VII. DÉPLACEMENT EN ALSACE ET FRANCHE-COMTÉ (18 NOVEMBRE 2010)

Composition de la délégation :

MM. Martial Bourquin, président, Jean-Jacques Mirassou, vice-président et Mme Esther Sittler, secrétaire.

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PROGRAMME

- visite du site de l'usine DMC Fil à Mulhouse ;

- table ronde sur la « filière énergie » au Conseil général du Territoire de Belfort ;

- table ronde sur la « filière automobile et entreprises diversifiées » à Pays de Montbéliard Agglomération ;

- rencontre avec les partenaires sociaux.

A - VISITE DU SITE DE L'USINE DMC FIL À MULHOUSE

La délégation s'est tout d'abord rendue sur le site de l'usine DMC Fil à Mulhouse, qui a engagé une opération de recentrage de son activité ainsi qu'une transformation du site dans sa globalité.

Mme Christiane Eckert, adjointe au maire de Mulhouse, déléguée à l'urbanisme , a accueilli les membres de la délégation.

M. Martial Bourquin, président, a tout d'abord exposé les principaux enjeux qui ont motivé la création de la mission commune d'information sur la désindustrialisation des territoires. La France a en effet perdu entre 500 000 et 700 000 emplois industriels depuis une dizaine d'années et l'industrie ne représente plus que 16 % de son PIB, contre 22,4 % en Europe et 30 % en Allemagne. Cette situation est d'autant plus préoccupante que le passé industriel de la France est solidement ancré.

Il a ainsi indiqué que les objectifs de la mission consistaient en une analyse précise des causes de ce phénomène de désindustrialisation et une mise en relief d'un certain nombre d'éléments à même de permettre une ré-industrialisation, dont l'usine DMC constitue justement un bon exemple. Il a souligné à cet égard l'intérêt présenté par cette résorption de friches avec des industriels.

M. Christophe Wanner, directeur général adjoint, en charge du développement de la communauté d'agglomération de Mulhouse, a présenté le projet de transformation du quartier DMC, qui comprend deux étapes :

- une opération de recentrage industriel et d'acquisition foncière ;

- une intégration de cette activité industrielle dans un projet ambitieux d'émergence d'un lieu de vie durable qui soit moteur d'attractivité de la région mulhousienne.

Les conditions d'accompagnement du réaménagement de ces friches industrielles devront à la fois tenir compte de ce projet urbain de reconversion ainsi que du maintien du niveau d'emplois. Trois hectares sont aujourd'hui réaménagés.

Le site comprend aujourd'hui 130 salariés, contre 350 il y a quelques années. En outre, 120 salariés ont été déplacés à Illzach en Alsace.

M. Martial Bourquin, président, a indiqué que ce site apportait l'exemple d'une collectivité territoriale partie prenante, via l'achat d'une friche industrielle, au développement économique du territoire.

Il a également évoqué le problème de l'accumulation des normes environnementales qui gênent l'aménagement industriel et les projets urbains, soulignant à ce titre que la politique de reconversion menée par l'agglomération de Mulhouse pour ce site permet de réduire le temps et les formalités d'implantation d'activité.

M. Jean-Jacques Mirassou, vice-président, a souhaité savoir si la cohabitation entre activité industrielle et projet urbanistique de logement constituait un handicap.

M. Christophe Rousseau, Secrétaire Général de la Société d'équipement de la région mulhousienne (SERM), a indiqué que tout l'enjeu du site DMC consistait à conserver une activité industrielle tout en développant d'autres destinations en respectant la mémoire du site et l'environnement. L'enjeu urbain recouvert par le site n'est pas contradictoire avec le maintien de l'activité industrielle. Il est possible sur ce site de tout réutiliser, de tout reconvertir, sans tout raser.

M. Martial Bourquin , président, est convenu qu'il était indispensable aujourd'hui de concilier développement industriel, logement et services sur un même site afin d'attirer des personnes et des salariés qui veulent une qualité d'habitat.

M. Dominique Poile, président de DMC Mulhouse, a indiqué qu'il n'y avait pas de différentiel pour la plupart des prestations d'énergie dans les pays low cost - seul le coût de la main d'oeuvre étant moins élevé - ce qui explique la non-délocalisation des entreprises.

