2. Des plans, certes fondés sur une réponse graduée, mais calibrés pour une menace sanitaire grave
a) Des plans « calés » sur les recommandations de l'OMS et reposant sur une logique de réponse graduée

Le programme mondial de lutte contre la grippe de l'OMS, réactualisé pour la deuxième fois en 2009, définit des phases de progression d'une éventuelle pandémie et précise, pour chacune de ces phases, les mesures qui seraient prises par l'OMS et celles qu'il serait recommandé de mettre en place au niveau national.

Les mesures préconisées sont ainsi graduées en fonction du risque croissant d'émergence d'une pandémie . Le passage d'une phase à l'autre est décidé à la suite d'une évaluation du risque par l'OMS.

Au cours des phases 1 à 3 - stade de progression de la maladie animale -, ces mesures sont encore essentiellement destinées à renforcer les capacités de préparation des Etats membres en cas de pandémie. Dès le début d'une transmission interhumaine efficace, soit la phase 4 dite « période d'alerte pandémique », l'objectif est de confiner le nouveau virus à une zone limitée ou à en retarder la propagation. Au cours des phases 5 à 6 - phase pandémique -, il s'agit de passer de la préparation à l'action en vue de réduire l'impact d'une pandémie. Dans la période postpandémique , l'accent est mis sur le rétablissement d'un état sanitaire et social normal des Etats précédemment affectés.

Description des phases OMS de pandémie et principales mesures par phase

Probabilité
estimée d'une pandémie

Description

Principales mesures
dans les pays touchés

Principales mesures
dans les pays pas
encore touchés

Phase 1

Incertaine

Aucun cas d'infection chez l'homme due à un virus circulant chez les animaux n'a été signalé

Elaboration, mise en oeuvre, essai et harmonisation des plans nationaux de préparation et d'action en cas de pandémie de grippe avec les plans nationaux de préparation et d'intervention d'urgence

Phase 2

Un virus grippal animal circulant chez des animaux domestiques ou sauvages a provoqué des infections chez l'homme et est de ce fait considéré comme constituant une menace potentielle de pandémie

Phase 3

Un virus grippal réassorti animal ou animal-humain a été à l'origine de cas sporadiques ou de petits groupes de cas de grippe dans la population, mais n'a pas entraîné de transmission interhumaine suffisamment efficace pour maintenir les flambées à l'échelon communautaire

Phase 4

Moyenne à élevée

La transmission interhumaine d'un virus grippal réassorti animal ou animal-humain capable de provoquer des flambées à l'échelon communautaire a été vérifiée

Endiguement rapide

Préparation de la riposte à la pandémie

Phase 5

Elevée à certaine

Le même virus a provoqué des flambées soutenues à l'échelon communautaire dans au moins deux pays d'une Région de l'OMS

Riposte à la pandémie : chaque pays doit mettre en oeuvre les mesures précisées dans son plan national

Etre prêt pour une riposte imminente

Phase 6

Pandémie en cours

Outre les critères définis pour la phase 5, le même virus a provoqué des flambées soutenues à l'échelon communautaire dans au moins un pays d'une autre Région de l'OMS

Période suivant le pic de la pandémie

Le nombre de cas de grippe pandémique a chuté au dessous de celui observé lors du pic dans la plupart des pays exerçant une surveillance adéquate

Evaluation de la riposte ; remise en état ; préparation à une éventuelle deuxième vague

Nouvelle vague éventuelle

L'activité de la grippe pandémique augmente à nouveau dans la plupart des pays exerçant une surveillance adéquate

Riposte

Période postpandémique

L'activité grippale a retrouvé les niveaux normalement observés pour la grippe saisonnière dans la plupart des pays exerçant une surveillance adéquate

Evaluation de la riposte ; révision des plans ; remise en état

Source : OMS, « Préparation et action en cas de grippe pandémique », 2009

Pour chacune de ces phases, les mesures recommandées par l'OMS sont détaillées et organisées en cinq composantes : la planification et la coordination ; le suivi et l'évaluation de la situation ; la communication ; la réduction de la propagation de la maladie ; la continuité de la fourniture des soins de santé.

Tableau récapitulatif des mesures recommandées par l'OMS

VOLETS
DE LA PRÉPARATION

PHASES

1-3

4

5-6

Suivant le pic

Postpandémique

Planification et coordination

Elaborer, essayer et réviser périodiquement les plans nationaux de préparation et d'action en cas de pandémie.

Diriger et coordonner des activités d'endiguement rapide de la pandémie en collaboration avec l'OMS afin de limiter ou de retarder la propagation de l'infection.

Assurer la direction et la coordination des ressources multisectorielles visant à atténuer les effets sur la société et l'économie.

Planifier et coordonner la recherche de ressources et de moyens supplémentaires au cours des futures vagues éventuelles.

Examiner les enseignements tirés et échanger les expériences avec la communauté internationale. Reconstituer les ressources.

