Rapport d'information n° 327 (2010-2011) de Mme Nicole BRICQ , fait au nom de la commission des finances, déposé le 2 mars 2011

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N° 327

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 mars 2011

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur la cession de l' hippodrome de Compiègne ,

Par Mme Nicole BRICQ,

Sénatrice.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc , Serge Dassault, vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Jean-Pierre Demerliat, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, MM. Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

INTRODUCTION

L'objet du contrôle dont le présent rapport d'information vise à rendre compte, et plus encore le contexte qui est devenu celui de ce contrôle dans le cours même de sa réalisation, appellent un propos liminaire sur la manière dont votre rapporteure spéciale a conçu et conduit sa mission.

I. COMMENT LE CHOIX DE CE CONTRÔLE S'EST IMPOSÉ

A. L'APPARITION DU SUJET

Le sujet du contrôle est apparu à l'occasion de l'une des « affaires » mises au jour par la presse, en l'occurrence en juillet 2010 1 ( * ) , concernant Eric Woerth , alors ministre chargé du travail.

On apprenait ainsi que ce dernier, en sa qualité de ministre chargé du budget et, notamment, des domaines, avait autorisé la cession , effectivement intervenue en mars 2010 , d'une parcelle de 57 hectares de la forêt de Compiègne , terrain d'assiette de l'hippodrome dit « du Putois » nom hérité de la plaine où il se trouve. L'acquéreur était la Société des courses de Compiègne , une association à but non lucratif et à objet hippique. Cette association, jusqu'alors, était locataire des lieux ; elle gérait l'hippodrome et, par ailleurs, sous-louait une partie du terrain à la Société du golf de Compiègne, autre association à but non lucratif, pour les activités de celle-ci.

La vente a été réalisée malgré l'avis d'abord défavorable de l'Office national des forêts (ONF) et du ministère chargé de l'agriculture 2 ( * ) , selon une procédure de gré à gré donc sans mise en concurrence et au prix de 2,5 millions d'euros .

Ce prix et les modalités juridiques de la transaction ont fait, d'emblée, l'objet d'un débat livré par les médias à l'opinion publique. Votre rapporteure spéciale de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » s'est donc naturellement intéressée au dossier.

B. LES PRÉOCCUPATIONS DE VOTRE RAPPORTEURE SPÉCIALE

Du point de vue où se situe votre rapporteure spéciale en tant que telle, l'intérêt de cette affaire apparaissait double.

1. Un enjeu patrimonial

En premier lieu, il existait bien sûr un enjeu patrimonial : votre rapporteure spéciale a cherché à savoir si les intérêts de l'Etat propriétaire ont été convenablement ménagés dans la cession de l'hippodrome de Compiègne.

En d'autres termes, il s'agissait de savoir si cette vente a été conclue à un prix satisfaisant pour les finances publiques au minimum, le « juste prix », dont le montant correspondait à la valeur réelle du bien ; et, plus généralement, si cette vente a été réalisée dans le souci d'une bonne gestion du domaine de l'Etat, puisque c'est une forêt qui se trouvait a priori en cause.

2. Un enjeu légal

En second lieu, il y avait là un enjeu d'ordre légal . Votre rapporteure spéciale s'est en effet attachée à évaluer la solidité juridique de la transaction , et donc la régularité de la procédure suivie par l'administration.

Cette orientation du contrôle était motivée par le double constat que le ministère chargé du budget 3 ( * ) :

d'une part, a cru pouvoir faire l'économie d'une autorisation parlementaire pour mener à bien cette vente ;

d'autre part, n'a pas cherché à mettre la Société des courses de Compiègne en concurrence avec d'éventuels autres candidats à l'acquisition de l'hippodrome.

II. COMMENT CE CONTRÔLE A ÉTÉ MENÉ

A. LES TRAVAUX DE VOTRE RAPPORTEURE SPÉCIALE

Pour répondre au mieux aux deux séries d'interrogations précitées, votre rapporteure spéciale a mené les investigations suivantes :

dès le 11 octobre 2010, une audition de Daniel Dubost , chef du service France Domaine, puis deux questionnaires complémentaires qui lui ont été adressés, respectivement, le 14 octobre et le 5 novembre ;

le 21 décembre 2010, un contrôle sur pièces dans les locaux de France Domaine , au ministère chargé du budget, en présence de M. Dubost. Votre rapporteure spéciale a ainsi eu communication du dossier qui avait été préparé pour les besoins de la commission des requêtes de la Cour de justice de la République 4 ( * ) . Ce dossier comprend notamment, sur le sujet, la copie des documents produits par France Domaine (dont la note d'évaluation domaniale du terrain de l'hippodrome du Putois et l'acte de vente), des échanges écrits du service avec la Société des courses de Compiègne comme avec le cabinet du ministre chargé du budget, ainsi que des lettres échangées entre le ministère du budget et celui de l'agriculture ;

le 13 janvier 2011, l' audition de Pascal Viné , directeur général de l'ONF, qui fut le directeur de cabinet du ministre chargé de l'agriculture de juillet 2009 à novembre 2010, et a donc suivi, à ce titre, l'opération de cession de l'hippodrome de Compiègne ;

enfin, le 10 février 2011, un déplacement à Compiègne , sur le site de l'hippodrome du Putois, afin de visiter celui-ci et de conduire un entretien avec Antoine Gilibert , président de la Société des courses. À cette occasion, votre rapporteure spéciale a également procédé à l' audition des représentants du service local de France Domaine , dont son chef, Bernard Castaing, et l'agent qui a évalué, en 2009, l'immeuble vendu, ainsi que Jean Paraf, directeur départemental des finances publiques de l'Oise.

B. UN DOSSIER DEVENU EN PARTIE JUDICIAIRE

1. Deux instances en cours d'instruction

La cession de l'hippodrome de Compiègne se trouve actuellement visée, de façon indirecte, par deux instances judiciaires en cours d'instruction .

a) Une enquête de la CJR visant Eric Woerth

D'une part, la commission d'instruction de la Cour de justice de la République (CJR) a été saisie, le 13 janvier 2011, par le Procureur général près la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, afin d'enquêter sur une éventuelle prise illégale d'intérêts de M. Woerth dans cette vente. Cette saisine est intervenue à la suite de l'avis favorable à l'ouverture de l'enquête rendu par la commission des requêtes de la CJR.

On notera que les poursuites, en revanche, ne visent pas l'inculpation de favoritisme, qui avait également fondé la saisine de la commission des requêtes, en novembre 2010, par le Procureur général près la Cour de cassation. Ce dernier avait été saisi d'une plainte, qui alléguait les deux chefs d'accusation, formulée par six de nos collègues députés Christian Bataille, Jean-Louis Bianco, François Brottes, Henri Emmanuelli, Jean Glavany et Germinal Peiro , ainsi que Laurence Rossignol, vice-présidente du conseil régional de Picardie.

b) Une information du TGI de Paris sur plainte contre X

D'autre part, le tribunal de grande instance (TGI) de Paris , depuis la mi-janvier 2011 également, est chargé de l'information judiciaire ouverte à la suite de la plainte contre X qu'ont présentée les sept signataires susmentionnés de la plainte adressée au Procureur général près la Cour de cassation. Cette seconde plainte vise, dans le cadre de la cession de l'hippodrome, les délits suivants : abus d'autorité, complicité de prise illégale d'intérêts, trafic d'influence par personne dépositaire de l'autorité publique et par particulier et favoritisme , ainsi que, dans chaque cas, recel. Si l'instruction établissait des faits constitutifs de ces délits ou de l'un ou l'autre d'entre eux, il reviendrait au tribunal correctionnel d'en juger.

Cette information avait d'abord été ouverte par le parquet de Compiègne, à la fin du mois de décembre 2010, mais, comme ce parquet lui-même l'avait souhaité, l'affaire a été dépaysée, par la Cour de cassation, le 12 janvier 2011.

2. L'indifférence du contrôle à cet égard

Il est important de noter que le contrôle de votre rapporteure spéciale a été entrepris, d'ailleurs en accord avec nos collègues Jean Arthuis et Philippe Marini, respectivement Président et Rapporteur général de la commission des finances, plus de deux mois avant l'ouverture des poursuites judiciaires précitées. En effet, la dimension pénale du dossier n'est apparue, formellement, qu'à la fin du mois de décembre 2010, avec l'ouverture d'une information contre X, et à la mi-janvier 2011, avec la saisine de la commission d'instruction de la CJR, alors que les travaux de votre rapporteure spéciale étaient engagés depuis la première quinzaine d'octobre 2010.

En outre, il convient ici de préciser que ces investigations ont pu être menées à leur terme indépendamment de l'intervention des poursuites judiciaires , au regard de trois séries de considérations.

a) Le droit du contrôle budgétaire

D'abord, en l'état du droit, le pouvoir de contrôle du Parlement ne se trouve expressément borné que pour ce qui concerne les commissions d'enquête . Celles-ci, suivant l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, ne peuvent être créées, ou continuer leur travaux, sur des faits donnant lieu à des poursuites judiciaires.

Pour les autres cas, les textes sont muets sur ce point. Tel est notamment l' article 57 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances ( LOLF ), qui fonde la compétence de contrôle des rapporteurs spéciaux en les habilitant à « procéder à toutes investigations sur pièces et sur place, et à toutes auditions qu'ils jugent utiles ». Le texte ne formule pas de réserve à l'exercice de cette prérogative qui serait tirée de l'existence de poursuites judiciaires ; il ouvre seulement le droit :

d'une part, pour l'administration, de ne pas transmettre de document dont la communication mettrait en cause le respect du secret de l'instruction ;

d'autre part, pour les personnes convoquées aux fins d'audition, de refuser, sur le même motif, de divulguer certains éléments d'information couverts par le secret professionnel.

Mais aucune restriction de cette sorte n'a été opposée, dans le cours de son contrôle, à votre rapporteure spéciale. Au contraire, celle-ci estime avoir bénéficié de l'entière coopération des administrations sollicitées.

L'article 57 de la LOLF

« Les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances suivent et contrôlent l'exécution des lois de finances et procèdent à l'évaluation de toute question relative aux finances publiques. Cette mission est confiée à leur président, à leur rapporteur général ainsi que, dans leurs domaines d'attributions, à leurs rapporteurs spéciaux et chaque année, pour un objet et une durée déterminés, à un ou plusieurs membres d'une de ces commissions obligatoirement désignés par elle à cet effet. À cet effet, ils procèdent à toutes investigations sur pièces et sur place, et à toutes auditions qu'ils jugent utiles.

« Tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif qu'ils demandent, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l'administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat et du respect du secret de l'instruction et du secret médical, doivent leur être fournis.

« Les personnes dont l'audition est jugée nécessaire par le président et le rapporteur général de la commission chargée des finances de chaque assemblée ont l'obligation de s'y soumettre. Elles sont déliées du secret professionnel sous les réserves prévues à l'alinéa précédent. »

Source : Légifrance

b) Les précédents de la pratique parlementaire

Par ailleurs, il existe de nombreux précédents de contrôle parlementaire , sous la forme de missions d'information notamment, qui ont traité de faits occasionnant des poursuites judiciaires.

Un récent exemple de cette situation est fourni par le rapport produit en mai 2010 par la mission d'information constituée, par la commission de la défense de l'Assemblée nationale, sur « les circonstances entourant l' attentat du 8 mai 2002 à Karachi » 5 ( * ) . S'agissant de faits qui étaient indirectement visés par des poursuites judiciaires, on peut même citer le cas d'une commission d'enquête du Sénat : celle qui a publié, en novembre 1999, un rapport consacré à « la conduite de la politique de sécurité menée par l'Etat en Corse » 6 ( * ) .

c) La différence des approches

Enfin, il faut souligner que les instances judiciaires qui se rapportent actuellement à la cession de l'hippodrome de Compiègne sont loin de résumer tous les aspects de ce dossier. Aussi, elles restent bien distinctes des préoccupations qui ont justifié l'initiative de votre rapporteure spéciale en la matière, telles qu'elles ont été exposées ci-dessus l'enjeu patrimonial d'un côté, l'enjeu juridique de l'autre.

Les démarches ne se recoupent pas directement, et elles se recouvrent encore moins complètement. En effet, c'est à la qualité de la gestion, par l'Etat, de cette opération de cession que le contrôle a été consacré , et non pas à la recherche d'actes pénalement répréhensibles, qu'aurait pu commettre tel ou tel.

* *

*

C'est sous le bénéfice de ces précisions que la suite du présent rapport expose, d'abord, les constatations auxquelles votre rapporteure spéciale est parvenue en ce qui concerne la cession de l'hippodrome de Compiègne et, ensuite, les conclusions de portée générale qu'elle estime devoir retenir à l'issue de son examen de ce dossier.

PREMIÈRE PARTIE : LES CONSTATATIONS DE VOTRE RAPPORTEURE SPÉCIALE

De ses investigations, votre rapporteure spéciale retient, en synthèse, trois séries de constatations :

alors que la candidature à l'acquisition de l'hippodrome du Putois avait été formulée de longue date (dès 2000) par la Société des courses de Compiègne, la vente finalement conclue a été réalisée par l'administration, entre juin 2009 et mars 2010, avec une célérité manifeste ;

la procédure suivie pour cette cession a largement constitué une sorte de « bricolage » du ministère du budget, certaines options initiales étant modifiées in extremis . Or cette situation paraît consécutive au caractère douteux de la qualification juridique retenue pour le terrain cédé ;

le prix auquel la vente a été conclue, en dernière analyse, ne semble excessif ni dans un sens ni dans l'autre ; son montant reflète sans doute la valeur réelle de l'hippodrome, pour le peu d'éléments de comparaison dont on dispose sur le marché. Néanmoins, ce prix a été déterminé par une évaluation de France Domaine dont la méthode s'avère, pour le moins, discutable et qui, de fait, le rend sujet à débat malgré tout.

Chacun de ces points est successivement développé ci-après.

I. UNE INTENTION D'ACHAT FORMULÉE DE LONGUE DATE POUR UNE VENTE FINALEMENT RÉALISÉE AVEC CÉLÉRITÉ

La cession par l'Etat de l'hippodrome du Putois en faveur de la Société des courses de Compiègne est intervenue, en mars 2010, relativement tard, par rapport aux actes répétés de candidature à l'achat que l'association avait effectués dès l'année 2000. En revanche, à compter de la nouvelle demande d'acquisition formulée en mai 2009, les opérations se révèlent très rapides, malgré un dialogue interministériel difficile.

Il faut ici exposer les faits en suivant leur chronologie , telle que votre rapporteure spéciale l'a reconstituée.

A. UNE CESSION RELATIVEMENT TARDIVE PAR RAPPORT AUX PREMIÈRES DEMANDES D'ACQUISITION DE LA SOCIÉTÉ DES COURSES DE COMPIÈGNE

Depuis la fin du XIX e siècle , la Société des courses de Compiègne exploite l'hippodrome du Putois, ancien champ de manoeuvre jouxtant le parc du château. L'association, dans un premier temps, est un sous-locataire de la ville de Compiègne, elle-même locataire direct de l'Etat ; à compter des années 1910 , elle devient directement locataire de l'Etat, sur le fondement de conventions conclues avec l'Etat, et avec l'ONF à partir de la création de cet établissement en 1966.

Ces conventions portent autorisation d'occupation à titre onéreux, moyennant une redevance, et précaire, donc révocable. Elles sont régulièrement renouvelées. De la sorte, juridiquement, la Société des courses de Compiègne est titulaire d'une autorisation d'occupation du domaine de l'Etat.

1. Un premier échec en 2003

Dès 2000 et 2001 , l'association manifeste son souhait d'acquérir le terrain de l'hippodrome. Elle entend ainsi bénéficier d'une plus grande souplesse de gestion, alors qu'elle effectue d'importants investissements pour développer l'activité hippique du site notamment l'amélioration des pistes et la mise aux normes de sécurité, ainsi que la rénovation et l'entretien lourd des bâtiments.

À cette époque, l'autorisation d'occupation dont bénéficie la Société des courses est une convention de 1987, signée avec l'ONF, dont l'échéance est prévue au 31 mars 2001. L'association ne sollicite le renouvellement de cette convention qu'à défaut, préférant un achat.

L'affaire paraît traîner : l'association reformule son offre auprès du ministre chargé de l'agriculture en mai 2003 , alors que la convention d'occupation, arrivée à échéance depuis plus de deux ans, n'a toujours pas été renouvelée.

Cette offre d'acquisition est refusée par l'Etat en août 2003 . Ce refus est signifié à la Société des courses de Compiègne par une lettre du ministre chargé de l'agriculture , Hervé Gaymard, et motivé par « la législation concernant les forêts domaniales ». Toutefois, dans sa lettre, le ministre précise qu'« en revanche, un échange serait envisageable si la Société des courses offrait un terrain forestier de la même importance et d'une valeur suffisante » 7 ( * ) .

Or un tel échange n'est pas possible, en l'état du patrimoine foncier dont dispose alors la Société des courses. Aussi, la convention d'occupation est renouvelée, en novembre 2003 , avec effet rétroactif au 1 er avril 2001 et échéance au 31 mars 2010 .

On notera que la redevance demandée à l'association est fixée à 37 000 euros par an à compter du 1 er avril 2003, révisable à la hausse exclusivement, le 1 er avril 2004 pour la première fois puis tous les trois ans, en fonction de l'évolution de l'indice INSEE du coût de la construction. Par ailleurs, la sous-location pratiquée par la Société des courses à la Société du golf est expressément autorisée.

2. Un second échec en 2006

En janvier 2006 , la Société des courses de Compiègne forme une nouvelle proposition d'acquisition de l'hippodrome du Putois, cette fois par la voie d'un échange . À cet effet, l'association envisage l'acquisition d'un terrain forestier parmi une douzaine, qu'elle a identifiés dans différentes régions françaises dont la Picardie, mais aussi le Centre et les Ardennes.

Plusieurs réunions sur le sujet sont ensuite tenues entre la Société des courses et l'ONF.

Ainsi, en mars 2006 , il est indiqué à l'association, par l'ONF, que l'échange pourrait se faire sur la base d'un rapport de superficies de 1 à 5 soit environ 250 hectares de forêt en échange des près de 49 hectares de la parcelle cadastrale principale qu'occupe le site de l'hippodrome. L'acquisition aurait représenté une dépense de l'association à hauteur de 1,25 million d'euros environ.

Mais ce projet avorte. En effet, en août 2006 , une réunion entre les représentants de la Société des courses et le directeur général de l'ONF retient une autre solution, concrétisée en novembre 2006 : un avenant à la convention de 2003 proroge alors l'autorisation d'occupation jusqu'au 31 décembre 2021 .

En outre, le régime de la redevance fixé en 2003 est expressément inchangé , malgré les travaux d'extension du bâti qui seront réalisés dans le cadre d'un permis de construire accordé à la Société des courses au mois de septembre précédent. Le niveau de cette redevance s'établira ainsi, en 2009 , à 43 343 euros pour l'année, hors impôts fonciers lesquels représentent environ le quart de la redevance.