En ce qui concerne la productivité, la France n'a pas su, comme l'Allemagne, développer un tissu dense de PME/PMI.

M. Martial Bourquin, président, a insisté sur deux éléments :

- les délocalisations s'expliquent fréquemment par le refus d'innover et de rechercher la productivité ;

- on assiste aujourd'hui à un regain de l'intérêt pour acheter des produits locaux.

M. Dominique Poile a fait observer que le prix de revient n'était pas une condition déterminante en Asie pour l'implantation d'entreprises.

M. Jean-Jacques Mirassou, vice-président, a reconnu l'importance des projets de réimplantation, de la qualité des élus et de l'administration sur les territoires, mais a indiqué que cela n'était pas toujours suffisant. Le site DMC suppose en effet une « niche » reconnue sur le marché : au-delà d'une synergie entre les collectivités territoriales et les entreprises, c'est un schéma qui n'est pas transposable partout.

M. Dominique Poile a indiqué que le secret de la réussite pour le maintien de l'activité industrielle, résulte de la coïncidence de plusieurs éléments : le support, les accessoires et les préconisations, c'est-à-dire les propositions de modèles. La créativité est en effet la faculté de répondre aux besoins des clients en fonction des pays.

Puis la délégation a visité une partie du site, notamment les postes de retordage, c'est-à-dire d'assemblage des fils, de teinture et de rembobinage des fils.

B - TABLE RONDE SUR LA « FILIÈRE ÉNERGIE » AU CONSEIL GÉNÉRAL DU TERRITOIRE DE BELFORT

M. Yves Ackermann , président du conseil général du Territoire de Belfort, a accueilli les membres de la délégation.

M. Martial Bourquin, président , a relevé que les pays n'ayant pas de socle industriel puissant avaient été fragilisés par la crise financière. Il a ensuite précisé que le Territoire de Belfort constituait un exemple remarquable de réussite industrielle pour l'ensemble du territoire national.

M. Philippe Brilloit, directeur du site Alstom énergie de Belfort, a indiqué que deux éléments-clés lui semblaient nécessaires pour lutter contre la désindustrialisation des territoires :

- la flexibilité dans les relations avec les employés du secteur de l'industrie (par le biais, par exemple, d'horaires de travail plus facilement adaptables) ;

- une évolution culturelle devant aboutir à une acceptation de la concurrence et à une plus grande capacité à se remettre en cause.

Il a ensuite précisé que le groupe Alstom n'avait pas pour objectif de délocaliser, mais pour volonté de s'implanter au plus près des marchés auxquels il souhaite accéder. Il a cité le cas des marchés chinois et américains, qu'ALSTOM n'aurait pas pu alimenter depuis la France.

M. Jean-Jacques Mirassou , vice-président , s'est interrogé sur les capacités de l'industrie française à transférer une partie de ses technologies.

M. Philippe Brilloit a estimé qu'il fallait cibler les actions et accepter un certain nombre de compromis pour se positionner avec des partenaires à l'étranger et permettre un transfert de technologies.

M. Frédéric Alphonse-Felix , a précisé que la société WAMAR, dont il est le directeur général, s'était implantée à Belfort en raison du savoir-faire de ce territoire en matière d'énergie. Il a rappelé que les constructeurs les plus importants fabriquent toujours leurs turbines en Europe, mais a insisté sur la nécessité d'aider réellement les entreprises souhaitant investir dans le domaine de l'énergie, de l'aéronautique ou des hautes-technologies. L'objectif est d'éviter que ces filières ne quittent la France pour d'autres pays à faible coût de main d'oeuvre.

M. Martial Bourquin, président, a ensuite abordé la problématique de la réforme du crédit d'impôt recherche, précisant que la discussion au Parlement devrait permettre de le réserver davantage à l'industrie, notamment aux petites et moyennes entreprises innovantes.

M. Frédéric Alphonse-Felix a estimé que le crédit d'impôt recherche était un élément intéressant pour les entreprises déjà implantées en France, mais que ce dispositif n'était qu'indirectement attractif pour les investisseurs. En effet, ces derniers s'intéressent en priorité au coût de l'implantation industrielle dans notre pays. Le renforcement de l'industrie française suppose de développer des aides financières incitatives (subventions, prêts à taux zéro...) pour les investisseurs étrangers souhaitant démarrer une activité nouvelle sur notre territoire.

