M. Jacques Serris, Directeur général adjoint de l'Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer (IFREMER), M. Fabrice Lecornu, Responsable du projet d'observations et prévisions côtières PREVIMER

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La mission a ensuite procédé à l'audition de M. Jacques Serris, directeur général adjoint de l'Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer (IFREMER), et de M. Fabrice Lecornu, responsable du projet d'observations et prévisions côtières PREVIMER.

M. Jacques Serris a expliqué que l'IFREMER avait développé un modèle de prévision du niveau d'eau à la côte, baptisé PREVIMER, et qu'il intervenait également dans la surveillance de la qualité des eaux et des coquillages après la tempête Xynthia. Le programme PREVIMER est financé par le contrat de plan entre l'Etat et la Région Bretagne, et bénéficie d'une contribution de l'Union européenne. Il est développé en partenariat avec le Service Hydrographique et Océanographique de la Marine (SHOM), le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM), le Centre d'Etudes Techniques Maritimes et Fluviales (CETMET) et Météo-France. Il permet une observation précise et quantifiée des niveaux d'eau et des courants côtiers et s'appuie sur des données numériques.

M. Bruno Retailleau, président, a relevé que les organismes cités, notamment Météo-France et le SHOM, développaient des modèles de prévision de hauteur d'eau sur les côtes, mais que l'on ne disposait pas encore d'un modèle sur l'effet de la submersion sur ces côtes. Il a demandé si des liens entre les établissements publics de recherche étaient développés pour résoudre cette difficulté.

M. Fabrice Lecornu a répondu que résoudre cette difficulté figurait au nombre des priorités du partenariat entre les organismes cités. Il a expliqué que les modèles utilisés dans le cadre du projet PREVIMER disposaient d'une résolution spatiale de 5,6 kilomètres et concernaient d'abord la façade Atlantique et la Manche. Des modèles à grande échelle baptisés ARPEGE sont développés ainsi que des modèles côtiers plus précis par exemple sur le bassin d'Arcachon, autour de Brest, et dans la zone de la Manche et de la Mer du Nord. Dans le cas de la tempête Xynthia, les modèles numériques ont été performants puisque la surcote à La Rochelle avait été évaluée à un mètre dès le 25 février 2010, avant d'être révisée à un mètre et vingt centimètres le 27 février 2010.

M. Bruno Retailleau, président, et M. Alain Anziani, rapporteur, ont demandé comment et auprès de qui les données du système PREVIMER étaient diffusées.

M. Jacques Serris a répondu que ces données étaient issues d'un modèle expérimental, pré-opérationnel, et n'étaient donc pas directement reliées à un système d'alerte. Elles servent essentiellement à donner une information qui est mise en regard des résultats provenant d'autres modèles de prévision, Météo-France développant ses propres modèles. Lors de la tempête Xynthia, les données délivrées par les différents modèles de prévision sont apparues comme cohérentes. L'IFREMER travaille désormais pour préciser la résolution spatiale de ses modèles, augmenter la fréquence des données délivrées (toutes les heures) et mieux intégrer l'effet des vagues.

M. Bruno Retailleau, président, a demandé dans quel délai il était possible de développer cette nouvelle modélisation.

M. Fabrice Lecornu a répondu que le projet PREVIMER était conçu pour une période de recherche 2008-2012 et qu'à l'issue du programme, en ayant démontré la validité du modèle, il pourrait être envisagé de le relier aux systèmes de prévisions opérationnels. Ces systèmes ont besoin de plusieurs sources d'informations et de plusieurs modèles numériques, afin notamment de réduire les cas de fausse-alerte, qui comptent pour 17 % des messages d'alerte aujourd'hui.

M. Alain Anziani, rapporteur, a demandé si le modèle de prévision de l'IFREMER pourrait être lié à des objectifs opérationnels en permettant par exemple de donner des consignes d'évacuation.

M. Jacques Serris a répondu que les travaux de l'IFREMER s'arrêtaient à la mesure du niveau de l'eau et qu'il revenait à ses partenaires (SHOM, BRGM, Météo-France) d'en faire la traduction en termes de risques physiques. L'objectif de l'IFREMER est notamment d'aider les prévisionnistes de Météo-France à mieux mesurer les phénomènes extrêmes qui sont toujours difficiles à estimer. Les travaux de l'Institut portent sur la hauteur d'eau, les prévisions de vagues, de courants marins et d'une manière générale le suivi de la masse d'eau, y compris en profondeur. Les outils de suivi de l'évolution du trait de côte sont de la compétence du BRGM.

M. Fabrice Lecornu a confirmé que la mission de l'IFREMER s'arrêtait à l'aléa marin et que ses données devaient être croisées avec celles relatives au littoral. L'IFREMER a lancé fin 2009 un projet d'amélioration des modèles de mesure des surcotes avec Météo-France, le BRGM et le SHOM, ses propres estimations s'arrêtant à la mesure de la surcote atmosphérique et à l'intégration des courants marins. En 2011, le projet devrait également être pleinement étendu à la Méditerranée où la marée est peu importante mais les effets d'une éventuelle submersion potentiellement très significatifs.

M. Bruno Retailleau, président, a demandé à quel organisme il revenait de traduire en termes opérationnels les données récoltées grâce aux divers modèles de prévision.

