B. INTENSIFIER LES ÉCHANGES ENTRE LE MONDE DE L'ENTREPRISE ET CELUI DE LA RECHERCHE

1. Faire des pôles de compétitivité des « moteurs de l'innovation industrielle » dans les territoires

Lancée en 2004, la politique des pôles de compétitivité vise à rapprocher sur un même territoire des entreprises, des centres de formation et des unités de recherche d'un même secteur d'activité, afin de dégager des synergies et d'élaborer des projets innovants. Cette politique s'inscrit dans la droite ligne des théories économiques qui font du progrès technique et de l'innovation un des moteurs principaux de la croissance et du développement. Lors de leur mise en place, l'objectif était alors de « renforcer le potentiel industriel de la France, créer les conditions favorables à l'émergence de nouvelles activités à forte visibilité internationale et ainsi améliorer l'attractivité des territoires et lutter contre les délocalisations. » 154 ( * )

À la suite de différents appels à projets, 71 pôles ont finalement été créés au lieu de la quinzaine initialement prévue 155 ( * ) . Ils se répartissent en trois catégories : 7 pôles mondiaux, 10 pôles à vocation mondiale et 54 pôles nationaux. Financés par l'État selon une programmation triennale, ils ont reçu 1,5 milliard d'euros de la part de l'Agence nationale de recherche (ANR), d'Oséo, de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et de l'Agence de l'innovation industrielle sur la période 2006-2008. S'ajoutent à cette enveloppe 308 millions d'euros financés par les collectivités locales sur la même période .

Confortés à la suite d'une annonce du président de la République le 23 juin 2007, les pôles de compétitivité ont fait l'objet d'une évaluation confiée aux cabinets CM International et Boston Consulting Group (BCG), dont les conclusions ont été rendues en juin 2008. Au vu des résultats très positifs de cette étude sur la pertinence de ce dispositif, le président de la République a confirmé le lancement d'une seconde phase de cette politique pour la période 2009-2011, en reconduisant l'enveloppe de 1,5 milliard d'euros dont elle avait bénéficié au cours de la période précédente. Pour cette seconde phase, il a été décidé de renforcer les exigences relatives au mode d'organisation des pôles et à leur développement et de ne pas labelliser de nouveau pôle, sauf à titre exceptionnel dans le domaine des écotechnologies.

Pour définir le programme de cette seconde période, un nouvel appel à projet a été lancé le 27 février 2009 dans le cadre du Fonds unique interministériel (FUI). Il a permis de sélectionner 93 projets de R&D, émanant de 48 pôles de compétitivité. Ces projets devraient bénéficier d'une participation de l'État de 109 millions d'euros et des collectivités territoriales de 62 millions d'euros.

Dans leur rapport consacré aux pôles de compétitivité 156 ( * ) , MM. Michel Houel et Marc Daunis ont confirmé le succès de ce dispositif, soulignant en particulier la mobilisation des acteurs (petites et grandes entreprises, centres de recherche, centres de formation...) et des financeurs (État et collectivités territoriales, en particulier) ainsi que l'impact positif de la présence des pôles pour l'attractivité des territoires.

En outre, les pôles ont indéniablement contribué à l'accélération des projets de R&D, jouant véritablement le rôle de « moteurs de l'innovation » dans les territoires . Ainsi, entre 2005 et 2008, 1 400 projets ont pu être lancés, impliquant 23 000 chercheurs (11 000 originaires d'organismes publics de recherche et 12 000 chercheurs d'entreprise) et mobilisant plus d'1,8 milliard d'euros auprès des collectivités publiques et 3,3 milliards auprès des industriels.

Un bilan plutôt positif pour les pôles de compétitivité

Selon l'enquête annuelle de la Direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) auprès des pôles de compétitivité, 7 200 établissements d'entreprises étaient membres d'au moins un pôle fin 2009. Ces établissements appartenaient à 6 500 sociétés. Les trois quarts de ces sociétés étaient des filiales de PME, 15 % des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et 12 % des grandes entreprises. 43 % de ces sociétés étaient contrôlées par des groupes, dont 24 % étaient des groupes étrangers, 39 % des groupes français internationaux et 37 % des groupes ayant uniquement des filiales en France.