M. Martial Bourquin, président , a confirmé le ressenti d'une demande forte pour réorienter le crédit et l'épargne vers l'industrie.

M. Jean-Jacques Mirassou, vice-président , a précisé que ce redéploiement devait avoir pour corollaire une réhabilitation de la culture industrielle au sens large et l'obligation de maintenir en France une haute qualification de la main d'oeuvre.

M. Martial Bourquin, président , a ensuite rappelé que la place des collectivités territoriales était essentielle dans les relations avec les industries.

M. Yves Ackermann a confirmé l'importance de la proximité des élus locaux dans le montage des dossiers impliquant les industries.

M. Christian Proust , conseiller général, a estimé que la bataille pour l'industrie en France reposait sur trois axes :

- l'action de l'État, qui doit inciter voire contraindre les grands groupes à réindustrialiser ;

- le renforcement des synergies entre tous les partenaires (préfectures, chambres de commerce et d'industrie, associations patronales, acteurs locaux...) et le développement des outils d'économie mixte au niveau des bassins d'emplois, et non des régions ;

- le développement de la recherche et de la formation, au niveau notamment des pôles de compétitivité et des campus universitaires, dont la politique de rénovation doit être repensée pour ne pas rester essentiellement parisienne.

M. Martial Bourquin, président , a confirmé la nécessité d'une synergie globale entre l'État déconcentré, les collectivités territoriales et les chambres de commerce et d'industrie, au niveau des bassins d'emplois.

M. Jean-Jacques Mirassou, vice-président , a tenu à souligner le rôle primordial des élus locaux qui bénéficient de la confiance des investisseurs et des contribuables.

M. Martial Bourquin, président , s'est interrogé sur la place et le rôle des banques dans la dynamique de la réindustrialisation.

M. Frédéric Alphonse-Felix a regretté que les banques n'accordent de prêts aux industriels que lorsqu'OSEO, qui est financé par les entreprises elles-mêmes, intervient en soutien. Il a par ailleurs dénoncé la réforme de la taxe professionnelle, que la société WAMAR va devoir acquitter en dépit de précédentes promesses d'exonération.

M. Gilles Cassotti , commissaire à la réindustrialisation en Franche-Comté, a précisé que la situation de la société WAMAR au regard de la taxe professionnelle illustrait une situation atypique touchant seulement une dizaine d'entreprises en France. Il a affirmé que de manière générale, les entreprises étaient les grandes gagnantes de la réforme de cette taxe.

M. Cassotti a par ailleurs rappelé qu'OSEO était un outil phare du plan de relance, qui a eu le mérite d'intervenir lorsqu'aucun autre acteur ne souhaitait accorder de crédit.

M. Christian Proust a confirmé le rôle décisif d'OSEO mais a précisé qu'une expertise locale était nécessaire pour aider les établissements bancaires.

M. Yves Ackermann a ensuite relevé un paradoxe : les groupes tels que General Electric et ALSTOM ne génèrent pas beaucoup de sous-traitance autour d'eux.

M. Alain Seid a précisé que la chambre de commerce et d'industrie de Belfort, dont il assure la présidence, a répondu à ce paradoxe par la mise en place d'une filière énergie. A la demande des sous-traitants, l'État, les collectivités locales, les universités, les donneurs d'ordres et les clients ont accepté de travailler ensemble et en ont tous tiré un bénéfice.

M. Martial Bourquin, président , a indiqué qu'il avait relevé, sur l'ensemble du territoire, que les très petites entreprises souhaitaient des lieux d'échange et de dialogue dans le cadre de la mise en place de contrats de filière. Il a précisé que ce point serait abordé dans le rapport de la mission.

M. Yves Ackermann a ensuite attiré l'attention de la mission sur la problématique de la recherche publique, en soulignant qu'elle restait insuffisante et qu'elle devait être renforcée sur le Territoire de Belfort.

M. Martial Bourquin, président , a précisé qu'il était essentiel que les universités s'ouvrent sur l'industrie, qu'il fallait renforcer la filière technologique et que la recherche publique devait être soutenue pour servir d'appui à l'industrie.

