les petites entreprises commerciales et artisanales, le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) n'a été consacré au niveau législatif qu'en 2008 par l'article 100 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME).

Le FISAC a longtemps été alimenté par un prélèvement sur l'excédent du produit de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA) acquittée par la grande distribution (entreprises dont la surface de vente est supérieure à 400 m²). Depuis la loi de finances pour 2003, le produit de cette taxe, rebaptisée taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) avec la LME, est affecté au budget général de l'Etat, les dotations relatives au FISAC étant désormais déléguées à partir de ce budget à la Caisse nationale du Régime social des indépendants (RSI). C'est donc le RSI qui assure la gestion financière du fonds, dont l'importance pour la création, le maintien et la modernisation du commerce, de l'artisanat et des services de proximité, surtout en milieu rural, en zone de montagne ou dans les zones urbaines sensibles (ZUS), doit être soulignée.

Les bénéficiaires des aides, qui se présentent sous la forme de subventions variant de 20 % minimum pour les dépenses d'investissement matériel à 50 % maximum des dépenses de fonctionnement et d'investissement immatériel, peuvent être des maîtres d'ouvrage publics (communes, groupements de communes ou associations, établissements publics) comme des maîtres d'ouvrage privés (entreprises, groupements d'entreprises, coopératives).

Depuis la LME, il est possible de le mobiliser dans le cas de circonstances exceptionnelles susceptibles de provoquer une atteinte grave au tissu commercial . C'est dans ce cadre que le FISAC interviendra au profit des entreprises affectées par les conséquences de la tempête Xynthia.

Le Gouvernement a déjà prévu de recourir au FISAC. En effet, une circulaire du 3 mars 2010 prévoit le versement d'une aide exceptionnelle aux entreprises commerciales, artisanales et de services sinistrées à la suite de la tempête Xynthia. Elle précise le champ d'intervention de l'aide et son montant. L'aide est ainsi accordée pour les dommages et pour les pertes d'exploitation subis par les entreprises commerciales, artisanales et de services des départements visés par l'arrêté portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, à l'occasion des intempéries survenues du 27 février au 1 er mars 2010. Destinée à la remise en état de l'outil de travail et à faciliter le retour à une activité économique normale , elle sera déterminée sur la base du préjudice réel et certain 62 ( * ) . Le montant de l'aide prendra donc en compte, sur production de justificatifs :

- les dépenses d'investissement liées à la restauration des locaux et de l'outil de travail dans la limite d'un plafond fixé par entreprise à 8.000 euros ;

- l'indemnisation des pertes d'exploitation, notamment la reconstitution de stocks, pour un montant maximum de 2.000 euros.

Votre mission souligne que le plafond d'éligibilité des entreprises au FISAC , aujourd'hui fixé à un million d'euros de chiffre d'affaires annuel hors taxes , semble particulièrement bas, comme ont pu le souligner les acteurs économiques de Charente-Maritime et de Vendée rencontrés lors de déplacements sur place. Elle estime donc opportun d'envisager le relèvement de ce plafond.

De même, elle observe que la première limite des indemnisations pour les professionnels résulte de l' application de franchises assez élevées , puisqu'elles représentent 10 % du montant des dommages avec un minimum de 1140 euros pour les biens à usage professionnel et à 3 jours ouvrés avec un minimum de 1140 euros pour la garantie pertes d'exploitation, mais lorsque la franchise prévue par le contrat est supérieure, c'est cette dernière qui sera appliquée 63 ( * ) . Alors que le FISAC ne prévoit pas le remboursement de la franchise, la commission chargée de procéder à l'évaluation des aides au titre du FISAC pourrait être encouragée à faire preuve de souplesse dans le calcul des aides de manière à tenir compte du coût des franchises.

Propositions n° 77 et n° 78 de la mission :

- Relever le plafond d'éligibilité des entreprises au fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), aujourd'hui fixé à un million d'euros de chiffre d'affaires annuel hors taxes.

- Intégrer le coût des franchises dans le calcul des aides.

3. Aider les collectivités territoriales
a) Réparer les dommages en recourant à la solidarité nationale

A côté de l'effort fourni envers les particuliers et les entreprises, il doit s'agir d'indemniser au plus près de leurs besoins les collectivités territoriales touchées par la tempête Xynthia et de les aider à réparer les dommages en recourant à la solidarité nationale pour ce qui concerne les biens non assurables tels que la voirie, les ponts et ouvrages d'art, les réseaux d'adduction d'eau ou d'assainissement ou encore les stations d'épuration.

En effet, à côté des assurances dommages de droit commun souscrites auprès de sociétés privées, il existe deux régimes permettant à l'Etat de venir en aide aux collectivités territoriales victimes de catastrophes naturelles :

- le premier concerne le « fonds de solidarité en faveur des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des catastrophes naturelles ». Il vise la réparation de dégâts causés sur les biens non assurables, pour un montant compris entre 150 000 euros et 4 millions d'euros 64 ( * ) . Les collectivités territoriales frappées par Xynthia se situant au-dessus de ce plafond, ce fonds ne représente pas l'instrument adéquat ;

- l'autre régime, qui traduit une mise en oeuvre plus ambitieuse de la solidarité nationale, réside dans la « subvention d'équipement aux collectivités locales pour la réparation des dégâts causés par les calamités publiques ». A la différence de l'instrument précédent, aucun crédit n'est inscrit en loi de finances initiale dans la mesure où ces aides dépendent de la survenance de catastrophes naturelles et sont traditionnellement ouvertes en lois de finances rectificatives (LFR) ou par décret d'avance.

Le financement des réparations des dégâts causés par les calamités publiques est destiné à compenser partiellement les dépenses que les collectivités locales ont à engager à la suite de dégâts liés aux catastrophes naturelles d'une ampleur exceptionnelle et justifiant la mise en oeuvre de la solidarité nationale.

Ces aides ponctuelles sont décidées à l'issue d'une réunion interministérielle, qui suit le constat préalable de l'état de catastrophe naturelle et qui permet l'octroi de subventions d'équipement aux collectivités territoriales concernées. L'attribution de subvention n'est pas systématique, mais résulte d'une procédure encadrée , l'ouverture de crédits étant calibrée au plus près des besoins en fonction de l'évaluation faite par une mission d'inspection interministérielle. Parmi les précédents, il peut être relevé les tempêtes de décembre 1999 ou, encore, la tempête Klaus de janvier 2009 (cette dernière a ainsi conduit à l'ouverture en LFR de 23 millions d'euros en autorisations d'engagement et 13 millions d'euros en crédits de paiement).

Ces subventions ne peuvent être attribuées que pour la réparation de dommages concernant la réhabilitation de biens communaux non assurables ou encore la voirie communale et départementale. Les taux de ces subventions peuvent varier de 15 % à 80 % (selon le nombre d'habitants de la commune et le montant des dégâts occasionnés par la calamité publique) mais se situent souvent autour de 40 % .

En tenant compte de l'enveloppe totale attribuée à son département, le préfet du département dispose d'une marge d'appréciation pour tenir compte de l'urgence, de la situation financière ou, encore, de la taille de la commune bénéficiaire, et donc de la part que les réparations peuvent prendre dans le budget municipal.

D'après les informations transmises à la mission par la Direction générale des collectivités locales, les dommages sur les biens non assurables, hors digues, s'élèveraient au 30 juin 2010 à 143 millions d'euros 65 ( * ) pour les quatre départements les plus touchés, sous réserve des conclusions de la mission d'inspection interministérielle chargée de recenser précisément les dommages 66 ( * ) .

Lors de son audition par votre mission, M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, a indiqué que l'Etat a fait le choix résolu de venir en aide aux collectivités territoriales frappées par Xynthia au titre de la solidarité nationale en subventionnant les réparations à hauteur de 40 %.

M. Michel Casteigts, coordonateur de la mission interministérielle d'évaluation des dommages causés par la tempête Xynthia, a attiré l'attention de la mission sur une situation paradoxale. Alors que ce taux est assez bas et traduit une certaine forme de sévérité, les deux critères que représentent l'appartenance à une zone où a été déclaré l'état de catastrophes naturelles et l'existence de dommages paraissent quant à eux très larges et insuffisamment discriminants. Des critères qualitatifs et quantitatifs plus objectifs et équitables pourraient être déterminés.

Proposition n° 79 de la mission :

Réparer les dommages subis par les collectivités territoriales en recourant à la solidarité nationale pour ce qui concerne leurs biens non assurables, en particulier leurs infrastructures, par la voie soit d'une subvention d'équipement pour la réparation des dégâts causés par les calamités publiques, soit d'une ligne budgétaire spécifique .

b) Compenser les pertes de recettes fiscales des communes

Votre mission appelle l'attention sur les pertes de recettes fiscales non négligeables induites par la démolition des maisons situées en zone d'acquisition amiable, surtout pour certaines communes.

En Vendée, il s'agit de 915 maisons (soit une estimation d'un peu plus d'un million d'euros de pertes) sur seulement deux communes 67 ( * ) , tandis qu'en Charente-Maritime au moins 600 habitations sont concernées et réparties sur un nombre de communes encore incertain.

Il serait injuste qu'après avoir subi la tempête, les populations doivent supporter une augmentation des impôts locaux rendue inévitable du fait de la réduction des bases d'imposition.

La perte de recettes fiscales pour les communes est évaluée par votre mission à 1,8 million d'euros , pour la disparition de 1.510 habitations 68 ( * ) . Cette évaluation a été confirmée par M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, lors de son audition. Ce dernier a relevé à cette occasion qu'un mécanisme de compensation des pertes de bases fiscales n'existe ni pour la taxe d'habitation ni pour les taxes foncières et que sa mise en place exigerait une large concertation et des dispositions législatives idoines, mais il a indiqué qu' il appuierait une telle démarche.

Votre mission propose un mode de compensation de ces pertes de recettes fiscales, en s'inspirant de la « compensation-relais » versée par l'Etat aux collectivités territoriales suite à la suppression de la taxe professionnelle.

Le dispositif législatif envisagé pourrait consister à instituer un prélèvement sur les recettes de l'Etat permettant de verser une compensation aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui enregistrent une diminution des bases d'imposition à la taxe d'habitation, à la taxe foncière sur les propriétés bâties et à la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

Cette compensation dégressive serait d'une durée de quatre ans et couvrirait la perte de produit enregistrée à hauteur de 90 % la première année puis, pour les trois années suivantes, de 75 % de l'attribution reçue chaque année précédente 69 ( * ) . Un décret viendrait utilement définir les conditions d'éligibilité des communes et des EPCI à cette compensation.

Proposition n° 80 de la mission :

Mettre en place un mode de compensation des pertes de recettes fiscales induites pour les collectivités territoriales par la démolition des maisons situées en zone d'acquisition amiable.

4. Réformer le Fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE)
a) Les incertitudes quant à l'issue de la demande déposée par la France

Le Gouvernement a adressé à la Commission européenne une demande d'aide au titre du Fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE), qui vise à dédommager l'Etat et les collectivités territoriales suite à leurs dépenses d'urgence pour faire face aux conséquences de la tempête Xynthia. Dans la mesure où le seuil normal pour obtenir une aide au titre d'une « catastrophe majeure », de l'ordre de 3,4 milliards d'euros , n'est pas atteint, la mobilisation du FSUE ne peut être envisagée que sur la base des critères prévus pour une catastrophe d'ampleur régionale.

Dans ce cas, l'activation du fonds, sous le contrôle rigoureux de la Commission européenne, doit être justifiée par les critères suivants :

- un impact de la catastrophe sur la majorité de la population de la zone retenue ;

- des répercussions graves et durables (c'est à dire supérieures à un an) ;

- une atteinte à la stabilité économique de la zone.

Le dossier déposé par la France le 7 mai 2010, qui contient un argumentaire circonstancié et une estimation officielle des dommages, devra donc répondre à ces conditions. Il pourra être enrichi d'éléments complémentaires comme l'ont souligné MM. Johannes Hahn, commissaire européen en charge de la politique régionale et Michel Barnier, commissaire européen en charge du marché intérieur, lors du déplacement de la mission à Bruxelles.

En dépit de la bienveillance de la Commission européenne, il existe un risque avéré de refus de l'aide au titre du FSUE, sur lequel votre mission souhaite faire part de sa vive préoccupation . Elle ne doute pas que le Gouvernement a veillé à apporter une grande rigueur dans le montage du dossier mais elle déplore le caractère rigide du règlement du FSUE, qui exige de surcroît de la part de la Commission européenne une application stricte des critères mentionnés.

Lors du débat organisé au Sénat le 16 juin dernier, Mme Chantal Jouanno, Secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie, a elle-même reconnu que « que très peu d'événements peuvent (...) rassembler de telles conditions. »

La Commission européenne instruira sur la base des éléments fournis par le Gouvernement français puis conclura par une décision de son collège . Cette dernière sera proposée au Conseil et au Parlement européen. Il appartiendra in fine aux deux branches de l'autorité budgétaire d'approuver ou non le montant d'aides proposé. La Commission européenne a jusqu'ici toujours été suivie. Sur les 70 demandes d'aides déposées par les Etats membres au titre du FSUE, la moitié d'entre elles ont conduit à une réponse favorable. Le plafonnement de la couverture par le FSUE à 2,5 % du coût des dégâts 70 ( * ) conduirait à une aide de 37,5 millions d'euros dans l'hypothèse d'un coût de 1,5 milliard d'euros.

b) Assouplir les conditions de mobilisation du FSUE

Votre mission déplore la complexité et la rigidité du dispositif actuel du FSUE et invite, dans ce contexte, à en tirer toutes les conséquences. Les règles en vigueur conduisent en effet l'Union européenne à ne pas être en mesure de réagir rapidement en apportant son soutien à la France pour répondre à la situation d'urgence qui résulte de la tempête Xynthia. Cette incapacité semble même s'imposer en présence d'une volonté politique avérée.

La mission souligne à cet égard qu'un nouveau projet de règlement relatif au FSUE, issu de la proposition de la Commission européenne, vise à apporter des réponses plus souples et plus efficaces aux problèmes liés aux catastrophes naturelles dans le contexte des nouveaux défis liés au changement climatique. Il s'agit notamment de procéder à la réduction des seuils exigés ainsi que de préciser les critères de mise en oeuvre une de manière à permettre une interprétation plus uniforme. Or, le Conseil n'a toujours pas donné suite , contrairement aux souhaits du Parlement européen. Celui-ci avait adopté la proposition de la Commission européenne, en première lecture, le 18 mai 2006 avec une forte majorité. Il a réitéré plus récemment sa position, le 11 mars 2010, par une résolution consacrée notamment aux conséquences de la tempête Xynthia, dans laquelle il demande à la Présidence espagnole et à la Commission européenne d'accélérer la recherche d'une solution pour relancer la révision du règlement du FSUE. Par cette résolution, le Parlement européen invite la Commission européenne à « mobiliser le FSUE de la manière la plus urgente et la plus souple possible. »

Votre mission souhaite que ce projet de règlement soit mis à l'ordre du jour du Conseil en prévoyant, le cas échéant, la portée rétroactive de son entrée en vigueur.

Parallèlement, la mission recommande au Gouvernement de prévoir une réaffectation en faveur des zones sinistrées de crédits communautaires issus du Fonds européen de développement régional (FEDER) et du Fonds social européen (FSE), qui présentent l'intérêt d'une assez grande souplesse de gestion 71 ( * ) . L'entrée dans la prochaine période de programmation pluriannuelle (2014-2020) impliquera un suivi attentif des montants disponibles dans les régions, même si le fléchage des crédits devrait s'avérer assez proche de la programmation en cours.

Propositions n° 81, n° 82 et 83 de la mission :

- Obtenir des autorités communautaires l'octroi d'une aide au titre du Fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE) en vue de contribuer au financement des interventions d'urgence entreprises par les autorités publiques nationales et locales face aux conséquences de la tempête Xynthia.

- Assouplir les conditions de mobilisation du FSUE.

- Réaffecter, en faveur des zones sinistrées, des crédits communautaires issus du Fonds européen de développement régional (FEDER) et du Fonds social européen (FSE).

