B. LES LIMITES DE L'INTÉGRATION ECONOMIQUE

1. Une utilisation peu pertinente des fonds européens

L'adhésion du Portugal à l'Union européenne a dans un premier temps largement profité à l'économie portugaise. Le Portugal bénéficie ainsi des fonds structurels et de cohésion. Pour la période 2007-2013, le Portugal recevra près de 22 milliards d'euros aux travers des fonds structurels et de cohésion (14 milliards d'euros pour la France). L'apport massif de capitaux par le biais des aides communautaires, mais aussi grâce aux investissements rendus possibles par l'ouverture au marché unique, ont permis une modernisation rapide de la structure économique. Le PIB par habitant en parité de pouvoir d'achat est ainsi passé de moins de 7 000 euros en 1986 à 19 000 euros en 2008.

La question des aides européennes n'est pas, cependant, sans laisser songeur tant les sommes injectées n'ont pas permis au pays d'affronter le défi de la reconversion économique. Il convient, à cet égard, de s'interroger sur le fait que le nord du pays - la région la plus industrialisée du Portugal - soit devenue la plus pauvre, avec une forte progression du chômage en dix ans sur ce territoire. La relative désaffection des ports, à l'image de Sines, qui semblent inexploités au regard de leurs potentialités, n'est pas, non plus, sans susciter un certain nombre de réserves quant à la bonne utilisation des fonds de développement et de cohésion. Pour la période 2000-2006, les 21 milliards accordés au titre des fonds structurels et de cohésion ont ainsi été répartis entre 35 000 projets. Un tel saupoudrage ne peut en rien favoriser la croissance du pays et favoriser la moderniser des structures économiques.

Cette fragmentation des fonds communautaires, à rebours d'une réelle vision d'ensemble pour l'économie portugaise, répond de fait à la réalité du tissu économique lusitanien, composé pour l'essentiel de petites et moyennes entreprises. Il s'inscrit également dans une forme de soutien aux baronnies locales que peuvent constituer les 261 municipalités du Portugal, toutes enclines à vouloir bénéficier de la manne européenne en vue, notamment, des échéances électorales.

2. L'effet anesthésiant de l'euro

La question de la monnaie unique n'est pas non plus sans incidence sur la crise structurelle que traverse l'économie portugaise. Poussé à surévaluer l'escudo lors du passage à l'euro, le Portugal s'est retrouvé confronté à un problème de compétitivité-prix. En effet, du jour au lendemain, le Portugal s'est mis à vivre, à produire, à vendre et à exporter avec une devise forte. L'industrie textile en a notamment pâti.

L'adoption de la monnaie unique demandait une réelle reconversion de l'économie portugaise, un bond compétitif fondé sur la qualité et pas seulement sur la politique des prix. La convergence nominale induite par l'adoption de la monnaie unique n'a pas été suivie d'une convergence réelle comme l'entendaient les promoteurs de l'euro.

Pire, la convergence nominale a permis au pays de bénéficier de la faiblesse des taux d'intérêts, alors inférieure au taux d'inflation. L'euro a, en quelque sorte, facilité l'endettement extérieur du Portugal. L'absence de difficultés rencontrées sur le marché de la dette a entretenu l'idée d'un accès aisé à l'argent, repoussant toute idée d'ajustement de la politique économique portugaise à la réalité des marchés.

L'état des comptes publics est à cet égard éloquent. Entre 2002 et 2007, le gouvernement ne s'est retrouvé que deux fois en dessous de la barre des 3 % du PIB en ce qui concerne son déficit public et encore de façon toute relative.

Le déficit public entre 2002 et 2007 (en % du PIB)

2002

2003

2004

2005

2006

2007

- 2,9 %

- 3,1 %

- 3,4 %

- 5,9 %

- 4,1 %

- 2,8 %

Malgré les déclarations en ce sens du chef de la diplomatie portugaise en novembre dernier, l'hypothèse d'une sortie de la zone euro - au demeurant exclue par les traités - n'est pas réellement envisagée par le gouvernement. Le Premier ministre estime ainsi que les avantages liés à la monnaie unique demeurent supérieurs à ceux d'une politique monétaire nationale. En cas de retour à l'escudo et de dévaluation compétitive concomitante, le Portugal ne renouerait pas pour autant avec un réel retour de la croissance. Ce retour à l'économie des années quatre-vingt est rendu impossible par l'affirmation de l'Europe de l'Est et des pays émergents dans les secteurs concernés.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page