D'après les indications convergentes recueillies par votre rapporteure spéciale, c'est la perspective des échéances électorales de 2007 présidentielles et législatives qui a conduit l'administration à « geler » de la sorte le processus d'échange. Votre rapporteure spéciale relève cette prudence des services, voire leur « frilosité », en cette occurrence ; des considérations de nature politiques ont ainsi empêché l'opération d'aboutir sous la forme d'abord envisagée.

Source : France Domaine

B. UNE CESSION CONDUITE RAPIDEMENT À COMPTER DE LA NOUVELLE OFFRE D'ACHAT DE L'ASSOCIATION EN MAI 2009

1. Une procédure entreprise avec une exceptionnelle diligence

Le 15 mai 2009, la Société des courses de Compiègne manifeste à nouveau son intérêt pour une acquisition de l'hippodrome. Elle le signale dans une note d'intention , qu'elle adresse à notre ancien collègue Christian Patria, député de la quatrième circonscription de l'Oise, suppléant d'Eric Woerth, alors ministre chargé du budget.

M. Patria transmet la note d'intention de l'association à M. Woerth, et le ministre y donne suite . La procédure est alors commencée avec une exceptionnelle diligence .

Une annotation manuscrite portée par le ministre sur la note d'intention de la Société des courses, datée du 26 mai , demande au conseiller de son cabinet chargé de l'immobilier de l'Etat, Cédric de Lestrange : « m'en parler rapidement ».

La note d'intention ainsi annotée par le ministre est enregistrée à la direction générale des finances publiques (DGFiP) le 2 juin . En outre, le 4 juin , Antoine Gilibert, président de l'association, adresse une lettre au ministre chargé du budget , lui confirmant son souhait d'achat.

Le 22 juin , l'administration centrale du service France Domaine adresse à son service déconcentré de l'Oise une demande d'évaluation , pour connaître « un ordre de grandeur » de la valeur du site de l'hippodrome du Putois soit trois parcelles cadastrales, représentant une superficie de près de 57,1 hectares au total.

Composition cadastrale de l'hippodrome du Putois (Compiègne)

(en hectares)

Parcelle de terrain

Lieudit

Superficie

B n° 1027

Le Grand Parc

5,00

B n° 1214

Avenue Royale

3,18

B n° 1520

Avenue Thiers

48,91

Total : 57,09

Source : France Domaine

L'évaluation est remise dès le 10 juillet par l'évaluateur du service local, soit dix-huit jours seulement après la demande délai exceptionnellement bref, car la règle interne à France Domaine est de l'ordre de trente jours. Cette évaluation conclut à une valeur de l'hippodrome de 2,5 millions d'euros .

L'ONF est informé de la demande d'acquisition de la Société des courses de Compiègne par une lettre du service France Domaine en date du 22 juillet . L'Office se déclare alors « totalement défavorable à ce projet » ; cet avis est signalé au ministre chargé du budget par une note du 1 er septembre , signée par le directeur général des finances publiques, Philippe Parini.

Cependant, cette note fait également valoir que l'hippodrome du Putois, « bien qu'intégré à la forêt domaniale de Compiègne, ne constitue plus un bien "forestier" au sens strict du terme ». Elle indique qu'« au regard des objectifs généraux de rationalisation de la gestion de son patrimoine [ sic , pour le patrimoine de l'Etat] , France Domaine ne peut qu'être favorable au projet de cession d'un bien qui, compte tenu de sa destination, ne répond plus aux objectifs de la gestion forestière conduite par l'ONF ».

Le 16 octobre , le cabinet du ministre chargé du budget demande à France Domaine, par courrier électronique, de notifier à la Société des courses l' accord de l'Etat . À cette occasion, le cabinet décide qu'il n'est pas nécessaire de demander à nouveau son avis à l'ONF sur cette opération.

Par une lettre du 20 octobre , le chef du service France Domaine , Daniel Dubost, avise la Société des courses que l'Etat est d'accord sur sa proposition d'acquérir l'hippodrome. Cette lettre précise : « Bien qu'intégré à la forêt domaniale de Compiègne, ce bien ne constitue plus en effet un bien "forestier" au sens strict du terme. » Elle indique :

d'une part, de manière expresse, que la cession ne pourra être conclue qu' à la valeur domaniale du bien. Il n'est plus question d'échange de terrains, alors que cette hypothèse avait fait l'objet de discussions avancées, en 2006, entre la Société des courses et l'ONF ;

d'autre part, par référence au fondement juridique de l'opération (l'article R. 129-5 du code du domaine de l'Etat), que la cession sera réalisée de gré à gré , donc sans mise en concurrence 8 ( * ) .

Le 23 octobre , le trésorier-payeur général de l'Oise , Jean-Pierre Péry, informe la Société des courses, sur la demande de celle-ci, que la valeur domaniale de l'hippodrome du Putois s'élève à 2,5 millions d'euros. La décision de l'Etat est également notifiée à l'association par une lettre du ministre chargé du budget du 29 octobre , dont la copie est adressée au ministre chargé de l'agriculture, Bruno Le Maire, ainsi qu'à l'ONF.

À partir de là, un différend entre ministères se fait jour , dont la résolution difficile va retarder la conclusion de la vente.

2. Une divergence de vues entre ministères retardant la vente

Le 17 novembre 2009, le directeur de cabinet du ministre chargé de l'agriculture , Pascal Viné, adresse à son homologue auprès du ministre chargé du budget, Sébastien Proto, une lettre faisant valoir que la décision de céder l'hippodrome du Putois « est tout à fait contraire à la politique constante du ministère [de l'agriculture] en matière de gestion forestière ». La lettre, en effet, précise que l'hippodrome fait « partie intégrante de la forêt domaniale de Compiègne ».

À la place de la vente, le ministère de l'agriculture propose une nouvelle convention d'occupation temporaire , « de longue durée », entre l'ONF et la Société des courses de Compiègne, ou, « à défaut [...] , après analyse de la situation [...] , d' envisager une procédure d'échange ».

En réponse, par lettre du 26 novembre , le directeur de cabinet du ministre chargé du budget se dit « surpris » par cette analyse, et fait état, au contraire, d'un « accord oral » précédemment donné par le cabinet du ministre chargé de l'agriculture pour la vente de l'hippodrome. Il expose qu'« il ne s'agit plus [...] ici d'un bien à usage forestier . En effet, le champ de courses y a été construit depuis près de 150 ans. » Il considère que l'Etat ne peut revenir sur sa décision à l'égard de la Société des courses de Compiègne, et que la solution proposée par le ministère de l'agriculture « ne [...] semble pas adaptée ». Enfin, il écrit qu'« un tel revirement provoquerait en outre une forte réaction du sénateur-maire de Compiègne, qui soutient ce projet ».

Peu après, par délibération du 16 décembre 2009 , la communauté d'agglomération de Compiègne 9 ( * ) renonce à exercer son droit de priorité pour l'acquisition de l'hippodrome.

À la suite de l'échange épistolaire précité entre directeurs de cabinet, le 10 janvier 2010 , une réunion se tient entre les cabinets du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'agriculture , en présence d'une part de la direction du budget et de France Domaine, d'autre part de l'ONF. À cette occasion, l'idée d'un bail emphytéotique pour l'hippodrome du Putois est refusée par le cabinet du ministre chargé du budget. En revanche, le principe d'une affectation des produits de la vente à l'acquisition de terrains forestiers est retenu.

Le 12 janvier, une seconde réunion met en présence le service France Domaine d'un côté, et le ministère de l'agriculture et l'ONF de l'autre. Chacun y confirme son point de vue, et donc la divergence d'analyse. Une note au ministre chargé du budget du directeur général des finances publiques, le 20 janvier, expose l'analyse de France Domaine, qui se trouve détaillée dans une « fiche technique » jointe 10 ( * ) .

En définitive, c'est le 12 mars que le conflit entre les deux ministères se dénoue, lors d'une réunion « informelle » donc n'ayant pas donné lieu à l'établissement d'un « bleu » à l'hôtel de Matignon , tenue entre Cédric de Lestrange, conseiller chargé de l'immobilier de l'Etat au cabinet du ministre chargé du budget, Pascal Viné, directeur de cabinet du ministre de chargé l'agriculture, et Julien Dubertret, conseiller budgétaire au cabinet du Premier ministre.

En effet, lors de cette réunion, le conseiller du ministre du budget propose d'assortir la vente de l'hippodrome du Putois de deux éléments exceptionnels :

d'une part, comme convenu précédemment, les produits de cette vente seront affectés au ministère de l'agriculture, pour l' acquisition de terrains forestiers . Cette affectation, toutefois, sera opérée après déduction de 15 % au bénéfice du désendettement de l'Etat, conformément aux dispositions législatives 11 ( * ) ;

d'autre part, il est prévu d'introduire dans la convention de vente une clause d'affectation spécifique : pendant cinquante ans , le terrain cédé devra rester exclusivement affecté à l'usage d'hippodrome et, de façon accessoire, de golf, à peine de résolution de la vente. Cette stipulation contribuera notamment à préserver les abords de la forêt de Compiègne.

Le ministère de l'agriculture , dans ces conditions, ne s'oppose plus à l'opération et, dès lors, pour le cabinet du Premier ministre, il n'est pas besoin de procéder à un arbitrage interministériel. Votre rapporteure spéciale observe, d'ailleurs, que le ministre chargé de l'agriculture n'est jamais intervenu directement dans ce dossier : les échanges se sont déroulés entre cabinets.

3. La vente conclue en mars 2010

La situation se trouvant débloquée par la réunion précitée du 12 mars, quatre jours plus tard, le 16 mars , l' autorisation de cession de l'hippodrome du Putois est formalisée par un arrêté du ministre chargé du budget. Le lendemain, 17 mars , l' acte de cession est signé entre l'Etat et la Société des courses de Compiègne. Cette convention comporte notamment deux garanties importantes pour l'Etat :

en premier lieu, la clause d'affectation susmentionnée : la Société des courses s'engage, pour une durée de cinquante ans , soit jusqu'au 17 mars 2060, à ne pas affecter le terrain à un usage autre que celui d'hippodrome et, accessoirement, de golf. Le cas échéant, l'association devra faire reporter cette obligation dans les actes de ventes successifs du terrain, et rappeler son existence dans tous les contrats de location qu'elle y consentira. En cas de non respect de cette exigence, l'Etat pourra discrétionnairement demander la résolution de la vente, après une mise en demeure restée infructueuse au terme d'un délai de six mois. La vente ne serait donc pas résiliée ipso facto , mais en fonction de l'initiative de l'Etat ;

en second lieu, une clause de complément de prix , suivant le modèle désormais habituel dans les cessions importantes de l'Etat : en cas de nouvelle mutation de l'hippodrome dans les quinze ans suivant sa cession à la Société des courses, celle-ci devrait reverser à l'Etat 50 % de la plus-value , nette d'impôt, qu'elle réaliserait. Dans la note déjà citée que le directeur général des finances publiques a adressée au ministre chargé du budget, le 1 er septembre 2009, il était en effet précisé que, pour France Domaine, cette « clause d'intéressement aux plus-values constitue un élément totalement déterminant car l'évolution des règles d'urbanisme autorisant des constructions sur des parcelles de terrains faisant partie de ces 57 hectares en transformerait très profondément la valeur ».

De la sorte, la vente de l'hippodrome de Compiègne, à compter du moment où le ministère du budget a pris connaissance de l'intention d'achat de la Société des courses, soit fin mai 2009, a été bouclée en neuf mois et demi . Si un différend avec le ministère de l'agriculture n'était pas apparu en novembre 2009, on peut penser que la procédure n'aurait demandé que sept mois environ.

Quant au produit de la vente 2,5 millions d'euros , il a été enregistré sur le compte d'affectation spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » :

- 15 %, soit 375 000 euros , ont été affectés, suivant l'obligation légale précitée, au désendettement de l'Etat ;

- les 85 % restant, soit 2,125 millions d'euros , ont été affectés, comme prévu, à l'acquisition de terrains forestiers. L'ONF estime qu'elle pourra acheter environ 200 hectares grâce à cette somme : on réalisera donc à peu près le rapport de superficies de 1 à 5 souhaité par l'Office, en 2006, pour un échange de terrains.

II. UNE PROCÉDURE DE CESSION « BRICOLÉE » À LA SUITE D'UNE QUALIFICATION JURIDIQUE DOUTEUSE

Il revient à la justice, aujourd'hui, de trancher les aspects du dossier, dont elle est saisie, pouvant relever du droit pénal 12 ( * ) . Toutefois, les conditions de la cession de l'hippodrome de Compiègne sont également susceptibles de soulever de nombreuses questions de droit administratif . Votre rapporteure spéciale ne prétend pas y apporter de réponses définitives, qui relèveraient d'un juge. Du reste, alors que les instances judiciaires en cours ont été engagées sur le terrain répressif exclusivement, un recours devant la juridiction administrative aurait sans doute permis d'utiles clarifications.

Il faut cependant aborder ces questions dans le cadre du présent rapport, car leur existence est de nature à fragiliser la vente que l'Etat a conclue. Au demeurant, on notera que la décision précitée de la commission des requêtes de la CJR de ne pas retenir à l'encontre d'Eric Woerth, pour l'ouverture d'une information par la commission d'instruction de cette Cour, le délit de favoritisme, ne valide en rien la légalité de la procédure qui a été suivie par l'administration.

Au contraire, on va voir ci-après que le ministère du budget, et en particulier le service France Domaine, dans ce dossier, n'ont pas fait montre de beaucoup de rigueur juridique . Il s'avère, en effet, que la procédure de cession de l'hippodrome de Compiègne a largement été « bricolée » , adaptée « au fil de l'eau » en fonction des échanges entre ministères.

À partir de la chronologie précédemment détaillée, il convient ici de rappeler, en synthèse, les faits suivants :

en octobre 2009 , France Domaine entendait vendre, de gré à gré et à la valeur de l'estimation domaniale, un terrain dont le service jugeait qu'il avait de facto perdu son caractère forestier ;

en janvier 2010 , le ministère du budget a décidé, sans doute pour se concilier le ministère de l'agriculture, que le produit de cette vente serait affecté à l' acquisition de terrains forestiers . Les effets économiques de cette décision revenaient, en pratique, à ceux qu'aurait emportés la mise en oeuvre de l'échange de terrains que souhaitaient, depuis l'origine, l'ONF et le ministère de l'agriculture, lesquels considéraient l'hippodrome du Putois comme un bien forestier à part entière ;

enfin, en mars 2010 , la clause d'affectation exclusive du terrain à l'usage d'hippodrome pendant cinquante ans a été introduite dans l'acte de vente.

Ces adaptations successives de la procédure, réalisées entre pragmatisme et improvisation, ont à l'évidence résulté, sous l'angle pratique, de l'opposition initiale du ministère de l'agriculture. Néanmoins, sur le fond, elles apparaissent avant tout comme la conséquence du caractère douteux de la qualification juridique donnée à l'hippodrome du Putois par l'administration.

A. LES INCERTITUDES PORTANT SUR LA QUALIFICATION JURIDIQUE DE L'HIPPODROME

1. Le raisonnement contestable des administrations
a) Les arguments avancés

En cette matière, le ministère de l'agriculture et l'ONF ont eu le mérite d'une position constante. Selon leur analyse, l'hippodrome du Putois faisait partie intégrante de la forêt domaniale de Compiègne ; il s'ensuivait que le régime applicable au domaine forestier de l'Etat devait s'appliquer à l'hippodrome.

Le ministère du budget a soutenu un raisonnement plus nuancé, mais ambigu.

L'ambiguïté était présente dès la note sur cette affaire que le directeur général des finances publiques a signée, le 1 er septembre 2009, à l'attention du ministre chargé du budget, et la lettre que le chef du service France Domaine a adressée, le 20 octobre suivant, à la Société des courses de Compiègne, pour signifier à celle-ci l'accord de l'Etat à vendre. Ces documents ont été cités plus haut : « Bien qu'intégré à la forêt domaniale de Compiègne, ce bien ne constitue plus [...] un bien "forestier" au sens strict du terme . »

Mais le raisonnement se trouve pleinement exposé dans la « fiche technique » élaborée par France Domaine, déjà mentionnée ici également, jointe à la note du directeur général des finances publiques du 20 janvier 2010, qui visait à présenter au ministre chargé du budget l'analyse de ses services sur la procédure à suivre, après les réunions interministérielles intervenues les 10 et 12 du même mois 13 ( * ) .

Selon ce document, le terrain de l'hippodrome est bien « partie intégrante de la forêt domaniale de Compiègne », et « le fait que cette emprise ne soit plus affectée, depuis le XIX e siècle, à un "usage forestier" ne lui fait pas perdre sa qualification de bien relevant du "régime forestier" ». Ce premier point de l'analyse est celui auquel s'arrêtaient le ministère de l'agriculture et l'ONF.

Cependant, pour France Domaine, « l'utilisation de ce bien, depuis plus de 150 ans, à usage "d'hippodrome", permet de relativiser aujourd'hui sa destination à un usage en vue [sic] de la protection foncière nécessaire des forêts du domaine de l'Etat ». Et, un peu plus loin, on lit que « France Domaine ne remet pas en cause le fait que des parcelles "non plantées" continuent de relever du régime forestier. Mais cette analyse ne saurait faire obstacle à la nécessaire "respiration" du patrimoine forestier lorsqu'il est avéré, comme c'est le cas en l'espèce, que le maintien de l'affectation actuelle [c'est-à-dire l'usage d'hippodrome et de golf] est garanti et que la réversibilité à un usage proprement forestier [...] apparaît plus théorique que réelle. »

b) Des raisonnements fragiles

Sous l'aspect juridique , les deux analyses précitées paraissent contestables , tant celle du ministère de l'agriculture et de l'ONF que celle du service France Domaine.

La position de France Domaine est fragile dans la mesure où l'on peut considérer, alternativement :

soit que l'hippodrome du Putois constituait une dépendance forestière du domaine de l'Etat. Le régime des forêts domaniales lui était alors pleinement applicable ;

soit qu'il ne s'agissait pas d'une dépendance forestière. Un autre régime pouvait dès lors s'appliquer.

Mais on ne pouvait affirmer que l'hippodrome constituait une dépendance forestière et, ensuite, écarter l'application du régime qui doit découler de cette qualification juridique au motif de considérations d'opportunité en l'occurrence, une « nécessaire "respiration" du patrimoine forestier » de l'Etat.

La position du ministère de l'agriculture et de l'ONF, toutefois, semble également critiquable, et par suite le premier temps du raisonnement de France Domaine, qui la reprend à son compte. En effet, pour votre rapporteure spéciale, la qualification du terrain de l'hippodrome en tant que dépendance forestière se trouvait à la fois mal étayée et incomplète .