5. Indemniser spécifiquement les habitants des zones d'acquisition amiable
a) La mise en place d'un dispositif ambitieux d'indemnisation

Dans les zones d'acquisition amiable, un dispositif ad hoc d'indemnisation ambitieux a été mis en place. L'État propose d'indemniser les personnes concernées selon la valeur vénale des biens antérieure à la catastrophe. Le quatrième alinéa de l'article L. 561-1 du code de l'environnement précise, en effet, que « pour la détermination du montant des indemnités qui doit permettre le remplacement des biens expropriés, il n'est pas tenu compte de l'existence du risque » .

S'y ajoutera, le cas échéant, une indemnité de remploi 72 ( * ) en vue de couvrir les frais de notaire et d'agence ainsi qu'une indemnité de déménagement . Mais surtout sera déduite la part prise en charge par les sociétés d'assurances au titre de la remise en état 73 ( * ) . En effet, dans un cadre juridique assez incertain, ces dernières se sont engagées à indemniser les biens abimés ou détruits sans que la remise en état soit effectuée, mais comme si elle devait avoir lieu.

Votre mission attire l'attention sur le risque de sous-estimation par les sociétés d'assurances du montant des travaux de remise en état. Une coordination étroite entre France Domaine et les assureurs est donc nécessaire. La mission a pris bonne note de l'information communiquée par Mme Catherine Traca, secrétaire générale adjointe du GEMA, au cours de son audition, selon laquelle le montant moyen d'une remise en état ou d'une reconstruction suite à une inondation se situe d'ordinaire autour de 20.000 euros .

Le calendrier prévisionnel envisagé par les assureurs est le suivant : après l'expertise des habitations utilisées en tant que résidence principale, déjà réalisée, les autres habitations, y compris les résidences secondaires, et l'ensemble des biens mobiliers doivent être expertisés d'ici à la fin du mois d'août 2010 . Dès lors que les sinistrés seront favorables aux propositions qu'elles leur communiquent, les sociétés d'assurance devraient être en mesure de formuler leurs offres d'indemnisation dans un délai de quinze jours après la transmission des informations par les experts. Si ces offres font l'objet d'un accord, le paiement pourrait être effectué sans délai.

b) Une mise en oeuvre effective et rapide

En Vendée, 915 propriétés auraient vocation à faire l'objet de ces acquisitions amiables et doivent donc être évaluées. Le chiffre de 612 habitations en Charente-Maritime pourrait être révisé et s'établir finalement à plus de 800 74 ( * ) .

Toutefois, à la date du 5 juillet 2010, c'est-à-dire compte tenu de l'extension des zones de solidarité décidée par le préfet de Charente-Maritime le 15 juin 2010, selon les informations transmises par France Domaine à la mission, seulement 1.557 maisons font l'objet de procédures d'évaluation . Sur ce total, 1.156 visites avaient été effectuées et 986 propositions transmises aux propriétaires, dont 456 ont d'ores et déjà été acceptées . Une ventilation plus fine par département conduit au bilan suivant à la même date : en Vendée, sur 811 procédures d'acquisitions engagées, 743 visites ont été faites donnant lieu à 677 propositions, dont 276 acceptées et 2 refus. En Charente-Maritime, il s'agit de 746 procédures d'acquisitions engagées, sur lesquelles 413 visites ont été faites donnant lieu à 309 propositions, dont 180 acceptées et aucun refus.

Bilan des procédures d'acquisition amiable

situation au 5 juillet 2010

Vendée

Charente-Maritime

Total

Nombre de maisons objets de procédures

811

746

1557

Visites réalisées

743

413

1156

Rendez-vous pris

760

451

1211

Propositions faites

677

309

986

Propositions acceptées

276

180

456

Taux d'accord

40,77 %

58,25 %

46,25 %

Source : France Domaine

En cas d'accord sur les propositions faites par France Domaine, la mobilisation des notaires laisse espérer, pour les cas simples, la passation de l'acte authentique dans un délai d'un mois. Ce délai sera rallongé en cas de successions non réglées ou de divorce. Il s'agit de communiquer aux sinistrés un juste prix, qui exclut à la fois les sous-évaluations destinées à ménager des marges de négociation ultérieure et les surévaluations censées favoriser les acceptations.

Lors de son audition par la mission, M. Daniel Dubost, Chef du service France Domaine, a précisé que consigne avait été donnée aux évaluateurs de chercher à déterminer la valeur du bien antérieurement à la catastrophe, sans aucune prise en compte du risque potentiel, ni de la vétusté du logement, en s'appuyant sur les statistiques de vente du marché de l'immobilier en 2009.

6. Utiliser le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM)
a) Recourir à l'instrument juridique et financier du « Fonds Barnier »

On rappellera que le coût de l'opération d'acquisitions amiables dans les zones dangereuses sera assumé par l'Etat déduction faite de la part prise en charge par les sociétés d'assurances au titre de la remise en état.

Le dispositif public d'indemnisation devrait reposer sur le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit fonds « Barnier », dont les missions ont été élargies depuis sa création par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement.

Cette loi portait, en matière de risques naturels, sur la création de la procédure d'expropriation pour risques naturels majeurs , sur celle des plans de prévention des risques naturels prévisibles, ainsi que sur la création du fonds « Barnier ». Ce dernier, dont les dispositions ont été codifiées à l'article L. 561-3 du code de l'environnement a été conçu initialement pour indemniser les personnes lorsqu'une menace grave de survenance d'un risque naturel (mouvement de terrain, avalanche, crues torrentielles...) conduit l'État à les exproprier. Il a subi plusieurs aménagements qui ont conduit à faire évoluer ses missions, au profit en particulier du financement d'études et de travaux de prévention.

Historique des missions du fonds « Barnier »

A l'origine, le FPRNM ou fonds « Barnier » devait financer les expropriations de biens exposés à un risque naturel prévisible de mouvements de terrain, d'avalanches ou de crues torrentielles menaçant gravement des vies humaines ainsi que les dépenses liées à la limitation de l'accès et à la démolition éventuelle des biens exposés afin d'en empêcher toute occupation future.

L'article 38 de la loi de finances rectificative pour 1997 a ouvert un financement exceptionnel, dans la limite de 145 millions de francs et jusqu'au 31 décembre 1999, pour la réalisation des études nécessaires aux opérations d'expropriation sur le site de Séchilienne et de travaux de prévention sur le site de La Clapière (galerie hydraulique).

La loi n°99-586 du 12 juillet 1999 a mis à la charge du fonds « Barnier », les dépenses d'évacuations temporaires et de relogement des personnes exposées à un risque majeur de mouvement de terrain, d'avalanche ou de crue torrentielle.

L'article 55 de la loi de finances rectificative pour 1999 a prévu que les dépenses de l'Etat afférentes aux études nécessaires à la préparation et à l'élaboration des PPRN sont financées pour moitié par le fonds.

L'article 159 de la loi n°2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a ouvert la possibilité de financer des opérations de reconnaissance des cavités souterraines et des marnières dont les dangers pour les constructions ou les vies humaines sont avérés, l'acquisition amiable d'un immeuble exposé à des risques d'effondrement du sol qui menace gravement des vies humaines ou des travaux de mise en sécurité relatifs à ces risques dès lors que ces travaux sont moins coûteux que l'expropriation.

La loi de finances rectificatives pour 2002 a permis au fonds de contribuer, dans la limite d'une enveloppe de 15 millions d'euros au financement d'opérations préventives en faveur des sinistrés à la suite des inondations dans le Gard 75 ( * ) .

L 'article 61 de la loi n°2003-699 du 30 juillet 2003 pérennise les dispositions de la LFR 2002 sur le financement des dépenses d'acquisition amiable et des travaux de prévention rendus obligatoires sur les biens existants par un PPRN approuvé. Il les étend à des acquisitions amiables de biens exposés à des risques menaçant gravement les vies humaines ainsi qu'à des campagnes d'information sur les garanties contre les catastrophes naturelles.

Par ailleurs, l'article 60 de la loi n°2003-699 du 30 juillet 2003 modifie les modalités d'expropriation pour risques naturels en rendant les communes ou leurs groupements le cas échéant bénéficiaires des biens, en permettant de déduire les indemnités d'assurance des indemnités d'expropriation et en confiant la DUP à la compétence du préfet.

La loi de finances pour 2004 prolonge par son article 128 le financement des études et travaux de prévention contre les risques naturels dont les collectivités territoriales assurent la maîtrise d'ouvrage, dans les communes couvertes par un PPRN approuvé 76 ( * ) .

La loi de finances pour 2006 du 30 décembre 2005 , prévoit que le fonds peut contribuer au financement :

- des trois quarts des dépenses nécessaires à la préparation et à l'élaboration des PPRN ainsi que des actions d'information préventive sur les risques majeurs, dans la limite de 16 millions d'euros par an.

- dans la limite de 35 millions d'euros, de la moitié du coût des études et du quart du coût des travaux visant à prévenir les conséquences de glissements de terrain sur le site de Séchilienne (Isère).

- dans la limite de 33 millions d'euros par an, de la moitié du coût des études et du quart du coût des travaux de prévention contre les risques naturels dont les collectivités territoriales couvertes par un PPRN assurent la maîtrise d'ouvrage dans les communes.

La loi sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 prévoit que le fonds « Barnier » peut contribuer au financement, dans la limite de 55 millions d'euros par an, et jusqu'au 31 décembre 2012, d'études et travaux de prévention ou de protection contre les risques naturels dont les collectivités territoriales ou leurs groupements assurent la maîtrise d'ouvrage, dans les communes couvertes par un PPRN prescrit ou approuvé. Cette loi prévoit également un dispositif à durée déterminée s'agissant des inondations.

La loi de finances pour 2009 du 27 décembre 2008 prévoit enfin et ce jusqu'au 31 décembre 2013 que le FPRNM peut contribuer au financement :

- dans la limite de 125 millions d'euros par an, d'études et travaux de prévention ou de protection contre les risques naturels dont les collectivités territoriales ou leurs groupements assurent la maîtrise d'ouvrage, dans les communes couvertes par un PPRN prescrit ou approuvé.

- des trois quarts des dépenses nécessaires à la préparation et à l'élaboration des PPRN pourront être prises en charge ainsi que les actions d'information préventive sur les risques majeurs, dans la limite de 20 millions d'euros par an.

- dans la limite de 35 millions d'euros, de la moitié du coût des études et du quart du coût des travaux visant à prévenir les conséquences qui résulteraient du glissement de terrain du site de Séchilienne.

En vue de son utilisation pour l'indemnisation des sinistrés dont les maisons sont classées en « zone de solidarité », votre mission juge nécessaire de réviser les règles qui sont applicables au fonds « Barnier ». Deux ajustements préconisés par la mission ont d'ores et déjà été mis en oeuvre : prévoir l'intervention du fonds en cas de risque de submersion marine 77 ( * ) , d'une part, et relever le niveau de sa mobilisation par sinistré (le plafond en vigueur se situe en effet à 60.000 euros par unité foncière 78 ( * ) ), d'autre part.

b) Garantir un financement pérenne

Bien que la situation budgétaire du fonds soit bonne, la mission doute de sa capacité à faire face aux opérations de rachat envisagées.

Le fonds a bénéficié d'une augmentation très forte de ses ressources, qui sont passées de 25 millions d'euros en 2002 à 130 millions d'euros en 2009 .

Le mécanisme de financement du fonds, qui repose depuis sa création sur un système à deux étages, doit être souligné : le fonds est en effet abondé par un reversement de 12 % des sommes collectées au titre du prélèvement de 12 % sur le produit des primes ou cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophes naturelles 79 ( * ) . Le taux de ce reversement a évolué ces dernières années, pour atteindre aujourd'hui 12 %, de même que, précédemment, le niveau des surprimes affectées au régime catnat, fixé également à 12% aujourd'hui, s'est considérablement accru entre les années 1980 et 1990 80 ( * ) .

Les tableaux ci-dessous permettent d'évaluer la capacité financière du fonds « Barnier », de ses dépenses par catégorie de mesure et, enfin, de ses dépenses par type de risque.

La situation budgétaire du FPRNM depuis 2002 (en millions d'euros)

Année

Recettes 1

Délégations 2

Reliquat 3

De 1995 à 2002

150,47

67,15

--

2002

25,15

11,1

94,2

2003

28,2

18,25

106,2

2004

27,29

6,41

127,1

2005

28,89

37,49

108,6

2006

30,6

85

55

2007

60,3

100,4

24,1

2008

68,03

66,8

25,33

2009

130

79,35

75

1 dont produits financiers ;

2 dont frais de gestion ;

3 à la date du comité de gestion, au premier trimestre de l'année suivante.

Dépenses du FPRNM en 2009 par type de mesure (en millions d'euros)

Type de mesure

Total 2009

Rappel des prévisions 2009

Rappel dépenses 2008

Rappel dépenses 2007

Rappel dépenses 2006

Expropriations

1,93

5,52

1,42

10,57

4,34

Cofinancement des PPRN et information préventive

10,25

10,45

10,71

9,54

15,76

Evacuations et relogement

0,14

0,50

0,16

0,25

0,10

Acquisitions amiables

24,42

30,91

18,77

22,98

31,56

Traitement des cavités souterraines

0,39

4,67

1,38

0,55

0,22

Etudes & travaux prescrits par un PPRN

0,59

0,48

0,25

0

0

Etudes & travaux CT

41,55

61,80

30,15

33,80

33

Séchilienne

0

0,03

1

0,75

0

Dépenses engagées par l'Etat

« Traitement de la dette »

0

0

0

21,91

0

TOTAUX

79,27

114,36

63,84

100,35

84,98

Dépenses du FPRNM en 2009 par type de risque (en millions d'euros)

Dépenses par type de risque

Total 2009

Total 2008

Inondation

45,87

45,54

Mouvement de terrain

21,48

5,695

Cavités Souterraines

0,60

1,845

Séismes

5,59

-

Avalanches

1,87

-

Incendies de forêts

0,07

-

Autres, dont multi-risque

3,79

10,76

TOTAUX

79,27

63,84

Source : Direction générale de la prévention des risques

En dépit de l'accroissement de ses capacités financières, il est peu probable qu'à droit constant, le fonds Barnier puisse absorber le coût des indemnisations envisagées, et ce même en étalant les rachats sur plusieurs années. Alors qu'il dispose d'un flux de trésorerie de l'ordre de 150 millions d'euros par an, il est contraint par un niveau de dépenses annuelles incompressibles de l'ordre de 75 millions d'euros 81 ( * ) .

Lors de son audition, M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, a estimé que l'acquisition de 1.515 habitations pourrait représenter un coût brut de l'ordre de 800 millions d'euros . Ce montant brut correspond à une évaluation globale sommaire. D'après les informations communiquées ultérieurement par France Domaine, une projection réalisée pour 1.367 habitations, sur la base des propositions de rachat qui ont été faites à la date du 7 juin 2010, indiquerait un coût net total pour le fonds Barnier qui pourrait être compris entre 400 et 500 millions d'euros.

Dans un contexte où son utilisation croissante pour le financement d'études limite ses marges de manoeuvre en matière d'acquisitions amiables, la perspective d'un versement d'avances par l'Etat ou d'une révision des règles d'abondement du fonds Barnier doit donc être examinée, d'autant plus que l'Etat envisage de financer le plan « digues » sur les ressources de ce fonds. De même, la question de la constitution de réserves obligatoires au sein du fonds doit être posée.

Lors de leur audition par votre mission, les auteurs du rapport de la mission interministérielle sur la tempête Xynthia ont invité à mettre à disposition du fonds Barnier des moyens financiers conséquents afin qu'il puisse faire face aux nouvelles dépenses qui vont résulter de la tempête Xynthia 82 ( * ) .

Le rythme de dégagement des ressources mobilisables du fonds Barnier est à ce stade insuffisant 83 ( * ) et nécessitera des arbitrages quant au montant et aux travaux sur les digues, d'une part, et quant au montant des dépenses hors Xynthia susceptibles d'être annulées ou différées au cours des cinq prochaines années, d'autre part. L'Etat devra vraisemblablement l'abonder par une dotation exceptionnelle. La dernière possibilité étant de dégager de nouvelles recettes pour le fonds Barnier.