? Une contribution active des jeunes entreprises innovantes

En 2009, 17 % des établissements membres des pôles appartenaient à des sociétés de moins de cinq ans. Ces 1 246 établissements avaient une activité très spécifique par rapport aux autres établissements impliqués dans les pôles : les trois quarts travaillaient dans les secteurs de l'information et de la communication et les activités spécialisées, scientifiques et techniques, contre 41 % pour l'ensemble des établissements membres des pôles, alors que 15 % seulement d'entre eux avaient une activité industrielle (41 % pour l'ensemble). Logiquement, une part notable (36 %) des sociétés de moins de cinq ans membres des pôles bénéficiait du dispositif « Jeunes entreprises innovantes » (JEI) en 2009 et un tiers des JEI étaient membres d'un pôle de compétitivité.

? Des effets favorables sur l'emploi

Les établissements membres des pôles employaient 760 000 salariés, dont 268 000 cadres et professions intellectuelles supérieures, au 31 décembre 2008. Ils représentaient 3,3 % de l'emploi salarié total. Plus de 60 % de ces salariés étaient employés dans l'industrie, 15 % dans le secteur des activités spécialisées, scientifiques et techniques et 6 % dans l'information et la communication.

? Les projets financés en 2009

En 2009, le Fonds unique interministériel (FUI) a financé 184 projets pour un montant de 216 millions d'euros. Les collectivités locales ont émis l'intention d'en cofinancer la quasi-totalité (174 sur les 184 projets) pour un montant de 129 millions d'euros. Elles financent aussi, pour 41 millions d'euros, des projets de R&D des pôles non retenus par le FUI. Par ailleurs, en 2009, l'Agence nationale de la recherche (ANR) a financé 251 projets pour un montant de 192 millions d'euros et Oséo a financé 554 projets pour un montant de 70 millions d'euros (hors programme ISI), ces projets ne regroupant pas ceux financés par le FUI. Si les projets financés par le FUI sont systématiquement des projets de R&D collaboratifs, ce n'est pas le cas des projets financés par Oséo et l'ANR, qui consistent aussi en des projets de R&D individuels. Enfin, on estime que les fonds européens ont financé 136 projets de R&D des pôles pour un montant de 117 millions d'euros.

? Des résultats encourageants

Fin 2009, plus de 700 projets de R&D des pôles avaient abouti. La moitié d'entre eux ont permis l'introduction sur le marché de nouveaux produits ou la mise en oeuvre de nouveaux procédés de fabrication. 30 % visaient à produire de la connaissance en vue d'élaborer de nouveaux produits ou procédés et 20 % de la connaissance pure sans application commerciale directe. Par ailleurs, plus de 2 300 projets de R&D étaient en cours de réalisation.

Source : extraits des résultats de l'enquête annuelle de la DGCIS
auprès des pôles de compétitivité, premier semestre 2010.

Malgré un bilan plutôt positif, l'évaluation des pôles de compétitivité a mis en évidence trois domaines dans lesquels le dispositif pourrait être amélioré :

- en matière de formation , ce dernier volet du triptyque « entreprises-recherche-formation » étant encore trop peu développé. Il conviendrait de prévoir par exemple que les pôles de compétitivité soient systématiquement représentés au conseil d'administration et/ou au conseil scientifique des universités spécialisés dans leur domaine de compétence , afin de permettre l'émergence de véritables « stratégies concertées » entre les deux structures. En la matière, l'Université de Valenciennes, étroitement associée au pôle de compétitivité I-Trans dans le domaine de la recherche sur les transports ferroviaires, constitue un exemple à suivre. Outre la programmation concertée des travaux de recherche avec le pôle, elle a mis en place des formations dédiées qui préparent les étudiants aux métiers d'avenir de la filière, telles que le Master en « systèmes de transports ferroviaires et guidés » ;

