XXX. EXAMEN DU RAPPORT - MARDI 8 MARS 2011

M. Martial Bourquin, président. - La mission d'information fait suite à une demande du groupe socialiste, qui a usé du droit de tirage reconnu par l'article 6 bis du Règlement. La présidence et le rapport ont été partagés entre la majorité et l'opposition. Créée le 4 mai dernier, elle a, au cours de ses quinze réunions, procédé à 27 auditions d'élus, de chefs d'entreprises, de hauts fonctionnaires, de syndicalistes et, pour finir, du ministre en charge de l'industrie ; elle a tenu une table ronde ; elle a effectué entre le 9 septembre et le 8 décembre des déplacements à Bruxelles, en Rhône-Alpes, à Toulouse, à Nice et Sophia-Antipolis, dans le Nord - Pas-de-Calais, en Lorraine, en Alsace et Franche-Comté, enfin en Allemagne. Le compte rendu de ses travaux totalise quelque 270 pages.

Je tiens aujourd'hui à remercier tous ceux qui se sont impliqués dans ce travail. Nous arrivons au point le plus délicat et le plus important car, après une mission aussi riche, il s'agit d'établir un rapport qui compte et qui influence la politique du gouvernement et les travaux du Parlement. Là est la difficulté, car il y a déjà beaucoup de contributions, or ce rapport doit se situer parmi les plus marquants.

Je propose qu'Alain Chatillon nous présente le projet de rapport, puis que nous en débattions avant de relever les points d'accord ou de désaccord.

M. Alain Chatillon, rapporteur. - Oui, ce travail est important et, oui, nous avons la volonté d'effectuer un rapport utile, notamment pour les entrepreneurs, car, au-delà des prises de position, il faut apporter une contribution à la réindustrialisation. Nous avons apporté des modifications depuis le 25 janvier, ainsi sur le rôle des collectivités territoriales et de l'Europe., les écosystèmes locaux, la réforme de la fiscalité locale, l'industrie automobile, le secteur agro-alimentaire. Nous avons aussi intégré les sources recommandées par le Président : le Bureau of Labor Statistics, la commission des comptes de la Sécurité sociale et les chiffres révisés de l'Insee.

Cette mission répond à une nécessité : le Sénat devait consacrer un travail spécifique et approfondi à l'avenir de notre industrie et il faut se réjouir que nous l'ayons fait dans le cadre d'une mission pluraliste. Peut-être ne trouverons-nous pas un consensus sur toutes les analyses, mais je crois possible de nous entendre sur les propositions et je suis prêt à améliorer le texte en vous écoutant.

Vous avez reçu un exemplaire du pré-rapport la semaine dernière et vous avez trouvé dans ses dernières pages une liste synthétique des propositions. Le rapport reprend largement les auditions et les déplacements auxquels a procédé la mission. J'ai souhaité qu'il reflète la diversité des témoignages recueillis ici ou sur le terrain. Le rapport s'appuie aussi sur les analyses et les sources statistiques indispensables à une mise en perspective.

L'axe territorial, qui figure dans l'intitulé de la mission, est incontournable ; il constitue la valeur ajoutée spécifique de notre assemblée. Les collectivités territoriales ne constituent plus une force d'appoint : elles sont, selon la formule de Philippe Leroy, les acteurs de leur développement. J'ai tenu compte des observations du président sur les écosystèmes locaux et la fiscalité locale.

Les filières étant un fondement indispensable des politiques industrielles, plusieurs d'entre elles ont été étudiées plus particulièrement : agro-alimentaire, industries vertes, automobile, aéronautique. Michel Teston m'a fait parvenir des éléments très utiles sur les véhicules lourds ; je vous proposerai d'intégrer la contribution de Serge Andreoni sur la pétrochimie au bord de l'étang de Berre ; je vous ai fait parvenir une proposition de nouvelle rédaction sur la structuration de la filière aéronautique.

Point constant de référence, l'Allemagne fait l'objet d'une analyse détaillée afin de mesurer les déterminants de sa compétitivité. Les économistes ont débattu du coût du travail en France et en Allemagne. Le rapport en propose une analyse nuancée. En tout état de cause, le rapprochement des coûts salariaux horaires est un phénomène marquant sur lequel la Cour des comptes vient de mettre l'accent.

L'analyse ne constitue qu'une première étape, ce rapport n'étant pas un travail universitaire mais étant destiné à inciter à agir. L'examen des propositions doit faire l'objet d'une attention toute particulière. Les 16 propositions que nous déclinons constituent une boîte à outils.

L'innovation, la formation et la culture industrielle sont le fondement de toute politique industrielle. Il serait utile que les industriels soient mieux représentés dans les conseils d'administration des entreprises publiques ainsi qu'à l'Agence des participations de l'État. De même, je propose d'inciter plus fortement les entreprises à accueillir des étudiants en alternance.

Tous les dispositifs doivent mieux cibler les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Pourquoi ne pas faciliter la mise à disposition temporaire de chercheurs auprès de petites entreprises ? Il convient également de renforcer les pôles de compétitivité.

Améliorer l'efficacité des dispositifs de soutien passe par un approfondissement du lien entre Ubifrance et les régions, par l'introduction d'un accompagnement des entreprises à l'international, par la promotion des produits à forte identité locale, par l'orientation de l'épargne vers l'industrie et par une création plus aisée des entreprises innovantes. Nous ne devons pas craindre de défendre les atouts de la France dans les marchés publics, notamment en valorisant la dimension écologique dans le processus de production. Je propose aussi de redéployer à coût constant vers l'industrie les allégements et exonérations de charges. Je reprends les contrats de filière proposés par le président Bourquin.