M. Fabrice Lecornu a répondu que Météo-France était le premier maillon de la chaîne car elle rédigeait les bulletins d'alerte. Il a souligné qu'aujourd'hui l'information était départementale mais qu'elle pourrait être déclinée de manière infra-départementale et permettre ainsi d'enrichir les bulletins de prévisions. Des zones cibles ont été définies par les chercheurs, en fonction de l'intérêt et des caractéristiques spécifiques des côtes, qui devraient permettre ensuite d'élargir la modélisation à l'ensemble de la côte. Pour le moment, les modèles de prévision fonctionnent tous les jours en continu mais sans personne pour les surveiller. C'est la raison pour laquelle l'IFREMER a proposé en Comité interministériel de la Mer (CIMER) la création d'un service national d'océanographie côtière opérationnelle.

M. Bruno Retailleau, président, a demandé quelle forme juridique prendrait ce service et quelles missions lui seraient confiées.

M. Jacques Serris a répondu que ces points n'avaient pas encore été définis.

M. Bruno Retailleau, président, a demandé si l'IFREMER avait constaté une élévation du niveau de la mer.

M. Fabrice Lecornu a répondu que le modèle PREVIMER fonctionnait sur des échelles de temps très courtes, en l'occurrence quelques jours et que le programme avait été lancé il y a seulement quatre ans. Il a ajouté que la réponse pourrait davantage être apportée par le SHOM.

M. Alain Anziani, rapporteur, a fait part de son sentiment d'une certaine absence de réactivité des programmes de recherche aux évènements concrets et il s'est demandé si la catastrophe Xynthia avait permis de mettre en valeur l'urgence de progresser sur le sujet de la submersion marine. Il a également fait part de son impression d'un morcellement des travaux de prévision et d'un manque de mise en oeuvre sur le terrain, les autorités préfectorales et territoriales ne disposant pas toujours de l'ensemble des informations nécessaires pour faire face aux risques.

M. Jacques Serris a répondu que l'IFREMER était un organisme de recherche qui avait fait le choix de développer des programmes prioritaires, dont l'océanographie côtière, bien avant la tempête Xynthia. La catastrophe avait ainsi renforcé un sentiment d'urgence préexistant. Par ailleurs, il a fait valoir que les modèles de prévision étaient bons mais que la principale difficulté était leur transposition dans une phase opérationnelle. Les travaux de l'IFREMER en partenariat avec Météo-France et le SHOM visent précisément à réduire cet écart entre la recherche et la mise en pratique, en introduisant des résolutions spatiales plus fines et des horizons temporels plus longs.

M. Fabrice Lecornu a ajouté que la tempête Xynthia avait renforcé la légitimité du projet PREVIMER qui était déjà forte.

En réponse à M. Bruno Retailleau, président, M. Jacques Serris a indiqué que l'IFREMER était placée sous la triple tutelle du Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de la Mer, du Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche et du Ministère de l'Agriculture et de la Pêche. L'essentiel de son budget provient du Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche.

M. Bruno Retailleau, président, a demandé si la multiplicité des organismes de recherche constituait un stimulant ou un frein aux activités de recherche en milieu marin et il s'est interrogé sur la qualité des travaux en France par rapport à ceux des pays ayant une grande tradition maritime.

M. Jacques Serris a précisé que la réponse différait selon que l'on s'intéressait aux missions de recherche ou de surveillance. Pour les premières, les organismes de recherche français recherchent des synergies, y compris au plan européen et international et s'associent par exemple avec des partenaires britanniques pour étudier la Manche ou avec des pays riverains de la Méditerranée, avec parfois des difficultés à trouver des équipes de chercheurs de taille suffisante. Pour les secondes, on peut se poser la question de la complexité du système français et il serait sans doute nécessaire de procéder à une unification ou à tout le moins à la mise en place d'un service opérationnel unique et cordonné. Le projet de création d'un service national d'océanographie côtière opérationnelle est une réponse possible.

M. Fabrice Lecornu a ajouté que les besoins de surveillance se développaient sur le milieu marin, pour appliquer la directive-cadre sur l'eau, ou encore en termes de sécurité maritime. Certaines offres, aujourd'hui mises gratuitement à disposition sur internet, pourraient par ailleurs répondre à des besoins de secteurs économiques, par exemple pour la navigation.

En réponse à une question de M. Bruno Retailleau, président, sur la gestion côtière intégrée et la prise en compte du développement durable, il a indiqué que l'IFREMER pouvait apporter un soutien aux organismes compétents.

Sur la question particulière de l'effet de la tempête Xynthia sur les parcs ostréicoles et la conchyliculture, M. Jacques Serris a rappelé que l'IFREMER avait procédé à des analyses biologiques sur l'eau pour tenir compte du phénomène de reflux consécutif à la tempête. Les analyses ont fait apparaître au mois de mars 2010 une efflorescence bio-planctonique toxique exceptionnelle en raison du reflux de l'eau de mer chargée en produit azotés issus notamment de nitrates. Une variété de phytoplancton très toxique a été retrouvée dans les coquillages et les crabes entraînant une interdiction de leur commercialisation, interdiction désormais levée.

En réponse à une question de M. Bruno Retailleau, président, M. Jacques Serris a précisé que l'expertise avait été réalisée en lien avec la déclaration de catastrophe naturelle et permettait d'ouvrir droit à une indemnisation.

Pour conclure, il a souligné le besoin d'avoir des procédures opérationnelles d'alerte afin de pouvoir mieux suivre les impacts après la survenance d'une tempête.

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