III. LES REVENUS DU CAPITAL, DES INÉGALITÉS QUI FONT BOULE DE NEIGE : VERS UNE SOCIÉTÉ ÉCLATÉE ?

Il est particulièrement difficile de suivre les revenus versés par les entreprises non financières. Une partie d'entre eux est versée à l'étranger, certains sont destinés à des entreprises financières et d'assurances...

Par ailleurs, les revenus du patrimoine des ménages englobent des produits qui sont liés à d'autres actifs que ceux représentatifs d'une créance ou de la propriété des entreprises non financières.

Quoi qu'il en soit, les revenus du patrimoine des ménages ont augmenté plus que les revenus salariaux et le dynamisme des revenus versés par les entreprises non financières, qui a été plus fort que celui de leur valeur ajoutée, y a contribué.

Or, ces revenus sont particulièrement concentrés ce qui amplifie les inégalités salariales.

A. DE FORTES INÉGALITÉS DE REVENUS...

Les inégalités de revenus du patrimoine augmentent les inégalités salariales.

Selon un rapport du Conseil d'analyse économique (CAE) sur les inégalités économiques de 2001 241 ( * ) , les inégalités de patrimoine sont beaucoup plus fortes que les inégalités salariales. Les 5 % les plus riches détiennent 30 % du patrimoine. Le rapport interdécile (les 10 % aux deux extrêmes) dépasse 75. Le centième des ménages les plus fortunés possèdent entre 15 et 20 % du patrimoine. Par ailleurs, alors que pour les « petits patrimoines » les placements sont essentiellement liquides, les plus importants sont majoritairement composés d'actifs de rapport. Entre les deux extrémités se situent des patrimoines réunissant des placements du type assurance-vie ou épargne logement et des biens immobiliers.

Si, en tendance, les patrimoines paraissent s'être un peu rapprochés du fait de l'apparition dans des couches sociales où ils étaient ignorés de véhicules d'épargne (ou de réserve) comme les comptes chèques, les revenus du patrimoine sont de plus en plus inégalitaires .

Il faut d'abord relever qu' au cours des années 80 et 90, les revenus du patrimoine ont davantage progressé que les revenus du travail , et, ce, en dépit de la baisse de rendement observée dans les années 90 avec le repli des taux d'intérêt.

PERFORMANCES DU PATRIMOINE DE RAPPORT

Source : Calculs INSEE d'après données INSEE, BDF, SBF, SAFER et Notaires parisiens

Ensuite, les revenus du patrimoine se concentrent chez les plus fortunés . Entre 1984 et 1994, la part des revenus du patrimoine perçus par le quart supérieur serait passée de 58 à 62 %.

Encore ces données négligent-elles les loyers fictifs correspondant à l'avantage que procure la détention d'un logement qu'on habite ainsi que les plus-values latentes. Ces plus-values auraient représenté, par exemple, 200 milliards par an en moyenne entre 1988 et 1997 soit de 40 à 50 % des revenus courants du patrimoine de rapport des ménages.

Il est, à ce sujet, à relever que les plus-values semblent avoir augmenté en même temps qu'a baissé la part des salaires dans la valeur ajoutée, phénomène qui traduit le fait que le rendement financier n'est pas sans lien avec le rendement économique du capital 242 ( * ) .

Ces informations sont précisées dans la dernière édition de la monographie consacrée par l'INSEE aux revenus et patrimoine des ménages.

UNE CLASSIFICATION DES SITUATIONS DE REVENUS PAR L'INSEE

C'est à partir de 84 500 euros de revenu déclaré (net) annuel par unité de consommation, qu'une personne se situe parmi les 1 % les plus riches 243 ( * ) .

Ces plus riches sont rangés dans « les personnes à très hauts revenus ». Ils sont distingués « personnes à hauts revenus » qui regroupent les autres individus relevant du plus haut décile de revenus (9 % des individus proches du sommet de la distribution) de la très grande majorité (soit 90 % de la population).

Les « personnes à très hauts revenus » sont segmentées en trois groupes.