C - TABLE RONDE SUR LA « FILIÈRE AUTOMOBILE ET ENTREPRISES DIVERSIFIÉES » À PAYS DE MONTBÉLIARD AGGLOMÉRATION

M. Pierre Moscovici, président de Pays de Montbéliard Agglomération , a accueilli les membres de la délégation en rappelant que le problème de la désindustrialisation mobilise en permanence les services de la communauté d'agglomération sur le territoire du Pays de Montbéliard. Il a rappelé qu'aucune politique économique nationale, aucune politique de développement ne pouvait se passer d'un volet industriel fort, robuste et innovant. L'industrie a en effet façonné le territoire du pays de Montbéliard, mais elle représente également l'avenir de ce territoire.

Les solutions nouvelles comme les véhicules propres, les moteurs hybrides, les centrales de mobilité, font appel à des technologies innovantes et à une modification en profondeur de la filière automobile. Aujourd'hui, les emplois situés à l'amont de la filière talonnent les emplois de production. Il est ainsi impératif d'accompagner cette mutation afin de garantir la pérennité de cette industrie et surtout les emplois qui s'y attachent.

Il a indiqué vouloir agir comme une « autorité organisatrice de développement » avec les autres partenaires publics et les entreprises dans une dynamique offensive d'investissement, d'accompagnement des entreprises qui innovent ou se développent, de soutien à la recherche et aux activités de services et de production qui se déploient à la faveur des évolutions de cette industrie, afin de favoriser la mise en place d'un véritable écosystème permettant innovation et maintien de l'emploi.

Il est convenu que cette mutation entraînait obligatoirement des situations difficiles, comme le montre le taux de chômage élevé - presque 13% - engendré par la crise. Mais la collaboration de tous les acteurs locaux a permis de limiter la casse pour deux situations très difficiles, les équipementiers Key Plastics et EAK.

Il a enfin rappelé que la France avait de nombreux atouts et que les élus devaient être les interlocuteurs privilégiés entre l'Etat et les industriels pour définir des stratégies et des politiques nationales dans le domaine de l'industrie automobile.

M. Martial Bourquin, président , a indiqué que le rapport rendu au nom de la mission commune d'information serait présenté en assemblée plénière devant le Sénat en février 2011. Les membres de la mission ont travaillé en combinant l'organisation d'auditions d'experts, d'économistes, de chefs d'entreprises ou de partenaires sociaux à un certain nombre de déplacements dans les territoires. Elle se rendra d'ailleurs à Stuttgart le 8 décembre 2010 afin de faire le point sur la situation des Länder en matière industrielle.

Il a rappelé que cette mission avait pour but d'étudier les causes de la désindustrialisation et de proposer des pistes pour une vraie politique industrielle forte, par le biais d'échanges comme le permet cette table ronde, avec des entreprises qui affrontent quotidiennement et concrètement la crise économique et les problèmes de restructuration de filières.

M. Mermilliod, Président directeur général de Peugeot-Japy , a retracé son parcours aux membres de la mission, entièrement fondé sur la conviction de l'importance de l'industrie française. Après avoir été pendant 25 ans président de la filiale française de Bosch, où il a été confronté aux problèmes de compétitivité de l'industrie française par rapport à l'Allemagne, il est arrivé chez Peugeot-Japy qui souffrait d'équipements vétustes et d'une production médiocre. Il a estimé que cette entreprise pouvait être compétitive sur le long terme sans délocaliser, et a voulu prouver ainsi que l'industrie française n'était pas morte.

Il a indiqué que cette compétitivité ne pouvait s'obtenir que par une qualité de premier rang mondial, sans laquelle la production industrielle en France n'avait aucune chance. Face à des pays comme la Chine ou l'Inde, il est indispensable d'avoir des produits à forte valeur ajoutée et donc d'investir dans des machines sophistiquées. C'est ainsi qu'aujourd'hui, Peugeot-Japy est le seul fournisseur pour deux pièces particulières, ce qui est le seul moyen de peser face à des concurrents mastodontes. A Montbéliard, tous les ingrédients sont réunis pour développer la compétitivité industrielle comme en Allemagne. Sans industrie, aucune croissance n'est possible à terme pour l'économie française.