La mission interministérielle a identifié trois possibilités :

- l' affectation au fonds Barnier d'une part significative (50 à 75 %) du produit d'une modulation des primes catnat , qui reste à créer. A titre d'hypothèse, si 10 % des assurés voyaient leur prime catnat - en moyenne de 20 euros par contrat - augmenter de 25 % par cette modulation, le produit pour le fonds serait de l'ordre de 15 à 20 millions d'euros ;

- le relèvement du taux des primes catnat elles-mêmes. Sachant que le taux en vigueur de 12 % engendre un produit annuel de 1,3 milliard d'euros, une augmentation de 1 % représenterait autour de 100 millions d'euros de ressources nouvelles, qu'il conviendrait d'affecter en totalité au fonds Barnier ;

- enfin, l' augmentation du taux des prélèvements sur les primes catnat au profit du fonds Barnier . Cette évolution serait plus délicate dans la mesure où ces prélèvements ont déjà fortement augmenté ces dernières années.

Par ailleurs, à moyen terme, une segmentation du fonds en deux enveloppes fixes pourrait être mise à l'étude : une part déterminée serait consacrée à des activités d'études et de prévention tandis que l'autre partie des crédits serait destinée à des indemnisations. Une certaine souplesse devrait cependant être maintenue s'agissant des flux entre les deux enveloppes.

En outre, sachant que le montant annuel des surprimes d'assurance « catastrophes naturelles » s'élève à 1,3 milliard d'euros et que la Caisse centrale de réassurance (CCR) dispose d'ores et déjà de 3 milliards d'euros de réserves pour couvrir le risque catnat, la piste d'un prélèvement exceptionnel pourrait être envisagée 84 ( * ) . Il pourrait s'agir d'abonder le fonds Barnier ou d'aménager le mode de financement des acquisitions amiables en tirant les conséquences de ces données financières.

Parmi l'ensemble de ces projets de révision des règles d'abondement et de fonctionnement du fonds « Barnier » , votre mission propose d' en mettre en oeuvre au moins une d'ici 2011 .

Proposition n° 84 de la mission :

Garantir une ressource pérenne pour faire face aux indemnisations et aux aménagements de protection en prévoyant un abondement exceptionnel du fonds « Barnier », soit par une dotation budgétaire, soit par un prélèvement sur les réserves de la caisse centrale de réassurance.

7. Revoir le système d'assurance des catastrophes naturelles
a) Un dispositif plutôt satisfaisant

Votre mission s'est interrogée sur l'opportunité d'une réforme du régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles , dit régime « catnat ». Globalement satisfaisant, appuyé sur une large mutualisation, présent dans la plupart des contrats d'assurance et bénéficiant d'une réassurance publique avec garantie de l'Etat, ce régime représente en outre une synthèse originale entre une logique de solidarité et des mécanismes d'assurance privés , puisqu'il consiste en une extension obligatoire des contrats d'assurance dommages aux biens et pertes d'exploitation, financée par une prime additionnelle représentant 12 % de la prime principale (6 % pour les véhicules à moteur).

Votre mission observe que cette « surprime » sur laquelle repose le financement du régime s'applique à toutes les primes afférentes aux contrats d'assurances dommages aux biens et qu'en conséquence chaque assuré s'acquitte de cette surprime, indépendamment de son exposition effective à un risque de catastrophe naturelle.

Le régime catnat permet la prise en charge des risques non assurables , à l'instar des inondations. S'il a toujours été en équilibre, voire excédentaire depuis sa mise en place, la survenance d'un évènement naturel de très grande ampleur , comme un séisme sur la Côte-d'Azur ou des inondations à Paris, le mettrait irrémédiablement en difficulté. La garantie de l'Etat n'a, jusqu'à aujourd'hui, été appelée qu'une seule fois, en 1999, suite à un épisode de pluies cévenoles 85 ( * ) .

La mission, animée par la préoccupation d'économie nécessaire dans le recours au budget de l'Etat juge nécessaire de garantir l'équilibre du régime à long terme dans un contexte d'augmentation de la sinistralité et d'aggravation prévisible des catastrophes naturelles, tant dans leur ampleur que dans leur fréquence. Le régime est toutefois rentable jusqu'à présent pour les assureurs comme pour les réassureurs : sa situation, après s'être détériorée de 1992 à 2003, s'est redressée depuis lors, revenant à un niveau comparable et même supérieur à la moyenne des années 1996-2002.

La déclaration de l'état de catastrophe naturelle possède notamment une dimension psychologique en ce qu'elle permet de reconnaître la gravité de la catastrophe subie par les victimes et de témoigner à celles-ci la mobilisation de la communauté nationale. Comme l'a relevé M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, lors de son audition par la mission, une confusion semble souvent faite entre cet aspect rassurant et la possibilité d'une extension de la couverture assurantielle . L'indemnisation suite au déclenchement du régime catnat est en effet dans l'ensemble plus lente et moins favorable aux sinistrés . Il convient donc de mobiliser un tel régime avec discernement. A cet égard, un plus grand recours à des expertises scientifiques serait bénéfique, ainsi que le recommandent également les auteurs du rapport de la mission interministérielle sur la tempête Xynthia, qui lors de leur audition ont déploré l'appel trop fréquent à des généralistes pour décider de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. La légitimité d'une telle décision serait renforcée par la participation de personnalités indépendantes au processus de décision ainsi que par une publicité des motifs de l'acte pris à cette fin .

Lors de son audition par la mission, le médiateur des assurances s'est interrogé sur le classement rapide et parfois peu pertinent de la totalité de quatre départements en zone de catastrophe naturelle dès le lendemain de la tempête alors que certains d'entre eux, notamment les Deux-Sèvres, avaient principalement subi les effets du vent et non des inondations, ce qui rendait inutile la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle d'un point de vue assurantiel.

b) Améliorer la contribution du régime à la politique de prévention

Votre mission invite à poursuivre la réflexion sur l'évolution du régime « catnat » . Comme le montrent les travaux de 2005 de la mission d'enquête sur le régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles ainsi que le rapport du groupe de travail du Sénat sur les sinistrés de la sécheresse de 2003 86 ( * ) , il pourrait être envisagé de le simplifier et de préciser son cadre juridique. Celui-ci souffre en effet de l'imprécision qui résulte de l'utilisation par la loi des deux notions « d'intensité anormale » d'un agent naturel et de « cause déterminante » des dégâts matériels que doit avoir constitué cette intensité.

D'après la mission interministérielle sur la tempête Xynthia, le point le plus délicat pour ce qui concerne le régime « catnat » réside dans l'insuffisance des mécanismes d'incitation à la prévention. Un renforcement significatif de la mise en oeuvre sur le terrain de la politique de prévention des risques de submersion et d'inondation lui est ainsi apparu indispensable.

Votre mission ne sous-estime pas les réserves des sociétés d'assurance quant à la modulation des primes catnat en fonction de l'exposition aux risques naturels et du respect des dispositions légales et réglementaires , mais elle souhaite relativiser ces réserves en posant la question plus générale des comportements. Lors de leur audition, les auteurs du rapport de la mission interministérielle ont précisé que le caractère modeste des surprimes, aujourd'hui de l'ordre de 20 euros par contrat, ne serait pas remis en cause, y compris par une modulation de 35 % qui ne porterait leur montant qu'à 27 euros. Pour rehausser l'effet incitatif, il pourrait être prévu un montant forfaitaire additionnel ou une augmentation des franchises dans les zones à très fort risque. Une indication explicite du coût de la surprime catnat alliée à un travail pédagogique auprès des assurés contribuerait probablement à mieux responsabiliser les individus .

Le code des assurances devrait être modifié afin de contraindre les compagnies à exclure du régime « catnat » les biens lorsque ceux-ci sont en situation de violation du droit comme par exemple le défaut de permis de construire.

Au total, par delà la réforme du régime « catnat », la mission souligne à nouveau l'intérêt crucial d'une meilleure diffusion de la culture du risque et plaide pour des politiques de prévention plus ambitieuses.

Proposition n° 85 de la mission :

Introduire dans le régime d'assurance des catastrophes naturelles des dispositifs incitatifs de nature à renforcer les politiques de prévention, par exemple en fixant un montant forfaitaire additionnel ou en augmentant les franchises dans les zones à très fort risque.

IV. CONCILIER GESTION DU RISQUE ET AMENAGEMENT DE L'ESPACE LITTORAL

Rappel des premières préconisations de la mission dans son rapport d'étape

Envisager la création d'un schéma d'aménagement des zones littorales à risque intégrant la problématique de protection des populations et la mise en place d'un développement économique adapté aux risques naturels.

Au cours de ses auditions, il a été indiqué à la mission que les services de l'État proposeraient une aide logistique permettant aux maires concernés de préparer la reconversion des zones inadaptées à la présence humaine, et, donc, d'éviter qu'elles ne soient laissées à l'abandon.

Opportune, cette initiative n'est pas suffisante.

D'une part, les communes interagissent avec de nombreux intervenants qui doivent, eux aussi, être impliqués dans le processus de reconversion des zones « à risque » et, plus généralement, dans toutes les actions d'adaptation de l'aménagement du territoire aux risques naturels.

D'autre part, il n'est pas opportun d'isoler la question de la reconversion des « zones d'acquisition amiable » : ce sujet doit, à l'inverse, être traité en lien avec l'ensemble des questions relatives à l'occupation et à l'utilisation des sols.

A. CRÉER UN SCHÉMA D'AMÉNAGEMENT DES ZONES LITTORALES À RISQUE POUR CONCILIER GESTION DU RISQUE, PROTECTION DES ESPACES FRAGILES ET DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

1. Renforcer les outils existants afin de mieux intégrer le risque de submersion marine à l'objectif de développement des territoires

M. Jacques Oudin, vice-président du conseil général de la Vendée, a rappelé que l'histoire de la planification territoriale sur le littoral est, depuis les années 1970, celle de ses échecs. Il a ainsi insisté sur l'échec des schémas d'aptitude à l'utilisation de la mer (SAUM) et des schémas de mise en valeur de la mer (SMVM), ainsi que des 25 opérations pilote de gestion des zones côtières débutée en 2003. Il a estimé qu'aucune formule n'avait été à même de faire émerger, de manière pérenne, une approche globale des problématiques qui marquent les zones littorales.

Soulignant la nécessité d'une « politique globale du littoral », il a ainsi évoqué la pertinence des réflexions actuellement menées sur l'élaboration de schémas de cohérence territoriale (SCOT) maritimes.

Plus généralement, il convient d'orienter la législation française relative au risque d'inondation dans le sens d'une plus grande intégration entre les différentes problématiques, instruments d'action et sources de droit. Ses éléments constitutifs sont en effet interdépendants, l'efficacité de chacun dépendant de sa liaison avec les autres, selon le triptyque prévision - prévention - protection .

Mais le concept d'intégration renvoie également à la mise en valeur des potentialités écologiques et économiques du littoral, le tout en tenant compte des risques spécifiques qu'il recèle . Le projet européen Theseus, pour « technologies côtières innovantes pour des côtes européennes plus sûres dans le cadre du changement climatique », retient une telle approche. Expérimentant huit sites pilotes depuis huit mois, il doit être mené à son terme afin d'ouvrir des pistes de réflexion nouvelles pour une gestion intégrée des territoires littoraux à travers l'Union européenne.

Votre mission ne peut donc qu'inciter le législateur à tirer parti de ces outils et à renforcer leur transversalité afin d'en faire les piliers d'une nouvelle approche du littoral.

2. Instituer un schéma d'aménagement des zones littorales à risque

Il est toutefois possible que ces innovations ne suffisent pas à créer une politique intégrée de gestion du littoral, dans la mesure où elles ne répondent pas directement au problème de la « fragmentation des outils et des législations » que votre mission a mis en évidence.

Dès lors, votre mission entend tirer les leçons des échecs passés en proposant la création d'un document permettant de gérer, de manière unifiée, l'ensemble des sujets afférents au littoral -c'est-à-dire d'un véritable « schéma d'aménagement des zones littorales à risque ».

En effet, pour votre mission, les secteurs exposés à un risque de submersion marine ne doivent pas être abandonnés, mais reconvertis. La conscience du risque ne doit pas être synonyme de désertification : elle doit au contraire pousser à une réorganisation de l'espace respectueuse à la fois des risques naturels, de l'environnement et des besoins des populations locales.

Pour ce faire, un schéma d'aménagement des zones littorales à risque visant à créer un équilibre global entre les zones qui doivent être rendues à la nature, celles qui peuvent accueillir des activités économiques et celles, enfin, qui sont destinées à une occupation humaine, devra être instauré. Impliquant non seulement les seules « zones d'extrême danger », mais aussi toutes les zones incluses dans le bassin de vie concerné, il permettrait donc la mise en place d'une réflexion urbanistique globale.

Pour la cartographie nationale, votre mission a, dans ses propositions n° 9 et n°10, suggéré, d'une part, de distinguer, au sein de la future cartographie nationale des zones dangereuses, les différents types de risques naturels auxquels ces zones sont exposées et, d'autre part, de clarifier le statut des futures « zones d'extrême danger », afin de déterminer si elles seront inhabitables ou inconstructibles -et, le cas échéant, sous quels critères-, et les délimiter en concertation avec les élus locaux et les habitants.

Dans le même esprit mais cette fois-ci au niveau local, le schéma d'aménagement des zones littorales à risque distinguerait quatre types de zones :

- les zones qui doivent être laissées ou rendues à leur état naturel parce qu'elles exercent un rôle de « tampon » et limitent l'impact des inondations -c'est notamment le cas des marais, qui fonctionnent fréquemment comme des « absorbeurs » naturels dans les zones littorales- ou en raison de leur intérêt écologique. Pour sanctuariser ces zones, plusieurs outils pourraient être envisagés : zones de préemption au bénéfice du Conservatoire du Littoral ou des collectivités territoriales, ou encore mise en place d'expériences de « recul stratégique » sur la base du volontariat.

Les expériences de recul stratégique : l'exemple du lido de Sète et Marseillan

Situation actuelle

Le lido de Sète à Marseillan est une bande sableuse de 11 km de longueur et de 1 à 2 km de largeur, qui sépare l'Étang de Thau de la mer. Espace emblématique du littoral languedocien, il présente un fort intérêt écologique, notamment sur sa façade vers l'étang. Traversé par une voie ferrée à haut trafic (ligne Bordeaux-Nice) et une voie littorale importante reliant Sète à Marseillan et Agde, il abrite des activités économiques importantes (tourisme balnéaire, camping, viticulture, etc.).

Le site subit une forte érosion côtière (perte de 45 hectares entre 1954 et 2000), aggravée par la présence de la route littorale construite en haut de plage. Cette érosion a, depuis les grandes tempêtes de 1982 et 1997, un impact important sur les activités présentes sur le lido et peut remettre en cause, à terme, leur pérennité. Elle se traduit surtout par des coupures de plus en plus fréquentes de la route, qui nécessitent, chaque année, des interventions lourdes et coûteuses (enrochements).

Par ailleurs, la présence de la route encourage, en été, une fréquentation touristique aussi forte (plus de 800 000 visiteurs par an) qu'anarchique, avec le stationnement le long de la voie, presque sur la plage, de milliers de véhicules et de camping-cars, qui accentuent l'image très dégradée du site.

Objectif de l'opération de recul stratégique

Les études menées, depuis 2001, par les communes de Sète et de Marseillan ont mis en évidence la nécessité de procéder au recul stratégique de la route littorale, comme seule solution pour une protection durable du lido.

Fortement portée par l'État à travers la Mission Interministérielle d'Aménagement du Littoral et le Service Maritime et de Navigation, la réflexion a, depuis lors, été menée avec l'ensemble des partenaires concernés, en s'inspirant notamment de la méthodologie des Opérations Grands Sites et des principes de Gestion Intégrée des Zones Côtières (GIZC).

Elle a permis de faire émerger un projet partagé, avec la signature d'une charte d'objectifs et une première phase de concertation publique, en novembre 2003, et un maître d'ouvrage, la Communauté d'Agglomération du Bassin de Thau.