2. Les questions soulevées par votre rapporteure spéciale
a) Une parcelle forestière ou non ?

Dès le début de l'opération, l'administration le ministère du budget aussi bien que celui de l'agriculture a considéré comme allant de soi la qualification du terrain de l'hippodrome en tant que dépendance forestière du domaine de l'Etat. Interrogé sur ce point, l'ONF, pour justifier cette qualification juridique, produit le décret du 6 mai 1995 « fixant la liste des forêts et terrains à boiser ou à restaurer appartenant à l'Etat, dont la gestion et l'équipement sont confiés à l'Office national des forêts » 14 ( * ) . Ce texte vise, en effet, la forêt domaniale de Compiègne , y compris les trois parcelles cadastrales qui ont fait l'objet de la cession conclue en mars 2010 15 ( * ) .

Néanmoins, dès lors que c'est seulement l'hippodrome du Putois qu'il s'agissait de vendre, et non pas la forêt de Compiègne dans son ensemble, il convenait de distinguer entre le massif forestier global et la parcelle d'assiette de l'hippodrome , sans aligner automatiquement et in abstracto la qualification juridique de la partie sur celle du tout. La référence au décret précité du 6 mai 1995 suffit d'autant moins à établir la nature juridique de l'hippodrome qu'une qualification par détermination règlementaire reste contestable devant un juge auquel, le cas échéant, il reviendrait d'apprécier la réalité du terrain pour qualifier, éventuellement requalifier , comme il convient.

L'observation à laquelle votre rapporteure spéciale a pu procéder en se rendant sur place conduit plutôt à refuser la qualification de « forêt » au terrain de l'hippodrome du Putois. Le site ne correspond guère à ce que l'on peut attendre d'une parcelle forestière : les arbres couvrent, au mieux (au jugé) 5 % à 10 % du terrain , compte tenu d'un « rideau » d'arbres qui sépare le champ de courses d'une partie du golf. L'hippodrome se trouve en lisière de la forêt de Compiègne proprement dite, mais il ne se confond pas avec elle ; l'assimilation apparaît donc discutable.

Au surplus, avant même d'être transformé en hippodrome, au XIX e siècle, ce site constituait un champ de manoeuvre , dont la nature est contradictoire avec celle d'un terrain densément boisé. De fait, selon le témoignage de la Société des courses de Compiègne recueilli par votre rapporteure spéciale, l'ONF n'intervenait guère sur ce terrain.

b) Une dépendance du domaine privé ou du domaine public de l'Etat ?

Il reste à se demander si l'hippodrome du Putois constituait, avant sa cession, une dépendance du domaine privé ou du domaine public de l'Etat . C'est une question que l'administration, apparemment, ne s'est jamais posée : ni le ministère du budget, et en particulier France Domaine, pourtant le service qui « incarne » l'Etat propriétaire ; ni le ministère de l'agriculture, ou l'ONF, bien que ce dernier soit l'établissement gestionnaire des forêts domaniales.

Cette situation ne laisse pas d'étonner, car la question est fondamentale. Pour mémoire, en effet, le domaine privé de l'Etat constitue un patrimoine en principe librement cessible par l'administration, tandis que le domaine public est régi, au contraire, par un principe d'inaliénabilité visant à garantir sa protection : il ne peut normalement faire l'objet de cessions, sauf à recourir à une procédure de déclassement - acte qui doit reposer sur une réalité matérielle des biens concernés - ou, à défaut, à passer par l'autorisation d'une loi.

Or les critères du domaine public , fixés par une jurisprudence constante depuis longtemps et aujourd'hui repris aux articles L. 2111-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP), paraissent avoir été pleinement remplis par le terrain en cause :

d'une part, l'hippodrome du Putois constituait une propriété publique , celle de l'Etat ;

d'autre part, il se trouvait affecté à l'utilité publique , et même à un usage direct du public , au titre d'hippodrome précisément, ainsi que de golf.

C'est selon les mêmes critères que le juge administratif, par le passé, a reconnu pour des dépendances du domaine public, notamment, des promenades publiques 16 ( * ) , le stade municipal de Toulouse 17 ( * ) , ou encore le bois de Vincennes 18 ( * ) .

Il demeure indifférent pour cette analyse que l'aménagement de l'hippodrome ait été réalisé par la Société des courses de Compiègne, titulaire d'une autorisation d'occupation, et non directement par l'Etat. De même, la circonstance que la loi aujourd'hui, l'article L. 2212-1 du CGPPP répute faire partie du domaine privé les « bois et forêts des personnes publiques relevant du régime forestier » ne neutralise pas ipso facto la qualification d'une parcelle forestière en dépendance du domaine public : encore faut-il que cette parcelle relève effectivement du régime forestier, dont l'article L. 111-1 du code forestier définit l'applicabilité en fonction de critères dans lesquels il semble difficile de faire entrer le site de l'hippodrome du Putois. Ce dernier, en effet, ne constituait, notamment, ni une forêt, comme on l'a vu, ni un terrain à boiser ou reboisé par l'Etat 19 ( * ) .

On peut donc penser que, quelle que fût la nature exacte de l'hippodrome du Putois en termes « forestiers », il s'agissait d'un bien relevant du domaine public de l'Etat. Comme tel, ce terrain ne pouvait être légalement cédé qu'en vertu d'une loi , puisqu'un déclassement en domaine privé, acte de constat et non décisoire, qui revenait à l'initiative de l'administration, n'était pas possible tant que les divers aménagements qui permettent un usage par le public allées, tribunes, parcours de golf, etc. restaient en place.

B. LES QUESTIONS DIRECTEMENT RELATIVES À LA PROCÉDURE SUIVIE POUR LA VENTE

Dans la suite des présents développements, votre rapporteure spéciale va supposer acquise pour l'hippodrome de Compiègne la qualification de parcelle forestière , que l'administration a retenu de façon explicite, et de dépendance relevant du domaine privé de l'Etat, donc aliénable, qui a été retenue implicitement. Sous cette double hypothèse, on débouche sur deux questions de procédure :

pouvait-on céder l'hippodrome sans faire appel à la loi ?

pouvait-on préférer une vente de gré à gré à un appel d'offres ?

1. La possibilité de céder sans autorisation législative ?

Le domaine privé forestier de l'Etat se trouve soumis à un régime spécial d'aliénabilité.

Traditionnellement, il est admis que l'échange d'un terrain forestier domanial contre un autre terrain forestier est possible , sur le fondement de l'article R. 78 du code du domaine de l'Etat lequel dispose que, pour tous les biens du domaine privé, « l'échange est autorisé par le préfet, sur proposition du directeur des services fiscaux. Celui-ci détermine la valeur des immeubles dont l'échange est envisagé et fixe, s'il y a lieu, le montant de la soulte. »

Cette procédure, comme on l'a vu, était en l'occurrence proposée par l'ONF et le ministère de l'agriculture, en faveur de la Société des courses de Compiègne, dès le début de l'opération, ainsi qu'en 2003 et en 2006 20 ( * ) , mais elle a été écartée par le ministère du budget , qui refusait de voir dans l'hippodrome du Putois un bien forestier « authentique ». Comme on l'a signalé, l'affectation des produits de la vente à l'acquisition de terrains forestiers, telle qu'elle a finalement été décidée, revient, en pratique, à peu près aux mêmes effets qu'une procédure d'échange.

La cession stricto sensu de forêts domaniales , quant à elle, n'est possible, en principe, que par la loi , comme le prévoit l'article L. 3211-5 du CGPPP, sauf à se trouver dans les cas d'exceptions prévus par cet article.

En dehors de l'hypothèse d'une expropriation pour cause d'utilité publique, trois conditions sont ainsi exigées pour procéder à la vente de forêts domaniales sans recourir à la loi :

les forêts considérées doivent présenter une superficie de moins de 150 hectares ;

elles ne doivent pas se trouver nécessaires à la préservation de certains enjeux écologiques : « ni au maintien et à la protection des terrains en montagne, ni à la régularisation du régime des eaux et à la protection de la qualité des eaux, ni à l'équilibre biologique d'une région ou au bien-être de la population » ;

leur exploitation doit s'avérer déficitaire , les produits ne couvrant pas les charges de gestion.

L'article L. 3211-5 du code général de la propriété des personnes publiques

« Les bois et forêts de l'Etat ne peuvent être aliénés qu'en vertu d'une loi.

« Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, l'Etat peut dans les conditions précisées par décret en Conseil d'Etat procéder à la vente des bois et forêts qui satisfont aux conditions suivantes :

« 1° Etre d'une contenance inférieure à 150 hectares ;

« 2° N'être nécessaires ni au maintien et à la protection des terrains en montagne, ni à la régularisation du régime des eaux et à la protection de la qualité des eaux, ni à l'équilibre biologique d'une région ou au bien-être de la population ;

« 3° Et dont les produits tirés de leur exploitation ne couvrent pas les charges de gestion.

« Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, les bois et forêts de l'Etat compris dans le périmètre d'une déclaration d'utilité publique sont cédés conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 12-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dans les conditions précisées par décret en Conseil d'Etat. »

Source : Légifrance

Or, pour l'hippodrome de Compiègne, seule la deuxième condition précitée, tenant aux considérations environnementales, était clairement satisfaite .

a) En ce qui concerne la condition relative à la superficie de la forêt

La première condition « être d'une contenance inférieure à 150 hectares » est matière à débat , en raison de l'incertitude de l'interprétation à donner au texte de l'article L. 3211-5 du CGPPP.

La superficie de 150 hectares doit-elle être entendue comme celle de la parcelle qui fait l'objet de la cession ? Dans cette hypothèse, la situation du terrain de l'hippodrome du Putois (57,1 hectares) permettait bien à l'administration de se dispenser d'une autorisation législative pour procéder à la vente. C'est en effet l'interprétation qu'a privilégiée France Domaine, comme l'expose la « fiche technique », précitée, établie par le service en janvier 2010.

Ou bien la référence aux 150 hectares vise-t-elle l'ensemble de la forêt domaniale dont relève la parcelle cédée ? Dans cette seconde hypothèse, il fallait rapporter la condition à la forêt de Compiègne, laquelle s'étend sur 140 000 hectares environ ; et par conséquent la cession de l'hippodrome n'était pas possible sans passer par la loi.

Il s'avère difficile de trancher entre ces deux interprétations possibles. D'une part, l'article L. 3211-5 du CGPPP prévoit l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat, afin de préciser les conditions dans lesquelles l'Etat, le cas échéant, peut procéder à des cessions forestières sans autorisation législative ; mais le projet de ce décret, qui se trouve encore en cours d'adoption, ne clarifie rien sur ce plan. D'autre part, et surtout, l'article résulte, comme toute la partie législative du CGPPP, d'une ordonnance du 21 avril 2006 21 ( * ) . On ne dispose donc pas de travaux préparatoires qui permettraient de rechercher « l'intention du législateur » .

Si l'on se reporte à l'ancien article L. 62 du code du domaine de l'Etat, disposition aujourd'hui abrogée à laquelle l'article L. 3211-5 du CGPPP a succédé, on observe que cette ancien état du droit, légèrement différent du droit en vigueur sur le fond, mentionnait déjà la condition des 150 hectares, suivant une rédaction qui faisait plus clairement apparaître qu'elle se rapportait à une forêt dans son ensemble, et non à telle parcelle qu'il se serait agi d'en céder : « Les bois et forêts domaniaux ne peuvent être aliénés qu'en vertu d'une loi. Toutefois, il peut être procédé, dans la forme ordinaire, à la vente des bois domaniaux d'une contenance moindre de 150 hectares qui ne pourraient pas supporter les frais de garderie et qui ne sont pas nécessaires pour garantir les bords des fleuves, torrents et rivières et sont séparés et éloignés d'un kilomètre au moins des autres bois et forêts d'une grande étendue . »

L'ordonnance de 2006 a-t-elle entendu modifier, à cet égard, le droit antérieur 22 ( * ) ? Quoiqu'il en soit, on ne trouve pas de jurisprudence en la matière.

Le service France Domaine a simplement choisi de retenir l'interprétation qui facilitait sa gestion .

b) En ce qui concerne la condition afférente au caractère déficitaire de l'exploitation

La troisième condition posée par l'article L. 3211-5 du CGPPP, relative au caractère déficitaire de l'exploitation forestière, pour sa part, a été considérée par France Domaine , dans la « fiche technique » précitée de janvier 2010, comme « sans objet au cas particulier » de l'hippodrome du Putois, du fait de l'absence d'exploitation forestière sur ce terrain. Pourtant, les trois conditions de l'article L. 3211-5 sont rédigées sans ambiguïté comme cumulatives . On ne voit donc pas comment l'une d'entre elle pourrait être « sans objet » et, si elle n'est pas remplie, tenue pour caduque.

Le ministère de l'agriculture, de son côté, estimait en effet que cette troisième condition n'était pas satisfaite, car l'occupation à titre onéreux de l'hippodrome par la Société des courses de Compiègne constituait de fait, pour l'ONF, une source de revenus sous la forme de la redevance annuellement acquittée par l'association, soit plus de 43 300 euros en 2009.

C'est donc en forçant sensiblement l'interprétation de l'article L. 3211-5 du CGPPP que les services du ministère du budget ont pu se fonder sur cette disposition pour faire l'économie d'une autorisation législative à la cession de l'hippodrome.

2. L'opportunité d'une cession de gré à gré ?

La légalité du recours à une procédure de cession de gré à gré , par préférence à un appel d'offres et donc sans mise en concurrence de la Société des courses de Compiègne avec d'autres éventuels candidats à l'acquisition de l'hippodrome, paraît, quant à elle, plus solide . En la matière, en effet, le ministère du budget a pu s'appuyer sur les dispositions du 5° de l'article R. 129-5 du code du domaine de l'Etat, qui permettent de recourir à une cession à l'amiable « lorsque les conditions particulières d'utilisation de l'immeuble le justifient ».

Dans la note, déjà citée, que le directeur général des finances publiques a adressée au ministre chargé du budget en date du 1 er septembre 2009, l'administration avait bien fait valoir que « la cession envisagée ne peut s'opérer que selon les modalités définies par le code du domaine de l'Etat, selon la procédure d'appel d'offres après mise en oeuvre du droit de priorité de la commune. Il pourrait toutefois, en faisant une interprétation extensive de l'article R. 129-5-5° du code du domaine de l'Etat, être considéré qu' eu égard à la nature du bien et aux conditions particulières d'utilisation de l'immeuble ( et le fait que les investissements ont été financés exclusivement par cette société [ sic , pour association] [les] tribunes en particulier), une cession de gré à gré au profit de la Société des courses de Compiègne pourrait être envisagée . »

Outre les éléments ainsi mis en avant aménagement du terrain pour des activités hippiques et golfiques, financement des investissements par la Société des courses d'autres considérations encore pouvaient justifier de recourir à la procédure dérogatoire du gré à gré, à commencer par la situation particulière du terrain . Celui-ci, en effet, se trouve non seulement enclavé , situé en lisière de la forêt ; il est aussi classé, par le plan local d'urbanisme de Compiègne, dans une zone protégée , qui correspond à des sites susceptibles d'accueillir des activités de loisir et de tourisme, dont les activités équestres, et grevé de lourdes interdictions de construire , du fait de la proximité tant de la forêt que du château. En outre, la circonstance que la Société des courses de Compiègne bénéficiait d'une autorisation d'occuper l'hippodrome jusqu'à la fin 2021 n'était certainement pas de nature à susciter des compétiteurs à l'acquisition.

Néanmoins, pour votre rapporteure spéciale, l'opportunité du choix de recourir à une procédure de cession sans mise en concurrence reste discutable .

D'abord, il n'est pas assuré que d'autres investisseurs ne seraient pas entrés en lice à la faveur d'un appel d'offres , décidant de parier sur le moyen terme après 2021 au vu de la situation prestigieuse du bien mis en vente, situé entre la ville et la forêt de Compiègne et jouxtant le parc du château.

Surtout, le recours à la procédure de droit commun des ventes immobilières de l'Etat aurait évidemment constitué « un puissant facteur de clarification et de transparence de l'opération » suivant les termes d'une « note blanche » adressée au cabinet du ministre chargé du budget, le 16 mars 2010 soit la veille de la signature de l'acte de vente de l'hippodrome , par Philippe Dumas et Yves Bonnet, membres de la commission pour la transparence et la qualité des cessions du domaine immobilier de l'Etat, dubitatifs sur les modalités de cession choisies par le ministère dans ce dossier. Même si cet appel d'offres n'avait débouché que sur la candidature de la Société des courses de Compiègne et une proposition de prix d'un niveau inférieur à l'évaluation domaniale de l'hippodrome, et quitte à procéder de gré à gré après cette consultation infructueuse, l'incontestabilité de la vente s'en fût trouvée mieux garantie .

III. UNE ÉVALUATION DONT LA MÉTHODE DISCUTABLE A RENDU LE PRIX DE LA VENTE SUJET À DÉBAT

Il est frappant que, dans les échanges pourtant vifs qui ont eu lieu entre le ministère de l'agriculture et celui du budget au sujet de la cession de l'hippodrome de Compiègne, seule la question de la légalité de la procédure suivie a été en cause, et jamais le niveau du prix demandé à l'acquéreur. Il y a pourtant lieu qu'on s'arrête un moment sur cet aspect du dossier, car le prix de la vente a été déterminé par une évaluation de France Domaine dont la méthode s'avère, à tout le moins, discutable .

A. LA MÉTHODE D'ÉVALUATION MISE EN oeUVRE PAR FRANCE DOMAINE

1. Description

Le service déconcentré de France Domaine dans l'Oise, lorsqu'il a dû procéder à l'évaluation de l'hippodrome du Putois, en juillet 2009, pour donner à son administration centrale l'« ordre de grandeur » que celle-ci lui demandait 23 ( * ) , s'est heurté à l' absence de précédent : la cession d'un hippodrome, manifestement, est une rareté ; il n'existe pas de marché actif. L'agent évaluateur ne disposait donc pas de prix de marché de référence .

Aussi, pour fonder son évaluation, cet évaluateur a utilisé les données du marché des terrains de golf en Île-de-France ou à proximité (dans l'Ain, l'Oise, la Seine-et-Marne, le Val d'Oise et les Yvelines), sur les vingt années précédentes (depuis 1990). Il a effectué une moyenne arithmétique des prix enregistrés pour huit ventes (Baillet-en-France, Feucherolles, Guyancourt, Lésigny, Le Tremblay-sur-Mauldre, Monthieux, Raray, Vineuil-Saint-Firmin), parvenant ainsi à un prix moyen du mètre carré de 4,5 euros .

En appliquant ce prix moyen à la surface de l'hippodrome (57,1 hectares), l'évaluateur est parvenu à une estimation de la valeur du bien de près de 2,57 millions d'euros , somme qu'il a « arrondie » à 2,5 millions .