Une coordination au niveau européen est indispensable. Je suggère de nous engager en faveur d'une harmonisation fiscale et de demander une véritable politique industrielle. Des stages obligatoires en entreprise pour les hauts fonctionnaires qui portent la voix de la France à Bruxelles amélioreraient la perception qu'on y a de notre industrie.

La liste modifiée que je vous ai transmise hier soir met encore l'accent sur la promotion du pacte social au sein de nos entreprises, qui a fait l'objet d'un travail de Joël Bourdin et de Patricia Schillinger, ainsi que sur le soutien à la création d'indications géographiques protégées pour les produits non alimentaires, comme le recommandent Yves Jégo et Catherine Dumas.

Ce pré-rapport présente une analyse nuancée et formule des propositions à partir des travaux que nous avons menés depuis dix mois. Il repose sur la conviction que les territoires peuvent, au moyen de mesures simples et d'une volonté commune, retrouver l'industrie et développer le tissu entrepreneurial qui seuls peuvent préserver les emplois et préparer l'avenir. C'est pourquoi je vous propose de donner à ce rapport un titre qui exprime clairement notre ambition : « Réindustrialisons nos territoires ».

M. Daniel Raoul. - On pourrait trouver un consensus sur ces propositions en les reformulant. Avec une présentation plus volontariste, je peux en effet être d'accord sur les 16 titres que vous déclinez en 60 ou 65 items.

En revanche plusieurs points du rapport nous posent des problèmes de forme et de fond. Quoique vous l'ayez revisitée, nous ne pouvons accepter la présentation de la comparaison avec l'Allemagne. Je regrette que vous ayez fait allusion à un rapport inexact parce que basé sur des chiffres faux transmis par le gouvernement français à l'OCDE. On a vu à Stuttgart ce qu'il en était du coût annuel, de la durée du travail et de la productivité. Le directeur du site Scania à Angers estimait que le site français est le plus rentable du groupe : les Français allient d'ailleurs la rigueur nordique et la créativité latine, ce qui conduisait dans les cercles de qualité à des espaces d'initiatives sans équivalent en Allemagne.

La réforme de la taxe professionnelle, ensuite. Là aussi, il y aurait beaucoup à dire. La dernière réforme a été contreproductive, car elle aboutit à taxer la masse salariale à travers la valeur ajoutée. Dominique Strauss-Kahn avait sorti les salaires de la base d'imposition, de sorte qu'il restait un impôt sur l'investissement. Or s'agissant des collectivités, la réforme ayant été faite à la va-vite, il est impossible de faire des simulations et les collectivités freinent les plans pluriannuels d'investissement, hors plan de relance : quand la marge est de quelque dix millions dans ma communauté d'agglomération, on devine ce qu'il en est des EPCI à TPU qui ne font que de l'investissement... Même si certaines entreprises en ont tiré bénéfice, la réforme enraye la dynamique.

Troisièmement, les OGM. Là, c'est la cerise sur le gâteau ! J'ai consulté les comptes rendus d'auditions sans en trouver mention. Cela sort du cadre de nos travaux, à moins qu'il y ait eu un aparté. Avec MM. Bizet et Pastor, nous avions abouti à une proposition sur les plantes génétiquement modifiées (PGM), j'y insiste une fois de plus, qui ne sont pas des OGM et sans lesquels il n'y aurait ni pain ni bière, et pas d'insuline non plus. La commission des affaires économiques avait convenu à l'unanimité qu'il pouvait y avoir recherche en plein champ, puis évaluation avant de passer à la culture en plein champ. Ce qui vient de se passer du côté de Colmar avec la destruction de plants de vigne résistants au court-noué confirme qu'il y a encore, de l'autre côté aussi, des obscurantistes. Mettre cela dans le texte me gêne ; ce n'est pas l'objet du rapport.

M. Alain Chatillon, rapporteur . - Je vous répondrai d'abord sur les salaires et la comparaison avec l'Allemagne. Le coût réel est de 33 euros à l'heure. Le rapport de l'Insee remet les compteurs à zéro. Le différentiel s'est amenuisé.

M. Daniel Raoul. - Rexecode est un chiffon rouge !

M. Alain Chatillon, rapporteur. - Il y a les chiffres de l'Insee et ceux d'Eurostat. Les coûts pour la France ont été revus en février 2011 : ils y sont très légèrement inférieurs : 33,40 euros. Tous les éléments sont là.

M. Martial Bourquin, président. - Il y a une statistique officielle.

M. Alain Chatillon, rapporteur. - Avec les charges sociales, le différentiel est de 28 à 43 %.

La territorialité ensuite. J'ai rapporté la mission sur la taxe professionnelle. Je n'étais pas pleinement convaincu par le projet de réforme, mais la péréquation horizontale est déterminante. Je rappelle la double clause de revoyure en juillet et à la fin de l'année ainsi que l'engagement du gouvernement d'un remboursement à l'euro près (M. Daniel Raoul manifeste son scepticisme). Attendons. Enfin, nous traitons de la réindustrialisation et non de la fiscalité.