Suivi et évaluation de la situation

Développer des systèmes nationaux de surveillance solides en collaboration avec les autorités nationales de santé vétérinaire et autres secteurs concernés.

Accroître la surveillance.

Contrôler les opérations d'endiguement.

Echanger les données recueillies avec l'OMS et la communauté internationale.

Suivre et évaluer activement l'évolution de la pandémie et ses effets, ainsi que les mesures d'atténuation.

Poursuivre la surveillance afin de détecter les vagues qui vont suivre.

Evaluer les caractéristiques de la pandémie, le suivi de la situation et les outils d'évaluation en vue de la prochaine pandémie et autres urgences de santé publique.

Communication

Finaliser la planification de la communication et engager des activités visant à communiquer les risques réels et potentiels.

Promouvoir et communiquer les interventions recommandées pour prévenir et réduire le risque pour la population et pour les personnes.

Continuer de tenir informés le grand public et toutes les parties prenantes de la situation de la pandémie et des mesures visant à atténuer le risque.

Tenir régulièrement informés le grand public et autres parties prenantes de tous les changements intervenus dans la situation de la pandémie.

Reconnaître publiquement la contribution de l'ensemble des communautés et secteurs, et communiquer les enseignements tirés ; incorporer ceux-ci dans les activités de communication et dans la planification en vue de la prochaine crise majeure de santé publique.

Réduction de la propagation de la maladie

Mettre en avant les bons comportements de protection personnelle chez les gens.

Prévoir le recours aux substances pharmaceutiques et aux vaccins.

Mettre en oeuvre des opérations d'endiguement rapide de la pandémie et autres activités ; collaborer avec l'OMS et la communauté internationale le cas échéant.

Appliquer des mesures individuelles, sociétales et pharmaceutiques.

Evaluer l'efficacité des mesures utilisées pour actualiser les lignes directrices, protocoles et algorithmes.

Conduire une évaluation complète de l'ensemble des interventions mises en oeuvre.

Continuité de la fourniture des soins de santé

Préparer le système de santé à intensifier ses activités.

Déclencher les plans d'urgence.

Appliquer les plans d'urgence aux systèmes de santé à tous les échelons.

Se reposer, reconstituer les ressources, réviser les plans et reconstruire les services essentiels.

Evaluer la réponse du système de santé à la pandémie et partager les enseignements tirés.

Source : OMS, « Préparation et action en cas de grippe pandémique », 2009

Si, comme le rappelle l'OMS, la responsabilité de la gestion du risque national de grippe pandémique demeure entre les mains des autorités nationales, les Etats membres sont invités à articuler leur propre plan à ce phasage , la clé du succès des réponses sanitaires face au risque pandémique reposant en effet sur l'harmonisation internationale.

Ainsi, le plan français distingue-t-il, conformément au phasage de l'OMS, six situations regroupées en trois périodes : une période à transmission animale prédominante (1 à 3), une période d'alerte pandémique (4) et une période pandémique (5 et 6). De la situation 2 à 5, deux possibilités sont envisagées selon que les faits observés se produisent à l'étranger ou en France. La phase 7 marque, quant à elle, la fin de la pandémie.

Articulation entre le plan de l'OMS et le plan français
de lutte contre une menace de pandémie grippale

Phases OMS

Situations du plan français

Période à transmission animale prédominante

phase 1

Pas de nouveau virus grippal animal circulant chez l'homme

Situation 1

Pas de nouveau virus grippal animal circulant chez l'homme

phase 2

Un virus animal, connu pour avoir provoqué des infections chez l'homme, a été identifié sur des animaux sauvages et domestiques

Situations 2

Epizootie à l'étranger - situation 2A
Epizootie en France - situation 2B

phase 3

Un virus grippal animal ou hybride animal-humain provoque des infections sporadiques ou de petits foyers chez des humains, sans transmission interhumaine

Situations 3
Cas humains isolés

à l'étranger - situation 3A
en France - situation 3B

Période d'alerte pandémique (prépandémique)

phase 4

Transmission interhumaine efficace

Situations 4
Début de transmission interhumaine efficace

à l'étranger - situation 4A
en France - situation 4B

Période pandémique

phase 5

Extension géographique de la transmission interhumaine d'un virus grippal animal ou hybride animal-humain

Situations 5
Extension géographique de la transmission interhumaine du virus

à l'étranger - situation 5A
en France - situation 5B

phase 6

Situation 6
Pandémie

Fin de vague et fin de pandémie

phases

- post-pic (fin de vague pandémique) : décroissance du nombre des cas dans la plupart des Etats. Possibilité d'une nouvelle vague pandémique ;
- postpandémique : le nombre des cas correspond à celui d'une grippe saisonnière

Situation 7
Fin de vague pandémique ou fin de pandémie

Source : Plan national « Pandémie grippale », 2009

Le plan français se décline ainsi selon une gamme assez large de situations, de la plus bénigne à la plus extrême, pour chacune desquelles sont détaillées, sans réel ordre de priorité néanmoins, les « mesures majeures » et les « mesures d'application et d'accompagnement » pouvant être mises en oeuvre.