ÉCHELLE DES REVENUS DÉCLARÉS PAR UNITÉ DE CONSOMMATION EN 2007

Source : INSEE « Les revenus et patrimoine des ménages 2010 ». Julie Solard.

- 90 % des très hauts revenus sont classés dans les « aisés » qui déclarent entre 84 469 euros et 225 767 euros par unité de consommation ;

- 9 % d'entre eux sont les « très aisés » : ils déclarent entre 225 767 euros et 687 862 euros par unité de consommation ;

- 1 % des très hauts revenus sont les « plus aisés » : leur revenu déclaré par unité de consommation excède ce seuil.

Ces pourcentages s'appliquant à une faible proportion de la population (1 %), le nombre de personnes concernées est faible. Par exemple, les « plus aisés » sont 5 800 personnes (soit 0,01 % de la population).

La dispersion des situations de revenu des personnes à « très hauts revenus » s'ajoute aux effets de leur situation de revenus sur la dispersion générale des revenus.

La médiane des revenus des personnes à très hauts revenus (qui divise par moitié cette population) s'élève à 112 000 euros et représente plus de 6 fois la médiane des revenus déclarés par unité de consommation (17 644 euros). En outre, le revenu moyen des personnes concernées est de 149 638 euros à comparer avec 21 038 euros de revenu moyen annuel pour l'ensemble de la population.

La dispersion interne à la catégorie des très hauts revenus est maximale pour les « plus aisés » dont le revenu va de 688 000 euros (39 fois le revenu médian) à plus de 13 millions d'euros 244 ( * ) (700 fois le revenu médian). En bref, la concentration des très hauts revenus est forte.

REVENU DÉCLARÉ PAR UNITÉ DE CONSOMMATION SELON LA CLASSE - EN 2007

Source : INSEE « Les revenus et patrimoine des ménages 2010 ». Julie Solard.

Les 10% les plus riches reçoivent un quart des revenus d'activité déclarés, mais près des deux tiers des revenus du patrimoine et plus de quatre cinquièmes des revenus exceptionnels (plus-values, dont gains de levées d'option...). Les très hauts revenus ont un pouvoir d'attraction des revenus encore plus important : ils ne constituent que 1 % de la population, mais représentent 5,5 % des revenus d'activité, 32,4 % des revenus du patrimoine et 48,2 % des revenus exceptionnels déclarés. Enfin, la part du revenu total détenue par les seules personnes les plus aisées est très élevée au regard de leur poids dans la population.

PART DU REVENU DÉTENU PAR CHAQUE CLASSE

Champ : personnes appartenant à des ménages fiscaux de France métropolitaine dont le revenu déclaré par unité de consommation est strictement positif.

Source : DGFiP, exhaustif fiscal 2007, calculs Insee.

Alors qu'ils représentent 0,01 % de la population, ils perçoivent 0,6 % des revenus déclarés. Leur pouvoir économique, au sens de la part du revenu détenu par personne, est ainsi 75 fois plus important que celui de la très grande majorité des personnes.

Encore doit-on observer que seuls les revenus imposables sont ici considérés ce qui, en raison des régimes fiscaux favorables au capital, conduit sans doute à une sous-estimation de la concentration des revenus du patrimoine.


* 241 « Inégalités économiques ». Conseil d'analyse économique. Rapport n° 33, Tony Atkinson, Michel Glaude, Lucile Olier et Thomas Piketty, 14 juins 2001.

* 242 Ces liens sont apparemment évidents mais l'autonomisation de la sphère financière - qui traduit l'existence de dynamiques causées en son sein par des variables purement financières - oblige à constater des phénomènes de découplage entre sphère réelle et financière.

* 243 Le recours à la notion d'unité de consommation vise à épouser les données économiques concrètes des individus en tenant compte de leur appartenance à un ménage. Une personne seule est une unité de consommation, mais lorsqu'elle est dans un ménage elle le reste si elle est le premier adulte du ménage ou n'est comptée que pour 0,5 si elle a 14 ans ou plus ou 0,3 en-deçà de 14 ans. Un couple de cadres supérieurs gagnant chacun 5 300 euros nets par mois relève du 1 % le plus riche.

* 244 Ou 700 années.

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