Le projet vise à reculer la route littorale en arrière du cordon dunaire, le long de la voie ferrée. Ce recul doit permettre de :

- reconstituer une large plage de plus de 70 m et son système dunaire, pour rétablir un fonctionnement normal de la plage et assurer une protection durable contre l'érosion ;

- recréer une voie littorale traitée comme une voie de découverte du lido (et non plus une voie à grande circulation), le long de laquelle le stationnement sera rendu physiquement impossible (plots, barrières, plantations) ;

- mettre fin au stationnement anarchique et dangereux, en créant trois poches de stationnement pour une capacité totale de 3000 places ;

- différentier trois types de plage (sauvage et naturelle, semi-naturelle et urbaine) fonction de leur niveau d'équipement et de leur accessibilité :

- développer les déplacements doux, en créant une navette de desserte en site propre connectée au réseau urbain et une piste cyclable en arrière du cordon dunaire ;

- requalifier les milieux naturels dégradés (reconstitution de la digue des anciens salins, nettoyage généralisé...) et aménager des lieux de découverte et d'interprétation des paysages et des milieux, permettant aux visiteurs de comprendre la richesse et la diversité du lido, sans pour autant favoriser une fréquentation anarchique des espaces de bord d'étang ;

- conserver des conditions d'exploitation viables pour l'activité viticole, élément clé du paysage du lido et de la gestion du site ; assurer le maintien des activités économiques présentes sur le lido (INRA, usine Listel et camping du Castellas).

Source : préfecture du Languedoc-Roussillon

- les zones qui, bien que dangereuses, peuvent recevoir des activités économiques, touristiques ou culturelles diurnes (par exemple, aux Pays-Bas, certaines zones soumises à un risque extrême ont été transformées en zones de loisirs). Dans ce cas, une véritable stratégie de reconversion devrait être élaborée à l'échelle de l'agglomération afin de redéployer les activités économiques ;

- les zones dans lesquelles l'occupation humaine est acceptée, mais de manière limitée et sous condition (c'est-à-dire en imposant aux propriétaires de réaliser certains aménagements) ;

-  les zones soumises à un risque limité, et où l'occupation humaine est autorisée sans restrictions particulières. Ces zones auraient vocation à devenir, à terme, les principaux secteurs résidentiels : l'habitat devrait donc y être densifié pour que la pression démographique qui s'exerce sur le littoral ne se traduise pas par une augmentation de l'exposition au risque pour les populations.

Votre mission souligne que le changement de destination de ces deux premiers types de zones (c'est-à-dire aux zones exposées à des risques forts à extrêmes) pourrait être facilité par un usage concerté du droit de préemption. Lors de leur audition, MM. Pierre Baudry et Stéphane Marco de la SAFER de Poitou-Charentes-Vendée ont estimé que les zones dangereuses pourraient être gérées par le biais des périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains (PPAEN), créés par la loi relative au développement des territoires ruraux du 23 février 2005 : ces périmètres permettraient d'impliquer l'ensemble des acteurs locaux, puisqu'ils feraient l'objet d'un programme d'action élaboré par le département, en accord avec les communes et les EPCI concernés.

3. Utiliser le droit de préemption

Le droit de préemption « espaces naturels sensibles » (ENS), lui aussi dévolu aux départements, pourrait également être utilisé pour permettre le retour à l'état naturel de la première catégorie de zones.

Le droit de préemption « espace naturel sensible »

Aux termes des articles L. 142-1 et suivants du code de l'urbanisme, les espaces naturels sensibles :

- sont  situés à l'intérieur des « périmètres sensibles » et institués « afin de préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et des champs naturels d'expansion des crues et d'assurer la sauvegarde des habitats naturels selon les principes posés à l'article L. 110 » :

- sont gérés par le département ;

- donnent lieu à un droit de préemption exercé par les départements, par le Conservatoire national du littoral lorsqu'il est territorialement compétent ou, à défaut, par les communes ou les EPCI. Les périmètres de préemption sont créés avec l'accord des communes , dès lors que celles-ci sont couvertes par un POS rendu public ou par un PLU approuvé ; en l'absence de ces documents ou à défaut d'accord des communes concernées, ces périmètres ne peuvent être créés qu'avec l'accord du préfet de département.

De même, dans les zones principalement dédiées à l'habitation, un droit de préemption urbain pourrait utilement être instauré.

Par ailleurs, votre mission insiste pour que ce schéma soit laissé à l'initiative des élus locaux, qui agiraient en concertation avec les représentants de l'État -et non l'inverse. Comme le soulignait M. Yvon Bonnot, président de l'Association nationale des élus du littoral, lors de son audition, une réflexion globale associant tous les partenaires est nécessaire.

Il est donc essentiel que les élus locaux , qui seront en tout état de cause chargés de mettre en oeuvre les principes d'aménagement du territoire contenus dans les schémas, soient étroitement associés à l'élaboration des futurs schémas d'aménagement des zones littorales à risque.

Propositions n° 86, n° 87, n° 88 et 89 de la mission :

- Créer un schéma d'aménagement des zones littorales à risque permettant de mettre en place une distribution spatiale des activités adaptée au risque de submersion marine.

- Distinguer dans le schéma d'aménagement des zones littorales à risque quatre zones :

- les zones qui doivent être laissées ou rendues à leur état naturel (par référence aux zones de danger mortel définies dans la cartographie nationale) ;

- les zones qui, bien que dangereuses, peuvent recevoir des activités économiques, touristiques ou culturelles diurnes ;

- les zones dans lesquelles l'occupation humaine est acceptée, mais de manière limitée et sous condition ;

- les zones soumises à un risque limité, et où l'occupation humaine est autorisée sans restrictions particulières.

- Utiliser le droit de préemption comme un outil d'aménagement des zones littorales à risque, soit pour sanctuariser les zones dangereuses (ENS et PPAEN), soit pour densifier l'habitat dans les zones moins risquées (DPU).

- Confier l'initiative des schémas d'aménagement des zones littorales à risque aux élus locaux.

M. Yvon Bonnot, président de l'Association nationale des élus du littoral, a également fait observer à la mission que les élus, qui connaissent bien leurs territoires, peuvent parfois ressentir le besoin d'être assistés dans leur réflexion. Ils auraient tout à gagner dans la mise en place d'un Conseil permanent, qui les aiderait à décider, dans l'intérêt général, de l'exploitation et de l'aménagement, ou au contraire de la sanctuarisation, de telle ou telle zone.

Cette nouvelle approche de l'aménagement du littoral gagnerait à s'appuyer sur un Conseil national du littoral renforcé, comme le propose par ailleurs votre mission, qui apporterait son aide technique et logistique aux élus locaux pour l'élaboration et la mise en oeuvre des schémas d'aménagement des zones littorales à risque.

Proposition n° 90 de la mission :

Confier au Conseil national de la mer et des littoraux une mission de soutien aux collectivités territoriales dans l'aménagement des zones littorales à risque.

B. OUVRIR UN DROIT DE DÉLAISSEMENT EN FAVEUR DES PROPRIÉTAIRES DANS LES ZONES DE DANGER EXTRÊME

1. Renverser la logique des « zones noires »

Corrélativement à la mise en place d'un schéma d'aménagement des zones littorales à risque, un droit de délaissement devrait être mis en place.

En effet, en l'état du droit, les propriétaires de maisons exposées à un risque naturel grave, sérieux et avéré ne peuvent pas demander à bénéficier de la solidarité nationale afin de préserver leur vie et celle de leurs proches. Le seul moyen, pour eux, d'abandonner leur habitation est d'être soumis à la procédure d'expropriation pour risque naturel majeur prévue par la loi « Barnier », ou d'être inclus dans une zone d'acquisition amiable délimitée, de manière autonome, par les pouvoirs publics.

Votre mission considère que cette situation, qui laisse à l'État seul l'initiative de la protection des vies humaines, n'est pas satisfaisante et que les citoyens doivent pouvoir, eux aussi, être en mesure de démontrer l'existence d'un risque insupportable.

Il s'agit donc de renverser la logique des « zones noires » en mettant en place un mécanisme de délaissement qui permettrait aux particuliers, individuellement et volontairement, de faire appel à l'État pour obtenir le rachat de leur bien 87 ( * ) .

En effet, comme votre rapporteur l'a déjà indiqué, il existe sur notre territoire de nombreuses zones soumises à un risque naturel aussi sérieux que celui qui existe dans les « zones d'extrême danger » de Charente-Maritime et de Vendée.

Lors de son déplacement en Gironde, votre mission a ainsi constaté l'existence, dans la commune de Saint-Louis-de-Montferrand, d'une zone comprenant une quarantaine de maisons et exposée à un risque grave, si bien que ceux qui y habitent subissent des inondations violentes et fréquentes, qui mettent régulièrement leur vie en danger. Or, les propriétaires concernés -dont la plupart souhaitent partir de cette zone dangereuse- ne peuvent pas céder leur bien dans des conditions satisfaisantes, ce qui les empêche de trouver un autre logement dans un secteur moins risqué.

Si votre mission a par ailleurs préconisé de leur ouvrir la procédure d'acquisition amiable, le droit de délaissement pourrait constituer une autre voie intéressante pour répondre à leur situation.

2. Instituer un droit de délaissement pérenne et de portée générale

Selon votre mission, un droit de délaissement pérenne et de portée générale devrait être instauré pour répondre à ce type de situations.

Elle souligne, à cet égard, qu'un mécanisme de délaissement a déjà été créé dans les zones exposées à un risque technologique majeur par la loi « Bachelot » du 30 juillet 2003.

L'article L. 515-16 du code l'environnement dispose ainsi que, « à l'intérieur du périmètre d'exposition aux risques, les plans de prévention des risques technologiques peuvent, en fonction du type de risques, de leur gravité, de leur probabilité et de leur cinétique [...], délimiter [...] des secteurs où, en raison de l'existence de risques importants d'accident à cinétique rapide présentant un danger grave pour la vie humaine , les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents peuvent instaurer un droit de délaissement des bâtiments ou parties de bâtiments existant à la date d'approbation du plan ».

Ce mécanisme pourrait utilement être transposé aux zones soumises à un risque naturel majeur (ou, plus précisément, à un « risque important » de catastrophe naturelle présentant un « danger grave » pour la vie humaine) et s'exercer dans les secteurs délimités par un PPRS ou par un schéma d'aménagement du littoral.

Proposition n° 91 de la mission :

Créer, sur le modèle du droit de délaissement prévu dans le cadre des PPR technologiques (article L. 515-16 du code de l'environnement), un droit de délaissement pour les zones exposées à un risque naturel majeur.

C. MODIFIER LA LOI « LITTORAL » POUR CRÉER UN CONTINUUM ENTRE LA PRÉSERVATION DE L'ENVIRONNEMENT, LA PROTECTION DES VIES HUMAINES ET L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

1. Une faible intégration de l'impératif de protection des populations

Votre mission a constaté que les nombreux outils qui existent pour permettre de limiter l'urbanisation des zones littorales étaient orientés vers la conciliation entre l'impératif de préservation de l'environnement et un objectif de développement économique, à l'exclusion de toute considération relative à la protection des populations .

Tel est notamment le cas des outils prévus par la loi « Littoral » de 1986.

Les principales dispositions de la loi du 3 janvier 1986, dite « Littoral »

Animée par des objectifs nombreux et divers (protection des équilibres biologiques et écologiques propres au littoral, promotion de la recherche, préservation et développement des activités économiques associées au littoral, maintien des activités agricoles, de l'artisanat et du tourisme, etc.), la loi « Littoral » (codifiée aux articles L. 146-1 et suivants du code de l'urbanisme) soumet les communes situées en bord de mer à un régime particulier en matière d'urbanisme.

Ainsi, afin de repousser les constructions nouvelles à l'intérieur des terres, la loi prévoit que :

- l'extension de l'urbanisation doit se faire en continuité avec les villages et les agglomérations existants : on parle alors de « hameaux » intégrés à l'environnement ;

- dans les espaces proches du rivage, seule une extension limitée de l'urbanisation est autorisée : toute extension doit donc être justifiée et motivée, dans le PLU ou le document d'urbanisme en tenant lieu, par des critères objectifs et liés aux buts assignés à la loi ;

- une bande de 100 mètres à compter de la limite haute du rivage est sanctuarisée : les constructions ou installations y sont interdites, sauf dans le cas où elles s'intègrent à des espaces urbanisés préexistants ou sont nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. Cette bande de 100 mètres est délimitée par le PLU qui peut, le cas échéant, l'élargir.

2. Vers une meilleure prise en compte de la prévention des risques naturels

Les auditions effectuées par votre mission (et notamment celles de M. Loïc Prieur, avocat spécialisé en droit de l'urbanisme et du littoral, et de M. Raymond Léost, responsable juridique de France nature environnement) ont fait apparaître la nécessité de modifier la loi « Littoral » afin que les mécanismes de limitation de l'urbanisation qu'elle a mis en place puissent être utilisés dans une optique de prévention des risques naturels .

Plus précisément :

- les « espaces naturels présentant le caractère d'une coupure d'urbanisation » pourraient être délimités en tenant compte de l'impératif de réduction de l'exposition aux risques naturels -si bien que les zones jouant un rôle d'absorbeur naturel seraient privilégiées. Il s'agirait donc d'éviter, comme le demandait notre collègue Éric Doligé lors du débat du 16 juin dernier, que la loi « laisse construire des habitats qui ne permettent pas d'absorber l'inondation » ;

- les capacités d'accueil des espaces urbanisés ou à urbaniser pourraient être définies non seulement en fonction des objectifs actuellement définis par la loi (préservation des espaces naturels et fragiles, maintien ou développement des activités agricoles, forestières et maritimes, et garantie du libre accès au rivage pour le public), mais aussi en tenant compte des risques naturels ;

- l'extension de l'urbanisation pourrait être prohibée dans les zones à risque, telles que délimitées par le PPRS ou le schéma d'aménagement des zones littorales à risque ;

- enfin, comme le proposait M. Loïc Prieur, l'extension de la bande de cent mètres (qui peut déjà être prévue par le PLU en cas d'érosion) pourrait être rendue possible pour faire face aux risques de submersion marine.

Ces innovations seraient d'autant plus importantes que la loi « Littoral » est directement opposable aux documents et autorisations d'urbanisme : elles auraient donc un impact fort sur l'occupation des sols. Elles justifieraient une réflexion approfondie.

D. ASSURER UN VÉRITABLE PILOTAGE D'UNE GESTION INTÉGRÉE DU LITTORAL : POUR UNE NOUVELLE GOUVERNANCE DU LITTORAL

Face, à la fois à la dispersion des outils et structures mobilisables en matière de submersion marine, et au regard de la spécificité du phénomène, il importe que soit organisée une véritable coordination de la multiplicité des instruments et organismes compétents , et ce pour les trois volets que sont la prévision, la prévention et la protection. Les exemples étrangers sont une source d'inspiration utile à cet égard.

Aux Pays-Bas , le Rijkswaterstaat est le service exécutif du ministère, chargé de la mise en oeuvre des politiques publiques en matière de construction, de gestion et de maintenance des infrastructures liées à l'eau. Créé sous Napoléon pour traiter des fleuves, il s'occupe aujourd'hui de sujets aussi divers que la gestion qualitative et quantitative de l'eau, la sauvegarde des réseaux fluviaux et routiers, la préservation face aux crues et submersions, l'information ... Il permet de centraliser l'expertise et la décision en la matière, et offre une grande flexibilité.

Au Japon , le poste de « ministre chargé de la gestion des risques » a été créé en 2001 pour promouvoir la coordination des mesures au sein du Gouvernement. Un conseil national pour la gestion des risques, présidé par le Premier ministre et composé du ministre chargé de la gestion des risques, des autres ministres concernés, de représentants d'établissements publics et de chercheurs et d'experts, prend une part active à la politique nationale en la matière et en assure notamment les fonctions de coordination. A un niveau plus local, des conseils locaux de la gestion des risques, à l'échelle départementale comme communale, sont chargés de mettre en oeuvre la politique élaborée au niveau national.

En France , pays qui comporte déjà une grande quantité d'organismes publics, il semblerait pertinent de ne pas augmenter la pyramide administrative , mais au contraire d' utiliser des structures existantes dont les compétences en matière de gestion de l'eau sont reconnues. Deux d'entre elles semblent à cet égard pouvoir être sollicitées.

