2. La place de la vaccination dans la lutte contre la pandémie

Le faible impact des campagnes nationales de vaccination pandémique relativise la portée des enseignements que l'on peut tirer de la vaccination H1N1 en ce qui concerne l'efficacité de la réponse vaccinale à une pandémie grippale.

Cette première expérience permet cependant de s'interroger sur la possibilité de disposer à temps de vaccins, sur l'utilité de la vaccination - notamment dans un cas comme celui du virus A (H1N1)v, globalement peu pathogène mais pouvant cependant provoquer des cas graves de surinfection virale - d'envisager des pistes de réflexions sur les moyens de définir un usage plus efficace de la vaccination pandémique.

a) Les limites de l'efficacité des campagnes de vaccination

Les délais de mise à disposition des vaccins

En dépit de la rapidité de diffusion de l'épidémie, les pays européens se sont trouvés, au moment du déclenchement de la pandémie, dans les meilleures conditions de délai possibles pour espérer pouvoir lancer la production de vaccin avant d'être gagnés par une pandémie qui avait débuté en mars-avril au Mexique et au Sud des Etats-Unis et qui s'est d'abord propagée dans l'hémisphère Sud.

Cependant, en dépit des mesures qui avaient été prises pour hâter leur mise sur le marché, les vaccins ont été disponibles trop tard pour qu'on puisse en attendre un « effet barrière » et dans certains cas peut-être, même pour pouvoir assurer une protection individuelle efficace 163 ( * ) .

Ainsi, au Royaume-Uni, le vaccin est arrivé après la première poussée épidémique survenue pendant les mois de juin et de juillet et, compte tenu du grand nombre des cas peu symptomatiques ou asymptomatiques, il est probable, comme l'a noté le rapport d'évaluation sur la gestion de la pandémie H1N1 au Royaume-Uni, qu'ont été vaccinées à l'automne des personnes qui avaient déjà eu la grippe en juillet.

En France, la vaccination a débuté trop tard pour que les premiers vaccinés soient immunisés avant le début de la vague épidémique (qui a connu son pic pendant la deuxième moitié de novembre), notamment les enfants, qui devaient recevoir deux injections.

L'incidence des stratégies vaccinales sur le taux d'attaque et le nombre des cas graves ou mortels est par ailleurs difficilement décelable, d'autant plus que l'on ne dispose pas de chiffres fiables et encore moins comparables sur le nombre de personnes atteintes - ni même sur celui des cas graves.

Si l'on s'en tient au nombre des décès - celui pour lequel les comparaisons internationales sont sans doute les moins hasardeuses - on constate, sur la base des chiffres rassemblés à la fin d'avril par l'ECDC, que le taux de décès est moins élevé en Pologne (181 cas mortels pour 39 millions d'habitants) qu'en France métropolitaine (312 cas mortels pour 62 millions d'habitants).

De même, la Suède (9,5 millions d'habitants), qui a vacciné quelque 65 % de sa population, comptait 29 décès à la mi-décembre alors qu'il n'y en a eu que 18 en Suisse (7,7 millions d'habitants et un taux de vaccination évalué entre 15 et 30 %) et 19 en Belgique (12,6 millions d'habitants et un taux de vaccination estimé - sans doute largement - à 6 % de la population).

b) Les pistes de réflexion possibles

Développer des vaccins « à large spectre »

Le développement de vaccins susceptibles d'apporter une protection pluriannuelle contre plusieurs souches de grippe est généralement présenté comme une perspective lointaine, et ne semble cité que « pour mémoire » dans les nombreux documents consacrés ces dernières années par l'OMS au développement de la vaccination pandémique.

Sir Liam Donaldson, qui était jusqu'à ces derniers mois Chief Medical Officer pour l'Angleterre et le représentant du Royaume-Uni au Conseil exécutif de l'OMS, avait regretté, lors de l'Assemblée mondiale de la santé de 2009, que cette « stratégie à long terme » soit ignorée, soulignant que les chercheurs devaient être encouragés à développer des vaccins antigrippe « à large spectre » et susceptibles de procurer une protection de plus longue durée.

Il a observé, lorsque le président et le rapporteur de la commission d'enquête l'ont rencontré à Londres, que cette voie de recherche était peu attrayante pour les industriels, les vaccins annuels étant d'un meilleur rapport.

Cependant, il semble que des recherches en ce sens soient assez avancées sur ce sujet aux Etats-Unis. Des chercheurs de l'école médicale de Mount-Sinaï de New-York ont ainsi récemment publié un article sur la recherche de production d'anticorps contre une protéine de l'hémagglutinine susceptible de conférer des immunités croisées et rendu compte d'essais positifs sur des souris.

D'autres chercheurs de l'Institut du cancer Dana-Farber de Harvard, du CDC et de l'Institut de recherche médicale de Burnhorn auraient identifié un « anticorps neutralisant » susceptible d'être utilisé pour traiter une grande variété de grippes aviaires ou « conventionnelles ». La protéine des virus attaquée par cet anticorps pourrait aussi être utilisée comme un vaccin, en développant la capacité de lutte contre les virus dont elle est issue.

Proposition n° 24 :
Encourager la recherche développement de vaccins antigrippaux
à large spectre.

Mener des recherches sur l'efficacité des vaccins antigrippaux

L'efficacité clinique des vaccins antigrippaux est, au mieux, considérée comme incertaine.

Il conviendrait donc de lancer des recherches sur l'efficacité des vaccins antigrippaux, notamment en suivant des cohortes de personnes vaccinées. Il semble en effet inutile de lancer des campagnes de vaccination qui n'apporteraient pas de protection réelle contre la maladie, et pourraient de surcroît inciter à négliger les mesures d'hygiène qui demeurent nécessaires.

Mesurer la réceptivité de la population aux virus et identifier les « facteurs de risques » qui peuvent expliquer une des « spécificités » de la pandémie H1N1 : l'apparition de cas sévères ou mortels chez des sujets ne présentant aucun facteur de risque connu.

La pandémie H1N1 s'est caractérisée, d'une part, par la constatation d'immunités préexistantes dans certaines catégories de populations et une forte proportion de cas asymptomatiques mais aussi, d'autre part, par des formes très graves, voire mortelles, chez des sujets jeunes et en bonne santé.

Il serait donc souhaitable, d'une part, de pouvoir mieux cibler la vaccination en analysant les phénomènes d'immunité croisée qui ont protégé certaines populations contre le virus A (H1N1)v et, d'autre part, de rechercher les causes de réaction grave « atypique » à un virus peu pathogène pour l'immense majorité des individus.

Combattre les complications de la grippe

Il faut également compléter la vaccination pandémique par la vaccination antipneumococcique pour prévenir d'éventuelles complications.

L'adaptation des stratégies vaccinales

Il faudrait réfléchir à la possibilité de définir des stratégies vaccinales différenciées selon la sévérité et les caractéristiques épidémiologiques des virus pandémiques.

Proposition n° 25 :
Etudier la possibilité de définir, dans le cadre du plan « Pandémie grippale », des stratégies vaccinales pandémiques différenciées en fonction des caractéristiques épidémiologiques du virus.


* 163 Audition de M. Bruno Lina du 31 mars 2010.

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