CHAPITRE IV : RETOUR VERS UN DROIT SOCIAL MAÎTRISÉ

RÉSUMÉ DU CHAPITRE

Le droit social du travail se dirigerait vers une architecture rénovée où, sans vouloir définir à lui seul l'intérêt général, l'Etat ne renoncerait pas à intervenir. La négociation sociale se développerait de façon plus équilibrée à la faveur d'un respect généralisé du dialogue social mais aussi d'un renforcement des légitimités syndicales, notamment par la mise à niveau de l'expertise, tandis qu'émergeraient les conditions d'édiction de normes internationales disciplinant le « dumping social ». Par ailleurs, les nouvelles normativités sociales feraient l'objet de certification et le « consumérisme social » gagnerait en maturité.

I. LES PRÉALABLES À UNE MEILLEURE LÉGISLATION

Moins légiférer ne doit pas empêcher l'Etat de mieux légiférer en matière sociale, en se donnant, tout d'abord, les moyens d'évaluer et d'anticiper les besoins de normes nouvelles afin de s'attaquer aux vraies priorités en fonction d'une analyse à long terme des problèmes.

A. L'ÉVALUATION

Il importe, avant d'entreprendre une réforme, d'évaluer en profondeur la législation existante, en particulier les raisons de ses insuffisances, de forme, de fond ou liées à des difficultés d'application.

Le rapport annuel, précité, du Conseil d'Etat pour 2006, déplore, à cet égard, l'abandon implicite des études d'impact préalables à l'élaboration, pas seulement dans le domaine social, de nouvelles législations ou réglementations.

Dans un article publié dans la revue Esprit 344 ( * ) , Jean-Claude Barbier 345 ( * ) évoque, par ailleurs, à propos des tentatives récentes d'amélioration du fonctionnement du marché du travail « des réformes incessantes qui se succèdent depuis dix ans sans qu'elles soient clairement évaluées ».

Il affirme, plus loin, que « le système d'évaluation des actions (qu'il s'agisse d'emploi, d'insertion, de formation...), la connaissance de leurs résultats et de leur coût ont toujours été défectueux... ».

B. L'ANTICIPATION

Les priorités doivent être déterminées non seulement en fonction de l'ordre des urgences (d'après des considérations tactiques de court terme), mais aussi selon l'importance stratégique des problèmes à résoudre, ce qui nécessite une vision prospective des choses.

L'ancien Plan traitait des conditions du développement économique et social de la nation. Sa préparation faisait appel à une concertation entre les partenaires sociaux. Le rapport Chertier, précité, suggère une répartition des rôles, joués précédemment par le Commissariat, entre le Conseil économique social et environnemental (CESE), s'agissant du dialogue social et le Centre d'analyse stratégique (CAS) 346 ( * ) , responsable de la coordination d'une « co-production d'expertise » au sein de l'administration.

Sans faire leur l'ensemble de ces propositions, vos rapporteurs soulignent qu'il est souhaitable que l'Etat puisse disposer d'une analyse prospective de l'ensemble des déterminants du pacte social , intégrant des éléments économiques et des contributions des nouvelles instances de diagnostic (COR, COE, HCAAM) dans leurs domaines de compétence respectifs (retraites, emploi, dépenses de santé). Qu'il leur soit permis, incidemment, de souhaiter que la volonté de doter le Sénat d'une institution chargée de la prospective soit suivie de tous ses effets afin que la Haute Assemblée puisse constituer un pôle d'anticipation efficace au service du Sénat et du pays .


* 344 « Travail et protection sociale : un droit malmené » (janvier 2009).

* 345 Sociologue, directeur de recherche au CNRS, professeur à la Sorbonne.

* 346 Il est regrettable que le CAS ne soit plus piloté par un Secrétariat d'Etat spécifique dans le nouveau gouvernement constitué le 14 novembre 2010.

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