2. Discussion

La méthode précitée prête à quatre critiques.

a) Le défaut d'éléments de comparaison directs sur le marché

En premier lieu, comme il vient d'être indiqué, l'évaluateur a été contraint de se fonder sur des éléments de comparaison approximatifs : les précédents relevés sur le marché des golfs, faute de marché des hippodromes. Il est vrai que l'hippodrome de Compiègne est aménagé en golf, mais cette activité est accessoire, les courses hippiques constituant la vocation première du site.

b) Le caractère grossier du calcul d'un prix moyen

En deuxième lieu, pour déterminer un prix moyen du mètre carré, l'évaluateur a intégré dans son calcul, sans aucune mesure de pondération :

des terrains très divers : en particulier, sur certains se trouvaient des hôtels (à Guyancourt et à Vineuil-Saint-Firmin), pas sur les autres ;

des dates de vente étalées dans le temps : sur la période d'une vingtaine d'années, les prix ont naturellement évolué ;

des circonstances de vente variées : les ventes recensées se sont souvent négociées de particulier à particulier, mais des cessions entre collectivités publiques figuraient aussi dans la liste (l'établissement public d'aménagement de Saint-Quentin-en-Yvelines et la communauté d'agglomération de Saint-Quentin pour le golf de Guyancourt, la Caisse des dépôts et consignations et le département de la Seine-et-Marne pour le golf de Lésigny).

Les prix relevés, de fait, s'étalaient d'un euro du mètre carré (à Lésigny, en 1997) à 7,8 euros du mètre carré (au Tremblay-sur-Mauldre, en 2000).

Les ventes de terrains de golf prises en considération par France Domaine pour estimer la valeur de l'hippodrome de Compiègne

(en euros)

Golf

Année de la vente

Prix du mètre carré

Baillet-en-France (Val d'Oise)

2000

2,50

Feucherolles (Yvelines)

2003

3,07

Guyancourt (Yvelines)

2004

7,19

Lésigny (Seine-et-Marne)

1997

1,00

Le Tremblay-sur-Mauldre (Yvelines)

2000

7,80

Monthieux (Ain)

1999

2,30

Raray (Oise)

1990

4,50

Vineuil-Saint-Firmin (Oise)

2000

7,70

Source : France Domaine

Certes, la « commande » passée à l'évaluateur par son administration centrale était celle d'un « ordre de grandeur » seulement, pour la définition duquel un calcul relativement grossier pouvait paraître suffire ce qui peut justifier, d'ailleurs, un arrondi de 2,57 millions d'euros à 2,5 millions, plutôt qu'à 2,6 millions. Toutefois, c'est cet « ordre de grandeur » qui, en octobre 2009, est devenu le prix exact demandé par le ministère du budget à la Société des courses de Compiègne pour l'acquisition de l'hippodrome.

c) La non-prise en compte du bâti de l'hippodrome

En troisième lieu, l'évaluateur n'a expressément estimé que la valeur du terrain d'assiette de l'hippodrome du Putois, et non celle des bâtiments qui s'y trouvent. Le service France Domaine justifie ce choix en faisant valoir que ces bâtiments, à la date de l'évaluation, constituaient la propriété de la Société des courses de Compiègne, non celle de l'Etat.

Cependant, votre rapporteure spéciale relève que la convention d'occupation de 2003, révisée en 2006, qui liait l'Etat et l'association, ne conférant à cette dernière qu'une autorisation précaire et révocable, prévoyait que, si elle devait se trouver résiliée, le bâti devenait la propriété de l'Etat .

d) L'absence d'expertise complémentaire

Somme toute, on peut juger que cette évaluation n'a pas lésé les intérêts patrimoniaux de l'Etat , et qu'elle reflète peu ou prou la valeur réelle de l'hippodrome du Putois, si l'on considère, non seulement la moyenne précitée du prix de vente de terrains de golf en Île-de-France et à proximité, mais encore que le montant de 2,5 millions d'euros représentait plus de cinquante années de la redevance (43 300 euros en 2009) exigée de la Société des courses de Compiègne pour occuper le site. Le prix auquel la cession de l'hippodrome a été conclue, en dernière analyse, n'est ni manifestement trop faible, ni manifestement trop élevé.

Il reste que la méthode de l'évaluation, prêtant à discussion, rend le prix ainsi déterminé sujet à caution lui-même. Aussi, il est regrettable que France Domaine n'ait pas sollicité l'avis d'un consultant extérieur , expert professionnel de l'immobilier, comme cela était possible au service.

Cette démarche avait pourtant été recommandée dans la note du directeur général des finances publiques au ministre chargé du budget, déjà citée, datée du 1 er septembre 2009, en lien avec l'hypothèse d'une cession sans mise en concurrence : « l'éventualité de la vente du bien à l'amiable de gré à gré rend d'autant plus indispensable de recourir à une expertise privée pour établir la valeur de ce bien afin de ne pas confondre les fonctions de vente et d'évaluation. Cette expertise n'interdit pas au contraire qu'elle intervienne en complément de l'expertise qui sera demandée par le service local du domaine. » Mais l'option n'a pas été retenue .

B. L'INTERVENTION POSTÉRIEURE DE LA CLAUSE D'AFFECTATION DU TERRAIN

Il convient d'observer qu'un aliment supplémentaire du doute frappant, malgré tout, le caractère « juste » du prix auquel la vente de l'hippodrome de Compiègne a été conclue, tient au fait que la clause d'affectation du terrain , pendant cinquante ans, à l'usage exclusif d'hippodrome et, accessoirement, de golf 24 ( * ) , a été insérée dans l'acte de vente, en mars 2010, sans influencer ce prix .

En effet, l'évaluation de l'immeuble a été pratiquée par le service local de France Domaine en juillet 2009, c'est-à-dire à une époque où l'idée d'une telle clause, de nature à assurer la protection du site et, le cas échéant, à préserver les intérêts patrimoniaux de l'Etat, n'avait pas même été esquissée. Cette clause, qui aurait logiquement dû peser à la baisse sur le prix, a donc été fixée postérieurement à ce dernier, et est resté parfaitement indifférent à sa formation.

Votre rapporteure spéciale ne peut que s'en étonner.

SECONDE PARTIE : LES CONCLUSIONS DE VOTRE RAPPORTEURE SPÉCIALE

L'examen des conditions dans lesquelles s'est déroulée la cession de l'hippodrome de Compiègne constitue, pour votre rapporteure spéciale, l'occasion de tirer plusieurs conclusions de portée générale . Elle en retient deux séries, qui visent les aspects juridiques des cessions immobilières de l'Etat d'abord, les enjeux patrimoniaux de l'Etat propriétaire ensuite.

I. EN CE QUI CONCERNE LES ASPECTS JURIDIQUES DES CESSIONS IMMOBILIÈRES DE L'ETAT

Pour ce qui touche aux aspects juridiques, le cas de la cession de l'hippodrome de Compiègne appelle l'attention sur deux points : d'une part, la nécessité d'améliorer les textes relatifs à certaines cessions domaniales ; de l'autre, l'opportunité d'une expertise pour certains biens que l'Etat entend vendre.

A. LA NÉCESSITÉ D'UNE AMÉLIORATION DES TEXTES RELATIFS À CERTAINES CESSIONS

1. Le régime de la cession des forêts domaniales

Tout d'abord, il ressort des analyses précédentes 25 ( * ) un besoin d' améliorer la qualité juridique du régime des cessions de forêts du domaine de l'Etat .

a) La rédaction des conditions permettant une cession sans autorisation législative

En premier lieu, il est manifestement nécessaire de clarifier la rédaction de l'article L. 3211-5 du CGPPP , qui concerne les cessions au sens strict - la vente, non l'échange - de forêts domaniales, quant aux conditions permettant de procéder à une vente de celles-ci sans recourir à la loi. À cet égard, en particulier, il serait opportun de rédiger sans ambiguïté la condition ci-dessus présentée tenant à la superficie maximale de 150 hectares des forêts en cause.

Conformément à la logique de protection de la forêt domaniale inhérente à l'article L. 3211-5, il conviendrait de préciser que cette référence des 150 hectares est à appliquer au massif forestier dans lequel se situe la parcelle considérée pour une vente, et non à cette parcelle elle-même sans quoi, en théorie, l'administration pourrait librement « dépecer » les forêts domaniales, en les vendant par morceaux. Cette interprétation, du reste, ne ferait que confirmer l'état de la législation antérieur à l'ordonnance du 21 avril 2006, tel que votre rapporteure spéciale l'a évoqué déjà : la rédaction de l'ancien article L. 62 du code du domaine de l'Etat était plus claire que le droit en vigueur.

b) Le fondement de la procédure d'échange

En second lieu, il semble également opportun de réfléchir au renforcement du fondement juridique de la procédure d'échange de terrains forestiers - dont il y a d'ailleurs fort à parier que, si elle avait été la solution retenue pour l'acquisition de l'hippodrome du Putois par la Société des courses de Compiègne, on n'aurait jamais entendu parler de cette affaire.

L'ONF, certes, pratique couramment de tels échanges. Cependant, il le fait à partir d'une base légale de portée générale - l'article R. 78, déjà cité, du code du domaine de l'Etat. Or ce point pourrait être discuté, car il s'agit d'une disposition applicable à tous les biens domaniaux aliénables, alors que les forêts domaniales font précisément l'objet, comme on l'a vu, d'un régime spécial d'aliénabilité.

2. Les conditions du recours aux cessions de gré à gré

Par ailleurs, les circonstances de la cession de l'hippodrome de Compiègne font apparaître l'utilité qu'il y aurait à envisager une définition plus stricte des cas dans lesquels il peut être procédé à une cession de gré à gré de biens domaniaux, par dérogation à la règle de l'appel d'offres, sans mise en concurrence.

L'hypothèse légale qui a été mise en oeuvre ici la cession à l'amiable « lorsque les conditions particulières d'utilisation de l'immeuble le justifient », qu'autorise le 5°, déjà cité, de l'article R. 129-5 du code du domaine de l'Etat - se trouve formulée d'une manière très vague. Cette rédaction, de fait, laisse à l'administration une grande latitude d'appréciation pour décider de recourir à la procédure dérogatoire. Aux yeux de votre rapporteure spéciale, elle paraît en vérité bien trop floue pour servir de réel garde-fou aux tentations de facilité ou aux risques de négligence, toujours possibles.

B. L'OPPORTUNITÉ D'UNE EXPERTISE VISANT CERTAINS BIENS À CÉDER

Quant à l'opportunité de procéder à une expertise juridique spécifique pour certains biens domaniaux à céder , elle vise notamment, dans l'esprit de votre rapporteure spéciale, la liste de 1 700 biens immobiliers associée au plan pluriannuel de cessions que le ministère du budget a rendu public en juin 2010. Il serait judicieux que, parmi ces immeubles, le service France Domaine identifie les cas potentiellement difficiles ou délicats , eu égard à la nature ou à la situation particulière des biens, de sorte que le Gouvernement, au besoin, demande l'avis du Conseil d'Etat sur le régime applicable pour leur cession.

Une telle consultation aurait été fort bienvenue dans le cas de l'hippodrome de Compiègne. Elle serait encore utile, notamment, pour les maisons forestières , nombreuses, que l'ONF a mises sur le marché et dont France Domaine est chargé d'organiser la vente. Ces immeubles, en effet, se trouvent souvent enclavés au sein des forêts domaniales, ou implantés à leur lisière. De fait, le directeur départemental des finances publiques de l'Oise, Jean Paraf - qui n'était pas en fonction lors de la vente de l'hippodrome -, auditionné par votre rapporteure spéciale, a indiqué sa décision de « geler » les procédures de cession en cours des maisons forestières du département, dans l'attente d'un éclaircissement de leur situation juridique.

D'une manière générale, le recours à cette expertise juridique mettrait le service France Domaine en mesure de donner suite, dans les conditions de fiabilité qui conviennent, aux annonces ambitieuses de la communication gouvernementale relative à la politique de cessions immobilières de l'Etat.

II. EN CE QUI CONCERNE LES ENJEUX PATRIMONIAUX DE L'ÉTAT PROPRIÉTAIRE

Sous l'angle patrimonial, l'examen de la cession de l'hippodrome de Compiègne conduit votre rapporteure spéciale à retenir deux leçons.

A. LE SAVOIR-FAIRE DE FRANCE DOMAINE EN QUESTION

En premier lieu, dans la mesure où la méthode d'évaluation qui a été mise en oeuvre pour ce cas s'avère, comme l'a développé votre rapporteure spéciale, amplement critiquable 26 ( * ) , le dossier illustre à nouveau le besoin de professionnalisation du service France Domaine , maintes fois noté déjà. Au demeurant, si les évaluations domaniales bénéficiaient, en général, d'une meilleure réputation de fiabilité, celle de l'hippodrome de Compiègne n'aurait pas été aussi fortement suspectée.

On peut s'étonner que France Domaine n'ait pas fait appel, en l'occurrence, à une expertise privée , laquelle aurait permis de corriger ou de conforter celle du service, en l'absence de termes de comparaison exacts sur le marché - comme le préconisait, d'ailleurs, la note précitée du 1 er septembre 2009, adressée par le directeur général des finances publiques au ministre chargé du budget. Cette évaluation complémentaire n'était peut-être pas indispensable pour fournir un « ordre de grandeur », dans un premier temps ; mais elle paraissait fort recommandable dès lors que le ministère du budget s'apprêtait à retenir cette donnée pour le montant du prix demandé à la Société des courses de Compiègne. Deux avis ne valaient-ils pas mieux qu'un ; ou fallait-il aller si vite ?

Par ailleurs, votre rapporteure spéciale s'étonne que la procédure d'un échange de terrains se soit trouvée d'emblée évacuée , dans cette opération, malgré les propositions constantes du ministère de l'agriculture en ce sens, et la pratique usuelle de l'ONF. Le ministère du budget, comme indiqué ci-dessus 27 ( * ) , ne s'est rallié à cette solution qu' in fine , par le truchement de l'affectation des produits, afin de vider la querelle interministérielle. Le chef du service France Domaine, Daniel Dubost, interrogé sur ce point par votre rapporteure spéciale, a indiqué, dans une réponse par courriel : « Je n'ai pas d'explications . »

La seule méconnaissance par France Domaine des règles appliquées par l'ONF était-elle en cause, dans cette organisation de la cession de l'hippodrome de Compiègne ? Ce déficit d'information du service, dont l'administration centrale ne s'est en effet dotée que récemment des compétences humaines en matière de domaine forestier, était-il dû à une insuffisance d'échanges avec l'ONF ? En tout état de cause, eu égard au « bricolage » juridique pour lequel votre rapporteure spéciale tient la procédure qui a suivi, telle qu'elle l'a analysée, on s'est trouvé, en l'espèce, à la limite du dysfonctionnement administratif .

B. UNE CLAUSE D'AFFECTATION À SYSTÉMATISER

En second lieu, pour votre rapporteure spéciale, la clause d'affectation qui a été insérée dans l'acte de vente de l'hippodrome de Compiègne devrait être mise en pratique de façon systématique, par France Domaine , en tant que de besoin en fonction d'une analyse du contexte de chaque vente et de la nature du bien à céder.

La malheureuse affaire de l'immeuble de l'Imprimerie nationale, dénouée en 2007 28 ( * ) , a entraîné, depuis lors, l'introduction systématique d'une clause de complément de prix dans les conventions de cessions immobilières de l'Etat d'une certaine importance. De même, le cas de l'hippodrome de Compiègne devrait constituer le point de départ d'une généralisation de la « garantie d'affectation », pour les ventes où elle apparaît opportune ou pour certaines locations de longue durée, quand il y aura lieu : l'application est évidente, aujourd'hui, en ce qui concerne l'Hôtel de la Marine .

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. LA COMMUNICATION DE VOTRE RAPPORTEURE SPÉCIALE, LE 16 FÉVRIER 2011

Réunie le mercredi 16 février 2011 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu une communication de Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, sur la cession de l'hippodrome de Compiègne.

Mme Nicole Bricq , rapporteure spéciale . C'est en ma qualité de rapporteure spéciale de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » que j'ai mené ce contrôle sur la cession de l'hippodrome de Compiègne. Je voudrais d'abord exposer la manière dont j'ai conçu et conduit mes investigations.

Pour mémoire, le sujet est apparu à l'occasion de l'une des « affaires » mises au jour par la presse, en l'occurrence en juillet 2010, concernant Eric Woerth, alors ministre chargé du travail. On a ainsi appris que ce dernier, en sa qualité de ministre chargé du budget, avait autorisé la cession, effectivement intervenue en mars 2010, d'une parcelle de 57 hectares de la forêt de Compiègne, terrain d'assiette de l'hippodrome du Putois, à la Société des courses de Compiègne, une association à but non lucratif et à objet hippique. Cette association, jusqu'alors, était locataire des lieux : elle gérait l'hippodrome et, par ailleurs, sous-louait une partie du terrain à la Société du golf, autre association à but non lucratif. La vente a été réalisée malgré l'avis d'abord défavorable de l'Office national des forêts (ONF) et du ministère chargé de l'agriculture, selon une procédure de gré à gré, donc sans mise en concurrence, et au prix de 2,5 millions d'euros.

Ce prix et les modalités juridiques de la transaction ont fait, d'emblée, l'objet d'un débat livré, par les médias, à l'opinion publique. Je me suis donc naturellement intéressée au dossier, avec deux préoccupations.

En premier lieu, j'ai porté mon attention sur l'évident enjeu patrimonial de l'opération. J'ai cherché à savoir si les intérêts de l'Etat propriétaire ont été convenablement ménagés dans la cession de l'hippodrome, c'est-à-dire si la vente a été conclue pour un prix satisfaisant pour les finances publiques - au minimum, le prix correspondant à la valeur réelle du bien ; et, plus généralement, si cette vente a été réalisée dans le souci d'une bonne gestion du domaine de l'Etat, une forêt se trouvant a priori en cause.

En second lieu, j'ai été soucieuse d'un enjeu d'ordre légal. En effet, je me suis attachée à évaluer la solidité juridique de la transaction, et donc la régularité de la procédure suivie par l'administration, dans la mesure où le ministère du budget, d'une part, a cru pouvoir faire l'économie d'une autorisation parlementaire pour mener à bien cette vente et, d'autre part, n'a pas cherché à mettre la Société des courses de Compiègne en concurrence avec d'éventuels autres candidats à l'acquisition de l'hippodrome.