- des efforts sont également attendus en direction des PME , celles-ci n'étant pas encore systématiquement associées lors de la constitution des pôles. Le rapport précité de MM. Daunis et Houel signale toutefois des progrès dans ce domaine depuis le lancement du dispositif, puisque 90 % des nouvelles entreprises qui intègrent aujourd'hui les pôles sont des PME. D'ailleurs, les équipementiers de rang 1 ou 2 membres de pôles de compétitivité rencontrés par la mission se sont montrés plutôt positifs sur les effets bénéfiques de leur participation aux pôles de compétitivité 157 ( * ) . Ils ont ainsi fait valoir l'intérêt de « jouer groupés » autour des projets structurants pour ne pas « jouer contre la filière » , car le défi à relever est celui de l'exportation. Les PME ne craignent pas particulièrement la captation de leurs efforts de recherche par les grands groupes, mais elles souhaitent pouvoir, en contrepartie, s'adosser à eux pour affronter la concurrence des pays à bas coûts ;

- enfin, les délais de versement des crédits d'animation par le FUI doivent à l'avenir être réduits , certains crédits ayant été débloqués très tardivement et ayant retardé le démarrage de certains projets.

• À plus long terme, la mission considère que les pôles de compétitivité doivent être mis au service d'une véritable politique industrielle nationale . Or, jusqu'à présent, dans la majorité des cas, les pôles de compétitivité se sont constitués spontanément et localement, résultant le plus souvent de la présence historique de telle ou telle filière dans les territoires. Il convient désormais d'identifier en amont les secteurs d'avenir, afin de déterminer quels seront les axes de développement des pôles pour la troisième phase qui pourrait s'ouvrir à compter de 2012 . Le secteur des écotechnologies a d'ores et déjà été retenu ; il s'agit d'en identifier d'autres, afin que la France se positionne au plus tôt dans la compétition mondiale et prenne l'avantage dans « la course à l'innovation » qui s'engage dans ces secteurs.

• Par ailleurs, la visibilité internationale des pôles doit être améliorée. Seuls 25 % des pôles existants ont une vocation mondiale et à peine 10 % ont atteint la taille critique pour en avoir l'envergure. Il s'agit de développer des relations avec d'autres pôles ou clusters à l'échelon européen et international, voire d'envisager la mise en place de pôles européens dans le cadre d'une stratégie industrielle européenne. Pour y parvenir, certains ont évoqué la nécessité de regrouper certains pôles ou de les fusionner. Cette option n'est pas à écarter selon les cas, mais elle n'est pas dépourvue d'inconvénients, en particulier pour les territoires qui verraient disparaître un des pôles qu'ils ont contribué à développer.

• Reprenant certaines des préconisations du rapport précité de MM. Houel et Daunis, la mission estime également qu'il convient de :

- sécuriser les données industrielles produites par les pôles en les protégeant à la fois de la « délocalisation des centres de recherche » et du « pillage technologique » par certaines entreprises, avec des mécanismes juridiques conditionnant le versement des aides aux entreprises au dépôt d'une caution ;

- développer l'instauration de plateformes d'innovation mutualisant les moyens, les services et les ressources humaines au sein des pôles, ce qui permettra d'offrir aux PME une logistique et une ingénierie en matière de recherche et de conception qu'elles n'ont pas les moyens de financer seules, suivant ainsi le modèle des districts italiens, qui permettent aux PME de s'appuyer sur des créateurs ou des chercheurs financés par le district et non directement par l'entreprise ;

- mieux associer les régions au développement des pôles , en s'inspirant d'initiatives prises par certaines d'entre elles avec la constitution de pôles régionaux d'innovation et de développement économique solidaire (Prides) et en mobilisant davantage leur soutien financier et stratégique (aide régionale, participation à la définition de projets régionaux dans le cadre des appels à projets).

• Enfin, la mission considère nécessaire de mieux intégrer les PME/TPE et les ETI au sein des pôles de compétitivité . Ces entreprises doivent y trouver  un accès à l'innovation, un réseau de compétences (recherche publique, formation, grands groupes), une ouverture à l'international, une ingénierie d'émergence de projets à l'intérieur de leur structure respective. Les pôles de compétitivité doivent également agir en liaison avec les pôles d'excellence rurale (PER).