Il a également indiqué qu'il était inacceptable pour une grande entreprise française, de refuser de travailler avec un fournisseur arguant du fait qu'il n'a pas délocalisé dans un pays low cost en main d'oeuvre. Il faut aujourd'hui résister pour rester en France. Et c'est une question de volonté : il est possible d'être compétitifs avec le monde entier en restant dans le bassin de Montbéliard.

Il a enfin évoqué deux mesures ayant permis aux entreprises de sortir de la crise :

- le travail d'Oséo : les banquiers n'ont prêté qu'avec la garantie de l'Etat ;

- la médiation du crédit.

M. Pierre Moscovici a interrogé M. Mermilliod sur le partenariat des entreprises du bassin de Montbéliard avec les collectivités territoriales, notamment en matière de financement. La communauté d'agglomération du pays de Montbéliard est intervenue de deux manières :

- par le rachat d'une partie des terrains industriels de ces entreprises en difficulté ;

- en garantie d'emprunt.

Il a indiqué que cette intervention en garantie d'emprunt ne pouvait être que conjoncturelle et liée aux difficultés du système bancaire car elle est à la limite de leurs compétences.

M. Para, directeur de Teknaus , a indiqué qu'il rejoignait les propos de M. Mermilliod, ayant vécu, à un niveau différent, à peu près la même expérience pour son entreprise de production mécanique et de machines-outils. L'entreprise Teknaus travaillait auparavant à 90% pour le secteur automobile, mais celui-ci ayant décidé de se délocaliser dans les pays low cost, il ne représente plus que 30% de ses commandes, contre 70% d'exportations. L'entreprise a gardé son personnel malgré la crise en investissant trois millions d'euros en deux ans qui lui ont permis de s'adapter, notamment aux énergies renouvelables et solaires.

Il a également insisté sur l'importance de la formation des jeunes, à l'image de l'Allemagne, où l'apprentissage et la formation alternée sont la règle.

M. Jombard, directeur du site PSA à Sochaux , a donné aux membres de la délégation quelques indications sur son entreprise :

- 25% de sa production est vendue en France ;

- 67% de ses effectifs travaillent en France ;

- 42% des produits sont fabriqués en France.

Il a souligné que PSA Sochaux ne s'était pas délocalisé dans les pays low cost. Selon lui, pour des produits volumineux comme les véhicules automobiles, il est avantageux pour un constructeur de produire au plus proche du consommateur, ce qui présuppose un certain nombre de conditions :

- mettre à niveau notre outil industriel souvent ancien, concurrencé par l'outil industriel récent d'autres pays et donc investir pour le rationaliser ;

- innover, c'est-à-dire investir dans la recherche et développement.

Ces deux conditions supposent une stratégie globale comportant d'importants investissements.

M. Emmanuel Kerrand, directeur technique de General Electric , a indiqué que General Electric était présent sur le territoire de Belfort depuis 1959 et que 1900 personnes y travaillaient aujourd'hui. Il a lui aussi insisté sur l'importance de la formation et notamment de la formation en alternance. Il a également mis en avant un certain nombre d'objectifs :

- combiner la recherche et développement ;

- favoriser le développement d'un tissu avec les PME sur le long terme, afin d'avoir des PME de premier niveau ;

M. Martial Bourquin, président, a indiqué que le crédit d'impôt recherche (CIR) était une question essentielle, soulignant la présence indispensable, à côté des sites industriels, de sites universitaires de qualité. Il a insisté sur l'importance de la recherche publique.

Mme Sirantoine, DRH de Trevest, a indiqué que son entreprise, appartenant au groupe Trêves, avait été aidée par l'Etat pour passer le cap difficile de la crise. La formation a été également très importante, notamment par le biais de parcours qualifiants. A ce titre, elle a considéré qu'il serait important également, de réfléchir à la formation des seniors. En période de crise, il est indispensable d'adapter ses compétences, d'améliorer la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences afin de créer des passerelles entre les emplois sur le territoire.

