M. Laurent Michel, Directeur général de la prévention des risques

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La missio a ensuite procédé à l'audition de M. Laurent Michel, directeur général de la prévention des risques.

A M. Bruno Retailleau, président, qui l'interrogeait sur les points de faiblesse du dispositif de prévention contre les risques d'inondation, M. Laurent Michel a tout d'abord répondu que la tempête Xynthia était un évènement important, de récurrence probablement centennale, mais pouvant se reproduire. Il a souligné qu'elle avait révélé les faiblesses de la politique des risques. Il a illustré ce constat pour chacune des grandes composantes de la politique de prévention :

- l'encadrement de l'urbanisation, qui s'est révélé insuffisant ;

- la conception et l'entretien des ouvrages de protection, également lacunaire ;

- la prévision météorologique, globalement satisfaisante ;

- l'adaptation des comportements, objet d'importantes carences.

Puis il a développé plus longuement le volet « prévision », se félicitant à cet égard de la bonne anticipation du niveau de la mer, mais soulignant la nécessité :

- d'approfondir la prévision du niveau de submersion littorale ;

- de coupler les cotes de niveau de mer et des cours d'eau, ainsi que cela est fait en Gironde ;

- de mettre au point un modèle de prévision pour les petits estuaires et les zones basses ;

- de mesurer l'impact d'une submersion marine par rapport aux enjeux locaux tout en prenant en compte les facteurs de protection.

M. Laurent Michel a indiqué que les services de prévision des crues, d'hydrométéorologie et d'appui à la prévention des inondations, qui relèvent du ministère en charge de l'environnement, vont poursuivre leurs travaux sur les modèles locaux et la prise en considération des informations relatives aux crues des grands fleuves. Seront par ailleurs intégrées dans le plan d'action des outils génériques appréhendant les zones basses, tandis que le service de prévision des crues et les services préfectoraux donneront aux préfets des moyens de prévision et d'alerte en vue de saisir les maires et diffuser l'information.

M. Bruno Retailleau, président, ayant remarqué l'inexistence d'outils de prévision de la submersion marine, M. Laurent Michel a évoqué le dispositif de vigilance « fortes vagues et tempête » de Météo France qui, depuis 2009, tente d'étendre la modélisation à l'impact littoral, espérant aboutir à des expérimentations en 2011.

Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur le degré de prévision des perturbations qui venaient de frapper la Côte d'Azur, M. Laurent Michel a répondu qu'une alerte nationale avait été émise plusieurs heures à l'avance par Météo France, à travers un avis de tempête et de très fortes vagues. Convenant que l'anticipation des inondations résultant de crues était bien mieux maîtrisée que celles provenant de submersions marines, il a plaidé pour un croisement du dispositif de prévision avec les plans communaux de secours (PCS), relevant du ministère de l'intérieur et dont il a observé le degré d'appropriation extrêmement variable localement.

M. Bruno Retailleau, président, ayant plaidé pour que soit établi un lien entre les plans de prévention des risques d'inondation (PPRI) et les PCS, M. Laurent Michel a indiqué que la prévention devait consister en un ensemble de mesures cohérentes, selon une vision globale développée avec les plans d'action de prévention des inondations (PAPI) intégrant la gestion de l'eau, l'urbanisme, l'information des populations, l'animation et la conduite des projets. Reconnaissant qu'ils existaient surtout dans les bassins fluviaux, il a rappelé l'objectif fixé récemment par la Secrétaire d'Etat chargée de l'écologie d'accélérer la couverture des communes situées dans les communes les plus exposées à la submersion marine.

M. Laurent Michel a reconnu que l'avancement des PPR littoraux était encore loin d'être satisfaisant, seuls 113 étant prescrits et 85 approuvés sur plus de 900 communes concernées. Il a fait état d'un aléa défini de façon satisfaisante pour les îles de Ré et d'Oléron, mais insuffisant à La Faute-sur-Mer et l'île d'Yeu. Il a noté que les autres types de PPR étaient davantage développés. Mentionnant une analyse en cours du retour d'expérience de ces plans à l'aune de la tempête Xynthia, il a indiqué qu'une étude en vue d'améliorer la base de connaissance historique de tels évènements était en cours.

A M. Bruno Retailleau, président, qui l'interrogeait sur l'opportunité d'une modification de l'aléa de référence, M. Laurent Michel a répondu qu'il devrait effectivement être réexaminé dans les zones touchées et que l'atlas des zones inondables devrait être approfondi, en veillant à intégrer les différences d'appréciation à l'échelle locale. L'élévation du niveau de la mer due au réchauffement climatique, de l'ordre de 40 cm à un mètre sur quelques décennies, devra également être intégrée. En tout état de cause, le degré de prévention des risques à mettre en oeuvre continuera de relever de la seule décision politique.