Les biotechnologies enfin. J'ai passé quarante ans dans la première entreprise diététique et biologique européenne. Je sais qu'il faut regarder les choix à faire. Cela vient-il comme un cheveu sur la soupe ? Pas du tout : à Toulouse, nous avons entendu parler de recherche et développement sur les semences. J'ai été le premier à débattre avec Axel Kahn et Joël de Rosnay, mais je sais aussi que de Bordeaux à Saint-Nazaire, l'on débarque tous les jours des céréales OGM pour nourrir le bétail, sans que nos entreprises auxquelles on oppose l'OMC puissent se défendre. Hier, on apprenait que des algues en circuit fermé, avec du CO2 pour seule nutrition, faisaient baisser de moitié le prix du carburant pour l'aéronautique. Irons-nous un jour chercher notre carburant aux États-Unis ou au Brésil parce que nous nous voilons la face aujourd'hui ? Nous savons tous qu'il y a des gens qui vont jusqu'à la limite pour faire avancer la science - ils sont borderline. Ne confondons pas OGM et biotechnologies...

M. Daniel Raoul. - Pas moi !

M. Alain Chatillon, rapporteur. - J'évoque bien « le refus des OGM ».

M. Martial Bourquin, président. - La recherche, y compris en plein champ, oui, mais pas la culture, telle est la position du Sénat et du gouvernement français.

M. Alain Chatillon. - Tous les gastro-entérologues vous le diront, ce ne sont pas les OGM qui les inquiètent ! Le maïs Bt...

M. Daniel Raoul. - ... me pose un problème.

M. Alain Chatillon, rapporteur. - On craint qu'il résiste à l'ampicilline mais rien n'est prouvé. Le président m'a écrit qu'il s'agissait d'un combat personnel.

M. Martial Bourquin, président. - Votre phrase est ambiguë.

M. Alain Chatillon, rapporteur. - Clarifions les choses. Nous allons modifier la phrase.

Mme Élisabeth Lamure. - Je m'attendais plus à un débat sur l'industrie. À mes yeux, on retrouve dans ce rapport riche et dense la teneur de nos réunions et de nos déplacements. J'apprécie le développement donné à la comparaison avec l'Allemagne, aux coûts de production, à la fiscalité, qui sont des sujets emblématiques. Trois éléments de satisfaction ont été notés : les pôles de compétitivité, le crédit impôt recherche et la suppression de la taxe professionnelle. Tout cela est bien rappelé.

Sur la forme, la partie diagnostic me semble beaucoup trop développée. L'on aurait pu s'en tenir aux conclusions des États généraux de l'industrie. S'agissant de l'articulation, j'aurais préféré que la deuxième partie soit consacrée à la compétitivité industrielle, rejetée en troisième partie. Le renforcement de la compétitivité doit être le pivot du rapport. J'observe d'ailleurs qu'en page 17 on annonce trois parties : le diagnostic, la compétitivité, l'amorce de mesures.

Il conviendrait de préciser dans l'introduction que nous traitons de l'industrie manufacturière car l'Île-de-France, le Languedoc-Roussillon et la Provence, qui figurent dans les régions désindustrialisées sur la carte de la page 26, ont, comme la Corse, une industrie touristique.

Serait-il possible qu'un tableau présente le coût du travail et la productivité chez les 27 États de l'Union européenne ? Enfin, il serait utile de mentionner les délais de réaction d'ERDF ou d'Orange qui prennent des mois lors de l'installation d'une entreprise.

M. Alain Chatillon, rapporteur. - Je vous remercie de ces remarques. On a prévu d'ajouter le tableau sur la situation des 27.

M. Michel Teston. - La dernière mouture, que j'ai lue ce matin, ne répond toujours pas à nos attentes. Je ne reviens pas sur ce qu'a dit Daniel Raoul, sinon pour dire que j'ai trouvé ambigu le texte sur les OGM, page 30. Il faut par ailleurs, c'est très important, que la première partie souligne qu'il n'y pas de politique industrielle en France, car cela explique largement les difficultés actuelles.

Malgré vos efforts, l'écart des coûts reste présenté comme le principal facteur explicatif de la désindustrialisation. Les chiffres ayant été rectifiés, il faut être plus explicite là-dessus.

On n'a pas étudié les conséquences de la précarité au travail, qui représente pourtant un élément important de la situation de la France et de sa moindre attractivité. Ne peut-on expliquer ce qui s'est passé ?

Il n'y a pas d'urgence. Nous avons commencé à travailler avec des perspectives divergentes. Prenons maintenant le temps de rendre compte de l'ensemble des informations réunies.

M. Alain Chatillon, rapporteur. - « La France n'a plus de politique industrielle ». Cette phrase, page 12 du rapport, est indiquée en gras.

M. Daniel Raoul. - Il faut dire depuis combien d'années cela dure.

M. Alain Chatillon, rapporteur. - Doit-on alourdir un rapport sur la réindustrialisation par des considérations sur la précarité ? Nous avons voulu centrer la deuxième partie sur les territoires.

M. Daniel Raoul. - Cela correspond au travail de la commission.

M. Alain Chatillon, rapporteur. - Qu'apporterait un développement sur la précarité ? Nous avons consacré un premier point à la culture industrielle et marqué la nécessité d'améliorer le fait social dans l'entreprise en reconnaissant les salariés et leur travail - c'est en gras.

M. Jean-Jacques Mirassou. - On ne peut traiter un mal qu'après avoir posé le diagnostic. Or ce n'est pas le cas. Quand on a perdu 600 000 à 800 000 emplois industriels, on a essayé d'y substituer des emplois de service. Était-ce manque de volonté politique ou choix délibéré d'accompagner cette mutation ? Comment animer les territoires quand les collectivités sont privées de la taxe professionnelle, dont le dynamisme était incitatif ? Comment, malgré les restrictions budgétaires, mener des actions positives et affirmer la présence des services publics locaux, si importants pour l'attractivité des territoires ?