La mission propose ainsi :

- d'engager une réflexion pour subordonner les aides de l'État à l'intégration effective des PME dans les projets soutenus par les pôles et à leur soutien à l'internationalisation ;

- d'orienter le soutien financier du FUI aux PME vers des subventions ou des prêts à taux zéro (de préférence aux prêts à intérêt) afin d'augmenter leur trésorerie et leur permettre des levées de fonds auprès d'investisseurs privés, indispensables pour leur accroissement.

• Par ailleurs les pôles doivent assumer leurs ressources de fonctionnement, mais ne peuvent pas faire payer leurs prestations. Quant à l'État, il s'est engagé dans un plan d'économies.

La mission propose en conséquence que les cotisations aux pôles de compétitivité soient éligibles au crédit d'impôt recherche . Cette éligibilité pourrait être totale pour les PME et les ETI, partielle pour les grands groupes, en fixant un plafond.

Le coût pour l'État paraît négligeable par rapport aux retombées économiques résultant de la valeur ajoutée amenée aux PME, d'autant qu'une telle mesure pourrait permettre de réduire plus rapidement les subventions publiques versées au fonctionnement des pôles.

Cela favorisera par ailleurs les pôles dynamiques qui s'efforcent de rassembler autour d'eux le plus grand nombre d'acteurs possible.

2. Mobiliser les universités et les grandes écoles sur les projets industriels
a) La nécessité d'assurer une meilleure continuité du processus d'innovation, de la recherche fondamentale à la production industrielle

Ainsi que l'ont souligné plusieurs interlocuteurs de la mission, une des principales faiblesses de la France dans le domaine de la recherche-développement (R&D) réside dans sa difficulté à traduire les découvertes des chercheurs en innovations industrielles, c'est-à-dire en création de valeur ajoutée et d'emplois en France.

Deux raisons expliquent principalement ce manque de continuité dans le processus d'innovation :

- d'abord, l'insuffisance des liens entre entreprises , laboratoires de recherche et universités. Il s'agit donc de développer les partenariats dans ce domaine, en veillant à ce que les besoins des entreprises soient mieux pris en compte en termes de formation et de programmation des travaux de recherche ;

- ensuite, la difficulté à traduire les travaux des chercheurs en innovations industrielles . Pour progresser dans ce domaine, la mission suggère de réactiver les incubateurs technologiques créés par les universités et les grandes écoles pour favoriser la création d'entreprises innovantes à partir de travaux de recherche matures.

b) Développer la recherche partenariale finalisée et les partenariats « Grandes écoles - Universités - Entreprises »

Depuis une dizaine d'années, de nombreuses écoles et universités ont développé des activités de recherche en cohérence avec leur vocation pédagogique, en mettant l'accent sur la recherche partenariale finalisée , c'est-à-dire en associant plus largement les entreprises locales, les grands groupes nationaux et internationaux, pour qu'ils puissent orienter et contribuer au financement de la recherche publique ou pour mettre en oeuvre des projets mixtes associant laboratoires de recherche publiques et privés.

À cet égard, la plus grande autonomie accordée aux universités grâce à la réforme initiée par la loi sur les libertés et responsabilités des universités du 11 août 2007, devrait permettre d'accélérer la constitution de partenariats entreprises-universités.

En témoigne l'évolution de la représentation des entreprises dans les conseils d'administration des universités. Désormais, deux représentants, en moyenne, sont issus du monde socio-économique, au-delà du minimum prévu par la loi (un représentant). Plus d'une centaine d'entreprises sont recensées, aussi bien des grands groupes (près de 50 %) que des PME (près de 40 %), avec une représentation de tous les secteurs économiques.