C'est dans cette double perspective que j'ai travaillé, mes investigations prenant la forme suivante :

- dès le 11 octobre 2010, une audition de Daniel Dubost, chef du service France Domaine, puis deux questionnaires complémentaires que je lui ai adressés, respectivement, le 14 octobre et le 5 novembre ;

- le 21 décembre 2010, un contrôle sur pièces dans les locaux de France Domaine, au ministère du budget, en présence de M. Dubost. J'ai ainsi eu communication du dossier qui avait été préparé pour les besoins de la commission des requêtes de la Cour de justice de la République ;

- le 13 janvier 2011, l'audition de Pascal Viné, directeur général de l'ONF, qui fut le directeur de cabinet du ministre de l'agriculture de juillet 2009 à novembre 2010, et a donc suivi, à ce titre, l'opération de cession de l'hippodrome ;

- enfin, le 10 février dernier, un déplacement à Compiègne, sur le site de l'hippodrome du Putois, afin de visiter celui-ci et de conduire un entretien avec Antoine Gilibert, président de la Société des courses. À cette occasion, j'ai également auditionné les représentants du service local de France Domaine, en particulier l'agent qui a évalué, en 2009, la parcelle vendue.

Comme on le sait, la cession de l'hippodrome de Compiègne se trouve actuellement visée, de façon indirecte, par deux instances judiciaires en cours d'instruction. D'une part, la commission d'instruction de la Cour de justice de la République a été saisie, le 13 janvier 2011, afin d'enquêter sur une éventuelle prise illégale d'intérêts de M. Woerth dans cette vente. D'autre part, le tribunal de grande instance de Paris, depuis la mi-janvier également, est chargé de l'information judiciaire ouverte à la suite de la plainte contre X qui allègue, dans le cadre de la cession de l'hippodrome, les infractions d'abus d'autorité, de complicité de prise illégale d'intérêts, de trafic d'influence par personne dépositaire de l'autorité publique et par particulier, et de favoritisme.

Mais il est important de noter que mon contrôle, d'ailleurs entrepris en accord avec le Président et le Rapporteur général de notre commission, a été commencé dès la première quinzaine du mois d'octobre 2010, donc plus de deux mois avant l'ouverture formelle des poursuites judiciaires précitées, et qu'il a pu être mené à son terme indépendamment de celles-ci.

En effet, je précise qu'en l'état du droit, les investigations du Parlement ne se trouvent expressément bornées que pour ce qui concerne les commissions d'enquête, lesquelles ne peuvent être créées, ou continuer leur travaux, sur des faits donnant lieu à des poursuites judiciaires. En revanche, l'article 57 de la LOLF, qui fonde la compétence de contrôle des rapporteurs spéciaux en les habilitant à « procéder à toutes investigations sur pièces et sur place, et à toutes auditions qu'ils jugent utiles », ne formule pas de réserve à l'exercice de cette prérogative. Et je tiens à signaler que, dans le cours de ce contrôle, je n'ai, de fait, rencontré aucune réticence au sein du ministère du budget : ni de la part des fonctionnaires, ni de celle du ministre lui-même.

Au demeurant, il existe de nombreux précédents de contrôle parlementaire, sous la forme de missions d'information notamment, qui ont traité de faits occasionnant des poursuites judiciaires. Un récent exemple est fourni par le rapport produit en mai 2010 par la mission d'information constituée, par la commission de la défense de l'Assemblée nationale, sur « les circonstances entourant l'attentat du 8 mai 2002 à Karachi ».

Enfin, il faut souligner que les instances judiciaires qui se rapportent actuellement à la cession de l'hippodrome de Compiègne sont loin de résumer tous les aspects du dossier, et restent bien distinctes des préoccupations qui ont justifié mon initiative en la matière - l'enjeu patrimonial et l'enjeu juridique que j'ai indiqués. C'est à la qualité de la gestion, par l'Etat, de cette opération de cession que j'ai consacré mon contrôle, et non pas à la recherche d'actes pénalement répréhensibles, qu'aurait pu commettre tel ou tel.

De mes investigations, je retiens, en synthèse, trois séries de constatations.

Premier constat : alors que la candidature à l'acquisition de l'hippodrome du Putois avait été formulée de longue date par la Société des courses de Compiègne, la vente finalement conclue a été réalisée par l'administration, entre juin 2009 et mars 2010, avec une célérité manifeste. Il me faut ici exposer les faits, tels que je les ai reconstitués, en suivant leur chronologie.

Au départ, la Société des courses de Compiègne est « locataire » de l'Etat, sur le fondement de conventions conclues avec ce dernier et avec l'ONF. Ces conventions portent autorisation d'occupation, à titre onéreux (moyennant redevance) et précaire (donc révocable), et elles sont régulièrement renouvelées. De la sorte, juridiquement, la Société des courses est titulaire d'une autorisation d'occupation du domaine de l'Etat.

Dès 2000 et 2001, l'association manifeste son souhait d'acquérir le terrain. Elle entend ainsi bénéficier d'une plus grande souplesse de gestion, alors qu'elle effectue d'importants investissements pour développer l'activité hippique du site. À cette époque, l'autorisation d'occupation dont elle bénéficie est une convention de 1987, dont l'échéance est prévue au 31 mars 2001. L'association ne sollicite le renouvellement de cette convention qu'à défaut, préférant un achat.

L'affaire paraît traîner : la Société des courses reformule son offre auprès du ministre de l'agriculture en mai 2003, alors que la convention d'occupation, arrivée à échéance depuis plus de deux ans, n'a toujours pas été renouvelée. Cette offre d'acquisition est refusée par l'Etat en août 2003 : le refus est signifié à l'association par une lettre du ministre de l'agriculture, et motivé par « la législation concernant les forêts domaniales ». Toutefois, dans sa lettre, le ministre précise qu'« en revanche, un échange serait envisageable si la Société des courses offrait un terrain forestier de la même importance et d'une valeur suffisante ».

Or un tel échange n'est pas possible, en l'état du patrimoine foncier dont dispose alors l'association. Aussi, la convention d'occupation est renouvelée, en novembre 2003, avec effet rétroactif au 1 er avril 2001 et échéance au 31 mars 2010.

En janvier 2006, la Société des courses forme une nouvelle proposition d'acquisition de l'hippodrome, cette fois par la voie d'un échange. À cet effet, l'association envisage d'acquérir un terrain forestier parmi une douzaine, qu'elle a identifiés dans différentes régions françaises, dont la Picardie, mais aussi le Centre et les Ardennes.

En mars 2006, il est indiqué à l'association, par l'ONF, que cet échange pourrait se faire sur la base d'un rapport de superficies de 1 à 5, soit environ 250 hectares de forêt contre les 49 hectares de la parcelle cadastrale principale qu'occupe le site de l'hippodrome. L'achat du terrain à échanger aurait représenté une dépense de l'association à hauteur de 1,25 million d'euros environ.

Mais ce projet avorte. En août 2006, une réunion entre les représentants de la Société des courses et le directeur général de l'ONF retient une autre solution, concrétisée en novembre 2006 : un avenant à la convention de 2003 proroge alors l'autorisation d'occupation jusqu'au 31 décembre 2021. En outre, le régime de la redevance fixé en 2003 est expressément inchangé, malgré les travaux d'extension du bâti qui seront réalisés dans le cadre d'un permis de construire accordé à la Société des courses au mois de septembre précédent. Le niveau de cette redevance s'établira ainsi, en 2009, à 43 343 euros pour l'année, hors impôts fonciers - lesquels représentent environ le quart de la redevance.

D'après les indications convergentes que j'ai recueillies, c'est la perspective des échéances électorales de 2007 qui a conduit l'administration à « geler » de la sorte le processus d'échange d'abord envisagé. On peut trouver cela bien prudent, voire « frileux ». En tout cas, on voit que l'administration fait parfois de la politique...

Le 15 mai 2009, la Société des courses manifeste à nouveau son intérêt pour une acquisition de l'hippodrome. Elle le signale dans une note d'intention, qu'elle adresse au député de la quatrième circonscription de l'Oise, Christian Patria, suppléant d'Eric Woerth, alors ministre chargé du budget. M. Patria transmet la note d'intention de l'association à M. Woerth, et le ministre y donne suite.

La procédure est alors commencée avec une exceptionnelle diligence : une annotation manuscrite du ministre, sur la note d'intention de la Société des courses, datée du 26 mai, demande au conseiller de son cabinet chargé de l'immobilier de l'Etat, Cédric de Lestrange : « m'en parler rapidement ». La note d'intention ainsi annotée est enregistrée à la direction générale des finances publiques (DGFiP) le 2 juin. En outre, le 4 juin, l'association adresse une lettre au ministre du budget, lui confirmant son souhait d'achat.

Le 22 juin, l'administration centrale du service France Domaine adresse à son service déconcentré de l'Oise une demande d'évaluation, pour connaître « un ordre de grandeur » de la valeur du site de l'hippodrome du Putois, soit trois parcelles cadastrales, représentant 57,1 hectares au total. Cette évaluation est remise dès le 10 juillet par l'évaluateur du service local, soit 18 jours seulement après la demande. Ce délai paraît exceptionnellement bref, car la règle interne à France Domaine est de l'ordre de 30 jours. L'évaluation conclut à une valeur de 2,5 millions d'euros.

L'ONF est informé de la demande d'acquisition de la Société des courses par une lettre du service France Domaine en date du 22 juillet. L'Office se déclare alors « totalement défavorable à ce projet » ; cet avis est signalé au ministre du budget par une note du 1 er septembre, signée par le directeur général des finances publiques. Cependant, le 16 octobre, le cabinet du ministre du budget demande à France Domaine, par courrier électronique, de notifier à la Société des courses l'accord de l'Etat. Notons que le cabinet décide qu'il n'est pas nécessaire de demander à nouveau son avis à l'ONF sur cette opération.

Par une lettre du 20 octobre, le chef du service France Domaine avise la Société des courses que l'Etat est d'accord sur sa proposition d'acquérir l'hippodrome du Putois. Cette lettre précise : « Bien qu'intégré à la forêt domaniale de Compiègne, ce bien ne constitue plus en effet un bien "forestier" au sens strict du terme. » Il est spécifié que la cession ne pourra être conclue qu'à la valeur domaniale du bien : il n'est plus question d'échange de terrains, alors que cette hypothèse avait fait l'objet de discussions avancées, en 2006, entre la Société des courses et l'ONF. Enfin, par référence au fondement juridique de l'opération (l'article R. 129-5 du code du domaine de l'Etat), il est également précisé que la cession sera réalisée de gré à gré, donc sans mise en concurrence.

Le 23 octobre, le trésorier-payeur général de l'Oise, Jean-Pierre Péry, informe la Société des courses, sur la demande de celle-ci, que la valeur domaniale de l'hippodrome du Putois s'élève à 2,5 millions d'euros. La décision de l'Etat est également notifiée à l'association par une lettre du ministre du budget du 29 octobre, dont la copie est adressée au ministre chargé de l'agriculture, ainsi qu'à l'ONF.

À partir de là, un différend entre ministères se fait jour, dont la résolution difficile va retarder la conclusion de la vente.

Le 17 novembre 2009, le directeur de cabinet du ministre de l'agriculture adresse à son homologue après du ministre du budget une lettre faisant valoir que la décision de céder l'hippodrome du Putois « est tout à fait contraire à la politique constante du ministère [chargé de l'agriculture] en matière de gestion forestière ». La lettre, en effet, précise que l'hippodrome fait « partie intégrante de la forêt domaniale de Compiègne ». À la place de la vente, le ministère de l'agriculture propose une nouvelle convention d'occupation temporaire, « de longue durée », entre l'ONF et la Société des courses de Compiègne, ou, « à défaut », et « après analyse de la situation », « d'envisager une procédure d'échange ».

En réponse, par lettre du 26 novembre, le directeur de cabinet du ministre du budget se dit « surpris » par cette analyse, et fait état, au contraire, d'un « accord oral » précédemment donné par le cabinet du ministre de l'agriculture pour la vente de l'hippodrome. Il expose qu'« il ne s'agit plus [...] ici d'un bien à usage forestier. En effet, le champ de courses y a été construit depuis près de 150 ans. » Il considère que l'Etat ne peut revenir sur sa décision à l'égard de la Société des courses de Compiègne, et que la solution proposée par le ministère de l'agriculture « ne [...] semble pas adaptée ». Enfin, il écrit qu'« un tel revirement provoquerait en outre une forte réaction du sénateur-maire de Compiègne, qui soutient ce projet ».

Peu après, par délibération du 16 décembre 2009, la communauté d'agglomération de Compiègne renonce à exercer son droit de priorité pour l'acquisition de l'hippodrome.

À la suite de l'échange épistolaire précité entre directeurs de cabinet, le 10 janvier 2010, une réunion se tient entre le cabinet du ministre du budget et celui du ministre de l'agriculture, en présence d'une part de la direction du budget et de France Domaine, d'autre part de l'ONF. À cette occasion, l'idée d'un bail emphytéotique pour l'hippodrome du Putois est refusée par le cabinet du ministre du budget. En revanche, le principe d'une affectation des produits de la vente à l'acquisition de terrains forestiers est retenu.

Le 12 janvier, une seconde réunion met en présence le service France Domaine d'un côté, le ministère de l'agriculture et l'ONF de l'autre. Chacun y confirme son point de vue, et donc la divergence d'analyse.

En définitive, c'est le 12 mars que le conflit entre les deux ministères se dénoue, lors d'une réunion « informelle » tenue à l'hôtel de Matignon entre Cédric de Lestrange, conseiller chargé de l'immobilier de l'Etat au cabinet du ministre du budget, Pascal Viné, directeur de cabinet du ministre de l'agriculture, et Julien Dubertret, conseiller budgétaire au cabinet du Premier ministre. En effet, lors de cette réunion, le conseiller du ministre du budget propose d'assortir la vente de l'hippodrome du Putois de deux éléments exceptionnels :

- d'une part, comme convenu précédemment, les produits de cette vente seront affectés au ministère chargé de l'agriculture, pour l'acquisition de terrains forestiers. Cette affectation, toutefois, sera opérée après déduction de 15 % au bénéfice du désendettement de l'Etat, conformément aux dispositions de l'article 195 la loi de finances pour 2009 ;

- d'autre part, il est prévu d'introduire dans la convention de vente une clause d'affectation spécifique : pendant cinquante ans, le terrain cédé devra rester exclusivement affecté à l'usage d'hippodrome et, de façon accessoire, de golf, à peine de résolution de la vente. Cette stipulation contribuera notamment à préserver les abords de la forêt de Compiègne.

Le ministère de l'agriculture, dans ces conditions, ne s'oppose plus à l'opération et, dès lors, pour le cabinet du Premier ministre, il n'est pas besoin de procéder à un arbitrage interministériel. On observera, d'ailleurs, que le ministre de l'agriculture n'est jamais intervenu directement : les échanges se sont déroulés entre cabinets.

La situation se trouvant ainsi débloquée, quatre jours plus tard, le 16 mars, l'autorisation de cession de l'hippodrome du Putois est formalisée par un arrêté du ministre du budget. Le lendemain, 17 mars, l'acte de cession est signé entre l'Etat et la Société des courses de Compiègne. Cette convention comporte notamment deux garanties importantes pour l'Etat :

- en premier lieu, la clause d'affectation à usage d'hippodrome précitée, valable jusqu'en 2060. En cas de non respect de cette exigence, l'Etat pourra discrétionnairement demander la résolution de la vente, après une mise en demeure restée infructueuse au terme d'un délai de six mois. La vente ne serait donc pas résiliée ipso facto, mais en fonction de l'initiative de l'Etat ;

- en second lieu, une clause de complément de prix, suivant le modèle désormais habituel dans les cessions importantes de l'Etat : en cas de nouvelle mutation de l'hippodrome dans les quinze ans suivant sa cession à la Société des courses, celle-ci devrait reverser à l'Etat 50 % de la plus-value, nette d'impôt, qu'elle réaliserait.

De la sorte, la vente de l'hippodrome de Compiègne, à compter du moment où le ministère du budget a pris connaissance de l'intention d'achat de la Société des courses, soit fin mai 2009, a été bouclée en neuf mois et demi. Si un différend avec le ministère de l'agriculture n'était pas apparu en novembre 2009, on peut penser que la procédure n'aurait demandé que sept mois environ.

Quant au produit de la vente 2,5 millions d'euros , 15 %, soit 375 000 euros, ont été affectés, suivant l'obligation légale précitée, au désendettement de l'Etat, et les 85 % restant, soit 2,125 millions d'euros, ont été affectés, comme prévu, à l'acquisition de terrains forestiers. L'ONF estime qu'elle pourra acheter environ 200 hectares grâce à cette somme : on réalisera donc à peu près le rapport de superficies de 1 à 5 souhaité par l'Office pour un échange de terrains.

J'en viens à la deuxième constatation de mon contrôle : la procédure suivie pour cette cession a largement constitué ce que j'appellerai un « bricolage » du ministère du budget, certaines options initiales étant modifiées, comme on vient de le voir, in extremis. Et il me semble que cette situation a été la conséquence du caractère douteux de la qualification juridique retenue par l'administration pour l'hippodrome du Putois.

Je rappelle en effet qu'en octobre 2009, France Domaine entendait vendre, de gré à gré et à la valeur de l'estimation domaniale, un terrain dont le service jugeait qu'il avait, de facto, perdu son caractère forestier. Puis, en janvier 2010, le ministère du budget a décidé, sans doute pour se concilier le ministère de l'agriculture, que le produit de cette vente serait affecté à l'acquisition de terrains forestiers ce qui revenait, en pratique, aux effets qu'aurait eu l'échange de terrains souhaité depuis l'origine par l'ONF et le ministère de l'agriculture, lesquels considéraient l'hippodrome du Putois comme un bien forestier à part entière. Enfin, c'est en mars 2010 que la clause d'affectation exclusive de cinquante ans a été introduite.

On voit là que les conditions de la cession de l'hippodrome de Compiègne sont susceptibles de soulever des questions de droit administratif. Les procédures judiciaires en cours ont été engagées sur le seul terrain répressif, et il revient donc à la justice, aujourd'hui, de trancher les aspects de l'affaire, dont elle est saisie, pouvant relever du droit pénal ; mais un recours devant la juridiction administrative aurait sans doute permis d'utiles clarifications... Il me faut aborder, ici, ces questions, car leur existence est de nature à fragiliser la vente que l'Etat a conclue. Au passage, on observera que France Domaine, dans ce dossier, n'a pas fait montre de beaucoup de rigueur juridique.

À cet égard, le ministère de l'agriculture et l'ONF ont eu le mérite d'une position constante : selon leur analyse, l'hippodrome du Putois faisait partie intégrante de la forêt domaniale de Compiègne, d'où il s'ensuivait que le régime applicable au domaine forestier de l'Etat devait s'appliquer à l'hippodrome.

Le ministère du budget a soutenu un raisonnement plus nuancé, mais ambigu. Cette ambiguïté était présente dès la lettre, déjà citée, que le chef du service France Domaine a adressée, le 20 octobre 2009, à la Société des courses de Compiègne, pour signifier à celle-ci l'accord de l'Etat à vendre : « Bien qu'intégré à la forêt domaniale de Compiègne, ce bien ne constitue plus [...] un bien "forestier" au sens strict du terme. » Mais le raisonnement se trouve pleinement exposé dans la « fiche technique », élaborée par France Domaine, jointe à une note au ministre du budget du directeur général des finances publiques, datée du 20 janvier 2010 et présentant l'analyse des services sur la procédure à suivre dans cette affaire.