L'industrie aéronautique, qui me tient particulièrement à coeur, met en oeuvre une technologie de haut vol dans un contexte marqué par les contraintes internationales. Je me retrouve dans l'additif apporté au rapport. Cependant, lorsque j'interroge le ministre sur l'aggravation de la situation des sous-traitants de premier rang, comme Latécoère, il me répond que l'entreprise doit vivre sa vie et que l'État l'accompagnera, au besoin avec le Fonds spécial d'investissement (FSI). Où est le volontarisme du ministre ? Un secteur industriel emblématique justifie une volonté stratégique, une attention du gouvernement, relayée par les collectivités territoriales !

Lorsque je dis cela, on me répond : « on suit les choses avec attention » ! Ce n'est pas ainsi que l'on appuiera les comités de filières qui, si l'État ne pousse pas un peu les feux, auront du mal à paraître crédibles, si ce n'est à survivre.

M. Brégier, PDG d'Airbus, n'est pas pour moi un prophète. Il voit une fatalité dans la délocalisation de certains emplois, mais oublie de préciser que cela signifie aussi, pour Airbus, des transferts technologiques, qui engagent notre pays dans une course poursuite avec la Chine ou l'Inde. Sa mission serait à l'entendre d'avoir toujours un Airbus d'avance. Mais il oublie que les transferts technologiques sont irréversibles. Airbus, qui est à la fois concepteur, monteur et vendeur, n'a conservé que ce qui produit une très forte valeur ajoutée - voir les mâts réacteurs de l'A350. Il est temps de revenir à une pratique plus large.

Je suis donc en désaccord avec la présentation fataliste du rapport, qui laisse de côté la capacité de peser que conserve encore l'État - et je pense aussi au problème du capital d'EADS : Lagardère va se retirer mais il faudra faire en sorte que ses 22,5 % puissent toujours permettre à l'État de peser sur les enjeux du secteur aéronautique.

Ce rapport reste minimaliste, il n'ouvre pas assez de perspectives susceptibles de donner un nouvel essor à notre secteur industriel.

M. Alain Chatillon, rapporteur. - Il n'a jamais été question de dire que le développement des emplois de service devait signer l'effacement des emplois industriels. Reste qu'alors que 600 000 à 800 000 emplois ont été perdus sur dix ans, il faut prendre en compte dans le solde la création de 270 000 emplois de services environ. Sans eux, le chômage aurait atteint des records. Attention, donc, à ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain.

Je partage les observations de M. Mirassou pour Latécoère, mais nous avons travaillé avec des collaborateurs d'Airbus qui ne sont pas attachés à la direction générale. Quant à la gouvernance d'EADS, s'il est normal que nous nous inquiétions, en tant que sénateurs, j'estime cependant qu'elle ne doit pas faire l'objet d'un développement spécifique dans notre rapport. Ce n'est pas à nous de donner des leçons à la direction générale. EADS est une entreprise indépendante. Aux représentants de l'État de s'exprimer au conseil d'administration. Si nous entreprenions de nous en mêler, nous serions à juste titre critiqués, voire attaqués.

M. Jean-Jacques Mirassou. - C'est M. Forgeard qui eût mérité d'être attaqué. Quand quelqu'un représente, ès qualité, le gouvernement, il a le devoir de dire haut et fort ce que personne d'autre ne dit.

M. Alain Chatillon, rapporteur. - La problématique est la suivante. Daimler veut sortir de ses 15 %. Restent 7,5 % à l'État allemand. Même chose en France avec Lagardère et l'État français. Quels groupes industriels vont se substituer à ceux qui vont sortir ? À l'État, à travers les administrateurs qui le représentent, d'indiquer la direction. C'est bien pourquoi nous formulons le souhait que les représentants de l'État soient des industriels.

Si vous avez des objections à faire sur le rapport, je suis prêt à les entendre, mais nous avons fait travailler, sur cette question, une équipe solide, qui nous a fourni les éléments essentiels.

M. Jean-Jacques Mirassou. - Nous n'avons pas travaillé avec la même équipe. Nous nous appuyons aussi sur les représentants des centrales syndicales, qui sont loin d'être des imbéciles...

Mme Isabelle Pasquet. - La mission a fait un important et remarquable travail. Je regrette cependant qu'elle ne se soit pas déplacée dans les Bouches-du-Rhône, où Serge Andreoni et moi-même aurions été heureux de l'accueillir.

M. Martial Bourquin, président. - Nous n'avons hélas pas pu, à la suite d'un imbroglio.

Mme Isabelle Pasquet. - C'est pourquoi j'ai vivement suggéré à Serge Andreoni d'apporter sa contribution écrite. Il me semblait important qu'elle figure au rapport, comme il est important que notre diagnostic soit aussi complet que possible. On parle beaucoup, aujourd'hui, des conséquences de la crise : il faut aller au-delà des conclusions, insuffisantes, des États généraux de l'industrie.

Le groupe CRC partage ce constat que la France n'a plus de politique industrielle et déplore l'absence de ces grands projets qui ont, dans l'histoire, permis de revitaliser notre tissu industriel. Nous regrettons que l'État, qui se désengage et poursuit sa politique de privatisation de l'industrie, n'en tire pas les leçons.

Notre groupe souscrit pour une grande part aux objectifs dégagés par la mission, tout en émettant quelques réserves qui figureront dans notre contribution écrite.