M. Pierre Moscovici a tenu à souligner le rôle important de la communauté d'agglomération dans le cadre de plusieurs objectifs :

- un soutien à l'innovation et au développement des entreprises du territoire : le Pays de Montbéliard conforte tout d'abord le coeur de son identité industrielle, à savoir son pôle automobile, en favorisant toutes les activités de recherche, de services et de production dans ce secteur. La F-City, véhicule électrique, produite par FAM à Etupes, en est un exemple. En matière d'innovation, l'agglomération a créé un centre d'essais de moteurs, « centre d'étude et de modélisation de la boucle d'air » afin d'améliorer les performances et l'optimisation de la boucle d'air dans la dépollution des moteurs : ce projet, porté par la société d'économie mixte Futura, est labellisé par le pôle véhicule du futur et fortement capitalisé par les collectivités territoriales, en particulier par l'agglomération. Concernant le pôle véhicule du futur plus particulièrement, la collectivité contribue financièrement à son fonctionnement, en payant un directeur de programme. Par ailleurs, elle finance les projets innovants qui concernent le territoire : depuis la création du pôle, elle a contribué à hauteur de 4 millions d'euros. Au-delà du soutien financier, les projets sont également accompagnés par le service économique de l'agglomération ;

- un investissement dans l'enseignement supérieur et la recherche : Faurecia système d'échappement a décidé de recentrer en 2008, son centre mondiale de R et D sur un seul site. L'agglomération a apporté plus de 2 millions d'euros (par rachat de bâtiments) soit la moitié des 4 millions d'euros que Faurecia a obtenu des partenaires publics. Ce projet inauguré en avril 2010 a permis de fixer plus de 300 ingénieurs et chercheurs sur le territoire, et suite au rachat d'EMCON par Faurecia, la perspective de développement du centre est envisagée à 600 collaborateurs. Ce dossier symbolise bien la mutation de l'industrie et l'accompagnement indispensable des collectivités territoriales vers une économie de la connaissance. Sur le plan de la formation, l'université Belfort Montbéliard a créé un département « ergonomie design » qui s'attache à former des ingénieurs mécaniciens, également compétents dans l'ergonomie et en particulier dans l'adaptation des postes de travail. Cette spécialité est en phase avec l'évolution de la filière.

- un accompagnement du développement des entreprises et de la diversification de son économie : en matière de diversification, Pays de Montbéliard Agglomération mène dans ce cadre une politique de développement volontariste dans des domaines privilégiés comme les technologies de l'information et de la communication. Le tourisme enfin, devient une composante déterminante de la politique du territoire pour développer son image de marque et ainsi renforcer son attractivité. La filière bois, qui est une filière d'avenir pour le territoire, est également structurée. Concernant l'accompagnement du développement des entreprises, l'agglomération a été amenée à intervenir en lisière de ses compétences. Elle a ainsi soutenu FAM Automobiles, entreprise implantée à Etupes, à hauteur de 200 000 euros, pour la conception d'un véhicule modulable et sans émission de CO 2 . Elle procède également à l'achat de 5 véhicules pour implanter un système d'auto-partage à Montbéliard. Pays de Montbéliard Agglomération est également intervenue pour soutenir Peugeot-Japy : elle a injecté 1,4 millions d'euros en rachetant à l'entreprise des locaux qu'elle continue à utiliser moyennant un loyer et a garanti un emprunt de 4 millions d'euros pour assurer le remboursement de l'avance d'Oseo. Sans cette action de l'agglomération qui s'est substituée ici aux banques, l'entreprise n'aurait pas pu passer ce cap stratégique ;

- une modernisation des outils de développement : l'agglomération a décidé de créer une société d'économie mixte patrimoniale pour faciliter l'implantation des entreprises avec la meilleure réactivité possible. Celle-ci devrait être opérationnelle début 2011 et une partie du capital sera constituée par le patrimoine immobilier de Pays de Montbéliard agglomération. Le dispositif Prisme, qui consiste en un conseil en management stratégique, permet de connaître en profondeur le tissu local des compétences et des savoir-faire. « Pépinière d'entreprise » est par ailleurs un outil déterminant de soutien à la création d'entreprises géré par l'agglomération. Enfin, la société d'économie mixte Numérica est financée par l'agglomération : son objectif est de développer une filière du numérique et de favoriser la mutation des entreprises dans ce domaine ;