Ainsi un nouveau paysage universitaire est en train d'émerger. Dans le même temps, les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES), créés en 2006, se développent : dix-neuf ont déjà été installés, dont quatre nouveaux en 2010. Ils permettent aux universités, grandes écoles et organismes de recherche, de mutualiser leurs activités et leurs moyens, avec pour objectif de proposer une offre de recherche et de formation plus cohérente, plus lisible et mieux adaptée aux besoins des territoires.

Par ailleurs, la loi d'orientation et de programme pour la recherche du 18 avril 2006, traduction législative du « Pacte pour la recherche », a permis de réelles avancées, notamment avec la création de l'Agence nationale de la recherche (ANR).

Le Pacte pour la recherche

Le Pacte pour la recherche poursuit six objectifs essentiels :

1. renforcer les capacités d'orientation stratégique de la recherche publique ;

2. bâtir un système d'évaluation unifié, cohérent et transparent de la recherche publique ;

3. rassembler les énergies et faciliter les coopérations entre les acteurs de la recherche ;

4. offrir aux chercheurs des carrières attractives et évolutives ;

5. intensifier la dynamique d'innovation et rapprocher davantage la recherche publique et la recherche privée ;

6. renforcer l'intégration du système français de recherche dans l'espace européen de la recherche.

Source : ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

L'Agence contribue ainsi au développement :

- d'une part, de la recherche partenariale de nature collaborative, issue des projets de recherche réalisés en réponse aux appels à projets de l'agence ;

- d'autre part, de la recherche contractuelle, qui lie étroitement des laboratoires publics et des entreprises au travers de contrats de recherche .

Les missions de l'Agence nationale de la recherche

L'Agence nationale de la recherche (ANR), établissement public à caractère administratif créé le 1 er janvier 2007, est une agence de financement de projets de recherche. Son objectif est d'accroître le nombre de projets de recherche, venant de toute la communauté scientifique, financés après mise en concurrence et évaluation par les pairs.

L'ANR s'adresse à la fois aux établissements publics de recherche et aux entreprises avec une double mission : produire de nouvelles connaissances et favoriser les interactions entre laboratoires publics et laboratoires d'entreprise en développant les partenariats.

La sélection des projets retenus dans le cadre d'appels à projets est effectuée sur des critères de qualité pour l'aspect scientifique auxquels s'ajoute la pertinence économique pour les entreprises.

Le financement de la recherche sur projets est un mécanisme très répandu dans de nombreux pays étrangers et constitue un facteur de dynamisme pour explorer les frontières de la science. Ce mode de financement est adapté tant à la recherche cognitive qu'à la recherche finalisée, qu'elle soit conduite dans la sphère publique ou en partenariat public-privé.

L'ANR bénéficie, pour l'année 2009, d'une capacité d'engagement de 840 millions d'euros pour des projets de recherche d'une durée maximale de quatre ans.

Source : site Internet de l'Agence nationale de la recherche .

Lors de ses déplacements, la mission a eu l'occasion d'observer plusieurs exemples de réussites en matière de développement des partenariats « entreprises-enseignement-recherche » :

- le technopôle de Sophia Antipolis, avec la présence sur le site d'une antenne de l'École des mines et de plusieurs centres de recherches spécialisés (Centre scientifique et technique du bâtiment [CSTB], Centre d'animation régional en matériaux avancés [Carma]) ;

Le travail en réseau de l'École des Mines à Sophia Antipolis

L'École des Mines forme des doctorants et des ingénieurs spécialisés plutôt que des ingénieurs civils.

Elle s'est installée à Sophia Antipolis, dans le cadre de la construction du technopôle voulu par Pierre Laffitte 158 ( * ) , en 1976, ce qui a permis de décentraliser les compétences et la formation de haut niveau de l'École du boulevard Saint-Michel dans le sud de la France.