M. Jean-Pierre Sueur. - J'estime que le rapport reste bien modéré sur le FSI, qui n'a pas l'efficacité requise pour soutenir véritablement les projets. Dans mon département, aucun n'a été jugé digne des critères fixés par le Fonds... Il me semble aussi que le Fonds de modernisation des équipementiers de l'automobile (FMEA) aurait mérité nos critiques. Alors qu'il aide financièrement PSA ou Renault, il n'a su mobiliser que 600 millions pour l'ensemble des équipementiers, laissant les PME en situation bien difficile. C'est là, à mon sens, une véritable carence.

Il y a, dans le crédit impôt recherche, une part considérable de fuite : il finance des choses qui n'ont qu'un rapport très lâche avec la recherche. Dire qu'il faut l'affecter davantage aux PME ne suffit pas. Toutes les entreprises, qu'elles comptent trois ou 10 000 salariés, sont éligibles au CIR. Ce qui compte, c'est moins la taille de l'entreprise que l'existence effective d'un effort de recherche.

Quelques remarques connexes, enfin. Préconiser que l'aide de l'État soit conditionnée au maintien des sites industriels en France part d'un bon sentiment, mais je me demande dans quelle mesure cela est faisable, et compatible avec les règles européennes. J'ajoute que les considérations relatives au manque de savoir-faire de la France en matière de lobbying auprès des institutions européennes ne soulèvent pas mon enthousiasme.

Il faut harmoniser l'impôt sur les sociétés, certes, mais cela est indissociable d'une réflexion et d'un débat sur l'ensemble de la fiscalité. Si cette question est mieux prise en compte que dans la première mouture du rapport, des questions demeurent non résolues quant aux effets latéraux de l'harmonisation sur le reste de la fiscalité.

Un codicille, enfin, sur la suggestion de M. Teston, qui estime bon que nous nous donnions un peu de temps pour intégrer les remarques des uns et des autres au rapport : je crois ne pas avoir entendu la réponse du rapporteur.

M. Alain Chatillon, rapporteur. - J'attendais que soit achevé le tour de table. Mais je puis vous dire dès à présent que je suis favorable à l'ajout de quelques lignes sur le FMEA. En ce qui concerne le CIR, nous avons développé ces arguments devant le ministre. L'an dernier, 42 % des crédits sont allés aux grands groupes et à leurs filiales.

M. Daniel Raoul. - Aux grands groupes via leurs filiales.

M. Alain Chatillon, rapporteur. - C'est là qu'est la problématique, mais un arbitrage fondé sur le niveau de participation du groupe dans la filiale serait difficile à mettre au point.

M. Daniel Raoul. - Les néofiliales sont faciles à identifier...

M. Alain Chatillon, rapporteur. - La chose est différente pour celles qui sont intégrées et consolidées. C'est bien pourquoi, sans entrer dans ce débat, nous préconisons de mieux orienter les crédits vers les PME et les ETI.

M. Daniel Raoul. - On peut optimiser le taux de prise en charge pour les PME et les ETI. Nous avons fait des propositions en ce sens lors du débat sur le projet de loi de finances.

M. Marc Daunis. - Nous avons conduit un énorme travail : il serait regrettable qu'il se dissolve en un théâtre d'ombres. A-t-on bien la volonté d'arriver à un document commun ? Cela suppose évidemment de pointer ici ou là les approches divergentes, car il est évident que sur un sujet de cette importance, nous ne pouvons pas nous en tenir à une entrée unique. Le plan du rapport doit permettre d'ouvrir des entrées divergentes - je pense par exemple à la question de la TVA...

Je ne reviens pas sur le FSI et le FMEA, M. Sueur s'en est très clairement expliqué. À la question du CIR, comme élu d'un département comptant une technopole, je suis directement confronté. Si un tel dispositif est incontournable, il faut néanmoins y réintroduire la puissance publique. Il serait bon qu'à la suite de ce rapport se mette en place un groupe de travail spécifique. Le problème est complexe. Quelle que soit la qualité des membres de notre mission, elle ne suffira pas à démêler l'écheveau entre filiales, holdings et sous-traitance. Les grands groupes obligent parfois à faire remonter les crédits, asséchant ainsi de façon inadmissible les PME, au détriment de la consolidation de leur tissu. Et je ne parle pas des recherches qui n'en sont pas, comme la réalisation d'un logiciel par quelque société d'assurances...

Sur la question de la propriété intellectuelle des brevets, nos déplacements ont été riches d'enseignements. On assiste à un double pillage entre délocalisation des cerveaux et rachat de start up très performantes. Le rapport ne traite qu'insuffisamment du problème. Je souhaite qu'il soit revisité pour renforcer nos propositions, car il y aurait bien des dispositions à prendre.

J'en viens à deux remarques de fond. C'est en une phrase, à la deuxième page du préambule, que l'on déplore l'absence de stratégie industrielle dans notre pays. On le fait en caractères gras, certes, mais en l'absence d'explication qui suivrait, cela relève soit de l'autoflagellation, soit de la pure déclaration, moyennant quoi l'on se tient quitte. Il y va pourtant de notre responsabilité politique. Il faudrait honnêtement retracer les causes, le choix fait, en un temps, de privilégier une économie de services dont on imaginait qu'elle pouvait se substituer à une économie manufacturière vieillissante. Certains croyaient alors avoir trouvé la pierre philosophale. Ceux qui émettaient quelques doutes étaient taxés d'archaïsme et de nostalgie des mains calleuses.