Selon ce document, le terrain de l'hippodrome est bien « partie intégrante de la forêt domaniale de Compiègne », et « le fait que cette emprise ne soit plus affectée, depuis le XIX e siècle, à un "usage forestier" ne lui fait pas perdre sa qualification de bien relevant du "régime forestier" ». Toutefois, pour France Domaine, « l'utilisation de ce bien, depuis plus de 150 ans, à usage "d'hippodrome", permet de relativiser aujourd'hui sa destination à un usage en vue de la protection foncière nécessaire des forêts du domaine de l'Etat ». Et, un peu plus loin, on lit que « France Domaine ne remet pas en cause le fait que des parcelles "non plantées" continuent de relever du régime forestier. Mais cette analyse ne saurait faire obstacle à la nécessaire "respiration" du patrimoine forestier lorsqu'il est avéré, comme c'est le cas en l'espèce, que le maintien de l'affectation actuelle [c'est-à-dire l'usage d'hippodrome et de golf] est garanti et que la réversibilité à un usage proprement forestier [...] apparaît plus théorique que réelle. »

Cette position de France Domaine est critiquable : soit l'hippodrome du Putois constituait une dépendance forestière du domaine de l'Etat, et le régime des forêts domaniales lui était alors pleinement applicable ; soit il ne s'agissait pas d'une dépendance forestière, et un autre régime pouvait s'appliquer. Mais on ne pouvait affirmer que c'était une dépendance forestière et, ensuite, écarter l'application du régime qui devait découler de cette qualification juridique, au motif de considérations d'opportunité !

Cependant, la position du ministère de l'agriculture et de l'ONF semble également critiquable, et par suite le premier temps du raisonnement de France Domaine, qui la reprend à son compte. En effet, je crois que la qualification du terrain de l'hippodrome en tant que dépendance forestière est mal étayée et incomplète.

Dès le début de l'opération, l'administration le ministère du budget aussi bien que celui de l'agriculture a considéré comme allant de soi que l'hippodrome du Putois fût une dépendance forestière du domaine de l'Etat. Interrogé sur ce point, l'ONF, pour justifier cette qualification juridique, produit le décret du 6 mai 1995 qui fixe la liste des forêts et terrains à boiser appartenant à l'Etat, dont la gestion est confiée à l'Office ; la forêt domaniale de Compiègne, en effet, se trouve visée par ce texte. Néanmoins, en l'occurrence c'est seulement l'hippodrome du Putois qu'il s'agissait de vendre : il convenait, à l'évidence, de distinguer entre le massif forestier global et la parcelle d'assiette de l'hippodrome.

Partant de là, je me suis posé deux questions.

Première question : l'hippodrome du Putois constitue-t-il véritablement une dépendance forestière ? L'observation de ce terrain conduit à une réponse plutôt négative : le site ne correspond guère à ce que l'on peut attendre d'une forêt ; et l'assimilation apparaît donc discutable. Sur place, en effet, au jugé, les arbres couvrent, au mieux, 5 % à 10 % du terrain, compte tenu d'un rideau d'arbres qui sépare le champ de courses d'une partie du golf. L'hippodrome se trouve en lisière de la forêt de Compiègne proprement dite, mais il ne se confond pas avec elle. Au surplus, avant même d'être transformé en hippodrome, au XIX e siècle, le site constituait un champ de manoeuvre. Et, aux dires de la Société des courses, l'ONF n'intervenait guère sur ce terrain.

Seconde question : indépendamment de sa nature de dépendance forestière ou non, l'hippodrome du Putois, avant sa cession, s'analysait-il en dépendance du domaine privé ou du domaine public de l'Etat ? C'est une question que l'administration, apparemment, ne s'est jamais posée : ni le ministère du budget, et en particulier France Domaine, pourtant le service qui « incarne » l'Etat propriétaire ; ni le ministère de l'agriculture, ou l'ONF, bien que ce dernier soit l'établissement gestionnaire des forêts domaniales. Cela ne laisse pas d'étonner, car la question est fondamentale.

Je rappelle que le domaine privé de l'Etat constitue un patrimoine en principe librement cessible par l'administration, tandis que le domaine public est régi, au contraire, par un principe d'inaliénabilité : il ne peut normalement faire l'objet de cessions, sauf à recourir à une procédure de déclassement ou, à défaut, à passer par l'autorisation d'une loi.

Or les critères du domaine public, fixés par une jurisprudence constante depuis longtemps, paraissent avoir été pleinement remplis par le terrain en cause : d'une part, l'hippodrome du Putois constituait une propriété publique, celle de l'Etat ; d'autre part, il se trouvait affecté à l'utilité publique, et même à un usage direct du public, au titre d'hippodrome précisément, ainsi que de golf. Selon les mêmes critères, le juge administratif, par le passé, a reconnu pour des dépendances du domaine public, notamment, des promenades publiques dont l'allée des Alyscamps, à Arles , le stade municipal de Toulouse, ou encore le bois de Vincennes...

On peut donc penser que, quelle que fût la nature de l'hippodrome du Putois en termes « forestiers », il s'agissait d'un bien relevant du domaine public de l'Etat. Comme tel, ce terrain ne pouvait être légalement cédé qu'en vertu d'une loi, le déclassement n'étant pas possible ici.

Dans la suite de ce propos, toutefois, je vais supposer acquise la qualification de dépendance forestière que l'administration a retenue de façon explicite, et celle de dépendance relevant du domaine privé de l'Etat, donc aliénable, qui a été retenue implicitement. Sous cette hypothèse, on débouche sur deux questions de procédure.

Il s'agit, d'abord, de savoir si les conditions de la cession d'une dépendance forestière domaniale sans autorisation législative étaient réunies.

Je dois rappeler ici que le domaine privé forestier de l'Etat se trouve soumis à un régime spécial d'aliénabilité.

Traditionnellement, il est admis que l'échange d'un terrain forestier domanial contre un autre terrain forestier est possible, sur le fondement de l'article R. 78 du code du domaine de l'Etat. Cette procédure, comme on l'a vu, était en l'occurrence proposée par l'ONF et le ministère de l'agriculture dès le début, mais elle a été écartée par le ministère du budget, qui refusait de voir dans l'hippodrome du Putois un bien forestier « authentique ». Il y a pourtant fort à parier que, si cette solution avait été retenue, on n'aurait pas entendu parler de cette affaire... Au surplus, l'affectation des produits de la vente à l'acquisition de terrains forestiers, telle qu'elle a finalement été décidée, revient, en pratique, à peu près aux mêmes effets qu'une procédure d'échange.

La cession stricto sensu de forêts domaniales, quant à elle, n'est possible, en principe, que par la loi, comme le prévoit l'article L. 3211-5 du code général de la propriété des personnes publiques, sauf à se trouver dans les cas d'exceptions prévus par cet article. En dehors de l'hypothèse d'une expropriation pour cause d'utilité publique, trois conditions cumulatives sont ainsi exigées pour procéder à la vente de forêts domaniales sans recourir à la loi :

- les forêts considérées doivent « être d'une contenance inférieure à 150 hectares » ;

- elles doivent « n'être nécessaires ni au maintien et à la protection des terrains en montagne, ni à la régularisation du régime des eaux et à la protection de la qualité des eaux, ni à l'équilibre biologique d'une région ou au bien-être de la population » ;

- les produits tirés de l'exploitation de ces forêts ne doivent pas couvrir les charges de gestion.

Or, en ce qui concerne l'hippodrome de Compiègne, seule la deuxième condition était clairement satisfaite.

En effet, la première condition - « être d'une contenance inférieure à 150 hectares » - fait débat, en raison de l'incertitude de l'interprétation à donner au texte de l'article L. 3211-5. La contenance de 150 hectares doit-elle être entendue comme celle de la parcelle qui fait l'objet de la cession ? Dans cette hypothèse, la situation du terrain de l'hippodrome du Putois (57 hectares) permettait bien à l'administration de se dispenser d'une autorisation législative pour procéder à la vente ; c'est l'interprétation qu'a privilégiée France Domaine. Ou bien la référence aux 150 hectares vise-t-elle l'ensemble de la forêt domaniale dont relève la parcelle cédée ? Dans cette seconde hypothèse, il fallait rapporter la condition à la forêt de Compiègne, qui s'étend sur 140 000 hectares environ ; et, par conséquent, la cession de l'hippodrome n'était pas possible sans passer par la loi.

Il s'avère difficile de trancher entre ces deux interprétations possibles, notamment parce que l'article L. 3211-5 résulte, comme toute la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques, d'une ordonnance du 21 avril 2006. On ne dispose donc pas de travaux préparatoires pour rechercher « l'intention du législateur ». Et, par ailleurs, on ne trouve pas de jurisprudence en la matière. Le service France Domaine a simplement choisi de retenir l'interprétation qui facilitait sa gestion.

La troisième condition posée par l'article L. 3211-5, relative au caractère déficitaire de l'exploitation forestière, pour sa part, a été considérée par France Domaine, dans la « fiche technique » précitée de janvier 2010, comme « sans objet au cas particulier » de l'hippodrome du Putois, du fait de l'absence d'exploitation forestière sur ce terrain. Pourtant, les trois conditions de l'article L. 3211-5 sont rédigées sans ambiguïté comme cumulatives : on ne voit donc pas comment l'une d'entre elle pourrait être « sans objet » et, si elle n'est pas remplie, tenue pour caduque !

C'est donc en forçant sensiblement l'interprétation que les services du ministère du budget ont pu se fonder sur le code général de la propriété des personnes publiques pour faire l'économie d'une autorisation législative à la cession de l'hippodrome.

La deuxième question de procédure qui se pose tient au choix de recourir à une procédure de cession de gré à gré, par préférence à un appel d'offres, et donc sans placer la Société des courses de Compiègne en situation de concurrence avec d'autres éventuels candidats à l'acquisition de l'hippodrome. La légalité de cette option est plus solide que celle de la précédente.

En la matière, en effet, le ministère du budget s'est appuyé sur les dispositions de l'article R. 129-5 du code du domaine de l'Etat, qui permettent de recourir à une cession à l'amiable, notamment, « lorsque les conditions particulières d'utilisation de l'immeuble le justifient ». À la vérité, le caractère fort vague de cette formulation laisse à l'administration une grande latitude d'appréciation pour mettre en oeuvre la procédure de gré à gré...

Ici, pouvaient justifier de recourir à cette procédure dérogatoire :

- d'une part, la situation du terrain, qui est enclavé, situé en lisière de la forêt et classé, par le plan local d'urbanisme de Compiègne, dans une zone qui correspond à des sites susceptibles d'accueillir des activités de loisir et de tourisme, dont les activités équestres ;

- d'autre part, l'utilisation actuelle de ce terrain, à la fois hippodrome et golf ;

- enfin, la circonstance que la Société des courses de Compiègne bénéficiait de l'autorisation d'occuper le site jusqu'à la fin 2021.

Néanmoins, l'opportunité de ce choix reste discutable.

D'abord, rien n'assure que d'autres investisseurs ne seraient pas entrés en lice à la faveur d'un appel d'offres. Ils auraient pu décider de parier sur le moyen terme après 2021 au vu de la situation prestigieuse du bien mis en vente, situé entre la ville et la forêt de Compiègne et jouxtant le parc du château.

Surtout, le recours à la procédure de droit commun des ventes immobilières de l'Etat aurait évidemment constitué « un puissant facteur de clarification et de transparence de l'opération », suivant les termes d'une « note blanche » adressée au cabinet du ministre du budget, le 16 mars 2010 - soit la veille de la signature de l'acte de vente de l'hippodrome -, par Philippe Dumas et Yves Bonnet, membres de la commission pour la transparence et la qualité des cessions du domaine immobilier de l'Etat. Même si cet appel d'offres n'avait débouché que sur la candidature de la Société des courses de Compiègne et une proposition de prix d'un niveau inférieur à l'évaluation domaniale de l'hippodrome, et quitte à procéder de gré à gré après cette consultation infructueuse, l'incontestabilité de la vente s'en fût trouvée mieux garantie.

La troisième série des constatations auxquelles je suis parvenue a trait, précisément, au prix de cette vente. Il est frappant que, dans les échanges pourtant vifs qui ont eu lieu entre le ministère de l'agriculture et celui du budget au sujet de cette cession, jamais le niveau du prix demandé à l'acquéreur n'a été en cause. En dernière analyse, le prix conclu ne semble excessif ni dans un sens, ni dans l'autre ; son montant reflète sans doute la valeur réelle de l'hippodrome du Putois, pour le peu d'éléments de comparaison dont on dispose sur le marché. Cependant, il a été déterminé par une évaluation de France Domaine dont la méthode s'avère, pour le moins, discutable et qui, de fait, le rend sujet à débat malgré tout.

En effet, le service déconcentré de France Domaine dans l'Oise, lorsqu'il a dû procéder à l'évaluation de l'hippodrome du Putois, en juillet 2009, pour donner à son administration centrale l'« ordre de grandeur » que celle-ci demandait, s'est heurté à l'absence de précédent : la cession d'un hippodrome est une rareté... L'agent évaluateur ne disposait donc pas de prix de marché de référence. Aussi, pour fonder son évaluation, il a utilisé les données du marché des terrains de golf en Île-de-France, ou à proximité : dans l'Ain, l'Oise, la Seine-et-Marne, le Val d'Oise et les Yvelines, sur les vingt années précédentes. Il a effectué une moyenne arithmétique des prix enregistrés, parvenant ainsi à un prix moyen du mètre carré de 4,5 euros. En appliquant ce prix moyen à la surface de l'hippodrome (57,1 hectares), il est parvenu à une estimation de la valeur du bien de près de 2,57 millions d'euros, somme qu'il a « arrondie » à 2,5 millions.

Cette méthode prête à plusieurs critiques.

En premier lieu, comme je l'ai dit, l'évaluateur a été contraint de se fonder sur des éléments de comparaison approximatifs : les précédents relevés sur le marché des golfs, faute de marché actif pour les hippodromes.

En deuxième lieu, pour déterminer un prix moyen du mètre carré, cet évaluateur a intégré dans son calcul, sans aucune mesure de pondération, des terrains très divers  sur certains se trouvaient des hôtels, pas sur les autres ; des dates de vente étalées dans le temps sur la période d'une vingtaine d'années, pendant laquelle les prix ont naturellement évolué ; et des circonstances de vente très diverses les ventes recensées ont souvent été négociées entre des particuliers, mais des cessions entre collectivités publiques figuraient aussi dans la liste. Les prix relevés, de fait, s'échelonnaient d'un euro du mètre carré (à Lésigny, en Seine-et-Marne, en 1997), à 7,8 euros du mètre carré (au Tremblay-sur-Mauldre, dans les Yvelines, en 2000).

Il est vrai que la demande adressée à l'évaluateur par son administration centrale était celle d'un « ordre de grandeur » seulement. Toutefois, c'est cet « ordre de grandeur » qui, en octobre 2009, est devenu le prix exact demandé par le ministère du budget à la Société des courses de Compiègne, pour l'acquisition de l'hippodrome.

En dernier lieu, il faut noter que l'évaluateur, expressément, n'a estimé que la valeur du terrain d'assiette de l'hippodrome du Putois, et non celle des bâtiments qui s'y trouvent. France Domaine justifie cette option en faisant valoir que ces bâtiments, à la date de l'évaluation, constituaient la propriété de la Société des courses de Compiègne, non celle de l'Etat. Cependant, je relève que la convention d'occupation de 2003, révisée en 2006, qui liait l'Etat et l'association, ne conférant à cette dernière qu'une autorisation précaire et révocable, prévoyait que, si elle devait se trouver résiliée, le bâti devenait propriété de l'Etat.

Somme toute, on peut juger que cette évaluation n'a pas conduit à un prix lésant les intérêts patrimoniaux de l'Etat : ce prix doit correspondre, peu ou prou, à la valeur de l'hippodrome, si l'on considère, non seulement la moyenne précitée du prix de vente de terrains de golf en Île-de-France et à proximité, mais encore que le montant de 2,5 millions d'euros représentait plus de cinquante années de la redevance (43 300 euros en 2009) exigée de la Société des courses de Compiègne pour occuper le site. Il reste que la méthode de l'évaluation, prêtant à discussion, rend le prix ainsi déterminé sujet à caution lui-même. Aussi, il est regrettable que France Domaine n'ait pas sollicité l'avis d'un consultant extérieur, professionnel de l'immobilier, comme cela était pourtant possible au service.

Un aliment supplémentaire de la suspicion touchant le caractère « juste » du prix tient au fait que la clause d'affectation du terrain, pendant cinquante ans, à l'usage exclusif d'hippodrome et de golf, a été insérée dans l'acte de vente, en mars 2010, sans influencer ce prix. En effet, l'évaluation du bien a été pratiquée par le service local de France Domaine en juillet 2009, c'est-à-dire à une époque où l'idée d'une telle clause n'avait pas même été esquissée. Cette clause, qui aurait logiquement dû peser à la baisse sur le prix, a donc été fixée postérieurement à ce dernier, et est restée parfaitement indifférente à sa formation. Je ne peux que m'en étonner.

L'ensemble de ces constatations étant posé, des leçons de portée générale me paraissent devoir être tirées de la cession de l'hippodrome de Compiègne.

Les premières concernent les aspects juridiques des cessions immobilières de l'Etat. Sous cet angle, à mes yeux, le dossier appelle l'attention sur deux points.

D'abord, il s'agit de la nécessité d'améliorer les textes relatifs à certaines cessions domaniales.

En premier lieu, il est manifestement besoin de clarifier la rédaction de l'article L. 3211-5 du code général de la propriété des personnes publiques, qui concerne les cessions de forêts domaniales, quant aux conditions permettant de procéder à une vente de celles-ci sans recourir à la loi. Il serait opportun, en particulier, de rédiger sans ambiguïté la condition relative à la contenance de 150 hectares des forêts en cause : il conviendrait de préciser que cette référence est à appliquer au massif forestier dans lequel se situe la parcelle considérée pour une vente, et non à cette parcelle elle-même ; sans quoi, en théorie, l'administration pourrait librement « dépecer » les forêts domaniales, en les vendant par morceaux ! Cette interprétation, du reste, ne ferait que confirmer l'état de la législation antérieur à l'ordonnance du 21 avril 2006, que j'ai mentionnée : la rédaction de l'ancien article L. 62 du code du domaine de l'Etat était plus claire que le droit en vigueur.

En second lieu, il me semble également opportun de réfléchir au renforcement du fondement juridique de la procédure d'échange de terrains forestiers, que l'ONF pratique, certes, couramment, comme je l'ai relevé, mais sur une base légale de portée générale - l'article R. 78 du code du domaine de l'Etat. Or ce point pourrait être discuté.

