LES TRAVAUX DE LA MISSION

Constituée le 4 mai 2010, la mission a réuni son bureau le 12 mai et a arrêté son programme de travail le 19 mai.

Du 27 mai au 15 décembre 2010, elle a procédé à l'audition de quelque quarante personnalités concernées à un titre ou à un autre par la problématique de la désindustrialisation : grands et petits industriels, élus territoriaux, hauts fonctionnaires, universitaires, chercheurs, partenaires sociaux, ministre en charge de l'industrie.

Du 9 septembre au 8 décembre 2010, elle a effectué une série de déplacements dans six régions françaises, ainsi qu'à l'étranger, afin de mesurer le phénomène réel de la désindustrialisation mais aussi les efforts menés en matière de reconversion et de réindustrialisation au niveau des territoires. Elle a rencontré à cette occasion un très grand nombre d'interlocuteurs autorisés, rencontres dont le compte rendu figure dans le tome II du présent rapport.

Elle s'est d'abord rendue à Bruxelles , à la Commission européenne, où elle a pu constater la quasi absence actuelle de toute politique industrielle européenne digne de ce nom qui laisse les économies de l'Union « ouvertes », pour ne pas dire « offertes » , s'agissant en particulier de notre pays, à la mondialisation et à la concurrence non régulée des grandes économies à bas coûts. Cette situation met à mal des pans entiers des industries de l'Europe et aussi des États-Unis d'Amérique.

La mission s'est ensuite déplacée dans plusieurs régions, inégalement concernées par le phénomène de la désindustrialisation :

- Nord-Pas-de-Calais et Lorraine , terres industrielles traditionnelles, touchées les premières par les crises ayant affecté successivement les mines, la sidérurgie, le textile... et qui opèrent des reconversions, certes douloureuses mais parfois très innovantes, notamment autour de l'automobile et par la diversification ;

- Midi-Pyrénées , Franche-Comté et Alsace , où l'emploi se partage, en Midi-Pyrénées, entre l'aéronautique et les industries agro-alimentaires de qualité ; dans l'Est, entre l'automobile avec ses multiples sous-traitants autour de Montbéliard, qui semble mieux résister à la délocalisation 3 ( * ) , et une filière « énergie » belfortaine brillante ; le textile subsiste à Mulhouse dans des bâtiments de l'ancien empire DMC, au milieu de friches industrielles en voie de revitalisation économique et urbaine ;

- Rhône-Alpes , présentée comme « l'Allemagne de la France », qui reste en dépit de ses difficultés la première de nos régions industrielles : maintien d'une tradition locale de production des véhicules industriels, développement du secteur de la santé et de la pharmacie, présence du groupe SEB rivalisant à Écully avec les productions à bas coût des pays émergents, soutien d'une filière chimie pourtant décriée, polluante et boudée par les jeunes ingénieurs et techniciens. La région est également pilote pour la plasturgie autour d'Oyonnax et pour l'aluminium dans la vallée de la Maurienne ;

- Nice et Sophia Antipolis , qui constitue, dans un cadre propice à la réflexion et à la recherche, une sorte de Silicon Valley à la française, entretenant des liens étroits entre son pôle universitaire et des PME innovantes porteuses de nouvelles technologies, ainsi qu'avec l'Italie proche, qui défend ses entreprises petites et moyennes selon une démarche originale, notamment dans le cadre des districts.

Enfin, la mission ne pouvait pas clore ses investigations de terrain sans se rendre en Allemagne , qui a été l'élément récurrent de référence et de comparaison pendant ses six mois d'auditions et de déplacements : elle y a rencontré des représentants du ministère de l'économie du Land de Bade-Wurtemberg et de la société Robert Bosch GmbH , ainsi que le maire de Stuttgart à l'occasion d'un long déjeuner de travail.

Cette dernière visite, riche d'enseignements, a conforté la mission dans son sentiment que le maintien d'un tissu industriel et une véritable compétitivité induisant une balance commerciale structurellement excédentaire peuvent s'accommoder de salaires convenables et d'une protection sociale satisfaisante : ceci suppose que les territoires concernés, le système de formation, les banques, les syndicats mais aussi les citoyens, unissent leurs efforts pour soutenir leurs entreprises, et notamment les PME, en entretenant une véritable culture industrielle, voire un patriotisme économique qui fait aujourd'hui cruellement défaut à notre pays.

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Dans les développements ci-après, la mission tentera d'abord d'établir un diagnostic de la désindustrialisation, de ses symptômes et de ses causes, en s'intéressant tout particulièrement à l'exemple de l'Allemagne.

Elle s'efforcera ensuite de dessiner les contours des futures politiques industrielles, avec le souci de fonder celles-ci sur les territoires, dans une vision englobant les régions, l'État et l'échelon européen, mais aussi de tenir compte des capacités de mutualisation et de développement de projets industriels locaux.

Elle proposera enfin quelques pistes pour renforcer la compétitivité de l'industrie française et lui permettre de lutter à armes égales dans la compétition mondiale.

Il a été nécessaire de délimiter le champ des travaux de la mission. L'industrie, telle qu'elle est habituellement définie dans les statistiques publiques, regroupe ainsi l'énergie et les activités de production de biens agro-alimentaires, de biens de consommation, de biens d'équipement et de biens intermédiaires, ainsi que l'automobile. Les quatre dernières catégories constituent l'industrie manufacturière selon l'Insee 4 ( * ) .

Le présent rapport ne porte donc pas sur d'autres activités souvent désignées sous le nom d' « industrie », sans qu'il s'agisse de méconnaître leur importance. Ainsi, l'industrie touristique, qui regroupe 844 000 salariés au sein de 210 000 entreprises, joue un rôle essentiel dans l'équilibre de la balance des paiements de la France, première destination touristique mondiale, et constitue un secteur majeur de l'économie au même titre que certaines grandes industries manufacturières.


* 3 À cet égard, la mission ne peut que souligner la stratégie opposée des deux grands groupes automobiles nationaux s'agissant de la localisation de leurs productions : elle se réjouit qu'une entreprise française, à actionnariat familial et privé (Peugeot-PSA), résiste aux tentations de la délocalisation et s'étonne que son concurrent direct (Renault), dont le capital est constitué pourtant d'une participation de l'État non négligeable, privilégie pour sa part la production de petits véhicules et de véhicules low cost à l'étranger, tout en s'engageant dans des choix stratégiques risqués, sans garantir l'avenir de ses sites nationaux et l'emploi de ses salariés seniors.

* 4 Toutefois, l'OCDE et Eurostat incluent les activités de production de biens agro-alimentaires dans l'industrie manufacturière.

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