Puis, nous avons subi la financiarisation de l'économie, qui n'a pas été sans impact sur la montée en puissance de l'économie de services. Il faut aussi le relever. Ne serait-ce que parce que la politique industrielle et d'accompagnement n'est pas la même selon qu'elle va à soutenir une économie de production manufacturière ou une économie de la connaissance. La financiarisation nous renvoie également à la question de la place de la puissance publique. Veut-on qu'elle joue un rôle dans notre stratégie industrielle ou entend-on s'en remettre au laisser-faire et compter sur les fonds de pension pour assurer la régulation ? Veut-on ou ne veut-on pas renouer avec une politique plus interventionniste, que certains qualifieraient de gaulliste ? Souvenez-vous de ce que nous avons dit des moyens dont usent les États-Unis pour financer certains secteurs, de la façon dont l'Allemagne protège ses marchés... Je ne le retrouve pas dans le rapport, et je le regrette !

Je ne reviens pas sur l'erreur de fond concernant le coût du travail - d'autant qu'on l'incrimine en prouvant, dans un développement, le contraire...- sinon pour dire que la stratégie qui va de pair, et qui consiste à favoriser les concentrations, pose problème, en ce qu'elle a détruit le tissu de nos PME. Il ne s'agit pas de se changer en adeptes inconditionnels du small is beautiful et d'entreprendre de démembrer nos grandes entreprises, mais de voir comment asseoir, à côté des majors, un tissu de PME locales qui bénéficie aussi de l'effort de recherche. Nous y avons vu un secteur stratégique ; je ne le retrouve pas dans le rapport. Hormis la proposition relative à un « small business act », je ne retrouve rien du diagnostic.

M. Michel Bécot. - Je salue l'important travail qu'ont fourni tous les membres de la mission. Vous avez eu la volonté, monsieur le président, une véritable volonté de dégager des pistes pour la réindustrialisation de notre territoire. Notre rapporteur a l'avantage de bien connaître le milieu de l'industrie et son travail, hormis quelques divergences sur les termes, me semble équilibré. Je suis d'accord, à quelques bémols près, sur la synthèse qu'il propose. Sur les TPE, il me semble qu'il faudrait insister davantage sur la nécessité d'une vraie démarche de financement, dans laquelle les banques ne se sont pas engagées auprès des PME (M. Daunis approuve) mais surtout des TPE. Dans ma région, les petites entreprises de quinze à trente salariés constituent une vraie richesse. Les 1 800 emplois que compte ma commune de 3 000 habitants, elle les doit aux TPE. Et il est plus facile de les aider : il ne s'agit pas de venir au secours de tout un pan de l'économie.

Le CIR est un dispositif essentiel. Il faut le cibler. Les banques, par exemple, n'en ont nul besoin.

M. Marc Daunis. - Ou ceux qui délocalisent. Je connais le cas d'une société qui a reçu trois millions en mai avant de délocaliser aussitôt en Inde...

M. Michel Bécot. - Dernier point, enfin, pour répondre à M. Mirassou. Est-ce bien notre rôle de parlementaires que d'aller stigmatiser, dans un rapport public, une entreprise phare de notre pays comme EADS ? Gardons-nous, au contraire, de toute initiative qui pourrait l'affaiblir.

M. Jacques Legendre. - Je salue la densité du rapport, fruit d'un remarquable travail, et me contenterai de quelques remarques de forme. Ainsi de la reconversion « laborieuse et difficile » des vieilles régions industrielles comme le Nord-Pas-de-Calais ou la Lorraine : j'aimerais une appréciation plus positive des efforts du nord-est français !

Plus sérieusement, j'approuve comme vous l'idée de créer un brevet européen, mais il me semble que cela ne dépend pas entièrement de nous... D'où la difficulté.

M. Daniel Raoul. - On peut le faire, je ne dis pas par la coopération renforcée, mais avec un mini groupe.

M. Jacques Legendre. - J'approuve la volonté de promouvoir une culture industrielle, mais je mets en garde contre l'idée de créer un ministère de l'enseignement technique. On acquiert une qualification technique assortie d'une première expérience soit dans les cursus classiques de l'Éducation nationale, soit par l'alternance ou l'apprentissage. Or, je crains qu'en s'enfermant dans un ministère de l'enseignement technique, on ne se coupe de l'enseignement général, qui joue un rôle clé en matière d'orientation : soyons prudents et ne déchargeons pas le ministère de l'Éducation nationale de sa responsabilité en la matière. La réussite de l'enseignement technique passe davantage par celle de ses filières, notamment par la réussite du bac pro : la création d'un ministère n'est pas la recette miracle.

M. Rémy Pointereau. - Je souhaite dire quelques mots de la filière agricole. Je m'associe certes à ce qui est dit à la page 30. Pour avoir été en rapport avec le club Cérès, le groupement national interprofessionnel des semences (GNIS) et Syngenta, je puis témoigner que la filière française des semenciers est en souffrance, mais pourquoi mettre en avant le seul témoignage de l'entreprise RAGT, alors que l'encadré du rapporteur devrait bien plutôt avoir la première place, qui rappelle les raisons de ces difficultés.

J'aurais également souhaité que l'on évoquât davantage, en pleine crise de l'énergie, les agrocarburants...