- le maintien de l'activité industrielle sur le territoire : à ce titre, l'agglomération dispose d'un certain nombre d'outils de l'emploi, tels que la Mission locale du Pays de Montbéliard (MILO) ou encore la Maison de l'emploi. Concernant cette dernière, le budget 2011 prévoit un maintien de la participation de l'agglomération à son financement alors que l'Etat annonce une baisse de 37% de sa contribution. Par ailleurs, depuis janvier 2010, la collectivité a confié à la Maison de l'emploi le portage du Plan local pour l'insertion et l'emploi. Enfin, la question de l'intérim est une préoccupation forte de la collectivité. Il est en effet trop souvent utilisé comme une variable d'ajustement ;

- un souci permanent de l'attractivité du territoire : la notion d'Aire urbaine est importante dans la mesure où la géographie humaine a considérablement évolué depuis 30 ans du fait de l'étalement urbain, du développement des transports et de l'essor des nouvelles technologies. L'enjeu du développement économique ne s'arrête pas à l'intervention directe auprès des entreprises mais passe par la revalorisation de l'image et par la capacité du territoire à attirer des investisseurs et des porteurs de projets, mais aussi des nouveaux habitants.

Il a souhaité, en conclusion, que la mission puisse permettre d'éclairer les différents acteurs sur la façon de conforter un site « France » industriel.

M. Jacques Troncy, sous-préfet de Montbéliard, a souligné l'enjeu constitué par la déclinaison locale de la politique nationale en matière industrielle. L'Etat et les partenaires locaux ont dû se coordonner et travailler en réseau afin d'être plus efficients. La crise doit permettre de mettre en relief des perspectives de développement. Il a rappelé que la réorganisation des services de l'Etat au niveau local constituait un outil sur lequel s'appuyer afin de mettre en oeuvre la politique industrielle sur les territoires : ainsi la création des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi dans le domaine économique ainsi que la nomination de commissaires à la réindustrialisation témoignent d'une forte mobilisation des services de l'Etat.

M. Martial Bourquin, président, a estimé que le développement d'une entreprise était toujours un remède à la crise sur les territoires. Il a indiqué le soutien de l'Etat et des collectivités territoriales aux entreprises, perceptible pendant la crise, devait être poursuivie. Il a rappelé que la volonté était fondamentale si l'on veut renouer avec des productions industrielles de haut niveau. Il a souligné également l'importance du lien entre les entreprises et les territoires. La France reste la première destination des investissements étrangers. Cet accueil doit se concrétiser, par exemple sous la forme d'un guichet unique, et la création d'entreprises facilitée. Il a conclu en évoquant, à son tour, l'importance de la question de la formation en alternance, qui doit être encouragée.

D - RENCONTRE AVEC LES PARTENAIRES SOCIAUX

La délégation a enfin reçu les partenaires sociaux dans les locaux de Pays de Montbéliard Agglomération.

M. Martial Bourquin, président a accueilli les partenaires sociaux et leur a exposé les objectifs de la mission commune d'information. Il a rappelé qu'elle était largement fondée sur le constat de l'absence de véritable politique industrielle en France et a indiqué qu'elle remettrait, en février 2011, un rapport présentant un diagnostic de la désindustrialisation ainsi que des pistes pour une réindustrialisation des territoires.

Mme Esther Sittler a rappelé que la mission avait auditionné aussi bien les grandes entreprises que les PME.

M. Bruno Le Merle, représentant syndical de la CGT PSA-Sochaux , a indiqué que la question essentielle dans le Pays de Montbéliard était celle de l'avenir de l'industrie automobile. Il a insisté sur l'ampleur de la désindustrialisation et sur l'explosion de la précarité avec plus de 2000 intérimaires aujourd'hui dans la filière automobile. Il a rejoint les propos de M. Bourquin sur l'absence d'une véritable politique industrielle française, ajoutant que certaines politiques mises en oeuvre favorisent au contraire la désindustrialisation.

Il a relevé les causes de la chute de l'emploi industriel :

- des gains de productivité à courte vue : l'industrie compte aujourd'hui moins de salariés, mais ceux-ci souffrent davantage ;

- des politiques de restructurations et de délocalisations qui traduisent le choix d'un certain nombre de donneurs d'ordre et posent la question des priorités des décideurs économiques.

Il s'est par ailleurs interrogé sur les moyens mis en oeuvre pour réguler les échanges. Les délocalisations ne débouchent en effet généralement pas sur des réimportations, d'autant que le coût des transports augmente considérablement.