La particularité et le succès de cette école résident dans le fait qu'elle travaille en réseau, en étroite symbiose avec les entreprises installées sur le site du technopôle et dans la région. Elle a acquis une telle notoriété qu'elle reçoit des commandes de recherche financées par plusieurs grands groupes d'envergure nationale, européenne et internationale, tels qu'EDF, Areva, Total ou encore Arcelor Mittal. Au total l'école a signé près de 1 000 contrats avec plus de 200 entreprises dont 30 % avec des partenaires étrangers. La plupart de ces études sont réalisées dans le cadre des pôles de compétitivité dont elle est partenaire ou dans le cadre de différents centres ou associations de recherches et d'études (Centre énergétique et de procédés [CEP], Pôle d'études et de recherches de Sophia Antipolis Nice [Persan]). Les sujets d'étude portent notamment sur : la mise en forme des matériaux, la sécurité industrielle (coeur de métier de l'école qui travaillait à l'origine en 1783 sur la prévention des risques miniers), sur les processus de production, les énergies renouvelables et les réseaux, les procédés de conversion,

Source : présentation de l'École des Mines par le professeur Jean-François Agassant, lors du déplacement de la mission à Sophia Antipolis.

- l' Université de Valenciennes et du Hainaut Cambrésis (UVHC), qui s'est imposée comme le pilote à l'échelle régionale en matière de recherche dans le domaine des transports durables, en proposant des formations d'excellence, notamment un master en « systèmes de transports ferroviaires et guidés » destiné à former les experts de demain ;

L'Université de Valenciennes et du Hainaut Cambrésis

Avec 10 500 étudiants et 650 chercheurs (dont 200 dans le domaine des transports), l'UVHC dispose de plusieurs laboratoires de référence dédiés à ces problématiques dont le Laboratoire d'Automatique et de Mécanique et d'Informations Industrielles et Humaines (LAMIH), possédant le label CNRS. Ce dernier pilote le CISIT, Campus Interdisciplinaire de recherche, d'innovation technologique et de formation à vocation internationale, centré sur la Sécurité et l'Intermodalité des Transports de surface. Le CISIT regroupe 350 chercheurs à l'échelle régionale qui travaillent pour douze laboratoires et trois centres de développement technologique régionaux, dont le Centre technologique en transports terrestres (C3T). Ainsi, dotée d'équipements importants dans le domaine du transport, l'UVHC aide les entreprises dans leur démarche de recherche, innovation et développement. Géré par une filiale de valorisation, Valutec SA, le C3T dispose de moyens d'essais importants répartis dans différents ateliers sur une surface totale de plus de 1 700 m 2 : catapulte, puits de chute, banc chocs piétons, vérins, chambre acoustique, simulateur de conduite, banc de manoeuvre et de freinage, simulation numérique, etc.

Source : présentation de l'UVHC par son président, M. Ourak,
lors du déplacement de la mission à Valenciennes.

- les partenariats noués entre laboratoires de recherche, grandes écoles et entreprises au sein des pôles de compétitivité à Toulouse , que ce soit dans le domaine de l'aéronautique avec « Aerospace Valley » ou de l'agroalimentaire avec « AgriMip ».

L'exemple du projet « Géowine » dans la région Midi-Pyrénées

Le projet « Géowine » vise à développer un système de géotraçabilité et d'authentification pour les producteurs de vins de Midi-Pyrénées, mais aussi de France et d'Europe. Il fournira aux producteurs une réponse à forte valeur ajoutée à la future directive vins en cours d'élaboration à la Direction générale de l'agriculture de la Commission européenne.

Son partenariat réunit une entreprise leader de la filière en Midi-Pyrénées, les producteurs Plaimont, la jeune entreprise innovante Prooftag qui a développé un système unique et breveté d'authentification, la Chambre de commerce et d'industrie du Gers qui a coordonné trois projets [...] sur la géotraçabilité, deux laboratoires des Universités Toulouse 1 et 3 (LEREPS et IRIT) et l'école d'ingénieurs en agronomie de Purpan. C'est un projet transversal labellisé par le pôle AgriMip Innovation qui devrait intéresser d'autres pôles, tel Vitagora.

