II. L'OBJECTIF DE 40 % DE FEMMES ADMINISTRATEURS DANS SIX ANS EST AMBITIEUX, MAIS RÉALISTE

La loi constitutionnelle n° 2008-724 16 ( * ) a permis au législateur de favoriser une plus grande mixité dans les instances de décision des entreprises et des établissements publics.

En modifiant l'article 1 er de la Constitution du 4 octobre 1958 pour permettre que la loi favorise non seulement l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, mais aussi l'égal accès aux responsabilités professionnelles et sociales, le pouvoir constituant a levé l'impossibilité dans laquelle se trouvait le législateur de favoriser l'accession des femmes aux instances décisionnelles et organisationnelles des entreprises.

Rappelons que, dans sa décision n° 2006-533 DC du 16 mars 2006, le Conseil constitutionnel avait censuré les dispositions de la loi du 23 janvier 2006 17 ( * ) visant à instaurer une proportion minimale de représentants de chacun des deux sexes au sein des instances de gouvernance des entreprises publiques et des sociétés privées cotées, au motif qu'elles étaient, alors, contraires à la Constitution.

Désormais, l'article 1 er de la Constitution dispose que : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales . »

Sur la base de cette habilitation, plusieurs initiatives parlementaires successives ont vu le jour.

A. IL EST AUJOURD'HUI NÉCESSAIRE DE LÉGIFÉRER

Les témoignages des experts réunis lors de la table ronde du 13 septembre 2010 ont renforcé la conviction de votre rapporteur de la nécessité de légiférer.

En effet, si les instances de direction reflétaient la mixité des compétences et des talents des entreprises et des établissements publics, il ne serait pas utile de prendre des mesures obligatoires.

Comme en politique, les femmes sont aujourd'hui bloquées dans leur accession aux postes à responsabilité de l'entreprise.

Votre rapporteur est convaincu que la loi doit donner un signal fort, pour être efficace.

Mme Brigitte Grésy rappelait le 13 septembre 2010 que l'idée de favoriser les femmes par l'instauration d'une politique de « quotas » n'était pas nouvelle en France, ayant déjà fait l'objet d'une loi tendant à favoriser la parité dans les fonctions électives.

Cette relative familiarité ne devrait que rendre l'application des deux propositions de loi examinées plus aisée.

Votre rapporteur souhaite que, sous l'impulsion de ces dispositions contraignantes, la féminisation des conseils des entreprises devienne une pratique de bonne gouvernance, et qu'il en découlera l'abrogation du dispositif en examen.

1. Trois initiatives parlementaires ont successivement renforcé le dispositif

Le 15 octobre 2008, Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes de l'Assemblée nationale et rapporteure générale de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes (OPFH), a déposé la proposition de loi n° 1183 relative à l'accès des femmes aux responsabilités professionnelles et sociales, prévoyant un quota de 20 % de femmes dans les conseils d'administration.

Le 3 décembre 2009, après les travaux du groupe de travail sur l'égalité professionnelle de l'Observatoire, Mme Marie-Jo Zimmermann a déposé une nouvelle proposition de loi 18 ( * ) , cosignée notamment par M. Jean-François Copé, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle, fixant à 40 % à atteindre dans les 6 ans l'objectif de représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les instances de direction.

Le 16 février dernier, Mmes Nicole Bricq, Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, M. Richard Yung, membre de la délégation, et plusieurs de leurs collègues ont déposé la proposition de loi 19 ( * ) relative aux règles de cumul et d'incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes et à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance .

Cette proposition de loi confirme l'objectif ambitieux de 40 % de représentation équilibrée en 6 ans, mais complète le dispositif en proposant de l imiter à 3 le nombre de mandats d'administrateurs 20 ( * ) et de réglementer le cumul des fonctions de direction dans les conseils .

Le tableau ci-après présente les principaux points du dispositif examiné :

Dispositions

Texte adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 20 janvier 2010 n° 394 sur la proposition de loi
relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle - Jean-François Copé, Marie-Jo Zimmermann, Députés

Proposition de loi n° 291
relative aux règles de cumul et d'incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes et à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance - Nicole Bricq, Michèle André, Richard Yung, Sénateurs

Limitation du cumul des mandats sociaux

Art. 1 er : Mandats d'administrateur limités à 3 ; de président à 1 et à 2, par dérogation, sur et hors du territoire français, soit 5 mandats maximum.

