b) Une contribution non négligeable à la défense des travailleurs français

Un des avantages les plus évidents, pour les salariés français, de l'existence d'un droit social européen est, cependant, de leur ouvrir des voies de recours supplémentaires pour la défense de leurs intérêts.

Ainsi :

- la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) veille, en ce qui concerne les droits sociaux fondamentaux, à l'application de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales 193 ( * ) ;

- la charte sociale européenne, pour sa part, est accompagnée d'un « protocole additionnel » prévoyant un système de réclamations collectives.

Enfin, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) peut jouer un rôle important, à l'occasion de renvois préjudiciels, pour éclairer les juges nationaux sur l'interprétation de certaines dispositions de droit communautaire. Elle encadre notamment, au profit des travailleurs concernés, la mise en concurrence par les dirigeants d'entreprises multinationales (compagnies aériennes lowcost en particulier) des systèmes juridiques nationaux des différents Etats membres de l'UE 194 ( * ) .

Ainsi, les droits européens des travailleurs de l'Union sont-ils non seulement des droits fondamentaux théoriques et abstraits découlant des principes généraux du droit communautaire mais aussi des droits de procédure , pratiques et concrets, mobilisés devant des instances nationales ou européennes.

Initialement axé en priorité sur la libre circulation des salariés et l'absence entre eux de discrimination fondée sur la nationalité au sein de l'Union, en vue de favoriser l'intégration économique de celle-ci, le droit communautaire a progressivement diversifié ses ambitions et légèrement élevé leur niveau.

En même temps qu'un droit de liberté et de procédure, il est devenu un droit d'égalité formelle, se préoccupant de lutter contre les discriminations fondées non seulement sur la nationalité, mais aussi d'abord sur le sexe 195 ( * ) , puis sur la race, les origines ethniques ou sociales, l'âge, le handicap...

Echappent désormais à la règle de l'unanimité, l'adoption des textes n'intéressant plus uniquement la santé et la sécurité des travailleurs mais également, en vertu du traité d'Amsterdam :

- l'intégration des personnes exclues du marché du travail ;

- les conditions de travail ;

- l'information et la consultation des salariés, etc.

En ce qui concerne les partenaires sociaux, non seulement ils doivent être consultés par la commission, avant qu'elle ne présente une proposition dans le domaine de la politique sociale mais ils peuvent lui demander de prier le conseil de transformer en norme législative un accord conclu par eux 196 ( * ) . Ces dispositions n'ont été reprises que récemment par le droit français à la suite du vote de la loi du 31 janvier 2007 sur la modernisation du dialogue social.

Mérite aussi d'être signalée, l'institution par la directive du 22 septembre 1994 d'un comité d'entreprise européen ou de procédures spécifiques d'information et de consultation des travailleurs dans les entreprises ou les groupes de dimension communautaire.

Au total, le droit communautaire ne se contente pas d'exiger des nouveaux membres de l'Union, à la suite de leur adhésion, le respect d'un minimum de prescriptions sociales.

Le traité de Rome, tel qu'il a été modifié par l'accord européen du 7 février 1992 sur la politique sociale (en vertu du traité d'Amsterdam de 1997 qui l'y a intégré) a désormais pour objectif une harmonisation, dans le progrès - et non un alignement par le bas - des législations sociales nationales.

La charte communautaire des droits sociaux fondamentaux s'intéresse à tous les aspects, tant individuels que collectifs, des relations de travail qu'elle est susceptible d'affecter par sa portée générale.

« Elle exerce sur les droits nationaux de travail une pression.... aux normes nationales, un effort d'adaptation supplémentaire peut être ainsi imposé » (Bernard Teyssié - Droit européen du travail).

Par exemple, la pression de la norme communautaire a élargi le champ d'application des dispositions du code du travail protégeant les travailleurs à temps partiel.

Pour équilibrer les effets de la « flexibilisation » croissante des activités et des structures des entreprises, le législateur européen s'est préoccupé « des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements » (directive du 12 mars 2001).

La CJCE a interprété de façon extensive cette notion de transfert dans son abondante jurisprudence sur la question. Le maintien des contrats de travail en cours a été érigé au rang de principe général de droit du travail. Une directive précédente (du 20 juillet 1998) s'était intéressée, de son côté, aux licenciements collectifs pour motif économique, s'efforçant d'encadrer les procédures et de prévoir des mesures d'accompagnement de la rupture des contrats de travail.

Il reste cependant que les principes communs de flexisécurité préconisés par la Commission (voir plus loin) ne sont, par exemple, pas traduits juridiquement : assouplissement et sécurisation des contrats de travail 197 ( * ) et mesures en faveur des exclus du marché du travail, stratégies d'apprentissage tout au long de la vie, politiques actives du marché du travail tendant à assurer « l'employabilité des salariés » et modernisation, en conséquence, des systèmes de sécurité sociale.


* 193 Les tribunaux se réfèrent souvent aux droits fondamentaux s'agissant pourtant d'affaires très spécifiques, il en est ainsi de notre chambre de cassation et du préambule de la constitution de 1946.

* 194 Arrêts Mulox (1993) et Ratten (1997).

* 195 Article 141 du traité CE, directives du 10 février 1975 et du 9 février 1976.

* 196 Disposition de la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989 intégrée dans le traité de Rome (CE) par le traité d'Amsterdam en 1997.

* 197 D'ores et déjà, une directive du 28 juin 1999 interdit, sauf raisons objectives, de traiter les travailleurs à durée déterminée (sous CDD), d'une manière moins favorable que ceux à durée indéterminée (CDI).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page