Tout d'abord, le Conseil national du littoral, que la loi portant engagement national pour l'environnement a transformé en Conseil national de la mer et des littoraux (CNML) , et à qui elle a confié la « gestion intégrée des zones côtières », constituerait une enceinte parfaitement adaptée aux grands débats sur les principes généraux et programmes d'action en matière de prévention des risques d'inondation par submersion.

Créé par la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, le CNML a un rôle de proposition auprès du Gouvernement, qui peut le saisir pour avis de tout sujet relatif au littoral. Il contribue à la coordination des actions publiques dans les territoires littoraux. Il définit les objectifs qu'il juge nécessaires pour l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dans une perspective de gestion intégrée des zones côtières. Présidé par le Premier ministre ou, par délégation, par le ministre en charge de l'aménagement du territoire, il doit traiter, parmi les trois grands axes de travail assignés lors de sa création, de « l'anticipation des risques naturels pour les populations des zones littorales en lien avec les conséquences des changements climatiques ».

Dans la droite ligne de ces attributions, il paraîtrait donc cohérent à la mission de doter le CNML d'une compétence générale en matière de submersion marine , et d'en faire ainsi une instance centrale de concertation, d'orientation et de réflexion en ce domaine . De par sa composition très large et représentative de l'ensemble des acteurs impliqués dans la gestion du littoral 88 ( * ) , le CNML constituerait ainsi une sorte de « mini-Parlement du littoral » porteur d'initiatives et d'avis s'agissant de la stratégie de prévention des risques d'inondation par submersion marine.

Par ailleurs, il faut un meilleur pilotage de la triple dimension prévention des risques- protection des espaces fragiles et aménagement du territoire. Pour cela, il faut pallier la fragmentation des organismes et instruments intervenant en la matière, en renforçant le rôle du secrétariat général de la mer qui deviendrait le secrétariat général de la mer et des littoraux.

Rattaché au Premier ministre, la mission du secrétariat général consiste actuellement à coordonner les actions des différentes administrations intéressées par l'action de l'Etat en mer. Aux termes de l'article 4 du décret du 22 novembre 1995, « il exerce une mission de contrôle, d'évaluation et de prospective en matière de politique maritime (...). Il anime et coordonne, sous l'autorité du Premier ministre, l'action des préfets maritimes. » Il doit également établir chaque année un rapport au Premier ministre sur la politique maritime et sur la coordination des actions de l'Etat en mer.

La loi portant engagement national pour l'environnement dispose dans son article 61 que « le secrétariat général du conseil national de la mer et des littoraux (l'ancien conseil national du littoral) est assuré par le délégué interministériel au développement durable, conjointement avec le délégué interministériel à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale et le secrétaire général de la mer ».

Pour votre mission, le secrétariat général de la mer devrait jouer le rôle d'« intégrateur » des différents volets que sont les questions de prévision , de prévention et de protection face aux submersions. Institution de nature interministérielle représentant l'Etat et porteuse, à ce titre, de toute sa légitimité et responsabilité en ce domaine, il devrait jouer un rôle d'expertise, d'information et de coordination sur les politiques du littoral. Ses compétences devraient être étendues à l'aménagement du territoire sur le littoral, à la préservation des espaces sensibles et de la biodiversité , ainsi qu'à la conciliation entre ces enjeux et la gestion du risque.

Proposition n° 92 de la mission :

Promouvoir une nouvelle gouvernance du littoral :

- Élargir explicitement les compétences du Conseil national de la mer et des littoraux et du secrétariat général de la mer, afin de leur confier une triple mission de prévention des risques d'inondation par submersion, de protection des espaces fragiles et d'aménagement du territoire.

- Renforcer la dimension interministérielle de la politique du littoral en affirmant le rôle d'un secrétariat général de la mer et des littoraux, rattaché au Premier ministre, en matière d'impulsion et de coordination des actions de l'Etat dans les domaines de la prévention des risques de submersion marine, de la préservation de l'environnement côtier et de l'aménagement des territoires littoraux.

CONCLUSION

A l'issue de trois mois d'investigations enrichis par de nombreuses auditions et de déplacements qui lui ont permis à la fois de constater concrètement la situation sur place mais aussi de tirer profit de l'expérience de nos voisins néerlandais, votre mission a pu évaluer précisément la catastrophe causée par le passage de la tempête Xynthia sur le littoral atlantique. Phénomène météorologique exceptionnel, Xynthia a aussi été un douloureux révélateur des carences de notre pays dans l'anticipation du risque de submersion marine.

Les dramatiques inondations du Var témoignent malheureusement que la culture du risque fait encore défaut en France. Force est de constater, face à la répétition des catastrophes naturelles, que notre pays sera de plus en plus exposé à la survenance d'évènements naturels susceptibles d'avoir de très graves conséquences pour les populations. Parmi, les risques encourus, l'inondation est au premier rang des risques de catastrophes naturelles.

S'il est illusoire de poursuivre un hypothétique « risque zéro », en revanche il est possible de mieux anticiper le risque, de s'y préparer et de se donner les moyens de le gérer plus efficacement quand malheureusement il survient. C'est pourquoi votre mission a souhaité axer ses propositions autour d'une intégration effective de la culture du risque dans la gestion du littoral et a jugé nécessaire de promouvoir une approche globale du risque de submersion marine qui permette de prendre en compte de manière cohérente et complémentaire les différents volets de la gestion du risque.

La submersion marine présente une spécificité incontestable que le présent rapport met en évidence. Pour autant, une fois pris en compte cette spécificité, bon nombre des analyses développées par votre mission pourraient valoir également pour d'autres catastrophes naturelles que notre pays a dû subir. On pense particulièrement aux inondations qui ont frappé le département du Var.

Tout en veillant à prendre en compte les particularités inhérentes aux différents risques, c'est donc bien à un défi global que notre pays doit s'attaquer : celui de mieux appréhender le risque, de diffuser la conscience du risque dans l'ensemble de la population et de le gérer plus efficacement lorsqu'il survient malheureusement.

La faculté d'oubli des catastrophes est grande. C'est pourquoi il faut un engagement clair et sur la durée de l'État qui est au premier chef responsable de la protection des populations et des biens. Il faut aussi une action coordonnée et partenariale qui associe étroitement les collectivités territoriales, qui sont les mieux placées pour prendre en charge une gestion locale opérationnelle de proximité, mais aussi les acteurs économiques. Au-delà, c'est une sensibilisation de l'ensemble de la population qui doit être poursuivie pour que le risque ne soit plus subi mais au contraire anticipé. Tel est le défi majeur que nos politiques publiques devront relever dans les prochaines années pour que des catastrophes naturelles que Xynthia ou les inondations du Var ne produisent pas des conséquences aussi dramatiques.

EXAMEN EN MISSION D'INFORMATION

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M. Bruno Retailleau, président, a fait valoir que le projet de rapport contenait 92 propositions concrètes, pour que ne se reproduisent pas les conséquences - évitables - d'un phénomène inévitable, dont on pouvait craindre la répétition, les territoires littoraux étant à la fois de plus en plus convoités et de plus en plus exposés aux risques naturels en raison des changements climatiques.

Après avoir remercié le rapporteur pour la qualité de leur collaboration, il s'est félicité des conditions dans lesquelles s'était déroulée cette mission, qui a procédé à quelque 170 auditions et effectué quatre déplacements.

Confirmant l'excellent climat de travail de la mission, M. Alain Anziani, rapporteur, a rendu hommage au dynamisme du président de la mission, puis il s'est proposé de présenter l'essentiel des propositions du rapport, en les mettant en perspective avec les premières réflexions du rapport intermédiaire.

Au préalable, il a précisé que le bilan des personnes ayant péri en France, d'abord établi à 53 personnes, a été ramené, à la mi-juin 2010, à 47 personnes. Il a indiqué que le montant définitif des dommages matériels s'élevait à 2,5 milliards d'euros, dont 1 milliard non indemnisable.

M. Alain Anziani, rapporteur, a souligné la nécessité de réaliser des expertises complémentaires, pour affiner le tracé des « zones d'acquisition amiable », et de garantir un relogement des sinistrés dans leur agglomération d'origine, en renforçant les moyens dévolus aux établissements publics fonciers.

Evoquant la future cartographie nationale des zones dangereuses, il a considéré que les dites zones ne devaient pas être soumises à des règles homogènes, mais évaluées au cas par cas, en fonction des types de risques naturels auxquels elles étaient exposées, et distinguées afin de déterminer laquelle des trois possibilités suivantes devait être privilégiée :

- déclaration d'inhabitabilité, accompagnée de propositions d'acquisitions amiables, puis si nécessaire d'une expropriation pour risque naturel majeur ;

- déclaration d'inconstructibilité avec maintien des habitations existantes compatibles avec les dispositifs de prévention ou de protection existants ou à améliorer ;

- maintien de la constructibilité sous réserve de prescriptions adaptées à la nature et au niveau de risque.

M. Alain Anziani, rapporteur, a proposé de confier la gestion des plans de gestion des risques d'inondation (PGRI) situés sur le littoral aux préfets de département, les PRGI sur le littoral devant en outre être dotés d'un volet stratégique, d'un bilan de l'existant et de l'état des éléments de protection contre la mer, et d'un document retraçant l'ensemble de la chaîne d'alerte.

Les alertes devant absolument être bien comprises pour être efficaces, comme pouvaient l'être les traditionnelles sirènes, le rapporteur a regretté que l'administration puisse penser se dédouaner de ses responsabilités par l'envoi de messages impersonnels de type fax ou SMS. Il a proposé que chaque préfecture concernée établisse une cellule d'alerte dédiée à la communication avec les élus locaux en cas de risque avéré de submersion marine.

M. Bruno Retailleau, président, a souligné à son tour que l'administration ne pouvait se contenter d'une décharge de responsabilité sur les élus locaux. Il a estimé que cette cellule d'alerte devrait prendre toutes les dispositions pour qu'un véritable dialogue soit établi avec les élus concernés.

M. Alain Anziani, rapporteur, a suggéré d'interdire la délivrance d'autorisations d'urbanisme tacites dans les zones couvertes par un PPRN ou dans lesquelles un PPRN est en cours d'élaboration. Les préfets devraient en outre pouvoir assortir tous leurs déférés en matière d'urbanisme d'une demande de référé-suspension, dès lors que l'acte contesté aurait un impact potentiel sur la sécurité des populations.

Le rapporteur a fait valoir qu'une réflexion pourrait par ailleurs être conduite avec les habitants sur les possibilités de mise en place d'aménagements individuels de protection tels que les batardeaux, les rehaussements de planchers, les étages- refuges ou la neutralisation de rez-de-chaussée...

M. Alain Anziani, rapporteur, a proposé de rendre obligatoire l'adoption par une commune d'un plan communal de sauvegarde (PCS) simple et rapidement effectif, dès lors que la réalisation d'un plan de prévention du risque (PPR) lui a été prescrite.

En outre, la sensibilisation du grand public à ces questions devait être favorisée par des opérations concrètes de terrain et des simulations soumises à évaluation, dans le cadre, par exemple, de journées nationales de prévention des risques. A ce propos, il s'est félicité de l'achèvement tout récent d'un site national de sensibilisation du grand public consacré à la gestion des risques d'origine naturelle.

Abordant ensuite la question de la gestion des digues et des protections contre la mer, M. Alain Anziani, rapporteur, a déclaré que des études « au cas par cas » devaient être réalisées pour le rehaussement et/ou le renforcement des digues, en tenant compte des changements climatiques, ainsi que des zones d'expansion des crues et de l'ensemble du réseau hydraulique et des fleuves, les normes en matière d'ingénierie des digues devant par ailleurs être définies plus précisément.

Il a insisté sur le fait que la remise en état des digues endommagées par la tempête devait être réalisée en urgence avant les grandes marées d'équinoxe attendues au mois de septembre prochain.

Le recensement des digues maritimes et fluviales devait être poursuivi et achevé pour clarifier le régime de propriété et envisager un transfert de propriété publique qui permettrait de fixer les responsabilités.

M. Alain Anziani, rapporteur, a affirmé qu'il lui paraissait tout à fait possible et souhaitable d'imaginer un dispositif pérenne de financement et responsabilisant, comprenant un double mécanisme financier national et local : national sur le fonds Barnier ; local, par le déplafonnement et la modulation de la taxe locale d'équipement appliquée sur les permis de construire.

M. Bruno Retailleau, président, a appuyé cette proposition. Il a estimé que les indemnisations pour les acquisitions amiables devraient être financées par un prélèvement sur la caisse centrale de réassurance. Il a considéré que le fonds Barnier devrait, pour sa part, être sollicité pour prendre en charge la participation de l'Etat au financement des travaux sur les digues, cette part ne pouvant pas être inférieure à 50 %. Mais il a fait valoir qu'à côté de ce financement national, il était légitime d'envisager un financement local à partir de la taxe locale d'équipement en prévoyant une modulation selon la dangerosité de la zone où la construction est envisagée. Il a souligné qu'il y aurait là un élément de responsabilisation.

Puis évoquant les moyens de communication mis à la disposition des secours, M. Alain Anziani, rapporteur, a estimé que si le système ANTARES présentait de nombreux inconvénients, il avait cependant le mérite d'exister, et que les coûts liés aussi bien à son amélioration qu'à son fonctionnement pourraient et devraient être supportés par l'Etat.

Au chapitre des indemnisations, M. Alain Anziani, rapporteur, a estimé indispensable une révision des modalités de contrôle par la Commission européenne des aides publiques versées à la suite d'une catastrophe naturelle, afin de permettre un versement rapide de ces aides aux filières économiques sinistrées. Il a ajouté qu'un mode de compensation des pertes de recettes fiscales induites pour les collectivités territoriales par la démolition des maisons situées en zones d'acquisition amiable devrait être mis en place.

Le rapporteur a appelé de ses voeux l'octroi par les autorités communautaires d'une aide au titre du Fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE), en vue de contribuer au financement des interventions d'urgence entreprises par les autorités publiques nationales et locales face aux conséquences de la tempête Xynthia. Il a jugé nécessaire de simplifier les règles d'attribution de ce fonds.

M. Alain Anziani, rapporteur, s'est déclaré favorable à la création d'un schéma d'aménagement des zones à risque permettant de mettre en place une distribution spatiale des activités adaptée au risque de submersion marine. Ce schéma devrait, selon lui, distinguer quatre types de zones à risques :

- les zones devant être laissées ou rendues à leur état naturel (par référence aux zones de danger mortel définies dans la cartographie nationale) ;

- les zones qui, bien que dangereuses, peuvent recevoir des activités économiques, touristiques ou culturelles diurnes ;

- les zones dans lesquelles l'occupation humaine est acceptée, mais de manière limitée et sous condition ;

- enfin, les zones soumises à un risque limité, et où l'occupation humaine est autorisée sans restrictions particulières.

Le Conseil national de la mer et des littoraux pourrait, a-t-il précisé, se voir confier une mission de soutien aux collectivités territoriales dans l'aménagement des zones littorales à risque.

Une nouvelle gouvernance du littoral devrait être envisagée, en particulier en élargissant explicitement les compétences du Conseil national de la mer et des littoraux et du secrétariat général de la mer, afin de leur confier une triple mission de prévention des risques d'inondation par submersion, de protection des espaces fragiles et d'aménagement du territoire.

M. Bruno Retailleau, président, a indiqué que l'élaboration d'une proposition de loi pourrait être envisagée pour la rentrée afin de donner une traduction concrète aux propositions de la mission de nature législative.

M. Éric Doligé a rappelé que Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat à l'écologie, avait annoncé récemment que le site public d'information consacré aux risques était effectivement sur le point d'être ouvert.

Il a considéré que le système ANTARES était trop compliqué du fait du nombre d'intervenants et que, les frais de gestion étant à la charge des collectivités, un nombre croissant de maires exprimaient le désir de sortir du dispositif. Le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (dite LOPSI 2), qui arrivera devant le Parlement au mois de septembre, sera, a-t'il ajouté, l'occasion de sécuriser son financement. Il a craint cependant que le dispositif soit bouleversé par une refonte radicale évoquée par les autorités.

M. Eric Doligé s'est déclaré très favorable à la perspective de déposer une proposition de loi à la suite du rapport, cette proposition de loi pouvant s'accompagner de la mise en place d'une cellule de suivi des propositions.