Incompatibilité de mandats publics / privés

Art. 4 : Incompatibilité de mandat exécutif dans une entreprise publique avec un mandat social dans une entreprise privée.

Objectifs chiffrés

Secteur privé : Art. 1 er , 2, 2 bis nouveau et 3 / Secteur public : Art. 4 et 5 : Six mois à compter de la promulgation, un représentant au moins de chaque sexe lors du prochain renouvellement. Un objectif de 20 % au terme d'un délai de 3 ans à compter de la promulgation de la loi puis de 40 %, 6 ans après.

Secteur privé : Art. 6, 7, 8 et 9 / Secteur public : Art. 10 : Six mois à compter de la promulgation, un représentant au moins de chaque sexe lors du prochain renouvellement. Un objectif de 20 % au terme d'un délai de 3 ans à compter de la promulgation de la loi puis de 40 %, 6 ans après.

Instances décisionnaires

Conseils d'administration et Conseils de surveillance.

Conseils d'administration, Conseils de surveillance et (Art. 3) Directoires.

Politique d'égalité professionnelle

Art. 1 er et 6 : Promotion de l'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes.

Art. 5 et 12 : Promotion de l'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes

Secteurs privé et public

Secteur privé : Art. 1 er , 2, 3 et 6 / Secteur public : Art. 4 et 5.

Secteur privé : Art. 1 - 9 et 12 / Secteur public : Art. 4, 10 et 11.

Entreprises visées

Secteur privé : Art. 2 et 3 : Sociétés cotées en bourse / Secteur public : Art. 4 et 5 : Entreprises et établissements publics.

Secteur privé : Art. 6 : Entreprises de plus de 250 salariés et d'un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 millions d'euros au cours de l'exercice / Secteur public : Art. 10 : Les entreprises et établissements publics.

Instances représentatives du personnel

Secteur public : Art. 4 : listes paritaires à alternance stricte pour les représentants élus des salariés membres des différents Conseils.

Secteur privé : Art. 7 / Secteur public : Art. 10 : listes paritaires à alternance stricte pour les représentants élus des salariés membres des différents Conseils.

Sanctions

Objectif chiffré : Secteur privé : Art. 2 (SA) : En cas de non-respect, nullité des nominations mais pas des délibérations . Art. 3 (Sociétés en commandite par actions) et Secteur public : Art. 4 et 5 : En cas de non-respect, nullité des nominations entraîne la nullité des délibérations et seulement celles auxquelles ont pris part les membres dont la nomination est irrégulière.

Limitation du cumul : Art. 3 : En cas de non-respect, démission des administrateurs concernés dans un délai de 3 mois et l'invalidité des délibérations auxquelles l'administrateur a pris part. / Objectif chiffré : Secteur privé : Art. 6, 7 et 8 : En cas de non-respect, nullité des nominations et par conséquent la nullité des délibérations et, pour les CA, le non versement de rémunération (art.6). Secteur public : Art. 10 et 11 : La nullité des nominations n'entraîne la nullité des délibérations et seulement celles auxquelles ont pris part les membres dont la nomination est irrégulière que pour les EPIC (Art. 11) et dans certaines conditions.

Source : Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes (OPFH)

La proposition de loi n° 2140, de Mme Marie-Jo Zimmermann et M. Jean-François Copé, a été adoptée en première lecture le 20 janvier 2010 à l'Assemblée nationale.

La proposition de loi sénatoriale, examinée en séance publique au Sénat le 29 avril 2010, a été renvoyée en commission de façon à lui permettre de faire l'objet d'un examen conjoint avec celle de l'Assemblée nationale.

Les recommandations formulées par votre rapporteur portent sur ces deux textes.


* 16 Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la V e République.

* 17 Loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.

* 18 Proposition de loi n° 2140.

* 19 Proposition de loi n° 291.

* 20 Ainsi, une personne physique ne pourrait exercer simultanément plus de trois mandats d'administrateur, ou de membre du conseil de surveillance ou de membre du directoire, de sociétés anonymes, ni cumuler plus d'un mandat de président du conseil d'administration, de directeur général, de président du directoire, de membre du directoire, de directeur général unique, de président du conseil de surveillance de société anonyme.

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