Par ailleurs, les circonstances de la cession de l'hippodrome de Compiègne font apparaître l'utilité qu'il y aurait à envisager une définition plus stricte, dans le code du domaine de l'Etat, des cas dans lesquels il peut être procédé à une cession de gré à gré, sans mise en concurrence, de biens domaniaux. L'hypothèse légale qui a été mise en oeuvre en l'espèce - la cession à l'amiable « lorsque les conditions particulières d'utilisation de l'immeuble le justifient » - paraît, en effet, rédigée de manière bien trop floue pour servir de garde-fou aux tentations de facilité ou aux risques de négligence de l'administration.

Le second point que je veux évoquer en ce qui concerne le droit tient à l'opportunité qu'il y aurait, je pense, de procéder à une expertise juridique spécifique pour certains des immeubles que l'Etat entend vendre. Dans mon esprit, cette préconisation vise notamment la liste de 1 700 biens immobiliers associée au plan pluriannuel de cessions que le ministère du budget a rendu public en juin 2010. Il serait judicieux que, parmi ces immeubles, le service France Domaine identifie les cas potentiellement difficiles ou délicats, eu égard à la nature ou à la situation particulière des biens, de sorte que le Gouvernement, au besoin, demande l'avis du Conseil d'Etat sur le régime applicable pour la cession.

Une telle consultation aurait été fort bienvenue dans le cas de l'hippodrome de Compiègne... Elle serait encore utile, notamment, pour les maisons forestières, nombreuses, que l'ONF a mises sur le marché et dont France Domaine est chargé d'organiser la vente. Ces immeubles, en effet, se trouvent souvent enclavés au sein des forêts domaniales, ou implantées à leur lisière. De fait, le directeur départemental des finances publiques de l'Oise, Jean Paraf (qui n'était pas en fonction lors de la vente de l'hippodrome), m'a indiqué sa décision de « geler » les procédures de cession en cours des maisons forestières du département, dans l'attente d'un éclaircissement de leur situation juridique.

D'une manière générale, le recours à cette expertise juridique mettrait le service France Domaine en mesure de donner suite, dans les conditions de fiabilité qui conviennent, aux annonces ambitieuses de la communication gouvernementale relative à la politique de cessions immobilières de l'Etat.

Une seconde série d'enseignements à retenir de la vente de l'hippodrome de Compiègne se rapporte aux enjeux patrimoniaux de l'Etat propriétaire.

Sous cet aspect, d'abord, dans la mesure où la méthode d'évaluation mise en oeuvre dans le dossier s'avère, comme je l'ai développé, critiquable, le cas illustre à nouveau, me semble-t-il, le besoin de professionnalisation du service France Domaine. Cet impératif a été maintes fois noté déjà. Je crois d'ailleurs que, si les évaluations domaniales bénéficiaient, en général, d'une meilleure réputation de fiabilité, celle de l'hippodrome du Putois n'aurait pas été aussi fortement suspectée.

On peut s'étonner que France Domaine n'ait pas fait appel, en l'occurrence, à une expertise privée, laquelle aurait permis de corriger ou de conforter celle du service. Ce n'était peut-être pas indispensable pour fournir un « ordre de grandeur », dans un premier temps ; mais cela paraissait fort recommandable dès lors que le ministère du budget s'apprêtait à retenir cette donnée pour le montant du prix demandé à la Société des courses de Compiègne. Deux avis ne valaient-ils pas mieux qu'un ; ou fallait-il aller si vite ?

Je m'étonne également que la procédure d'un échange de terrains ait été d'emblée évacuée, dans cette opération, malgré les propositions constantes du ministère de l'agriculture en ce sens, et la pratique habituelle de l'ONF. Le ministère du budget, comme je l'ai indiqué, ne s'est rallié à cette solution qu'in fine, par le truchement de l'affectation des produits, afin de vider la querelle interministérielle. Le chef du service France Domaine, Daniel Dubost, que j'ai interrogé sur ce point, m'a fait cette réponse, écrite : « Je n'ai pas d'explications. »

La seule méconnaissance par France Domaine des règles appliquées par l'ONF était-elle en cause, dans cette organisation de la cession de l'hippodrome de Compiègne ? Ce déficit d'information du service, dont l'administration centrale ne s'est en effet dotée que récemment des compétences humaines en matière de domaine forestier, était-il dû à une insuffisance d'échanges avec l'ONF ? En tout état de cause, eu égard au « bricolage » juridique pour lequel je tiens la procédure qui a été suivie, j'estime qu'on s'est trouvé, en l'espèce, à la limite du dysfonctionnement administratif.

D'autre part, et pour conclure, je pense que la clause d'affectation exclusive qui a été insérée dans l'acte de vente de l'hippodrome devrait être mise en pratique de façon systématique, par France Domaine, en tant que de besoin en fonction d'une analyse du contexte de chaque vente et de la nature du bien à céder.

La malheureuse affaire de l'immeuble de l'Imprimerie nationale, dénouée en 2007, a entraîné, depuis lors, l'introduction systématique d'une clause de complément de prix dans les conventions de cessions immobilières de l'Etat d'une certaine importance... De même, le cas de l'hippodrome de Compiègne serait le point de départ d'une généralisation de cette « garantie d'affectation », pour les ventes où elle apparaîtrait opportune - sans oublier certaines locations de longue durée, quand il y aura lieu : l'application est évidente, aujourd'hui, en ce qui concerne l'Hôtel de la Marine.

M. Jean Arthuis , président . Je remercie, au nom de la commission, la rapporteure spéciale, pour son investissement important dans ce contrôle et, en particulier, pour son analyse très fine des aspects juridiques du dossier.

En somme, ce qui a brouillé la vision, dans cette affaire, c'est la controverse interne à l'administration sur la nature de « bien forestier » de l'hippodrome...

Mme Nicole Bricq , rapporteure spéciale .  C'est surtout l'absence de questionnement des services sur l'appartenance de l'immeuble au domaine public !

M. Jean Arthuis , président .  Par ailleurs, il n'existait pas de marché des hippodromes qui puisse servir de repère pour la fixation du prix, vous l'avez souligné, mais l'hippodrome de Compiègne, à l'évidence, n'a pas été « bradé » pour autant. En outre, la clause d'affectation exclusive, pendant cinquante ans, aménagée dans l'acte de vente, constitue la garantie d'un retour à l'Etat pour le cas où la destination du terrain à l'usage d'hippodrome ne serait pas respectée.

M. Philippe Marini , rapporteur général .  Je souhaite apporter quelques éléments complémentaires aux analyses de la rapporteure spéciale.

Tout d'abord, la nature du terrain de l'hippodrome du Putois doit être bien comprise. Historiquement, cette zone de passage entre la ville et la forêt de Compiègne était un champ de manoeuvre. L'hippodrome s'y est installé dans les années 1890. On ne sait exactement à quelle époque le site s'est trouvé intégré à la gestion forestière de l'Etat ; sans doute l'ancien service des « eaux et forêts » en a-t-il été chargé parce que ce terrain, en lisière de la forêt, a suivi à titre accessoire le régime appliqué à celle-ci. Mais, in situ, on se rend bien compte, comme Mme Bricq l'a fait, que cet espace ne présente pas véritablement le caractère d'une forêt.

Si, malgré cette réalité observable, on retient pour l'hippodrome la qualification juridique de dépendance forestière, il est certain que la formule de mutation la plus courante aurait été l'échange entre terrains. C'est, en effet, une procédure très fréquemment mise en oeuvre par l'ONF ; elle permet la réalisation en zone boisée, par exemple, d'équipements publics ou d'aménagements routiers. À Compiègne, les entrées de ville n'ont pu se développer que de cette manière. Dans l'affaire en cause, l'Etat aurait assurément pu recourir à un tel échange. Toutefois, comme l'a noté la rapporteure spéciale, l'affectation des produits de la vente à l'acquisition de terrains forestiers constitue un équivalent économique.

En ce qui concerne la rapidité d'exécution de cette cession pour autant que l'on puisse considérer comme rapide, pour l'administration, une réalisation en sept ou neuf mois , je crois qu'il faut relativiser le jugement qui a été porté. En effet, les premières demandes d'acquisition de la Société des courses de Compiègne remontaient aux années 2000 et 2001 : quand, en 2009, l'association a formulé à nouveau son intention d'achat, le travail de préparation de la vente avait été « mâché » depuis longtemps par les services.

Deux mots sur la méthode d'évaluation de l'hippodrome. France Domaine, ici, a procédé par rapprochement avec le marché des golfs ; c'était l'élément de comparaison le plus proche. Mais, au fond, les évaluations domaniales ne sont jamais réalisées d'une autre manière. Le niveau du prix auquel la vente s'est conclue a bien été étayé, ni plus ni moins que pour beaucoup d'autres immeubles cédés par l'Etat ou les collectivités territoriales. Quant à l'absence de prise en compte du bâti dans l'estimation, je relève que les constructions qui se trouvent actuellement sur le terrain de l'hippodrome n'ont bénéficié, à ma connaissance, d'aucun concours financier public : c'est la Société des courses qui a effectué l'investissement correspondant, pour des montants d'ailleurs significatifs.

Enfin, il me semble qu'il faudrait être un peu plus attentif que la rapporteure spéciale à la situation de l'hippodrome du Putois au regard du droit de l'urbanisme. En effet, cette situation, très contrainte et très stable à la fois, notamment le caractère inconstructible du terrain, n'était pas de nature à susciter, pour l'acquisition, d'autres candidats que la Société des courses. Une surenchère, pour cet immeuble, n'aurait pu se fonder que sur des intentions de spéculation foncière, dans l'hypothèse d'une évolution des règles d'urbanisme ; et ce n'est tout de même pas ce type de comportement que l'Etat doit favoriser, lorsqu'il cède des éléments de son patrimoine. Au vrai, pour cet achat, on ne pouvait pas attendre de propositions crédibles, alternatives à celle de la Société des courses.

Cela dit, il y a bien sûr des leçons de portée générale à tirer de cette opération, comme l'a justement fait la rapporteure spéciale. De ce point de vue, je tiens sa communication à notre commission pour tout à fait utile.

Mme Nicole Bricq , rapporteure spéciale . J'ai bien indiqué que le terrain exploité par la Société des courses de Compiègne depuis la fin du XIX e siècle constitue un ancien champ de manoeuvre, et qu'il ne présente pas les caractéristiques d'une forêt.

Je précise, d'ailleurs, que la Société des courses, dans un premier temps, a été sous-locataire de la ville de Compiègne, elle-même locataire direct de l'Etat. Ce n'est qu'à compter des années 1910 je n'ai pas trouvé la date exacte que l'association est devenue directement locataire de l'Etat, et de l'ONF à partir de la création de cet établissement, en 1966, sur le fondement des conventions d'occupations que j'ai évoquées.

Pour ce qui concerne la célérité avec laquelle le ministère du budget a conduit cette cession, je n'ai rien à retrancher à mon propos. Le travail des services n'était pas réellement « mâché », en 2009, car jusqu'alors il avait été question d'un échange de terrains, et non d'une vente.

Par ailleurs, je maintiens que si cette vente avait été organisée sur la base d'un appel d'offres, et non en procédant de gré à gré, l'Etat se serait épargné les contestations auxquelles on assiste...

M. Philippe Marini , rapporteur général .  Mais, en suivant une procédure d'appel d'offres, l'administration aurait peut-être dû accepter un prix moins élevé que celui qui a été fixé de gré à gré. Cette solution était potentiellement moins protectrice des intérêts patrimoniaux de l'Etat !

Mme Nicole Bricq , rapporteure spéciale . Le problème, en la matière, tient au passage de « l'ordre de grandeur » de la valeur de l'hippodrome, tel qu'il a résulté de l'estimation de France Domaine, au prix demandé par le ministère du budget pour céder l'immeuble.

En ce qui concerne la non-prise en compte du bâti dans cette évaluation, je persiste à la juger critiquable, dès l'instant que les bâtiments devaient revenir à la propriété de l'Etat, en cas de résiliation de l'autorisation d'occuper le site. Néanmoins, le Rapporteur général a raison de faire valoir que la Société des courses avait réalisé d'importants investissements. Les travaux ont été commandés, notamment, par l'affiliation de l'hippodrome de Compiègne au Pari mutuel urbain (PMU), et financés grâce à celui-ci.

M. Jean Arthuis , président . Dans la mesure où la ville de Compiègne reçoit une indemnisation, au titre de l'ouverture à la concurrence du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, à hauteur de 0,5 million d'euros par an, je pense qu'il n'y a guère de risque d'une évolution des règles d'urbanisme qui permettrait de « dénaturer » l'hippodrome !

M. Philippe Marini , rapporteur général .  En effet !

M. Charles Guené . Je tiens à féliciter la rapporteure spéciale pour l'approfondissement des analyses juridiques qu'elle nous a exposées, qui contribuent utilement à dissiper le côté « sulfureux » de ce dossier. Il me semble qu'il y aurait une investigation à mener sur les grands opérateurs de l'Etat spécialisés dans la gestion du patrimoine immobilier de celui-ci, notamment l'ONF et Voies navigables de France (VNF).

M. Jean Arthuis , président . Il reste, à présent, à décider quelles suites la commission entend donner à la communication de Mme Bricq.

M. Philippe Marini , rapporteur général .  Si un rapport devait être publié, il me semble qu'il faudrait en mesurer les termes. En particulier, je ne crois pas que l'on puisse employer, à propos de la procédure suivie pour cette cession, le mot « bricolage ».

Mme Nicole Bricq , rapporteure spéciale .  C'est pourtant bien de cela qu'il s'est agi ! Il est dans l'intérêt même de l'Etat de le faire savoir.

M. Philippe Marini , rapporteur général .  Il est certain, en tout cas, que le ministre du budget de l'époque, aujourd'hui mis en cause, ne pouvait mesurer la complexité juridique de l'opération.

Mme Nicole Bricq , rapporteure spéciale .  Peut-être. D'autant que, manifestement, ce sont les cabinets ministériels, plus que les ministres, qui, dans cette affaire, ont été à l'oeuvre.

M. Jean Arthuis , président . Retenons, en synthèse, que la procédure choisie pour la cession de l'hippodrome de Compiègne était discutable, mais que cette opération n'a pas lésé les intérêts de l'Etat.

La commission a alors donné acte à la rapporteure spéciale de sa communication .

* *

*

II. L'EXAMEN DU PRÉSENT RAPPORT D'INFORMATION, LE 2 MARS 2011

À nouveau réunie le mercredi 2 mars 2011 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport d'information de Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, sur la cession de l'hippodrome de Compiègne.

M. Jean Arthuis , président . Lors de notre réunion du 16 février dernier, nous avons entendu une communication de notre collègue Nicole Bricq, qui a ainsi rendu compte du contrôle qu'elle a mené, sur pièces et sur place, en sa qualité de rapporteure spéciale de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », sur la cession par l'Etat de l'hippodrome de Compiègne. Je rappelle que cette vente est intervenue en mars 2010, suivant une procédure de gré à gré avec la Société des courses de Compiègne, au prix de 2,5 millions d'euros.

En synthèse, la rapporteure spéciale a retenu trois séries de constatations.

Première constatation : la relative célérité avec laquelle cette opération a été conduite par l'administration, entre mai 2009 et mars 2010, soit un délai de neuf mois et demi, malgré le retard causé par un dialogue difficile entre le ministère du budget et celui de l'agriculture. Notre collègue a détaillé la chronologie du traitement de ce dossier par les services.

Deuxième constatation : le caractère empirique de la procédure suivie pour cette cession, que la rapporteure spéciale a qualifié de « bricolage », élaborée au « fil de l'eau » par le ministère du budget. Cette procédure prête en effet à la critique, faute, notamment, que l'administration ait qualifié avec une pleine rigueur, au plan juridique, l'hippodrome de Compiègne. Une autorisation législative était sans doute nécessaire pour réaliser cette vente, visant un immeuble qui a été considéré comme un bien forestier ce qui est douteux et qui, en tout cas, présentait les caractères d'une dépendance du domaine public de l'Etat.

Le recours à une procédure de gré à gré, quant à lui, était fondé en droit. Il l'était peut-être aussi en opportunité, car, comme l'a fait observer le Rapporteur général lors de notre précédente réunion, un appel d'offres aurait pu s'avérer moins protecteur, en l'occurrence, des intérêts patrimoniaux de l'Etat. Néanmoins, la rapporteure spéciale estime qu'une mise en concurrence aurait mieux assuré l'incontestabilité de la vente.

Par ailleurs, l'affectation des produits de cette vente à l'acquisition de terrains forestiers constitue un équivalent économique de la procédure d'échange, habituellement suivie par l'Office national des forêts (ONF), et l'insertion dans l'acte de vente d'une clause d'affectation exclusive, à l'usage d'hippodrome et accessoirement de golf, pendant cinquante ans, garantit un retour du terrain à l'Etat, pour le cas où cet usage ne serait pas respecté par l'acquéreur.

Troisième constatation de la rapporteure spéciale : le caractère discutable de la méthode d'évaluation mise en oeuvre par le service France Domaine, pour déterminer la valeur de l'hippodrome de Compiègne, notamment du fait de l'absence d'éléments de comparaison directs. En effet, il n'existe pas de marché immobilier pour les hippodromes. Cependant, cette évaluation, malgré les limites de sa qualité, a été étayée en se référant au marché des golfs, et les intérêts de l'Etat ne semblent pas avoir été lésés.

Pour « tirer les leçons » de ce dossier, notre collègue a formulé trois préconisations principales.

En premier lieu, elle a recommandé d'améliorer la qualité juridique du régime de certaines cessions de l'Etat. Il s'agit notamment de clarifier les conditions qui permettent une cession des forêts domaniales sans recourir à la loi, dans la mesure où la rédaction actuelle du code général de la propriété des personnes publiques s'avère ambiguë sur ce point, et de définir de manière plus stricte qu'aujourd'hui les cas dans lesquels il peut être procédé à une cession de biens domaniaux de gré à gré, donc sans mise en concurrence, par dérogation à la règle de l'appel d'offres.

En deuxième lieu, la rapporteure spéciale a souhaité qu'une expertise juridique spécifique soit menée sur certains biens domaniaux à céder. Elle a proposé que France Domaine identifie les cas potentiellement difficiles ou délicats, eu égard à la nature ou à la situation particulière des biens, de sorte que le Gouvernement, au besoin, demande l'avis du Conseil d'Etat sur le régime applicable pour leur cession.

En dernier lieu, notre collègue a préconisé que la clause d'affectation d'un bien cédé ou loué par l'Etat soit systématisée dans les conventions, en tant que de besoin, suivant une analyse du contexte de chaque vente ou location et de la nature du bien à céder ou louer. Elle a suggéré, ainsi, que l'hôtel de la Marine bénéficie d'une telle garantie.