M. Alain Chatillon, rapporteur. - Ils font partie des propositions.

M. Rémy Pointereau. - ... le diester ou l'éthanol. Je pense aussi à la filière bois : on sait produire, mais on ne sait pas transformer, alors qu'il y a là une vraie ressource industrielle : il faut l'indiquer. Autre filière qui mériterait l'attention, la mécanique agricole, qui compte bien des petits constructeurs dans bien des départements. Ils fabriquent des tracteurs ou des outils du sol, qui sont aussi un vivier de développement. Nous sommes parmi les premières puissances agricoles, nous savons fabriquer les outils, mais savons-nous les exporter ? Je n'en suis pas sûr. Je regrette que la mission n'ait pu venir à Vierzon, où existait naguère une filière de tracteurs, reprise par la société américaine Case, qui a fermé les usines. Même problème avec les moissonneuses-batteuses : nous avions autrefois la société Braud, à Angers ; nous n'avons plus rien aujourd'hui.

On nous dit que l'agriculture n'est pas délocalisable : elle l'est. Voyez ce qu'entreprennent la Chine ou l'Inde en Afrique... Il est essentiel de maintenir notre tissu industriel agricole. Et pour ce faire, les TPE ne doivent pas être négligées.

Mme Élisabeth Lamure. - Il est question, dans la première page de l'introduction du rapport, des économies de l'Union ouvertes « à tous les vents mauvais de la mondialisation ». La formule est déplaisante, comme l'est celle qui dit l'aluminium de la vallée de la Maurienne placé « sous tutelle » de l'étranger. Je tempère par une note positive, page 37, où l'on lit que notre industrie « crée de la valeur » et est « victime de ses performances » : il serait bon de mettre cela en gras, pour montrer à nos industriels que l'on valorise leur métier.

M. Jean-Jacques Mirassou. - Je n'entends pas tirer à vue sur EADS ou Airbus, mais la question est emblématique de la distance qui sépare ceux qui militent pour l'interventionnisme, au sens le plus noble du terme, de ceux qui, au mieux, sont pour le laisser-faire, au pire, ne voient rien à redire à une politique du chien crevé au fil de l'eau.

M. Martial Bourquin, président. - Nos déplacements dans les territoires ont été d'une richesse exceptionnelle. Nous avons rencontré les chefs d'entreprise, les partenaires sociaux. Nous avons été agréablement surpris par la qualité de nos échanges qui m'ont pour ma part convaincus qu'il faut conserver un fil conducteur à notre mission.

Quand est venu le temps de la rédaction, les échanges entre le rapporteur et le président que je suis n'ont pas toujours été faciles. La première mouture du rapport, qui vantait la TVA sociale ou le rapport Coe-Rexecode était pour nous, hommes de gauche, une provocation. Dans cette nouvelle mouture, le rapporteur a arrondi les angles, mais il continue, ainsi que plusieurs d'entre nous l'ont souligné, à faire apparaître le coût du travail comme la cause première de la désindustrialisation. C'est, à notre sens, une parfaite erreur d'analyse. L'Allemagne, même si elle a pratiqué la modération salariale, a démontré qu'avec une protection sociale et un coût du travail élevés, un pays pouvait se classer parmi les champions mondiaux. C'est ce à quoi il faut s'intéresser.

Est-il possible, ou non, de produire un rapport commun ? Avec mes valeurs, avec mes convictions politiques, vous ne pourrez me faire dire que le coût du travail est responsable de la désindustrialisation. C'est une question fondamentale. Il faut que, sur ce point, nous parvenions à un accord. On peut envisager plusieurs solutions. L'une d'elles consiste à présenter la position du rapporteur tout en laissant une large place aux avis divergents. Le rapporteur nous dit que le responsable est le coût du travail ; je dis, moi, que ce sont nos choix de politique industrielle de trente ans. Je l'ai dit à M. Besson, si le coût du travail augmentait de 10 % en Allemagne, les Allemands resteraient pourtant les meilleurs, parce qu'alors que nous délaissions des secteurs entiers de notre industrie, ils ont tenu ferme. On a vu comment aujourd'hui, dans le Bade-Wurtemberg, ils ont su mettre les moyens et les laboratoires de recherche au service de leurs PME et de leurs TPE, avec des résultats extraordinaires au service d'un système éco-productif responsable. Voyez comme les Allemands savent amorcer la pompe pour mettre un brevet en production, avec un fonds de soutien des banques. Si nous savions faire comme eux, au lieu de nous engluer dans un débat sur le coût du travail, qui mène au mur, nous n'en serions pas là aujourd'hui.

Sur la taxe professionnelle, il n'y a pas un avis des entreprises et un avis des territoires. Quand ceux de Fos-sur-Mer nous écrivent, c'est pour nous dire que si cela continue ainsi, ils seront ruinés, parce que toutes les infrastructures d'accompagnement qu'ils ont voulu mettre en place seront mises en cause. Le secteur industriel a besoin d'une correction de la CET pour retrouver une ressource équivalente. C'est, là aussi, une question de fond. Qu'au moins apparaissent, dans le rapport, nos deux positions.

Les contreparties ? Le groupe Trèves, qui a reçu beaucoup d'argent du FSI et du FMEA, délocalise massivement en Turquie. Est-il normal d'user ainsi de l'argent public ? Nous sommes partisans d'assortir le rapport d'une proposition de loi, afin d'interdire à une entreprise ayant reçu des fonds publics de délocaliser son activité en Turquie. M. Sueur a posé la question de l'eurocompatibilité, mais dans un cas comme celui que j'ai cité, nous sommes hors Union européenne. Nous avons vu bien des chefs d'entreprise qui attendent beaucoup de nous sur ce point.