Il a estimé que le traitement de la problématique des digues devait être inclus dans celle, plus global, des risques naturels. Il a rappelé que le Centre européen de prévention des risques d'inondation (CEPRI) venait de mettre en place un groupe de travail, ouvert aux parlementaires, consacré aux digues.

M. Eric Doligé a approuvé la proposition de révision de la taxe locale d'équipement, tout en précisant qu'il conviendrait de veiller à son affectation.

Il a enfin mentionné la nécessité d'adapter l'équipement des camions des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) à toutes les conditions d'utilisation.

M. Bruno Retailleau, président, a fait valoir que le rapport veille à ouvrir une perspective plus globale de gestion des risques, qui étaient croissants. Il a plaidé pour un système ANTARES moderne permettant d'expédier une cartographie ou un diagnostic « au pied » de la victime. Il a rappelé les propos du rapporteur préconisant la prise en charge par l'Etat de la modernisation du dispositif.

M. Ronan Kerdraon s'est félicité de la qualité du rapport et de l'état d'esprit ayant présidé aux travaux de la mission. Les rencontres avec la population et les élus ont, selon lui, constitué des moments forts, dont on retrouvait les traces dans les propositions, qui devaient à présent avoir une traduction législative.

Il a considéré que l'école était un endroit privilégié pour diffuser la culture du risque. Les plans de prévention des risques naturels (PPRN) étant au programme d'éducation civique, il a estimé que des exemples précis tirés de la tempête Xynthia devraient être inclus dans les enseignements.

M. Ronan Kerdraon a enfin fait valoir :

- que les propositions portant sur les procédures d'alerte étaient très opportunes ;

- qu'en matière d'urbanisme, le contrôle devait s'exercer plus strictement ;

- et que la mise en oeuvre de l'ensemble des actions et mesures prises devait être réalisée en concertation avec les élus.

M. Jean-Claude Merceron a estimé que les propositions du rapport avaient le grand mérite d'être concrètes et de traiter de l'ensemble du littoral de façon intégrée. Il a rappelé que les populations visitées avaient été réconfortées par le passage de la mission, ce qui constitue le signe que les rapports humains doivent être mis au centre des réponses institutionnelles. Il a préconisé d'en revenir à des idées simples comme un système de sirènes adapté ou la mise en place d'aménagements individuels de protection tels que les batardeaux ou les zones refuges dans les habitations.

M. Bruno Retailleau, président, a fait valoir que le rapport soulignait le rôle du Conseil national de la mer et des littoraux (CML) pour aider les élus dans l'aménagement des zones littorales à risque et qu'il proposait de faire de cette instance et du secrétariat général à la mer et au littoral (SGML) des lieux d'intégration des politiques publiques et de prévention des risques de submersion.

Mme Marie-France Beaufils s'est félicitée de la qualité du travail de la mission. Elle a souligné que la contribution des élus locaux au devenir de leur territoire devait être essentielle et que cette contribution ne pouvait qu'influer positivement sur leur rôle dans la diffusion d'une culture du risque.

Elle a estimé que les permis de construire ne devraient être délivrés que s'ils étaient conformes aux obligations légales et règlementaires, ce qui n'est pas systématiquement le cas aujourd'hui, bien qu'il s'agisse d'un enjeu crucial.

Mme Marie-France Beaufils a rappelé qu'il était possible d'imposer des obligations sur la construction de biens. Jugeant nécessaire d'approfondir la réflexion dans ce domaine, elle a fait valoir que les propriétaires ayant dû respecter des obligations spécifiques pour la construction de leur bien, afin de renforcer leur résistance et leur résilience aux risques, devaient pouvoir en tirer bénéfice sur le montant de leurs primes d'assurance. Elle a mis en avant la question de la conformité du permis de construire aux obligations prescrites.

Mme Marie-France Beaufils a fait valoir que les enseignants chargés de l'éducation aux risques devaient être correctement formés à ces problématiques, en tenant compte des spécificités de leur région. Elle a insisté sur le temps de formation qui devait être donné aux élus locaux.

M. Michel Doublet a rappelé le climat excellent ayant présidé aux travaux de la mission. Il a souhaité que la proposition de loi envisagée soit simple, cohérente et pragmatique, s'efforçant d'éviter les lourdeurs administratives et d'associer les acteurs locaux.

Il a estimé que les propositions de l'Etat dans les zones d'acquisitions amiables de Charente-Maritime étaient faites sur des bases élevées. Il a relevé que, depuis le rapport d'étape de la mission, beaucoup de sinistrés avaient été séduits par ces propositions.

M. Bruno Retailleau, président, a précisé que le prix moyen des propositions d'acquisition amiable s'établissait, pour les résidences principales, à 368 000 euros en Charente-Maritime et à 332 000 euros en Vendée et, pour les résidences secondaires, à 295 000 euros en Charente-Maritime et à 238 000 euros en Vendée.

M. Daniel Laurent a lui aussi rappelé que la mission avait travaillé dans un climat de sérénité. Rappelant que les commissions des sites avaient imposé des solutions aux élus, ce qui lui paraissait inacceptable, il a souhaité que la proposition de loi évite toute contrainte administrative inutile à l'égard des élus. Il a souligné le rôle essentiel de l'Education nationale dans la sensibilisation aux risques.

M. Philippe Darniche a félicité le président et le rapporteur pour la qualité du travail accompli. Il lui a paru essentiel que le rapport soit suivi d'effets et associe les élus locaux. Il a jugé important que des dispositions soient insérées dans le projet de loi LOPSI 2. Parallèlement, une proposition de loi devait permettre de traiter les questions essentielles.

M. Philippe Darniche a dit s'attendre à ce que la diffusion d'une culture du risque soit longue, du fait de l'absence de responsabilisation de la population dans ce domaine. Il a donc plaidé pour une multiplication des initiatives et pour une action dans la durée qui s'appuie sur les maires et les élus municipaux.

Il a enfin rendu hommage aux maires des communes touchées par la tempête, qui ont déployé une énergie remarquable pour être en mesure d'ouvrir la saison touristique d'été.

M. Bruno Retailleau, président, a précisé que les 92 propositions de la mission n'étaient pas toutes de nature législative. Il a souligné que le dépôt d'une proposition de loi permettrait aux membres de la mission de concrétiser leurs propositions. Il a jugé indispensable d'assurer un suivi des mesures arrêtées par l'Etat.

À l'issue du débat, la mission d'information a autorisé la publication du rapport.

ANNEXES

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ANNEXE 1 LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA MISSION

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I. Au Sénat

Le 7 avril 2010 :

- M. Nicolas Camphuis , directeur du Centre européen de prévention des risques d'inondation (CEPRI) ;

- M. François Jacq , président directeur général de Météo France ;

- M. Jean-Louis Borloo , ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

Le 8 avril 2010 :

- M. Paul Royet , ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts, expert senior du Cemagref ;

- M. Bernard Spitz , président de la Fédération française des sociétés d'assurance ;

- M. Pierre Michel , directeur général adjoint chargé de la réassurance des catastrophes naturelles de la Caisse centrale de réassurance (CCR).

Le 28 avril 2010 :

- M. Gérard Andreck , président, et Mme Catherine Traca , secrétaire générale adjointe du Groupement des entreprises mutuelles d'assurances (GEMA) ;

- Mme Chantal Jouanno , secrétaire d'Etat chargée de l'écologie ;

- M. François Démarcq , directeur général délégué, M. Thierry Winter , adjoint au chef du service Risques naturels et sécurité du stockage de CO2, MM. Rodrigo Pedreros et Manuel Garcin , chercheurs dans ce service et auteurs du rapport Tempête Xynthia : compte rendu de mission préliminaire, du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).

Le 29 avril 2010 :

- M. Dominique Bussereau , secrétaire d'Etat chargé des transports ;

- M. Jean-Jacques Brot , préfet de la Vendée ;

- M. Benoist Apparu , secrétaire d'Etat chargé du logement et de l'urbanisme ;

- M. Raymond Léost , responsable juridique de France Nature Environnement.

Le 5 mai 2010 :

- M. Jean-Bernard Auby , professeur des universités à Sciences Po ;

- M. Yves Jégouzo , professeur agrégé de droit public à l'université Paris-I.

Le 6 mai 2010 :

- M. Daniel Dubost , directeur du service France Domaine ;

- MM. Joël L'Her , directeur du département environnement, littoral et cours d'eau du Centre d'études techniques maritimes et fluviales (CETMEF), Jean-Jacques Vidal , chef du service risques naturels et ouvrages hydrauliques de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Midi-Pyrénées, et David Goutx , chef du service hydrométrie, prévision des étiages et des crues de la DREAL du Centre ;

- M. Laurent Michel , directeur général de la prévention des risques ;

- M. Yann Boaretto , médiateur des assurances ;

- M. Loïc Prieur , avocat spécialisé en droit de l'urbanisme et loi du littoral.

Le 12 mai 2010 :

- M. Yannick Chenevard , président de la Fédération nationale de protection civile, Mme Jacqueline Roy , présidente, M. Pascal Miclot , vice-président, et M. Philippe Potier, directeur, de l'Association départementale de protection civile de la Vendée ;

- M. Jérôme Bignon , président, et M. Yves Colcombet , directeur, du Conservatoire du littoral ;

- M. Pierre Baudry , directeur général adjoint de la Safer de Poitou-Charentes-Vendée, et M. Stéphane Marco , responsable du service départemental de la Charente-Maritime de la Safer de Poitou-Charentes-Vendée ;

- M. Jacques Serris , directeur général adjoint de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER), et M. Fabrice Lecornu , responsable du projet d'observations et de prévisions côtières PREVIMER ;

- M. Brice Hortefeux , ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Le 19 mai 2010 :

- Mme Maya Atig , sous-directrice des assurances, et M. Sébastien Raspiller , chef du bureau des marchés et des produits d'assurance, à la direction générale du trésor ;

- M. Michel Casteigts , inspecteur général de l'administration, chargé de la coordination de la mission interministérielle d'évaluation des dommages causés par la tempête Xynthia ;

- M. Christian Kert , président de l'association française pour la prévention des catastrophes naturelles, président du conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs.

Le 20 mai 2010 :

- M. Gilles Bessero , directeur général du service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) ;

- M. Stéphane Raison , directeur de l'aménagement et de l'environnement de Dunkerque port, ancien chef du service maritime et des risques de la direction départementale de l'équipement de la Vendée.

Le 26 mai 2010 :

- M. Jacques Oudin , ancien sénateur, vice-président du conseil général de la Vendée ;

- M. Alain Perret, préfet , directeur de la sécurité civile au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ;

- MM. Jean-Luc Poulain , président de la commission de gestion des risques de la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), Stéphane Weil , chef du service juridique et fiscal de la FNSEA, et Hervé Pillaud, secrétaire général de la FDSEA de la Vendée.

Le 10 juin 2010 :

- M. François Baroin , ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ;

- M. Jacques Auxiette , président du conseil régional des Pays de la Loire, et M. Patrick Jouin , directeur général des services de cette région ;

- M. Philippe Sergent , directeur scientifique du centre d'études techniques maritimes et fluviales, et M. Jean-Paul Vanderlinden , professeur associé à l'université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, experts participant au programme de recherche de l'Union européenne Theseus ;

- MM. Olivier Schmitt, Michel Le Bozec, Pierre Beurel, Michel Ceressia, Jean-Luc Guilmard et Tierry Demaegt , pour le collectif des associations des victimes de l'après Xynthia, et M. Xavier Machuron-Mandard, Mmes Evelyne Deregnaucourt et Mireille Guillet, et MM. Raymond Roucheyrolle et Eric Racofier , pour l'association des victimes de La Faute-sur-mer ;

- M. Daniel Rouvreau , président de la chambre d'agriculture des Deux-Sèvres, membre du bureau de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture, et M. Thierry Fellmann , responsable du pôle politique agricole de l'APCA ;

- M. Daniel Canepa , préfet de Paris, préfet de la région Ile-de-France, président de l'association du corps préfectoral.

Le 16 juin 2010 :

- Mme Marie-Françoise Simon-Rovetto , déléguée à la solidarité pour la Charente-Maritime, et MM. Philippe Bellec et Eric Verlhac , délégués à la solidarité pour la Vendée ;

- M. Takanori Isogai , premier secrétaire, et M. Yasushi Masaki , ministre en charge des affaires politiques, près l'ambassade du Japon en France ;

- M. François Ewald , professeur titulaire de la chaire d'assurances au conservatoire national des arts et métiers, directeur de l'école nationale des assurances ;

- MM. François Gérard , ingénieur général des eaux, des ponts et des forêts, en charge du plan « digues », Philippe Dumas , inspecteur général des finances, Michel Rouzeau , inspecteur général de l'administration, et Xavier Martin , ingénieur général du génie rural des eaux et forêts, co-auteurs du rapport de la mission interministérielle sur la tempête Xynthia.

Le 23 juin 2010 :

- M. Jean-Marie Danjou , délégué général, et M. Alexandre Galdin , responsable des relations institutionnelles, de l'association française des opérateurs mobiles ;

- M. Yvon Bonnot , maire de Perros-Guirec (Côtes d'Armor), président de l'association nationale des élus du littoral, membre du bureau de l'association des maires de France.

Le 1er juillet 2010 :

- MM. Paul Girod , ancien sénateur, président, et Christian Sommade , délégué général, du haut comité français pour la défense civile.

II. Lors du déplacement en Charente-Maritime et en Vendée (14 et 15 avril 2010)

Le 14 avril 2010, en Charente-Maritime :

- M. Jean-François Faget , maire de Charron (à Charron) ;

- M. Thierry Demaegt , président de l'association « Reconstruire Charron » (à Charron) ;

- Mme Eléonore Lacroix , directrice du cabinet du préfet de Charente-Maritime (à Charron) ;

- M. Yvon Neveu , premier adjoint au maire de Chatelaillon (à Chatelaillon) ;

- M. Henri Duhaldeborde , sous-préfet de Rochefort (à Chatelaillon) ;

- M. Henri Masse , préfet de Charente-Maritime (à La Rochelle) ;

- M. Gilles Servanton , directeur de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) (à La Rochelle) ;

- M. Olivier Schmidt , président de l'association pour la sauvegarde du site de Boyardville (à La Rochelle) ;

- M. Michel Ceressia , vice-président de l'association d'entraide aux sinistrés de Port-des-barques (à La Rochelle) ;

- Mme Marie-Olivia Rocca , présidente de l'association de défense des sinistrés d'Aytré (à La Rochelle) ;

- M. Michel Le Bozec , président de l'association « Sauvons les Boucholeurs » (à La Rochelle) ;

- M. Jacques Bargiel , président de l'association « Vivre à Fouras-La Fumée » (à La Rochelle) ;

- M. Lionel Quillet , maire de Loix en Ré, président de la communauté de communes de l'Ile de Ré (à La Rochelle) ;

- M. Jacky Laugraud , maire de Port-des-Barques (à La Rochelle) ;

- Mme Sylvie Marcilly , maire de Fouras (à La Rochelle) ;

- M. Patrick Moquay , maire de St Pierre d'Oléron, président de la communauté de communes de l'Ile d'Oléron (à La Rochelle) ;

- M. Henri Lambert , maire Nieul sur mer (à La Rochelle) ;

- M. Didier Roblin , maire d'Yves (à La Rochelle) ;

- M. Luc Servant , président de la Chambre d'agriculture (à La Rochelle) ;

- M. Doignon , président de la Chambre des métiers (à La Rochelle) ;

- M. Butel , président de la Chambre de commerce et d'industrie de La Rochelle (à La Rochelle) ;

- M. Delaune , président de la Chambre de commerce et d'industrie de Rochefort (à La Rochelle) ;

- M. Viaud , président de la section régionale conchylicole (à La Rochelle) ;

- M. Lepoutre , président de la Fédération des industries nautiques (à La Rochelle) ;

- M. Drappeau , président de l'Union des marais (UNIMA - gestionnaires de digues) (à La Rochelle) ;

- M. Gérard , directeur-adjoint du Conservatoire du littoral (à La Rochelle) ;

- Mme Virginie Maillet , directrice du pôle développement associatif de la Ligue de protection des oiseaux (à La Rochelle).