Celles-ci sont orientées selon plusieurs axes : le renforcement de l'organisation gouvernementale, ministérielle et territoriale ; la stratégie de préparation, de freinage ou de réponse sanitaires ; la coopération internationale et européenne ; l'information et la communication ; le maintien de la continuité de l'Etat et de l'activité économique.

Comme le précise le plan français, la plupart des phases peuvent néanmoins constituer le niveau d'entrée direct dans la crise, sans avoir été forcément précédées par les phases de degré inférieur. A l'inverse, jusqu'en situation de pandémie, un retour à la situation antérieure et à un niveau inférieur est toujours possible .

b) Des plans calibrés sur un risque pandémique élevé

En dépit de cette logique de réponse graduée, le plan de l'OMS, comme le plan français, sont tous deux « calibrés » pour une menace pandémique grave : en témoigne le rappel de l'impact de la grippe espagnole de 1918 en introduction du plan de l'OMS ou, pour le plan français, celui des estimations précitées de l'InVS sur l'impact d'une pandémie en France.

Plus précisément, c'est la grippe aviaire qui constitue la base des modèles de scénarios de risque pandémique . En effet, bien que précisant que le virus H5N1 ne constitue pas la seule menace et que d'autres virus qui normalement n'infectent pas l'homme pourraient se transformer en un virus pandémique, le plan de l'OMS et le plan français font largement référence, dans leur présentation, au virus H5N1. Ce n'est ainsi que par défaut que le plan français envisage d'autres virus pandémiques potentiels : « la persistance depuis 2003 d'un virus influenza aviaire hautement pathogène H5N1 dans l'environnement et dans l'avifaune tant sauvage que domestique dans de nombreux pays ainsi que le franchissement de la barrière des espèces observé dans les conditions naturelles font craindre l'émergence d'un virus grippal pandémique à partir de ce virus H5N1, sans qu'il faille pour autant exclure que la pandémie puisse être provoquée par un autre virus influenza (H7 ou H9 par exemple, voire H2) » (Plan national « Pandémie grippale » - 2009).

Il en résulte des plans de lutte , élaborés dans le cas de la France avec l'aide du secrétariat général de la défense nationale, préconisant des mesures très lourdes à mettre en oeuvre .

Le plan français précise ainsi qu'afin de ralentir l'apparition sur le territoire national et le développement d'un nouveau virus adapté à l'homme, des « mesures de santé publique précoces et d'emblée drastiques » doivent être mises en place, l'idée étant d'intervenir le plus rapidement possible. Certaines mesures envisagées ont des conséquences non négligeables : l'interruption des liaisons de passagers avec les pays touchés, le contrôle aux frontières, la limitation des déplacements, l'action en anneaux autour des premiers foyers, la limitation des contacts dans les lieux privilégiés de contagion et de forte concentration humaine (limitation ou arrêt temporaire des transports collectifs, fermeture des établissements d'enseignement et de formation, fermeture des salles de spectacle).

L'élaboration de tels plans relève d'une démarche logique : c'est face à un risque majeur qu'il convient avant tout de se préparer . Par ailleurs, toute planification présente une utilité certaine en permettant à la fois une réflexion méthodologique et anticipée sur la gestion de crise et une mobilisation de nombreux acteurs.

Néanmoins, le principe « qui peut le plus, peut le moins » n'est pas forcément de nature à faciliter la gestion d'une pandémie , comme en témoigne celle de la pandémie de grippe A (H1N1)v qui a fait apparaître le manque de souplesse et d'adaptabilité des plans. De nombreux interlocuteurs de la commission d'enquête ont usé de métaphores et d'une terminologie guerrières pour indiquer qu'en matière de risque pandémique, on s'était préparé à une « attaque massive » avec des « armes lourdes » et que l'adaptation au jour le jour a été difficile. Ainsi, le professeur Ulrich Keil, au cours de son audition, a rappelé qu'un article du British Medical Journal (BMJ) avait comparé la préparation engagée depuis 2005 pour lutter contre la grippe aviaire à la « surpréparation » militaire qui a été à l'origine de la Première Guerre mondiale. Comme en 1914, un incident a suffi à lancer un processus qui ne pouvait plus être arrêté. Mais cet incident n'a pu survenir que parce que le critère de gravité a été retiré de la définition de la pandémie.

Comme l'y invitent les fiches techniques d'aide à la décision annexées au plan français, les plans de lutte contre le risque pandémique devraient, plus encore qu'aujourd'hui, être perçus comme une « boîte à outils » dans laquelle les mesures doivent être sélectionnées en fonction des paramètres de la situation à gérer. Par ailleurs, il conviendrait d' élargir leur champ à l'ensemble des risques infectieux et non, comme aujourd'hui, les centrer sur le risque pandémique H5N1.

Proposition n° 1 :
Elargir les plans de lutte antipandémiques
à l'ensemble des maladies infectieuses.

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