Madame Bricq, ai-je bien résumé vos propos ?

Mme Nicole Bricq , rapporteure spéciale .  Je n'ai rien à ajouter à votre synthèse, Monsieur le Président.

M. Jean Arthuis , président . Le compte-rendu quasi-intégral de cette communication du 16 février et des échanges qui l'ont suivie a été publié. Cependant, la commission ne s'est pas prononcée sur la publication d'un rapport d'information. C'est ce qu'il nous revient de faire ce matin.

M. Philippe Marini , rapporteur général .  Il est exceptionnel que le même objet soit inscrit deux fois de suite à l'ordre du jour d'une commission parlementaire. En revanche, il est normal, conforme aux usages, que la publication d'une communication à notre commission ne soit effectuée que postérieurement à cette communication. C'est une question de courtoisie je dirais : de « bonnes moeurs » entre collègues... Je regrette que notre collègue Nicole Bricq, en l'occurrence, n'ait pas respecté cette règle.

Sur le fond, le travail dont la rapporteure spéciale nous a rendu compte a été bien mené. L'intérêt général serait donc perdant si le rapport correspondant n'était pas publié mais, cette fois, en tant que rapport de la commission, et non comme la contribution individuelle de l'un de ses membres !

Par expérience, ayant moi-même réalisé de nombreuses missions de contrôle, je pense qu'un rapport de cette nature a d'autant plus de force qu'il est neutre et, en particulier, dépourvu de formulations de type journalistique. C'est par le fond que le rapport doit s'imposer, non par son style. Et cela n'ôterait rien au fond du rapport de notre collègue, au contraire, si elle acceptait une modification sur deux points, que j'ai déjà signalés lors de notre réunion du 16 février.

D'une part, il s'agirait de relativiser l'appréciation de « célérité », que la rapporteure spéciale porte sur la manière dont la cession de l'hippodrome de Compiègne a été conduite. Notre collègue juge sans doute que, pour l'administration d'Etat, par définition lourde et lente, neuf mois de procédure constituent un court délai... Mais, à mes yeux, avoir consacré autant de temps, en 2009, à une opération envisagée dès 2000, examinée en 2003 puis à nouveau en 2006, ce n'est pas avoir fait preuve de rapidité et, en tout état de cause, cela n'appelle en rien la suspicion.

D'autre part, il conviendrait de revenir sur le terme de « bricolage », dont la rapporteure spéciale qualifie la procédure suivie pour cette cession. Le mode opératoire retenu, certes, a été empirique ce terme, employé par le Président Arthuis tout à l'heure, me paraît le mieux adapté. Mais pouvait-il en être autrement, dans ce dossier ?

Comme on l'a dit, la qualification juridique du terrain sur lequel se trouve l'hippodrome de Compiègne était incertaine : ce terrain constitue une parcelle annexe de la forêt domaniale, sans en faire directement partie ; il avoisine le parc du château, sans lui être intégré. Pour l'ONF, il relevait du régime forestier, mais en pratique, et depuis plus d'un siècle, ce régime ne lui a jamais vraiment été appliqué...

Le droit ne prévoit pas tout ! En l'espèce, il était naturel de rechercher une formule empirique de cession. Celle qui a été élaborée par le ministère du budget était justifiée, soit que l'on considère l'hippodrome de Compiègne comme une dépendance forestière, relevant du domaine privé de l'Etat, soit même que l'on admette qu'il s'agissait d'une dépendance du domaine public, auquel cas la validation de la vente par une loi de finances rectificative était possible.

Dans ces conditions, le terme choisi « bricolage » me semble inutilement péjoratif. Au contraire, je crois que le rapport serait d'un plus grand poids si l'on modifiait cet élément de forme, qui n'apporte rien au fond. C'est seulement un plaisir individuel un plaisir « égoïste », en quelque sorte que se fait la rapporteure spéciale... Un mot plus neutre serait substitué avec profit.

Pour le reste, je remercie notre collègue d'avoir bien voulu prendre en compte à l'écrit, davantage que dans sa communication, la situation de l'hippodrome au regard du droit de l'urbanisme, telle que je l'avais mise en relief lors de notre réunion précédente. Et je répète aujourd'hui que les préconisations qu'elle a formulées sont utiles, et méritent donc d'être soutenues par la commission.

Je précise que j'ai dit tout cela sans méchanceté car, pour ma part, j'en suis incapable.

M. Jean Arthuis , président . C'est ainsi que nous vous connaissons, Monsieur le Rapporteur général...

Sur le fond du rapport de notre collègue Nicole Bricq, il y a donc un accord. Sur la forme, deux modifications sont souhaitées par le Rapporteur général. Qu'en pense la rapporteure spéciale ?

Mme Nicole Bricq , rapporteure spéciale .  Permettez à une collègue qui vient d'être accusée de discourtoise, de mauvaises moeurs, et qui a été présentée comme recherchant son plaisir dans son travail, de répondre précisément à ce qui a été dit !

D'abord, on peut prendre du plaisir en travaillant. C'est en effet ce que j'essaye de faire ici.

Ensuite, dès le mois de septembre 2010, j'ai fait part au Rapporteur général de mon intention d'investiguer sur la cession de l'hippodrome de Compiègne ; je lui ai demandé si un contrôle sur ce sujet ne le dérangeait pas. Il a donné son aval à cette initiative, et m'a alors indiqué les éléments d'analyse qu'il a présentés ici, en ce qui concerne le caractère inconstructible du terrain. De fait, dans ma communication à la commission du 16 février, j'ai mentionné cette situation de l'immeuble en termes de droit de l'urbanisme, et ce point a été davantage développé pour le rapport écrit.

Le Rapporteur général, comme le Président Arthuis, a eu copie du support écrit de ma communication à la veille de la réunion de la commission. Il lui était loisible de me téléphoner avant cette réunion, s'il estimait devoir discuter de tel ou tel terme... Il ne l'a pas fait.

À la suite de ma communication, pour laquelle j'avais pris soin de ne pas m'écarter du support écrit précité, le Rapporteur général a demandé au secrétariat de la commission de procéder, dans le compte-rendu, à la suppression d'un passage le concernant. Je lui ai fait demander, dès lors qu'il souhaitait une modification, qu'il m'appelle directement... Il ne l'a pas fait. Le passage en question n'a donc pas été supprimé.

Le rapport que je soumets aujourd'hui à l'examen de la commission a été adressé à l'avance au Rapporteur général. À cette occasion encore, il pouvait me joindre, pour évoquer tel ou tel point qui lui paraissait problématique. Il ne l'a pas fait, de sorte que je pense pouvoir lui retourner le grief de discourtoisie qu'il m'adresse...

J'en viens au fond de ce rapport : je maintiens l'intégralité de mes propos du 16 février.

Ainsi, mon appréciation de la célérité avec laquelle la cession de l'hippodrome de Compiègne a été conduite relève du constat factuel, à partir de la chronologie que j'ai reconstituée et présentée à la commission. Je précise, pour être complète, que cette opération a été réalisée sous la pression constante du cabinet du ministre du budget, comme en témoignent les pièces de l'épais dossier dont j'ai disposé.

Quant à l'emploi du mot « bricolage » pour qualifier cette procédure, j'estime qu'il est pleinement justifié. Un « bricolage », selon les dictionnaires, c'est un travail d'amateur. Notez que je n'ai pas utilisé le terme « bidouillage », qui suppose un trafic. D'ailleurs, ce mot « bricolage » apparaît systématiquement guillemeté à chacune de ses occurrences dans mon rapport. J'ajoute que j'écris ceci : « les conditions de la cession de l'hippodrome de Compiègne sont susceptibles de soulever de nombreuses questions de droit administratif. Votre rapporteure spéciale ne prétend pas y apporter de réponses définitives, qui relèveraient d'un juge. »

Le Rapporteur général fait valoir que cette vente aurait pu être validée par la voie d'une loi de finances rectificative. Mais ce ne sont pas les lois de finances rectificatives qui ont manqué, en 2010, et le Gouvernement aurait donc aisément pu inscrire cette validation dans l'un ou l'autre de ces textes, s'il l'avait voulu ! Au demeurant, il est possible que certaines des modifications introduites dans le droit de la propriété des personnes publiques par l'ordonnance du 21 avril 2006, telles que je les ai exposées lors de ma communication du 16 février, aient été conçues pour faciliter la cession de l'hippodrome de Compiègne ; mais je ne dispose d'aucun élément qui permette d'étayer cette hypothèse.

Bref, je n'ai pas changé d'analyse depuis notre réunion précédente, et je ne vois pas pourquoi je devrais changer, aujourd'hui, des termes que j'ai alors employés parce qu'ils exprimaient ma pensée. Si je devais me trouver contrainte à revenir sur les paroles que j'ai effectivement prononcées, j'estimerais faire l'objet d'une censure !

Du reste, je dois dire que je ne m'attendais pas, lorsque j'ai entrepris ce contrôle, à trouver une matière si riche, ni à pouvoir dégager, du cas particulier de ce dossier, autant d'enseignements de portée générale. Mais, eu égard à mes fonctions même de rapporteure spéciale de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », je ne pouvais pas me désintéresser d'une affaire qui, dans les médias, connaissait un tel retentissement... Le cas échéant, la commission aurait été fondée à me reprocher cette inertie !

Mon rapport vise à établir objectivement ce qui a été fait par l'administration en charge des cessions immobilières de l'Etat, erreurs comprises. Les conclusions que je retire de mes investigations sont destinées à améliorer le fonctionnement de cette administration, pour l'avenir, notamment en corrigeant les erreurs qui ont été commises.

M. Jean Arthuis , président . Le sérieux des travaux de la rapporteure spéciale fait l'objet d'une reconnaissance unanime. Il y a eu, malheureusement, une sorte d'« évaporation » de ces travaux, avant qu'il n'en soit rendu compte à notre commission...

M. Philippe Marini , rapporteur général .  La communication de la rapporteure spéciale a été diffusée ! Notre collègue a donné une conférence de presse avant la réunion du 16 février...

Mme Nicole Bricq , rapporteure spéciale .  C'est faux !

M. Philippe Marini , rapporteur général .  Mais, chère collègue, on a pu lire dans les journaux des citations de votre communication, avant même que vous ne l'ayez prononcée !

Mme Nicole Bricq , rapporteure spéciale .  Je n'ai pas donné de conférence de presse ! Et, d'ailleurs, que faites-vous, Monsieur le Rapporteur général, lorsque vous organisez, demain, un colloque « Patrimoine et fiscalité », à l'issue duquel le ministre du budget doit annoncer les décisions du Gouvernement en la matière ?

M. Philippe Marini , rapporteur général .  C'est l'initiative du Gouvernement !

M. Jean Arthuis , président . Revenons au sujet, et disons qu'il y a eu une « évaporation »...

M. Philippe Marini , rapporteur général .  Une « évaporation » bien organisée !

M. Jean Arthuis , président . Quant à l'emploi du mot « célérité », on peut y voir un hommage rendu à l'efficacité de l'administration...

M. Philippe Marini , rapporteur général .  Pour notre collègue Nicole Bricq, apparemment, l'administration est nécessairement lourde, lente, et ne doit prendre aucune décision !

M. Jean Arthuis , président . Enfin, le « bricolage » qualifie un travail d'amateur, mais les amateurs peuvent se professionnaliser ! C'est bien le sens des préconisations de la rapporteure spéciale...

Notre collègue, pour résumer, ne souhaite pas revenir sur son texte, parce qu'elle n'entend pas dénaturer les analyses que celui-ci exprime.

M. Philippe Marini , rapporteur général .  Je confirme que je n'ai pas cherché à joindre la rapporteure spéciale sur ce sujet. Toutefois, à chacune des étapes qu'elle a citées, j'ai fait transmettre à notre collègue, par le secrétariat de la commission, mes souhaits de modifications. Dans la mesure où elle s'est déclarée défavorable à celles-ci, je n'ai pas vu l'intérêt de lui faire perdre son temps au téléphone...

Je persiste à penser que le rapport, dans sa forme, pourrait être plus neutre. En l'état, il court le risque d'être perçu comme « orienté » notamment parce que la rapporteure spéciale appartient au même groupe politique que celui de nos collègues députés qui ont déposé une plainte en justice visant cette vente... Ce travail serait plus efficace, et il serait mieux défendu au nom de notre commission, si l'on évitait les formulations journalistiques auxquelles il a fait appel.

M. Jean Arthuis , président .  Du moins, la rapporteure spéciale a clairement noté que les intérêts patrimoniaux de l'Etat n'apparaissent pas avoir été lésés dans la cession de l'hippodrome de Compiègne...

Mme Nicole Bricq , rapporteure spéciale .  En effet.

M. Jean Arthuis , président .  Or là était bien la question fondamentale.

M. Philippe Marini , rapporteur général .  C'est exact.

M. Edmond Hervé . Je m'abstiendrai de tout commentaire en ce qui concerne « l'évaporation » qui a été évoquée, car je ne veux pas être désagréable. Pour le reste, je souhaite formuler plusieurs observations.

Première observation : l'auteur d'un rapport est son rapporteur, dont il engage la responsabilité, et il doit exprimer la pensée de celui-ci, tant sur le fond que dans la forme. La limite, à cet égard, tient au respect par l'auteur de sa compétence. Ainsi, un rapport parlementaire doit rester dans le champ de compétence du Parlement. C'est le cas, selon moi, du rapport de notre collègue Nicole Bricq, qui a pris soin d'éviter la confusion des rôles : elle s'est exprimée en tant que sénatrice, pas en tant que juge ; la séparation des pouvoirs a été respectée. Il faut bien faire attention, en effet, à ne pas mélanger les genres comme l'a fait, à mes yeux, la commission d'enquête de l'Assemblée nationale qui a été constituée sur l'affaire dite « d'Outreau ».

Deuxième observation : nos travaux de rapporteurs spéciaux doivent parfaitement respecter les principes du pluralisme et du contradictoire. Nos démarches s'inscrivent, de fait, dans le cadre démocratique, et il s'agit d'être loyal. Le contradictoire, au sein d'un rapport, doit se manifester de façon claire, que ce soit dans le corps même du document ou en annexe, mais il doit permettre d'évacuer tout soupçon de manquement aux bonnes règles. Or les exigences du contradictoire requièrent le temps de la réflexion, l'approfondissement des analyses, tandis que, souvent, nous sommes contraints de travailler trop vite. Ce besoin d'un travail serein concerne notamment les aspects juridiques de nos travaux, qui peuvent être utilisés par de nombreuses institutions... Je parle, sur ce dernier point, en connaissance de cause.

Dernière observation : je ne suis pas choqué par la distinction d'un temps pour la communication et d'un temps pour l'adoption du rapport. Au contraire, cet écart ménage la possibilité d'un recul, qui ne peut que favoriser la progression de nos réflexions.

Je précise que je n'avais pas parlé de cela avec la rapporteure spéciale avant mon intervention, et que celle-ci visait seulement à faire état de considérations d'ordre déontologique, touchant l'exercice de nos fonctions.

M. Jean Arthuis , président . Merci à notre collègue Edmond Hervé pour ce rappel de principes... Toute institution, pour assurer son bon fonctionnement, a besoin, en effet, de suivre certaines règles de bonne gouvernance, de déontologie ; d'éthique, en somme. Cet échange aura ainsi été l'occasion de mettre en exergue quelques unes des lignes fondamentales que doit suivre notre travail.

En ce qui concerne le rapport que nous examinons, sa dimension contradictoire résidera dans les comptes-rendus de nos réunions du 16 février et de ce matin, qui lui seront annexés.

À l'issue de ce débat, la commission a autorisé, à l'unanimité, la publication de la communication de la rapporteure spéciale du 16 février 2011 sous la forme du présent rapport d'information .


* 1 Le Canard enchaîné , édition du 14 juillet 2010.

* 2 Actuellement ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. Par commodité, dans la suite du présent rapport : « ministère de l'agriculture ».

* 3 Actuellement ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Par commodité, dans la suite du présent rapport : « ministère du budget ».

* 4 Cf. infra , B.

* 5 Rapport d'information n° 2514 (AN, XIII e législature) de nos collègues députés Bernard Cazeneuve, rapporteur, et Yves Fromion, président de la mission d'information précitée.

* 6 Rapport d'information n° 69 (1999-2000) de notre collègue René Garrec.

* 7 Sur le régime juridique de l'échange de terrains forestiers, cf . infra , II.

* 8 Sur ce choix d'une cession de gré à gré, cf . infra , II.

* 9 Agglomération de la région de Compiègne (ARC).

* 10 Analyse présentée infra ici, II.

* 11 Article 195 de la loi de finances pour 2009, adopté sur la proposition de votre rapporteure spéciale au nom de la commission des finances.

* 12 Cf . les rappels auxquels votre rapporteure spéciale a procédé dans l'introduction du présent rapport.

* 13 Cf. supra , I.

* 14 Décret n° 95-622.

* 15 Cf. supra , I.

* 16 Dont l'allée des Alyscamps, à Arles, du fait de l'aménagement de la promenade : CE Ass., 11 mai 1959, Dauphin .

* 17 CE Sect., 13 juillet 1961, Ville de Toulouse .

* 18 CE, 14 juin 1972, Eidel .

* 19 Article L. 111-1 du code forestier : « Relèvent du régime forestier [...] :

« 1° Les forêts et terrains à boiser qui font partie du domaine de l'Etat ou sur lesquels l'Etat a des droits de propriété indivis ;

« 2° Les bois et forêts susceptibles d'aménagement, d'exploitation régulière ou de reconstitution et les terrains à boiser [...] , appartenant aux régions, aux départements, aux communes, aux sections de communes, aux établissements publics, aux établissements d'utilité publique, aux sociétés mutualistes et aux caisses d'épargne, ou sur lesquels ces collectivités et personnes morales ont des droits de propriété indivis ;

« 3° Les terrains reboisés par l'Etat [...] jusqu'à libération complète du débiteur ou de ses ayants droit ;

« 4° Les bois, forêts et terrains à boiser, propriété d'un groupement forestier lorsque plus de la moitié de la surface des terrains que celui-ci possède lui a été apportée par des personnes morales mentionnées au 2° ;

« 5° Les bois et forêts remis en dotation au domaine national de Chambord. »

* 20 Cf. supra , I.

* 21 Ordonnance n° 2006-460, ratifiée par la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit.

* 22 Ce point se trouve précisé dans la seconde partie du présent rapport, I.

* 23 Cf. supra , I.

* 24 Cf. supra , I.

* 25 Cf. le II de la première partie du présent rapport.

* 26 Cf. le III de la première partie du présent rapport.

* 27 Cf. le I de la première partie du présent rapport.

* 28 Cf . le rapport d'information n° 37 (2007-2008) de notre ancien collègue Paul Girod et de nos collègues Bernard Angels, Marie-France Beaufils et Adrien Gouteyron.

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