Sollicité par M. Bruno Retailleau, président, sur les procédures d'urbanisme, M. Laurent Michel a rappelé que les PPR, annexés aux PLU, s'imposaient à ces derniers. Evoquant la responsabilité des services de l'Etat dans la délivrance des permis de construire, par contrôle systématique de légalité ou par sondage, et l'obligation pour le préfet de déférer au tribunal administratif ceux lui paraissant illégaux, il a indiqué qu'une circulaire conjointe aux ministères en charge de l'intérieur et de l'environnement avait réaffirmé la priorité donnée à l'environnement. Pointant une application partielle d'outils existant en nombre suffisant, il a prôné, s'agissant des PPR, une amélioration de la connaissance de l'aléa ; une accélération de leur adoption, souvent en situation de blocage ; une clarification aux niveaux national et local des règles intangibles les régissant ; ainsi que la mise en oeuvre de solutions alternatives au déplacement des populations lorsque le foncier est trop élevé.

Questionné par M. Bruno Retailleau, président, sur l'opportunité de PPR « submersion marine », M. Laurent Michel a mentionné l'existence de PPR littoraux, dont l'application devrait être renforcée, et le cas échéant anticipée, dans les zones cartographiées comme prioritaires, qui devraient être recensées d'ici la fin de l'année, en réévaluant éventuellement l'aléa de référence.

Soulignant la complexité du code de l'urbanisme, M. Alain Anziani a jugé utile une clarification passant par l'intégration des différents éléments contenus dans les PPR, les PLU, les PAPI ou les PCS dans un document global. S'interrogeant sur l'opportunité de réaliser un plan-type permettant d'harmoniser les PPRI, il a envisagé la fixation d'une date butoir pour leur adoption.

M. Laurent Michel a fait observer que la révision des PLU pouvait être l'occasion d'intégrer des PPR. Le volet « aménagement du territoire » des schémas de cohérence territoriale (SCOT) présente l'intérêt d'intégrer les risques existants. Soulignant que les préfets n'étaient en rien tenus par de quelconques délais d'adoption des PPRI, il a suggéré que soit précisé dans un décret le délai maximal d'adoption, estimant à cet égard qu'une durée de trois ans semblait raisonnable. Voyant dans les PAPI l'expression d'une stratégie collective portée par les collectivités, avec l'appui de l'Etat, sur les réponses à apporter aux risques d'inondation, il a précisé qu'ils devaient s'intégrer dans les PPR, suggérant que soit détaillées par décrets les règles-types encadrant chaque catégorie de risque.

A M. Bruno Retailleau, président, qui lui demandait si l'élévation du niveau de la mer devait entraîner nécessairement le réhaussement des digues, M. Laurent Michel a recommandé d'adopter une vision globale en matière de protection. Il a rappelé qu'un plan de confortement des digues avait été annoncé à la suite de la tempête Xynthia. Si les digues ne doivent pas être érigées en vue d'urbaniser davantage, l'action des maîtres d'ouvrage doit en revanche être confortée, a-t-il poursuivi, évoquant l'accroissement du contrôle règlementaire des digues et barrages résultant de la loi sur l'eau du 30 décembre 2006.

Invité par M. Bruno Retailleau, président, à se prononcer sur l'opportunité de développer d'autres prescriptions de protection, M. Laurent Michel a estimé sous-développée la réduction de la vulnérabilité du bâti existant. Il a par ailleurs cité le rôle des dunes, dont il a recommandé le renforcement au vu des circonstances locales.

M. Bruno Retailleau, président, a fait mention du programme communautaire Theseus, doté de 6,5 millions d'euros et visant à établir une stratégie de protection des zones côtières.

Evoquant un livre blanc de la Commission européenne sur la connaissance des catastrophes naturelles, M. Laurent Michel a indiqué que la directive communautaire du 23 octobre 2007 relative à l'évaluation et à la gestion des risques d'inondation appelait, de façon très cohérente, à définir des territoires prioritaires, à protéger la vie humaine et l'activité économique, et à prendre en compte l'ensemble des risques d'inondation, qu'ils proviennent de ruissellement ou de submersion marine. Procédant à un emboîtement entre des stratégies définies à l'échelle nationale, des plans de gestion des risques d'inondation et des plans d'action locaux s'apparentant aux PAPI, elle implique la concertation de l'ensemble des acteurs : Etat, préfets, comités de bassin, et collectivités territoriales.

Regrettant que les outils existants en matière de prévention ne soient pas systématiquement utilisés et que l'adoption d'une vision globale conduise à oublier parfois l'essentiel, M. Dominique de Legge a déploré que le projet de loi portant engagement national pour l'environnement soit rédigé en des termes insuffisamment prescriptifs. Soulignant que le respect de la biodiversité impliquait, en premier lieu, la protection de l'homme, il a appelé à recentrer les documents d'urbanisme sur la protection des personnes.

Souscrivant à ces propos, M. Bruno Retailleau, président, a estimé que le contrôle de légalité des permis de construire délivrés dans les zones à risque devrait être systématique.

M. Laurent Michel a indiqué que des moyens humains supplémentaires seraient mobilisés au niveau ministériel en matière de prévention des risques, et que les actions seraient hiérarchisées, en précisant dans quelles zones les PPR devraient être réalisés de façon prioritaire.

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