Toutes les nouvelles étiquettes des vins européens appellation d'origine protégée (nouvelle directive européenne sur les vins) devraient être concernées par la solution de géotraçabilité proposée par « Géowine » qui permettra de certifier l'origine géographique tout au long de la chaîne jusqu'au consommateur. En termes d'authentification des bouteilles par les codes à bulles proposée par Géowine, le marché potentiel dépendra directement des coûts d'industrialisation étudiés dans le projet. En tout cas, la solution s'appliquera immédiatement aux vins de très grande qualité et aux alcools. Dans le cadre du projet, dix emplois en CDD seront crées sur une période de trois ans avec en particulier un service R&D chez Plaimont.

Au delà des chiffres d'affaires et des emplois, il s'agit de valoriser les vins français dans la nouvelle compétition mondiale qui s'instaure avec l'arrivée de nouveaux entrants sur le marché, la baisse relative de la consommation individuelle. En résumé, la solution Géowine doit contribuer à restaurer les parts de marché des vins européens à l'exportation.

Source : pôle de compétitivité AgriMip.

Dans les trois cas, on observe :

- une forte imbrication des enseignements et des structures de recherche ;

- le développement d'une logique contractuelle entre entreprises et centres de recherches, qui conduit à drainer des financements privés vers la recherche universitaire et à orienter la programmation des travaux de recherche de l'École et de l'Université en fonction des commandes des entreprises ;

- la volonté de mettre en place des formations en adéquation avec les besoins identifiés par les entreprises.

Toutefois, le développement de cette logique partenariale n'a pas encore eu toutes les conséquences que l'on pourrait en attendre :

- les doctorants sont encore trop faiblement payés (de l'ordre de 300 euros par mois). La mission considère que leurs travaux pourraient être rémunérés en partie par les entreprises qui les commandent, augmentant ainsi leur rémunération ;

- le système de mise à disposition de doctorants auprès des PME et TPE est encore trop peu utilisé. La mission préconise en la matière une certaine flexibilité de l'organisation en permettant au chercheur de consacrer une à deux demi-journées par semaine à une entreprise et d'être rémunéré au moyen d'un « chèque emploi-recherche ». Ainsi que l'a souligné un des interlocuteurs rencontrés lors de la visite du CSTB, il s'agit d' « irriguer les PME avec de la matière grise » . Une partie de la mission est attentive à ne pas précariser ainsi des doctorants et suggère au préalable une concertation avec le monde la recherche qui pourrait préférer des contrats plus protecteurs sur le mode de groupements d'employeurs.

c) Développer les incubateurs d'entreprises innovantes

Une des faiblesses françaises réside dans la difficulté à valoriser les innovations, c'est-à-dire à les traduire en produits à haute valeur technologique commercialisables, réalisés en France, avec à la clef des créations d'emplois et la conquête de nouveaux marchés.

Pour pallier cette faiblesse et assurer « un juste retour de l'investissement public dans la R&D en termes de PIB et d'emplois » 159 ( * ) , le ministère de la recherche a réfléchi à la mise en place d'un dispositif d'accompagnement des chercheurs, de l'idée jusqu'à sa réalisation.

À la fin des années 1990, suite à la loi sur l'innovation et la recherche du 12 juillet 1999, une trentaine d'incubateurs technologiques ont été labellisés dans le cadre du dispositif national d'aide à la création d'entreprise innovante mis en place sous l'impulsion du ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche.

Dénommés MITI, par référence au super-ministère japonais de l'économie, du commerce extérieur et de l'industrie, les « incubateurs d'entreprises innovantes » sont étroitement liés à la recherche publique et ont pour mission de renforcer l'incubation de projets de création d'entreprises innovantes, menée en coopération étroite avec les établissements d'enseignement supérieur et de recherche, c'est-à-dire de projets issus de la recherche publique et valorisant les travaux d'un laboratoire public ou de projets issus du milieu économique, mais ayant établi une réelle collaboration avec un laboratoire public et bénéficiant de son appui.

L'incubation consiste à la fois à : protéger l'innovation, amorcer les développements, étudier le marché, définir le modèle d'entreprise et la stratégie commerciale, obtenir les homologations, rédiger les contrats et les statuts, mettre en place la stratégie d'entreprise et le prévisionnel financier, réaliser le « premier tour de table », se former à être un futur dirigeant d'entreprise et trouver une implantation.