Le 15 avril 2010, en Vendée :

- Mme Béatrice Lagarde , sous-préfet des Sables-d'Olonne (à La Faute-sur-mer) ;

- M. René Marratier , maire de La Faute-sur-mer (à La Faute-sur-mer) ;

- M. Maurice Milcent , maire de L'Aiguillon-sur-mer (à L'Aiguillon-sur-mer) ;

- Associations de sinistrés de La Faute-sur-mer et de L'Aiguillon-sur-mer (à L'Aiguillon-sur-mer) ;

- Association syndicale de la vallée du Lay et Syndicat mixte de défense contre la mer de la baie de Bourgneuf (à L'Aiguillon-sur-mer) ;

- M. Jean-Jacques Brot , préfet de la Vendée (à La Roche-sur-Yon) ;

- M. Aimé , président de la Chambre d'Agriculture, M. Moreau , président de la Chambre du commerce et de l'industrie, M. Favennec , président de la Chambre des métiers et de l'artisanat, et M. Sourbier , président de la section régionale de conchyculture (à La Roche-sur-Yon) ;

- M. Sarlot , représentant le Comité départemental du tourisme (à La Roche-sur-Yon) ;

- M. Auvinet , président de l'Association des maires de Vendée (à La Roche-sur-Yon) ;

- M. Louis Guedon , député-maire des Sables-d'Olonne (à La Roche-sur-Yon) ;

- colonel Michel Montaletang , directeur du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Vendée (à La Roche-sur-Yon) ;

- colonel Claude Tredaniel , lieutenant-colonel Philippe Chabot , commandant Clément Préault , commandant Patrick Magry , du SDIS de Vendée (à La Roche-sur-Yon).

III. Lors du déplacement à Bruxelles (4 mai 2010)

- M. Johannes Hahn , commissaire européen en charge de la politique régionale ;

- M. Michel Barnier , commissaire européen en charge du marché intérieur ;

- Mme Susana Marazuela , de l'unité pour le développement rural de la DG agriculture de la Commission européenne ;

- M. Philippe Etienne , représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne ;

- M. Ian Clark , responsable de l'unité protection civile préparation et planification de la DG ECHO et Mme Brättemark , responsable de l'unité protection de l'eau à la DG environnement de la Commission européenne.

IV. Lors du déplacement aux Pays-Bas (1er et 2 juin 2010)

- M. Hans Balfoort , ministère des transports, des travaux publics et de la gestion de l'eau ;

- M. Luitzen Bijlsma , Rijkswaterstaat ;

- M. Erik Kraaij , association des autorités régionales de l'eau ;

- M. Roel Feringa , directeur général adjoint du Rijkswaterstaat ;

- M. Jan Kroos , chef du service d'alerte tempête au centre de gestion de l'eau ;

- sept intervenants présentant les dispositifs de prévision et d'alerte, à Katwijk ;

- lieutenant Ruud Reitsma , responsable du programme néerlandais de gestion des urgences liées à des inondations ;

- M. Robert Slomp ;

- le président de l'agence de l'eau à Ridderkerk ;

- MM. Frans van der Ven, Mark van Zanten , Bas Kolen , Jan Stijnen , Jentsje van der Meer , Piet Dircke, Jan Mulders , qui ont présenté le Netherlands Water Partnership (NWP), regroupement d'établissements publics et d'entreprises privées ayant comme vocation de promouvoir le savoir-faire des Pays-Bas dans le domaine de l'ingénierie de l'eau (à La Haye).

V. Lors du déplacement en Gironde (9 juin 2010)

- M. Dominique Schmitt , préfet de la Gironde, préfet de la région Aquitaine ;

- M. Olivier Delcayrou , sous-préfet de Lesparre-Médoc ;

- M. Bernard Seurot , maire de Bruges ;

- M. Jean-Pierre Turon , maire de Bassens ;

- Mme Michèle Saintont , maire de Saint-Estèphe ;

- des représentants de la communauté urbaine de Bordeaux, du conseil général de la Gironde et de la ville de Bordeaux ;

- M. Michel Duvette , directeur départemental des territoires et de la mer ;

- M. Philippe Madrelle , sénateur, président du conseil général de la Gironde ;

- M. Maurice Pierre , maire d'Ambès, président du syndicat protection contre inondations presqu'île Ambès (SPIPA) ;

- Mme Liliane Monnereau , maire de Labarde ;

- M. Jean-Marc Falcone , préfet délégué pour la défense et la sécurité ;

- Mme Chrystel Colmont , maire de Macau ;

- M. Guinard , 1er adjoint au maire de Ludon ;

- M. Pierre Soubabère , maire de Saint-Louis-de-Montferrand.

VI. Auditions de M. Alain Anziani, rapporteur

- Mme Colette Arnaud , présidente, et M. Hugon membre de l'association Vivre avec le fleuve, le 24 juin 2010 à Mérignac ;

- M. Christian Vignaud Sannier , vice-président de l'association Claire Aubarède, le 28 juin 2010 à Mérignac.

ANNEXE 2 ÉVALUATION DU COÛT D'ACQUISITION DES MAISONS D'HABITATION À LA SUITE DE LA TEMPÊTE XYNTHIA

______

Situation au 05/07/2010 (*)

Vendée

Charente-Maritime

Total

Nombre de maisons

811

746

1557

dont

Visites réalisées

743

413

1156

Rendez vous pris

760

451

1211

Propositions faites

677

309

986

Propositions acceptées

276

180

456

Taux d'accord sur les propositions

40,77 %

58,25 %

46,25 %

ESTIMATIONS

Résidences principales

Nombre

180

393

573

Nombre de propositions acceptées

107

140

247

Nombre de refus

1

0

1

Prix moyen par maison sur la base des acceptations

334 875 €

368 910 €

354 166 €

Montant total des acceptations résidence principale

35 831 620 €

51 647 447 €

87 479 067 €

Résidences secondaires

Nombre

631

240

871

Nombre de propositions acceptées

165

40

205

Nombre de refus

1

0

1

Prix moyen par maison sur la base des acceptations

242 057 €

306 308 €

254 594 €

Montant total des acceptations résidences secondaires

39 939 430 €

12 252 320 €

52 191 750 €

Montant des acceptations

75 771 050 €

63 899 767 €

139 670 817 €

(*) dont l'extension des zones de solidarité décidée par le préfet de Charente-Maritime, le 15 juin 2010.

Source : France Domaine.


* 1 n° 34, 2001-2002.

* 2 n° 39, 2009-2010.

* 3 La trajectoire et la chronologie de la tempête sont relativement rares en ce que celle-ci s'est formée en plein coeur de l'Atlantique, près du tropique du cancer, au large des côtes du Maroc, à une latitude anormalement basse, pour remonter vers le sud-ouest, puis le nord-ouest de l'Europe en quelques heures seulement.

* 4 Voir infra.

* 5 Dont 3 victimes à Charron, 3 à Aytré, 2 à Chatelaillon, 2 à La-Flotte-en-Ré, une à Esnandes et une à Boyardville.

* 6 10 millions d'euros pour la région Poitou-Charentes, 6 millions d'euros pour le conseil général de Charente-Maritime, et une partie du « plan tempête régional » de 20 millions voté par la région des Pays-de-la-Loire.

* 7 Déclarations de M. Benoist Apparu, secrétaire d'État à l'urbanisme et au logement, le 10 mars 2010 à La Rochelle.

* 8 Ces bulletins sont essentiellement destinés à informer des prévisions de vagues à la côte et comportent des informations relatives aux phénomènes de surcote lorsque ceux-ci sont significatifs, de façon à signaler les événements potentiellement dangereux. Ils sont diffusés vers les autorités (centre opérationnel de gestion interministérielle des crises - COGIC -, centres opérationnels de zone de défense - COZD - qui peuvent les rediffuser vers les préfectures et services de sécurité civile, et directement aux préfectures dans certains cas), de façon similaire aux bulletins de vigilance météorologique.

* 9 Voir infra.

* 10 Voir infra.

* 11 Tempête Xynthia : Retour d'expérience, évaluation et propositions d'action, mai 2010.

* 12 Décret n° 95-1089 du 5 octobre 1995 relatif aux plans de prévention des risques naturels prévisibles, modifié par le décret n° 2005-3 du 4 janvier 2005, et codifié aux articles R. 562-1 à R. 562-12 du code de l'environnement, ainsi que la circulaire du 24 janvier 1994 relative à la prévention des inondations et à la gestion des zones inondables, complétée par la circulaire du 24 avril 1996 relative aux dispositions applicables au bâti et ouvrages existants en zones inondables.

* 13 Voir supra.

* 14 CE, avis du 12 juin 2002, préfet de Charente-Maritime.

* 15 Loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 relative à l'urbanisme et l'habitat, article 19.

* 16 Par exemple : CE, 10 juillet 1995, Société du Golf de Pardigon.

* 17 L'article 5-4 du PLU impose en effet que les planchers d'habitation soient à une cote minimale de 3 mètres NGF. Des prescriptions spécifiques avaient également été mises en place par le POS de Loix-en-Ré dans les zones urbanisées soumises à un risque de submersion (zones UBs).

* 18 Rapport d'information n° 421 (2003-2004) , « L'application de la loi littoral : pour une mutualisation de l'aménagement du territoire », fait au nom de la commission des affaires économiques et de la commission des lois.

* 19 Article R. 423-50 du code de l'urbanisme.

* 20 La responsabilité des services instructeurs peut toutefois se substituer à celle du maire lorsqu'il est démontré que ces services n'ont pas respecté les directives qui leur étaient données par la commune : CE, 21 juin 2000, Commune de Roquebrune-Cap-Martin. En outre, la responsabilité des personnes ayant demandé le permis (c'est-à-dire des « pétitionnaires ») peut être prise en compte pour atténuer la responsabilité de la puissance publique s'ils ont commis une imprudence en ne vérifiant pas si leur parcelle était exposée à des risques : CE, 2 octobre 2002, Ministère de l'équipement, du transport et du logement c/ M. et Mme G.

* 21 Article L. 422-8 du code.

* 22 Ces cas de « codécision » sont énumérés en détail aux articles L. 422-5 et L. 422-6 du code.

* 23 En effet, les communes membres de la communauté d'agglomération de La Rochelle et de la communauté de communes de Charron ne font pas appel aux services préfectoraux pour l'instruction des demandes d'autorisation d'urbanisme qui leur étaient adressées.

* 24 Cet article dispose que « le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales [par le préfet] s'il est de nature à porter atteinte [...] à la sécurité publique ».

* 25 Ces informations sur la propriété des digues sont données par le rapport de la mission interministérielle constituée le 3 mars 2010 par le gouvernement intitulé « Tempête Xynthia : Retour d'expérience, évaluation et propositions d'action » rendu public en mai 2010.

* 26 n° 80 (2006-2007).

* 27 Impact du changement climatique sur le littoral, Nicole Lenôtre, Rodrigo Pereros, Géosciences, n° 3, mars 2006.

* 28 Voir infra

* 29 Ces experts sont MM. Joël L'Her, directeur du département « environnement, littoral et cours d'eau » du Centre d'études techniques maritimes et fluviales (CETEMF), Jean-Jacques Vidal, chef du service « risques naturels et ouvrages hydrauliques » de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Midi-Pyrénées, et David Goutx, chef du service « hydrométrie, prévision des étiages et des crues » de la DREAL du Centre.

* 30 Compte-rendu de l'audition de MM. L'Her, Vidal et Goutx.

* 31 Il a en effet affirmé que la hauteur d'eau constatée sur le terrain était de 73 cm, que sa maison était dotée d'une zone-refuge et qu'elle était située à plus de 500 mètres de la digue la plus proche.

* 32 Il s'agit des « zones oranges » instituées dans le village des Boucholeurs, à Fouras, à Aytré et à Port-des-Barques. Deux autres « zones oranges » (celle de Loix-en-Ré et celle de Nieul-sur-Mer) avaient été classées en « zone noire » à la fin du mois d'avril 2010.

* 33 CE, 7 avril 1999, Association « Vivre et rester au pays » (voir infra pour une description plus détaillée de cette jurisprudence).

* 34 Lettre de mission du vice-président du Conseil général de l'environnement et du développement durable du 16 avril 2010.

* 35 Sur ces 55 entretiens, une dizaine concernait des personnes souhaitant être incluses dans la « zone d'acquisition amiable », une trentaine des personnes qui désiraient, à l'inverse, en être exclues. Le reste des rendez-vous concernait des demandes d'informations sur des sujets divers (assurances, etc.).

* 36 Circulaire du MEEDM et du Ministère de l'Intérieur relative aux mesures à prendre suite à la tempête Xynthia du 28 février 2010.

* 37 CE, 17 décembre 2008, requête n° 305409.

* 38 Déclarations de Mme Chantal Jouanno le 22 juin 2010.

* 39 Article R. 121-13 du code de l'urbanisme. Le juge administratif considère d'ailleurs qu'un projet de PPR peut valablement être considéré comme un projet d'intérêt général et être, en conséquence, opposé aux documents d'urbanisme élaborés par les communes (CE, 29 juin 2001, SA Blan). De même, un atlas des zones inondables peut être vu comme un PIG et le respect de ses prescriptions peut être imposé aux communes par ce biais (CAA de Lyon, 3 mai 2005).

* 40 Selon le rapport annuel de performance de 2009 pour la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat », ce taux est passé de 94 % en 2008 à 93 % en 2009, ce qui reflète probablement l'impact des baisses d'effectifs consécutives à la mise en application de la révision générale des politiques publiques (RGPP) dans les préfectures.

* 41 Voir supra : on compte 49 déférés préfectoraux en Vendée et en Charente-Maritime entre 2001 et 2009, dont seulement 9 ont été assortis d'une demande de référé.

* 42 À cet égard, une question parlementaire soulignait, dès 1995, que cette double mission des préfectures pouvait mener les préfets à être réticents à déférer au tribunal administratif une décision que leurs services avaient instruite (Assemblée nationale, n° 17207, Xe législature).

* 43 Article R. 562-5 du code de l'environnement.

* 44 C'est ainsi que 3 000 plaquettes d'information ont été distribuées dans les communes de La Faute-sur-Mer et de L'Aiguillon-sur-Mer lors de l'approbation anticipée du PPR les couvrant, sans grande efficacité apparente.

* 45 Voir supra.

* 46 Les inondations de 1953 ont par ailleurs touché 200 000 hectares de terres et endommagé 47 000 bâtiments.

* 47 La forme la plus ancienne de protection des propriétés contre la menace d'inondation est l'association syndicale de propriétaires fonciers (ASP). L'ordonnance n°2004-632 du 1er juillet 2004 distingue parmi ces associations, les associations syndicales libres, les associations syndicales autorisées, les associations syndicales constituées d'office et les unions d'associations syndicales. Les associations syndicales autorisées sont des établissements publics administratifs jouissant de prérogatives de puissance publique comme la capacité d'exproprier et celle de recevoir des redevances obligatoires de leurs adhérents.

* 48 Le plan digues sera une anticipation de la stratégie nationale des inondations sur certains secteurs prioritaires. La liste des territoires à risques importants d'inondation doit en effet être arrêtée début 2012. Certains secteurs prioritaires sont déjà connus (zones prioritaires des plans grands fleuves, zones disposant d'un programme d'action et de prévention des inondations (PAPI) opérationnel ou en cours de réalisation, zones « jaunes » de Xynthia).

* 49 Cf. la circulaire UNEDIC n° 2010-05 du 31 mars 2010.

* 50 Cf. l'arrêté du 12 avril 2010 portant application de l'article D. 5122-42 du code du travail. Son article 1 er précise que le taux maximum de prise en charge par l'Etat des indemnités de chômage partiel est fixé à 100 % pour les conventions signées du 1er janvier au 31 décembre 2010 par les entreprises contraintes de réduire ou de suspendre temporairement leur activité du fait des événements naturels d'intensité anormale définis par l'arrêté du 1er mars 2010 susvisé. Un arrêté du 19 avril 2010 applique le même principe aux entreprises des départements de la Gironde et de la Loire-Atlantique, contraintes de réduire ou de suspendre temporairement leur activité du fait de la tempête Xynthia.