Le rôle des banques ? Il est très bon de vouloir drainer l'épargne vers l'industrie grâce à un livret industrie, mais le problème le plus criant est celui du comportement au quotidien des banques face aux PME et aux TPE. C'est cela qu'il faut mettre en cause, en rappelant que le rôle des banques est de prendre des risques et qu'elles doivent être plus offensives. Rappelez-vous ce que nous disait ce chef d'entreprise du Nord : son banquier se disait disposé à lui prêter pour s'acheter une Ferrari, mais pas pour son projet industriel ! Il a dû aller chercher son argent ailleurs. C'est ainsi que se passent les choses aujourd'hui, et c'est pourquoi les chefs d'entreprise attendent beaucoup de nous.

Quand au couplet sur l'espionnage chez Renault, je vous mets en garde. Mieux vaudrait le retirer.

La question de la politique européenne est au coeur de notre réflexion. Nous sommes sortis abasourdis de notre déplacement à Bruxelles. On se demande si les fonds européens sont au service de la politique industrielle. Avec les fonds européens, il est même des golfs qui se construisent... Je dis, attention. C'est en s'habituant peu à peu aux choses, sans entreprendre de les changer, que l'on se retrouve avec un Front national à 24 %.

La question se pose d'un grand emprunt européen pour la recherche et l'innovation, propre à consolider les filières. L'Europe n'est-elle pas née de la CECA ? Quand renouera-t-on enfin avec une vraie politique européenne en faveur de l'industrie ?

Vous comprendrez que j'estime qu'il manque encore beaucoup à ce rapport. Je reconnais les efforts du rapporteur pour arrondir les angles, mais je crains que la recherche du consensus ne nuise au caractère percutant de notre travail.

M. Marc Daunis. - C'est pourquoi je demande que l'on révise le plan afin de permettre des excursus quand il n'y a pas consensus. Et que l'on se donne le temps. Faute de quoi, on n'aura produit qu'une coulée d'eau tiède.

Mme Élisabeth Lamure. - Je suis d'accord pour souligner les points de divergence, s'il n'y en a pas mille et trois. Il faut cibler sur les sujets majeurs de désaccord.

M. Alain Chatillon, rapporteur. - Nous sommes peut-être allés trop loin sur l'enseignement technique, mais il faut sortir du mammouth de l'Éducation nationale, et trouver le moyen de viser les filières techniques et technologiques, dont les enseignants sont unanimes à considérer qu'elles sont le parent pauvre : on ne les choisit que par défaut. Songez qu'en Allemagne, 80 % des chefs d'entreprise sont issus de la filière technique.

À Bruxelles, nous avons vu des choses énormes. Mais les fonctionnaires de tutelle français n'ont pas, pour des raisons dit-on « déontologiques », capacité de rencontrer les entreprises françaises. En Allemagne, ils viennent tous les deux mois s'expliquer avec les branches.

Quant aux banquiers, nous ne les transformerons pas. Ils ne prendront pas de risques parce qu'ils n'en ont ni la volonté, ni la capacité. Nous devons, nous, élus locaux, être capables, avec l'État, d'abonder les fonds régionaux au profit des TPE, PME et ETI, et obliger ainsi les banques à entrer dans les fonds régionaux, sur le modèle de ce qui fut tenté en Midi-Pyrénées, dans les années 1980, à l'initiative d'Alain Savary, avec l'Institut régional de développement industriel.

Nous n'avons pas dit que le coût du travail est, parmi les causes de la désindustrialisation, l'élément essentiel. Mais voyez les entreprises allemandes : leur capacité d'autofinancement est de 2 à 3 % supérieure à celle des entreprises françaises. Résultat, leurs PME sont le triple des nôtres. Et les Allemands savent sous-traiter dans de nombreux pays...

Je vous propose que chacun apporte sa contribution sur le sujet qu'il souhaite intégrer au rapport. Il n'y a pas en tout divergence d'appréciation. Je suis tout à fait d'accord, par exemple, pour ajouter un paragraphe sur la filière bois.

M. Martial Bourquin, président. - Et le photovoltaïque ! Voyez la décision de samedi...

M. Alain Chatillon, rapporteur. - Nous avons la possibilité de passer en séance publique le 26 avril : au-delà, il faudrait reporter à la fin de l'année, ce qu'aucun d'entre nous ne souhaite. Je vous propose de reporter cependant le point presse prévu demain, le temps pour nous d'intégrer les remarques que vous faites sur ce rapport, qui compte tout de même quelque 270 pages et sur lequel nous nous sommes tous fortement impliqués, non pas les uns contre les autres, mais pour trouver des solutions.

M. Marc Daunis. - Je demande d'ores et déjà qu'on respecte l'orthographe de Sophia-Antipolis, pour cesser d'écrire Sofia...

M. Martial Bourquin. - Dès lors que nous constatons notre volonté partagée de parvenir à un consensus, pourquoi ne pas se répartir le travail, par chapitres ? Cela nous évitera de nous opposer sur l'ensemble du rapport à sa prochaine rédaction.

M. Alain Chatillon, rapporteur. - D'accord, mais en convenant bien que si nous ne parvenons pas à nous entendre, nous rédigerons deux contributions séparées.

M. Martial Bourquin. - Entendu, et je veux comme vous que le fait d'aplanir nos positions n'aboutisse pas à rédiger un rapport... plat !

M. Alain Chatillon, rapporteur. - Je demande à chacun de bien vouloir faire la contribution qu'il juge utile, sur les points qui ont fait débat et sur les 16 propositions qui figurent à la fin du rapport. Les contributions doivent parvenir au secrétariat de la mission pour le 23 mars au soir.

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