II. UNE PARTICIPATION ACCRUE DES SALARIÉS À LA GOUVERNANCE DES ENTREPRISES ?

Une participation accrue des salariés à la gouvernance des entreprises est parfois évoquée, comme devant permettre une meilleure prise en compte des intérêts de long terme de l'entreprise et de ses salariés , en favorisant l'investissement et l'emploi et en venant contrebalancer les priorités court-termistes des investisseurs financiers.

On explique notamment que, si les conditions dans lesquelles les entreprises allemandes et françaises s'adaptent à la mondialisation - avec dans le second cas un recours plus radical aux délocalisations - diffèrent, c'est à l'implication des syndicats dans le gouvernement des entreprises en Allemagne qu'on le doit.

A. DES MODÈLES ÉTRANGERS DE CODÉTERMINATION À L'EFFICACITÉ CONTESTÉE

Tandis que les conseils d'administration ou de surveillance sont progressivement devenus les principaux organes décisionnels de l'entreprise, l'accent a été mis sur l'exigence d'indépendance des administrateurs , tant au niveau international 335 ( * ) qu'au niveau français 336 ( * ) . Le code de gouvernement d'entreprise AFEP-MEDEF préconise ainsi la présence d'un tiers d'administrateurs indépendants pour les sociétés à actionnariat concentré, et 50 % pour celles dont le capital est dispersé.

L'indépendance réelle de ces administrateurs, leur compétence, ainsi que leur capacité à défendre les intérêts de toutes les parties prenantes, ont toutefois été mises en cause 337 ( * ) .

Dans ce contexte, faut-il privilégier une représentation plus exhaustive de l'ensemble des parties prenantes à l'entreprise, c'est-à-dire une gouvernance partenariale sur le modèle « stakeholder » plutôt que « shareholder », de façon directe plutôt que par l'intermédiaire d'administrateurs à l'indépendance incertaine ?

1. Les modèles étrangers

Source : Fondation Hans Böckler (Allemagne)

L'association des salariés à la définition des stratégies de l'entreprise est considérée comme un fondement du modèle social allemand . Ainsi que l'ambassade de France en Allemagne l'a indiqué à vos rapporteurs, « la perception de l'efficacité de ce modèle a été renforcée en 2009 lors de la crise et vantée, par le patronat comme par le syndicat, comme une des raisons de la bonne résistance des entreprises et de l'emploi ».

La loi allemande prévoit en effet la participation de représentants des salariés au sein des conseils de surveillance, selon des modalités qui varient en fonction du statut de l'entreprise et du nombre de ses salariés (cf. titre I du présent rapport) :

- depuis 1976, les sociétés de capitaux de plus de 2 000 salariés ont un conseil de surveillance composé pour moitié de représentants des salariés ;

- les entreprises employant entre 500 et 2 000 personnes ont un conseil de surveillance composé au tiers de représentants des salariés ;

- pour les autres entreprises, aucune obligation n'est prévue.

Au Danemark , les salariés sont autorisés à choisir des représentants dès lors que l'entreprise concernée a employé au moins 35 personnes au cours des trois dernières années. Les salariés choisissent un nombre de représentants égal à la moitié de ceux élus par l'Assemblée générale de l'entreprise concernée. Les représentants des salariés ont les mêmes droits, obligations et responsabilités que les autres membres du conseil d'administration ou de surveillance. 26 % des entreprises danoises ont des représentants de salariés au sein de leur conseil d'administration .

En Suède , une loi de 1987 prévoit la participation de représentants des syndicats au sein des conseils d'administration des entreprises. Leur nombre varie en fonction de la taille de l'entreprise : 2 pour celles qui emploient au moins 25 salariés, 3 au-delà de 1.000 salariés. Ces membres ne peuvent qu'être minoritaires.

En France, les salariés sont représentés dans plusieurs grandes entreprises (Air France, Renault, France Telecom, LCL, GDF Suez, Thalès, EDF...). Dans d'autres entreprises, des sièges d'administrateurs salariés ont été récemment supprimés (Arcelor-Mittal, Bull), au motif d'accroître le nombre d'administrateurs « indépendants ».


* 335 Principes directeurs pour le gouvernement d'entreprise de l'OCDE (2004).

* 336 Code AFEP MEDEF (article 8) : « Un administrateur est indépendant lorsqu'il n'entretient aucune relation de quelque nature que ce soit avec la société, son groupe ou sa direction, qui puisse compromettre l'exercice de sa liberté de jugement. Ainsi, par administrateur indépendant, il faut entendre, non pas seulement administrateur non-exécutif c'est-à-dire n'exerçant pas de fonctions de direction de la société ou de son groupe, mais encore dépourvu de lien d'intérêt particulier (actionnaire significatif, salarié, autre) avec ceux-ci. ».

* 337 Par exemple par David Thesmar et Francis Kramarz (2006), « Social networks in the boardroom », IZA (Institut zur Zukunft der Arbeit) discussion paper n° 1940, insistant sur les effets de réseau.

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