c) L'acclimatation souvent peu concertée des nouvelles formes d'organisation

L'impact des nouvelles formes d'organisation de la production sur la pénibilité n'est pas univoque : la plupart des novations liées aux nouvelles organisations apparaissent comme ambivalentes sur le plan de la satisfaction et de la souffrance au travail et c'est plutôt le contexte particulier de chaque entreprise qui est de nature à faire pencher la balance d'un coté ou de l'autre.

La diversité des impacts sur les conditions de travail est à l'image de celle des modalités des organisations modernes, qui peuvent se rattacher à la catégorie « vertueuse » des entreprises apprenantes ou à celle, habituellement présentée comme plus dangereuse pour les salariés, de la « production au plus juste », sachant que cette schématisation constitue un outil utile mais nécessairement imparfait pour appréhender une réalité qui est plutôt, malgré une certaine polarisation, celle d'un continuum d'entreprises entre ces deux formes.

Il semble en particulier que les conditions d'acclimatation des nouvelles organisations - les modalités de la « conduite du changement », selon une terminologie d'usage en la matière - soient un moment particulièrement sensible de la vie d'une entreprise quant à la façon dont les salariés vont « vivre » leurs nouvelles conditions de travail .

Certes, selon les termes de l'article L. 2323-27 du code du travail, « le comité d'entreprise est informé et consulté sur les problèmes généraux intéressant les conditions de travail résultant de l' organisation du travail , de la technologie, des conditions d'emploi, de l'organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération ». A cet effet, « il étudie les incidences sur les conditions de travail des projets et décisions de l'employeur » dans les domaines susmentionnés et « formule des propositions » 98 ( * ) .

Bien que cette obligation se trouve en outre banalisée, dans le champ européen, par une directive européenne 99 ( * ) garantissant notamment « l'information et la consultation [des représentants des travailleurs] sur les décisions susceptibles d'entraîner des modifications importantes dans l'organisation du travail ou dans les contrats de travail », de nombreux observateurs déplorent, en France, un manque de général de concertation .

Henri Rouilleaut, membre du Centre d'analyse stratégique, auditionné dans le cadre du présent rapport, estime en particulier que l'instauration autoritaire de nouvelles organisations - à laquelle aucune prescription juridique ne fait aujourd'hui véritablement obstacle - est néfaste : « on ne réussit pas à réformer durablement quand le sens des missions se brouille, les moyens pour les atteindre font défaut, les repères manquent... La conduite du changement « top down » est génératrice de frustrations et, suivant le cas, de mouvements sociaux, d'attitudes de retrait des salariés nuisibles à la performance, de montée de risques psychosociaux ... ».


* 98 L'article L. 2323-27 du code du travail précise encore que le comité d'entreprise « bénéficie du concours du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans les matières relevant de sa compétence » et que « les avis de ce comité lui sont transmis ».

* 99 Directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne. La directive s'applique, selon le choix fait par les États membres, aux entreprises employant au moins 50 travailleurs, ou aux établissements employant dans un État membre au moins 20 travailleurs. Cette directive devait être transposée le 23 mars 2007 au plus tard mais, compte tenu de certains retards, une résolution ad hoc du Parlement européen en date 19 février 2009 presse les États membres qui ne l'ont pas transposée « de le faire dans les plus brefs délais ».

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