Ensuite, le chef d'entreprise est accompagné dans son projet de création et de développement : hébergement, financement, suivi de l'entreprise, accompagnement à l'export et à la croissance, aide à la démarche d'innovation, identification des spécialistes sectoriels...

Le plus souvent créés sous la forme de groupements d'intérêt public (GIP), les MITI associent différents établissements d'enseignement supérieur (Universités et Grandes Écoles), des structures d'accompagnement de projets et des acteurs économiques régionaux.

Un exemple d'incubateur d'entreprises innovantes

Le MITI du Nord-Pas-de-Calais

Créé en 1999, le MITI Nord-Pas-de-Calais est un incubateur généraliste, qui accueille sur l'ensemble de la région des projets d'entreprises innovantes issus de domaines et secteurs d'activités variées : technologies de l'information et de la communication, sciences et technologies de l'ingénieur, sciences sociales et humaines...

Les projets soutenus par le MITI doivent être portés par une personne physique. Sont éligibles les projets ayant un caractère technologique et représentant un réel apport pour le tissu économique régional. Ils doivent être soit issus de la recherche publique, soit développés en partenariat avec un laboratoire public. Pour entrer en incubation, l'idée de produit ou de service doit être mature, la preuve du concept ou de la faisabilité technique avérée, le marché potentiel envisagé et les motivations du créateur certaines. Les entreprises créées au terme de la période d'incubation doivent s'engager à s'implanter sur le territoire régional.

Après un diagnostic préalable, il propose aux différents porteurs de projets un accompagnement et du conseil jusqu'à la création de l'entreprise, ainsi qu'un financement dédié à la réalisation d'études de faisabilité (études de marché, techniques, juridiques, de propriété industrielle, ...).

Depuis sa création, le MITI a accompagné près de 70 projets d'entreprises ; 28 entreprises ont vu le jour et 23 sont aujourd'hui toujours en activité. Ces entreprises représentent plus de 175 emplois créés et 6 millions d'euros de fonds levés.

Source : MITI Incubateur Nord - Pas de Calais.

La mission regrette que certaines régions aient quelque peu délaissés les MITI , qui constituent pourtant un instrument précieux d'aide à la création d'entreprises innovantes. Elle suggère de relancer ce dispositif en réactivant les structures existantes et le cas échéant en envisageant la création de nouvelles structures qui pourraient être associées aux pôles de compétitivité.

La proposition des EGI, visant à créer un ou plusieurs fonds « Start-up-Universités-Grandes écoles » destinés à financer le démarrage de start-up spécialisées dans les hautes technologies, va dans le même sens. L'État entend y consacrer 100 millions d'euros, prélevés sur l'enveloppe « fonds d'amorçage » du Grand Emprunt national. Mais la mission considère que le seul financement du projet n'est pas suffisant. L'incubation offre un accompagnement qui en garantit le succès. C'est pourquoi, il est indispensable de prévoir un dispositif qui intègre l'accompagnement offert par les MITI.


* 154 Direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCID), « Le 4 Pages », n° 3, mai 2009.

* 155 67 pôles ont été labellisés par le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) le 12 juillet 2005, puis plusieurs fusions de pôles et de nouvelles labellisations ont été décidées lors d'une deuxième et troisième vagues les 6 mars 2006 et 5 juillet 2007.

* 156 Rapport d'information (2009-2010) n° 40, « Les pôles de compétitivité : bilan et perspectives d'une politique industrielle et d'aménagement du territoire », fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, octobre 2009.

* 157 Voir le compte rendu de la table ronde avec les membres du pôle de compétitivité I-Trans à l'Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis (UVHC) lors du déplacement de la mission dans le Nord le 9 novembre 2010.

* 158 Pierre Laffitte a été sénateur des Alpes-Maritimes de mai 1985 à septembre 2008.

* 159 Compte rendu de la table ronde au CSTB - CARMA lors du déplacement de la mission à Nice et Sophia Antipolis les 14 et 15 octobre 2010.

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