2. Un phénomène incontournable ?

Indéniablement, le développement de la « soft law » participe d'une complication croissante des normes. Mais on peut considérer que si ce phénomène doit être maîtrisé, il est cependant inévitable car inhérent à la complexité de la société post moderne, mondialisée et décentralisée, dont le fonctionnement requiert une certaine souplesse mais aussi des garde-fous passant par l'affirmation de nouvelles formes de définition et d'adjudication du droit.

La « soft law » présente incontestablement, à cet égard, l'avantage de la flexibilité. Ne nécessitant pas l'intervention du Parlement, pour sa rédaction ou sa ratification, elle peut être élaborée et révisée plus facilement et plus rapidement qu'une loi ou un traité.

Elle ne connaît pas non plus les limites qui sont celles de l'intervention des Etats et peut donc s'imposer simultanément dans tous les pays, même si leurs systèmes juridiques diffèrent sensiblement, dans lesquels une entreprise multinationale est implantée. Elle permet ainsi, notamment, d'homogénéiser le niveau de protection sociale des travailleurs concernés, au profit de ceux au départ les plus défavorisés.

La soft law, quand elle n'est pas « autodéterminée » par l'entreprise mais « codéterminée », est aussi un moyen de faire participer à la définition des normes des personnes qui, bien qu'intéressées, n'y sont généralement pas associées (ONG, associations de consommateurs et de défense de l'environnement ou des droits de l'homme...).

Dans le meilleur des cas, le cadre dans lequel se négocie ainsi la soft law peut constituer une sorte de laboratoire juridique d'où émergent des normes aux effets, dans l'immédiat, moins contraignants que les lois ou les traités mais qui préfigurent le droit de demain.

Même en cas d'autorégulation, la soft law permet de soumettre aux mêmes exigences non seulement l'entreprise elle-même mais ses fournisseurs et ses sous-traitants à travers le monde, sous la surveillance et la sanction du juge.

Rien n'empêche, par ailleurs, les syndicats de s'impliquer sur les thèmes mis en avant par les entreprises en ce qui concerne la RSE. Il est d'ailleurs parfois prévu de les faire participer au contrôle du respect par celles-ci de leurs engagements en la matière.

Certaines entreprises comme Reebok ou Levi Strauss (Levi's) vont même jusqu'à confier cette tâche à leurs propres salariés en ce qui concerne, par exemple, la fidélité de leurs sous-traitants.

Les accords cadres internationaux (ACI) entre les firmes multinationales et les syndicats internationaux sont, dans un cadre plus large, une occasion pour ces derniers de se saisir du concept de RSE et d'en faire un objet de négociation.

Ainsi, la soft law peut être vue comme un instrument adapté à une économie mondialisée dans laquelle les Etats et les organisations internationales ne sont plus en mesure d'être les seuls créateurs de règles de droit.

Le développement de la soft law, au total, participe de plusieurs tendances qui caractérisent l'évolution du droit social :

- décentralisation dans la définition des règles du pacte social avec un recul du rôle des Etats et un essor des sources de droit négociées ;

- assouplissement de certaines contraintes juridiques mais extension par ailleurs du champ des obligations imposées aux entreprises ;

- complexité accrue du droit applicable du fait, notamment, d'une prolifération de normes dont l'ensemble constitue un subtil dégradé.

Si, à ce stade, elle peut témoigner d'un affaiblissement de l'état de droit, il n'est pas sûr que ses potentialités étant mieux exploitées elle ne réussisse pas à inverser ces effets.

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