* 51 L'arrêté est en effet daté du 2 mars 2010.

* 52 L'assurance des catastrophes naturelles couvre les mêmes biens et comporte les mêmes exclusions que la multirisque habitation. Elle prend ainsi en charge les frais de déblais, de démolition, de pompage, de nettoyage et de désinfection des locaux. Elle intervient aussi si les murs de la maison sont fendus, si la stabilité de la maison est atteinte du fait d'un glissement de terrain. Elle garantit également les dommages causés à des appareils électriques, au contenu des réfrigérateurs et congélateurs à la suite d'une submersion due à une inondation. En revanche, la garantie catastrophe naturelle ne couvre pas les dommages consécutifs à la seule coupure d'électricité ou les dommages qui ne seraient pas directement causés par la catastrophe naturelle : frais de déplacement et de relogement, perte de loyers, perte d'usage, honoraires d'expert, etc. En outre, les terrains, plantations, ainsi que les clôtures et murs d'enceinte sont, sauf stipulation explicite, hors contrat. Sont également exclus de la garantie toutes les causes de dommages qui ne proviennent pas des circonstances précitées, et liés à la chose assurée : constructions non ancrées selon les règles de l'art ; dommages résultant d'un manque d'entretien indispensable ; bâtiments non entièrement clos et couverts ou comportant certains matériaux, tels que du carton ou du feutre bitumé, non fixés sur voligeages jointifs ; parties vitrées de la construction ; biens en plein air.

* 53 Les aléas concernés peuvent être : des inondations (de plaine, crue torrentielle, ruissellement en secteur urbain, coulées de boue et remontées de nappe phréatique) ; des phénomènes liés à l'action de la mer ; des mouvements de terrain (effondrement, affaissement, éboulement et chute de blocs et de pierres, glissement et coulée boueuse associée, lave torrentielle) ; la sécheresse (y compris les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation du sol) ; une avalanche ; un séisme ; les effets du vent dû à un événement cyclonique. Les simples effets du vent ne relèvent pas de la garantie catnat. Dans un arrêt n° 175215 du 22 Janvier 1997 « société hôtelière de l'Anse heureuse », le Conseil d'Etat a ainsi précisé que les effets du vent sont au nombre de ceux qui revêtent un caractère assurable au sens des dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances, que ces effets soient effectivement assurés ou non.

* 54 La fonction de médiateur des assurances a été confiée pour la troisième fois à M. Yann Boaretto, inspecteur général des finances, après la catastrophe de la tornade qui a frappé le Val de Sambre le 3 août 2008 et le passage de la tempête Klaus du 24 janvier 2009, qui a principalement touché le sud-ouest de la France. Lors de son audition, M. Bernard Spitz, président de la fédération française des sociétés d'assurances (FFSA) a estimé que ce mandat relève plus d'une mission de coordination que de médiation, dans la mesure où il s'agit de mettre à disposition des assurés, des assurances et des collectivités publiques un porte-parole et un interlocuteur unique.

* 55 La Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA) et le groupement des entreprises mutuelles d'assurances (GEMA), qui sont elles-mêmes regroupées au sein de l'association française des assurances (AFA).

* 56 92,5 % des sinistres devraient être indemnisés dans le cadre de contrats d'assurance de droit commun, sans mobilisation du régime catnat. L'assurance des catastrophes naturelles devrait donc représenter moins de 8 % des dossiers mais totaliserait plus de la moitié de la charge globale. Les données disponibles montrent que la Vendée et la Charente-Maritime représentent à elles seules une part importante (78 %) des indemnisations des dommages habitation au titre du régime catnat, ce qui correspond à l'impact considérable des phénomènes de submersion marine dans ces deux départements.

* 57 Institué par la loi n° 64-706 du 10 juillet 1964, le Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA) vise à couvrir ces dommages subis par les exploitations agricoles mais également par les conchyliculteurs et pisciculteurs, tels que les récoltes non engrangées ou le cheptel vif situé hors des bâtiments. Cf. les articles L. 361-1 et suivants du code rural qui précisent qu'il s'agit d'indemniser des dommages matériels causés aux exploitations agricoles par des événements non assurables d'importance exceptionnelle dus à des variations anormales d'intensité d'un agent naturel, outrepassant les moyens préventifs ou curatifs habituels.

* 58 Les taux d'indemnisation à accorder aux sinistrés restent à fixer d'où un montant mobilisé de ressources du FNGCA difficile à déterminer (il pourrait s'agir de 30 à 45 millions d'euros d'après les informations transmises à votre mission par le ministère de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche).

* 59 Pour les agriculteurs ayant souscrit une assurance récolte, les services de l'Etat vérifieront, pour chaque exploitation, que le cumul de l'indemnité d'assurance et de celle prévue au titre du FNGCA ne conduit par à une surcompensation des dommages. Si tel est le cas, les indemnisations envisagées seront réduites à due concurrence du dépassement constaté.

* 60 Selon les réponses du ministère de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche au questionnaire transmis par votre mission, il s'agirait, au 25 juin 2010, de 680 000 euros déjà versés aux agriculteurs vendéens (120 dossiers) et, surtout, de 900 000 euros pour ceux de Charente-Maritime (160 dossiers).

* 61 Disposant d'un droit de préemption, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) participent à l'aménagement des zones rurales en achetant des exploitations ou des parcelles ainsi qu'en les rétrocédant. Il convient de souligner leur rôle stratégique dans le monde agricole puisqu'elles achètent et revendent environ 84.000 hectares chaque année, soit environ 23 % de l'ensemble du marché foncier. De plus, elles choisissent de céder les propriétés à des exploitants agricoles sur le fondement non pas du prix offert mais d'une appréciation effectuée à partir de plusieurs critères d'intérêt général.

* 62 Le montant cumulé par une même entreprise de l'aide du FISAC, des indemnités versées pour le même objet par les assurances et de toute autre aide, ne pourra excéder la valeur du préjudice matériel réellement constaté.

* 63 Pour les particuliers, cette franchise est plus réduite : elle est soit prévue contractuellement, soit d'un montant de 380 euros pour les dégâts résultant de catastrophes naturelles.

* 64 L'article 110 de la loi de finances initiale pour 2008 a modifié le code général des collectivités territoriales afin de procéder à la création du fonds. En cas de survenance d'événements climatiques ou géologiques suscitant des dégâts majeurs, affectant plusieurs collectivités ou d'une intensité très élevée, l'Etat attribue des subventions budgétaires, issues du programme 122 « Concours spécifiques et administration » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » pour contribuer à la réparation des dégâts causés sur les biens non assurables de ces collectivités locales.

* 65 Les premières estimations par les services préfectoraux faisaient état au mois d'avril 2010 de dommages d'un montant d'au moins 117 millions d'euros. Le coût se répartissait alors de la manière suivante : 69 millions d'euros en Charente-Maritime, 30 millions en Vendée, 13 millions en Gironde et 5 millions en Loire-Atlantique.

* 66 En vue de couvrir cette dépense budgétaire, 25 millions d'euros en autorisation d'engagement et 5 millions d'euros en crédits de paiement ont déjà été ouverts à ce titre par la deuxième loi de finances rectificative pour 2010.

* 67 Avec 92 résidences principales et 582 résidences secondaires condamnées (soit un total de 674), les conséquences seront particulièrement lourdes pour la Faute-sur-Mer qui ne compte que 2.749 maisons (dont : 549 résidences principales, 2.142 résidences secondaires, et 58 logements vacants) : les pertes de recettes pour la commune pourraient être comprises entre 600.000 et 800.000 euros. A l'Aiguillon-sur-Mer, qui compte 2.331 maisons (dont 1.250 résidences principales, 1.002 résidences secondaires, et 79 logements vacants) les zones d'acquisition amiable représentent 25 résidences principales et 216 résidences secondaires (soit un total de 241). La perte serait alors d'environ 280.000 euros.

* 68 Ce calcul repose sur l'hypothèse de recettes fiscales communales moyenne de 1 200 euros par habitation et par an (avec une répartition pour moitié entre la TH et les TF).

* 69 Il s'agit donc d'une sortie en sifflet du dispositif de compensation. Le produit de la compensation versé aux communes serait donc de 90 % des pertes de recettes fiscales la première année, 67,5 % la deuxième année (soit 75 % de 90 %), 45 % la troisième année (50 % de 90 %) et 22,5 % la quatrième année (50 % de 45 %).

* 70 L'assistance de l'UE au titre de ce fonds est limitée au financement des interventions d'urgence entreprises par les autorités publiques pour faire face à des dommages non assurables, tels que la réparation d'infrastructures vitales, le coût des opérations de sauvetage ou la mise à disposition de logements provisoires. Les dommages aux biens privés et les pertes de revenus ne peuvent donc consécutivement faire l'objet d'une indemnisation.

* 71 La France bénéficie d'un montant total de 14,4 milliards d'euros au titre de la politique de cohésion pour 2007-2013, soit 9 milliards d'euros du Fonds européen de développement régional (FEDER) et 5,4 milliards d'euros du Fonds social européen (FSE). Témoignant d'une attitude ouverte et souple en ce qui concerne les négociations avec les autorités nationales sur la révision des programmes opérationnels régionaux, la Commission européenne a déjà fait part de son accord sur la réaffectation des crédits FEDER pour venir en aide aux populations frappées par Xynthia, notamment pour la reconstruction des digues. La région Poitou-Charentes a décidé d'utiliser cette faculté, tandis que la région Pays de la Loire devrait probablement le faire à son tour prochainement.

* 72 Cette indemnité devrait être de l'ordre de 10 % de la valeur totale du bien.

* 73 L'acte authentique, qui ne contiendra que la part indemnisée par l'Etat en fonction des évaluations réalisées par France Domaine, devra donc tenir compte du montant versé par les assurances.

* 74 Audition par la mission, le 6 mai 2010, de MM. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, et Guy Correa, chef du bureau des missions domaniales.

* 75 Les conditions de ce financement ont été fixées par le décret du 14 avril 2003, qui a prévu en particulier que les biens concernés devaient avoir été endommagés à plus de 50% de leur valeur et que le montant des subventions allouées était limité pour chaque propriété acquise à 60.000 euros.

* 76 Le taux d'intervention est fixé à 50 % pour les études et 20% pour les travaux.

Le décret n°2005-29 du 12 janvier 2005 fixe les modalités d'application de ces dispositions intéressant des biens couverts par un contrat d'assurance : l'acquisition amiable de biens gravement menacés par l'un des risques éligibles à l'expropriation pour risques naturels pourra être financée à 100% ; l'acquisition amiable de certains biens fortement sinistrés à la suite d'une catastrophe naturelle pourra être financée dans la limite de 60 000 euros pour une même unité foncière ; les opérations de reconnaissance et de traitement ou de comblement des cavités souterraines pourront être subventionnées à 30% ;les études et travaux de prévention portant sur des biens existants, rendus obligatoires par un PPRN approuvé, pourront être financés à 40% pour les biens d'habitation et 20% pour les biens d'activités professionnelles relevant de petites entreprises ;les campagnes d'information des populations portant sur les garanties au titre des catastrophes naturelles pourront être financées à 100%.

* 77 Pour des raisons évidentes de rapidité, la réforme du régime juridique du fonds a pris le véhicule législatif du projet de loi portant engagement national pour l'environnement (dit « Grenelle 2 »), en cours d'examen. Votre mission se félicite ainsi de l'adoption, le 7 mai 2010, d'un amendement en ce sens, déposé par le Gouvernement lors de la discussion du texte à l'Assemblée nationale. Il vise à modifier l'article L. 561-1 du code de l'environnement en permettant l'acquisition amiable de biens exposés à un risque de submersion marine ainsi que leur expropriation.

* 78 Un arrêté du 28 avril 2010 fixe le montant maximal des subventions accordées, en application du 2° du I de l'article L. 561-3 du code de l'environnement, pour les acquisitions amiables de biens sinistrés à 240 000 euros par unité foncière. Cette limite pourra être, dans certains cas, très inférieure aux évaluations de certains biens. Le montant pris en charge par le fonds sera néanmoins complété par celui assumé par les assurances. En outre, le recours au fonds Barnier pour le rachat à l'amiable des habitations suit deux procédures distinctes. D'une part, une procédure pour les biens sinistrés à plus de 50 % de leur valeur vénale et pour laquelle l'arrêté a porté le plafond de 60.000 à 240.000 euros. D'autre part, une procédure d'acquisition amiable pour les biens non sinistrés ou sinistrés à moins de 50 % de leur valeur vénale, pour laquelle l'indemnisation échappe à la règle du plafonnement.

* 79 Ces surprimes sont prévues à l'article L.125-2 du code des assurances.

* 80 Pour les biens autres que les véhicules terrestres à moteur, la prime s'est tout d'abord établie à 5,5 % des primes ou cotisations afférentes aux contrats de base, de 1982 à 1983, puis à 9 % du 1er octobre 1983 au 31 août 1999, pour enfin atteindre, depuis le 1er septembre 1999, 12 % des primes ou cotisations afférentes aux contrats de base d'assurance « dommages » aux biens. En ce qui concerne les véhicules terrestres à moteur, la prime a été réduite en 1986 de 9 à 6 % des cotisations vol et incendie et de 0,8 % à 0,5 % pour la cotisation dommage, utilisée à défaut.

* 81 Cette estimation comprend notamment, comme l'a souligné, lors de son audition par la mission, M. Sébastien Raspiller, chef du bureau des marchés et des produits d'assurance à la direction générale du Trésor, la prise en charge du plan séisme aux Antilles et le financement des travaux de reconstruction des digues.

* 82 Outre le rachat des biens immobiliers pour un montant compris entre 400 et 700 millions d'euros, il s'agit de la réalisation des PPR littoraux et, surtout, dans le cadre du plan « digues », de la réfection des ouvrages de protection dont le coût global reste incertain. D'après M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, le montant des ressources mobilisables sur le FNPRM affectées à leur financement pourrait être de l'ordre de 470 millions d'euros sur six ans (lettre au Premier ministre en date du 10 mai 2010). Cette évaluation - qui ne repose pas sur un recensement précis des ouvrages - ainsi que cette durée n'ont pas encore été arbitrées au niveau interministériel.

* 83 Le produit annuel de 140 millions d'euros ne laisse comme il a été vu que 75 millions d'euros de recettes disponibles. Or le flux annuel qu'il serait nécessaire de mobiliser est plutôt de l'ordre de 100 millions d'euros au moins.

* 84 Lors de son audition par la mission, M. Michel Rouzeau, inspecteur général de l'administration, a indiqué que ce montant n'a pas été précisément chiffré mais qu'il ne devra affecter significativement, en tout état de cause, ni les montants des réserves de la CCR ni le produit de ses résultats annuels. Ces derniers sont en effet fluctuants: ils ont ainsi représenté 262 millions d'euros en 2005 et 711 millions d'euros en 2008.

* 85 L'expression désigne un type particulier de pluie qui affecte le sud de la France, notamment les régions situées au pied et sur les Cévennes, et qui provoque souvent de graves inondations. Ce fut le cas des pluies torrentielles qui ont provoqué de graves inondations dans l'Aude les 12 et 13 novembre 1999.

* 86 Cf. « Sécheresse de 2003 : un passé qui ne passe pas », rapport d'information de M. Jean-Claude FRÉCON et de Mme Fabienne KELLER, au nom de la commission des finances (n° 39, 2009-2010).

* 87 Comme indiqué précédemment, cette approche a connu un début de mise en oeuvre : Mme Chantal Jouanno, Secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie a indiqué, lors du débat en séance publique du 16 juin dernier, qu'un droit d'acquisition amiable a été mis en place, en dehors des « zones noires », pour les propriétaires d'habitations ayant subi des dégâts supérieurs à 50 % suite à la tempête Xynthia.

* 88 Le CNL comprend en effet 72 membres, parmi lesquels figurent 5 députés et 5 sénateurs, 25 élus de collectivités territoriales du littoral, 10 représentants de syndicats patronaux et salariés, 8 représentants d'organisations et d'activités professionnelles, 7 représentants d'activités associatives, 6 représentants d'établissements publics et 6 personnalités qualifiées.

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