Il a également indiqué qu'il devrait y avoir des règles pour ne pas mettre en concurrence les systèmes sociaux et environnementaux des différents pays et pour favoriser les circuits courts.

Il a enfin évoqué les conséquences des politiques de l'euro fort.

M. Jean-Jacques Mirassou, vice-président, s'est interrogé sur une éventuelle évaluation des entreprises qui ont délocalisé.

M. David Barbier, représentant syndical de la CFDT de Trevest, a estimé que les plus grosses entreprises ont bénéficié d'un effet d'aubaine. Il a ajouté que la valeur de partenariat avait disparu, au profit de la notion de coût final. Alors que les infrastructures existent sur le territoire national, il faut développer un partenariat sur la recherche et sur les nouvelles technologies. Les constructeurs et les équipementiers devraient travailler main dans la main : or aujourd'hui il n'y a aucune garantie, un constructeur peut se désengager du jour au lendemain et ce comportement doit être dénoncé.

Il a considéré qu'il y avait dans cette absence de partenariat une différence d'approche culturelle avec l'Allemagne par exemple, et qu'un des enjeux majeurs aujourd'hui était la capacité à créer du lien social.

M. Alain Husson, représentant syndical de la CFE - CGC, a rappelé le passé prestigieux de l'industrie en France, regrettant que l'on soit passé d'une époque de constructeurs à une époque de destructeurs et que la proximité, la confiance et l'engagement sans limite du personnel aient disparu du monde de l'entreprise. Il a estimé que les salariés travaillaient aujourd'hui avec un sentiment de mal être, quel que soit leur métier. Il s'est également inquiété de l'apparition aujourd'hui d'un « commerce de l'industrie », qui peut être dangereux.

M. Stéphane Faucogney, représentant syndical de l'Union locale de l'UNSA, a partagé lui aussi le constat de l'absence de politique industrielle et surtout de véritable politique de filières, dans les secteurs de l'automobile, du bois ou de l'énergie par exemple, estimant que les filières permettent de préserver les emplois.

Il a également regretté que les PME soient généralement déconnectées du monde de la recherche.

M. Martial Bourquin, président, a souligné l'importance de la question des normes sociales et environnementales pour pouvoir faire émerger une véritable politique industrielle européenne, inexistante aujourd'hui. La politique de l'euro fort est également aujourd'hui largement pénalisante, pour les exportations notamment.

Il a évoqué la nécessité de mettre en oeuvre des contrats de filières qui permettraient aux PME, aux équipementiers et aux grands donneurs d'ordres de travailler ensemble sur une période de plusieurs années.

Il a également insisté sur l'importance, lorsqu'une entreprise est en difficulté, de la dimension humaine et de la sécurisation des parcours professionnels. Une solution pourrait être, en période de crise, de sortir les employés de l'entreprise et de leur faire bénéficier d'une formation en attendant la reprise de l'activité.

M. Jean-Jacques Mirassou, vice-président, a opposé les diagnostics du monde du travail et du patronat. Si l'on considère que le seul moyen de garantir l'activité est de jouer sur la flexibilité, il faut alors avoir les moyens objectifs d'apprécier la situation. Or, il y a souvent un déficit d'explications.

M. Bruno Le Merle a estimé que les donneurs d'ordre avaient bénéficié de l'effet d'aubaine de la crise, dans la mesure où ils ont la main sur la restructuration de la filière sans transparence ni négociation. On décide aujourd'hui ce que sera la politique de la région pendant deux ans. S'il est indispensable de construire des filières, il faut savoir qui définit ces politiques. Par ailleurs, il a rappelé que la CGT avait des propositions pour moduler les cotisations sociales en fonction des politiques d'emploi des entreprise : une entreprise qui se développe en matière d'emplois pourrait avoir un niveau moindre de cotisations sociales par exemple.

M. Martial Bourquin, président, a insisté sur l'idée de « territoire » et sur une nécessaire triangulation, au sein de contrats de filières, entre les donneurs d'ordres et les équipementiers, les élus et l'Etat.

M. Jean-Jacques Mirassou, vice-président, a ajouté que ces contrats devraient comprendre également la garantie que l'entreprise restera sur le territoire.

M. Martial Bourquin, président, a rappelé qu'il était indispensable de développer une culture du dialogue social, qui constitue une clé de la productivité.

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